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Mars 2023
Marquée par une instabilité politique permanente et une catastrophe naturelle sans précédent (le séisme du 12 janvier 2010), la société haïtienne vit dans un chaos sans fin. Dans ces 14 courts textes, Laënnec Hurbon, l’un des plus grands penseurs haïtiens actuels, tente de comprendre les raisons profondes de cette situation, en la replaçant dans le temps long et dans le contexte plus large de la Caraïbe et de l’Amérique latine. Laënnec Hurbon aborde d’abord la question fondamentale de l’esclavage : les traces laissées par cette expérience sur la société haïtienne sont vivaces, malgré une volonté d’oubli exprimée dès l’instauration de l’indépendance en 1804. L’auteur analyse notamment les rapports entre esclavage, femmes et religions. Les religions jouent en effet un rôle majeur en Haïti : elles furent un outil d’émancipation pendant la période esclavagiste ; elles sont considérées aujourd’hui comme un moyen de répondre à une quête éperdue de sens et prennent une place accrue dans l’espace public, pentecôtistes, adventistes et témoins de Jéhovah en tête. Avancée de l’influence américaine qui met à mal le vaudou, cette attraction traduit aussi un besoin de reconnaissance de la frange la plus laissée-pour-compte de la société à laquelle le politique n’offre aucune perspective, gangrené qu’il est par la corruption. Laënnec Hurbon rappelle à ce titre que depuis deux siècles, Haïti ne parvient pas à instaurer un système politique démocratique qui garantisse égalité entre citoyens et souveraineté nationale. Mais pour construire l’autonomie individuelle comme la souveraineté collective, il faut pouvoir se libérer des séquelles de l’assujettissement et du ressentiment afin de penser un monde à soi, se libérer aussi d’une oligarchie qui mêle pouvoirs politique et économique.
janvier 2023
Laënnec Hurbon nous transmet cet appel urgent, une réponse à une actualité dramatique.
Terre immergée dans les traditions africaines, Haïti, la « Perle des Antilles » ou « Pays de montagnes » en langue taïno, est la nation où les esclaves noirs ont fait preuve de la plus grande résilience.
Le 14 août 1791 dans la forêt de Bois Caïman, le prêtre vaudou Dutty Boukman organise une cérémonie avec le soutien de la prêtresse Cécile Fatiman, une « mambo » qui accomplit des sacrifices. Lors de cette nuit orageuse mémorable, les participants réduits en esclavage ont juré solennellement que la servitude serait condamnée, prêtant serment de se battre ou de mourir. Ils obéiront plus tard aux ordres de Toussaint Louverture dans la révolte orchestrée par le remarquable leader. Sa victoire épique – rare, voire unique – contre l’un des pires crimes jamais commis contre l’humanité, continue d’être racontée par beaucoup de gens. Toussaint, stratège et visionnaire insulaire de la Caraïbe, a vaincu l’obstiné Napoléon, un insulaire originaire de Corse. Cette victoire historique a été chantée par de grands poètes comme Aimé Césaire.
Le 1er janvier 2023, la première république noire célèbre le 219e anniversaire de sa glorieuse indépendance. Pourtant, la Perle des Antilles se meurt.
Haïti a été obligé de payer une rançon à la France en compensation aux propriétaires d’esclaves français pour les biens perdus, sinon l’esclavage serait réimposé et Haïti envahi. En mai 2022, le New York Times a publié une série d’articles bien documentés intitulée « La Rançon : Les Milliards Perdus d’Haïti » [The Ransom : Haiti Lost Billions], qui raconte cette perfidie. Port-au-Prince a jusqu’à présent versé jusqu’à 115 milliards de dollars à la France, une somme faramineuse pour Haïti, une rançon qui a lourdement endetté ce pays pauvre. La mauvaise gouvernance, la corruption et les invasions s’ajoutent à un fardeau déjà insupportable pour le peuple haïtien. De plus, l’occupation militaire américaine, de 1915 à 1934, avait une grande banque de New York comme principal bailleur de fonds. En fin de compte, tous ces facteurs ne pouvaient qu’aboutir à un État défaillant alimenté pendant de nombreuses décennies par l’adrénaline de la violence et les soubresauts de l’anarchie et du chaos. Les ravages des tremblements de terre, la déforestation massive et l’exil de ses citoyens ont aggravé le sort d’Haïti.
Tourmentée et délaissée, installée dans l’instabilité, Haïti semble proche du naufrage. La situation sécuritaire est désastreuse. La famine touche près de cinq millions de personnes. Peu après le tremblement de terre de 2010, une épidémie de choléra importée par les casques bleus de l’ONU a éclaté en Haïti alors qu’aucun cas n’y avait été détecté depuis plus d’un siècle. Face à ces accusations, le Secrétaire général des Nations Unies de l’époque, Ban Ki-moon, a eu le courage et l’intégrité de présenter des excuses officielles. Aujourd’hui, la recrudescence du choléra cause plus de morts. Le 21 décembre 2022, s’adressant au Conseil de sécurité, la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Amina J. Mohammed, a déclaré qu’« Haïti se trouve dans une crise qui s’aggrave, d’une ampleur et d’une complexité sans précédent, qui suscite de graves inquiétudes ».
L’un des plus grands défis est qu’une grande partie de Port-au-Prince – une capitale de près de 3 millions d’habitants – est aux mains de gangs. Leurs noms sont tirés de tragédies urbaines – 400 Mawazos, Chen mechan, Cracheurs de feu…. La liste des chefs de gangs comprend Barbecue, Gaspiyai…. Leur seule motivation semble être financière et criminelle. Les gangs ont pris le pays en otage : ils tuent ; ils violent ; ils volent. La violence sexuelle est le terreau d’un avenir dans lequel la société risque de manquer de cohésion.
La police est soit débordée, soit complice. L’armée haïtienne, ce souvenir macoute pas si lointain, a été démantelée par la communauté internationale dans les années 1990. Les soldats démobilisés n’ont jamais été correctement réinsérés dans la société. Le système judiciaire est moribond. À ce jour, la communauté internationale n’a pu financer que moins de 20% des besoins humanitaires actuels en Haïti, alors qu’ailleurs dans le monde, des milliards de dollars affluent généreusement pour atténuer d’autres crises humanitaires.
Haïti, le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental est pris dans un cauchemar récurrent, comme si le pays revivait les aventures contées dans Les Comédiens, chef-d’œuvre publié par Graham Greene en 1966. Le roman, situé sous le règne de François « Papa Doc » Duvalier et ses Tontons Macoutes, explore la répression politique et le terrorisme qui sévissent en Haïti, et particulièrement à Port-au-Prince.
Cependant, Haïti ne doit pas être considéré uniquement comme une histoire tragique et brutale. Le pays de Makandal, de Toussaint et de Dessalines est doté d’une créativité magnifique et soutenu par un espoir remarquable. Haïti a toujours été culturellement brillant et intellectuellement stimulant.
L’emblématique hôtel Oloffson à Port-au-Prince attirait autrefois des groupes tels que les Rolling Stones. Par la suite, des processions infernales des Ra-Ra par le groupe de « musique racine » RAM ont envahi l’hôtel. Haïti est aussi le pays du talentueux musicien Wycleff Jean ; le groupe Tabou Combo ; ou encore l’inoubliable Jean Gesner Henry, alias Coupé Cloué ou « l’Africain », le roi du kompa mamba, un style musical entraînant répandu dans le monde entier. Écrivains, dramaturges, cinéastes, poètes, artistes, éducateurs, musiciens et artisans abondent. La superbe beauté de la campagne est louée dans les livres du neurologue, romancier et poète haïtien Jean Métellus (1937 – 2014), comme dans Jacmel au crépuscule. Christophe, roi tragique, est immortalisé dans un chef-d’œuvre d’Aimé Césaire, le géant littéraire de la Martinique voisine. Pendant plus d’un siècle, Haïti a aussi donné naissance à de magnifiques auteurs et poètes : Joseph Anténor Firmin, Louis Joseph Janvier, Justin Lhérisson, Jean-Price Mars, Félix Morisseau-Leroy, Charles Moravia, Frankétienne, Anthony Phelps, Dany Laferrière, Louis-Philippe Dalembert, Edwige Danticat, René Depestre… et bien d’autres.
Les plus grandes tragédies, comme le tremblement de terre de 2010, ont certainement tué et mutilé de nombreuses personnes, détruisant les infrastructures. Mais ces drames n’ont pas ébranlé l’âme de ce pays étonnant et attachant. Comme l’intrépide femme haïtienne, Haïti reste étonnamment debout, et sa culture vibrante.
La communauté internationale, les organisations sous-régionales et régionales, les universitaires, les médias, les communicateurs, le secteur privé, la bourgeoisie compradore haïtienne : tous ont une responsabilité envers Haïti. Ce n’est pas une conversation facile. Les questions migratoires sont un sujet brûlant dans la plupart des pays occidentaux. En septembre 2021, des images de gardes américains à cheval armés de fouets repoussant des migrants haïtiens à la frontière avec le Mexique ont fait grand bruit dans le monde. Mais ces coups de fouet de l’époque de la traite des esclaves ne peuvent pas réécrire l’histoire héroïque que les Haïtiens ont rédigé avec leur sang, leur sueur, leurs larmes et leur courage. Haïti est le seul soulèvement militaire dirigé par des esclaves qui a pu renverser une puissance coloniale esclavagiste. Les Haïtiens sont des gens très courageux.
La communauté internationale a été appelée à intervenir et à combattre les gangs. Tout comme les murs en tôle ondulée des bidonvilles d’Haïti n’arrêteront pas les balles perdues, notre éloignement physique d’Haïti n’empêchera pas la tragédie de percer nos âmes et nos zones de confort. À la lumière des échecs passés, on peut honnêtement se demander si une intervention militaire étrangère en Haïti apporterait une solution durable. Dans tous les cas, l’inertie n’est pas une option. Toute intervention doit revisiter l’histoire et en tirer les leçons, donner la priorité à la sécurité, promouvoir et soutenir activement la justice tout en contribuant à renforcer la confiance et la bonne gouvernance. La situation doit être abordée dans son ensemble, sans délai. Ce que la communauté internationale fera ou ne fera pas est d’une importance cruciale. Néanmoins, nous soutenons les citoyens haïtiens qui veulent la fin de l’anarchie et de la violence, qui veulent la justice. Pour mesurer la force et la valeur d’une famille, il faut observer la solidarité avec laquelle elle protège les plus vulnérables de ses membres. La première république noire, peut-être la plus fragile de la famille des Nations, manque de nourriture, d’eau potable, de carburant, de paix, de justice.
Nous lançons cet appel urgent : agissons maintenant, avec une nouvelle et authentique bienveillance, quels que soient les risques, et sans intentions géopolitiques individuelles. Les populations haïtiennes sont en danger. L’histoire ne sera pas tendre avec ceux qui resteront inactifs ou qui choisiront de regarder ailleurs.
Ce serait de la non-assistance à un peuple en danger.
Il est difficile d’envisager la résolution de ce nœud gordien sans intervention extérieure. Le peuple haïtien ne pourra voter et choisir librement ses dirigeants que s’il y a la sécurité.
Un membre de la famille des nations est pris en otage par les contours des injustices historiques, de la mauvaise gouvernance récurrente et de la brutalité des gangs armés : toute la famille doit intervenir pour que ce membre soit libéré des preneurs d’otages ainsi que des contingences des échecs antérieurs. Les Haïtiens voleraient de leurs ailes vers les sommets du développement humain, nous l’espérons sincèrement. Rester les bras croisés n’est pas une option.
Rassemblons donc nos forces pour un succès en Haïti, et comme l’avait prédit Césaire, il y aura de la place pour tout le monde au rendez-vous de la victoire.
Sinon, nous serons tous coupables de ne pas avoir aidé ce peuple héroïque en danger.
Répondons à l’exhortation poétique de Jean Métellus. De son exil il y a quelques décennies, son poème était un beau cri, " Au pipirite chantant" . Sa complainte n’a pas pris une ride. C’est le plaidoyer du
« paysan haïtien qui au pipirite chantant,
méprise la mémoire et fabrique des projets
Il révoque le passé tressé par les fléaux et les fumées
Et dès le point du jour il conte sa gloire sur les galeries fraîches
des jeunes pousses »
Nous sommes aux côtés des Haïtiens. Agissons maintenant. Pour Haïti, pour l’humanité.
(*) Signataires :
. Adama Dieng, l’initiateur de cette tribune, est ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies. Il a servi à l’ONU en tant qu’ancien Conseiller spécial pour la prévention du génocide et Greffier du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Il est également un ancien membre du Conseil d’administration de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA).
. Macky Sall, Président du Sénégal, Président de l’Union Africaine.
. José Ramos-Horta, Président de la République démocratique du Timor-Leste ; co-récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1996.
. Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africaine ; Ancien Premier Ministre du Tchad.
. Alpha Oumar Konaré, ancien Président du Mali ; ancien Président de la Commission de l’Union africaine ; ancien Président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
.
Goodluck Ebele Azikiwe Jonathan, ancien Président du Nigéria ; Médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
. Catherine Samba-Panza, ancien Chef d’État, République Centrafricaine.
. La Très Honorable Michaëlle Jean, ancienne gouverneure générale du Canada ; ancienne envoyée spéciale de l’UNESCO pour soutenir les efforts de reconstruction en Haïti ; ancienne Chancelière de l’Université d’Ottawa ; ancienne Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
. Phumzile Mlambo-Ngcuka, ancienne Vice-Présidente de l’Afrique du Sud ; ancienne Directrice exécutive d’ONU Femmes ; Ancienne coprésidente du Groupe des Hauts fonctionnaires d’ascendance africaine des Nations Unies (UNSAG).
. Epsy Alejandra Campbell Barr, ancienne Vice-Présidente du Costa Rica ; Présidente du Forum permanent des personnes d’ascendance africaine.
. Graça Machel, Présidente du conseil d’administration de la Fondation Graça Machel (Graça Machel Trust).
. Miguel Ángel Moratinos, ancien Haut représentant de l’Alliance des civilisations des Nations Unies ; ancien Président en exercice de l’OSCE ; ancien ministre espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération.
. Sir Dennis Byron, ancien Président de la Cour de justice des Caraïbes ; ancien Président du Commonwealth Judicial Education Institute ; ancien Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ; Président du Conseil de justice interne des Nations Unies.
. Serge Letchimy, Président du Conseil exécutif de la Martinique et ancien membre de l’Assemblée nationale française.
. Mujahid Alam (Général à la retraite), Directeur du Lawrence College, Ghora Gali, Murree, Pakistan.
. Sonia Maria Barbosa Dias, Spécialiste de l’éducation, São Paulo, Brésil.
. Mbaranga Gasarabwe, ancienne Représentante spéciale adjoint de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ; ancienne Coordonnatrice Résidente des Nations Unies au Mali ; ancienne Sous-Secrétaire générale des Nations unies pour la sûreté et la sécurité.
. Souleymane Bachir Diagne, Philosophe ; Directeur de l’Institut d’études africaines et professeur de français et de philosophie à l’Université de Columbia.
. Andrew Thompson, Professeur d’histoire impériale mondiale à l’Université d’Oxford et professeur titulaire au Nuffield College d’Oxford.
. Othman Mohamed, ancien Juge en chef de Tanzanie et président de la Commission d’enquête sur la mort de Dag Hammarskjöld.
. Amadou Lamine Sall, Lauréat de l’édition 2018 du Prix Tchicaya U Tam’si de Poésie Africaine ; Lauréat en 1991 du Prix du rayonnement de la langue et de la littérature française, décerné par l’Académie française.
. Sheila Walker, Ph. D., Auteure ; Anthropologue culturelle et réalisatrice de documentaires ; Directrice exécutive d’Afrodiaspora, Inc.
. Jean-Victor Nkolo, ancien porte-parole de trois Présidents de l’Assemblée générale des Nations Unies ; a travaillé dans dix opérations de maintien de la paix de l’ONU, y compris en Haïti.
. Euzhan Palcy, Réalisatrice, scénariste et productrice de films (Martinique, France).
. Bacre Waly Ndiaye, Avocat au Barreau du Sénégal ; Ancien membre de la Commission Vérité et Justice en Haïti.
. Willem Alves Dias, Monteur de films, Brésil.
. René Lake, Journaliste et Expert en développement international.
. Doudou Diène, Juriste sénégalais ; ancien Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.
. Ben Kioko, Juge, ancien Vice-Président de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
. Aver-Dieng Ndaté, Avocate au Barreau de Genève, Vice-Présidente de la Conférence Africaine de la Paix.
. Carol Christine Hilaria Pounder-Kone, alias CCH Pounder, Actrice et philanthrope ; Collectionneuse d’art ; activiste du VIH/Sida ; co-fondatrice du musée Boribana à Dakar.
. Akere Tabeng Muna, Avocat et Consultant juridique international sur la gouvernance et la lutte contre la corruption ; ancien président de l’Union Panafricaine des Avocats ; ancien président du Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine (ECOSOCC) ; ancien président du Groupe de personnalités éminentes du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP).
Small-Scale Fishery in Haiti
Sous la direction de Gilbert David
IRD Éditions
Collection : Expertise collective
mai 2022
Livre papier
format 160 x 240 248 pages En stock
25,00 €
eBook - Synthèse en français [PDF]
248 pages Téléchargement immédiat
Présentation
Au delà de la situation critique liée aux récentes catastrophes naturelles et aux crises politiques récurrentes, la population haïtienne doit faire face à des défis sur le long terme en matière de développement, en premier lieu dans le domaine de la sécurité alimentaire. La pêche artisanale est une des voies pour répondre à ce défi, notamment à travers l’organisation de la production halieutique et aquacole, l’amélioration des filières des produits de la pêche et la gestion durable de la ressource halieutique.
C’est dans ce contexte que le ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural d’Haïti a confié à l’IRD la réalisation d’une expertise scientifique collective sur l’état de la pêche artisanale en Haïti. L’IRD a ainsi mobilisé un comité pluridisciplinaire d’experts scientifiques et professionnels haïtiens et français composé d’agronomes, d’halieutes, d’anthropologues, d’économistes, de géographes et de gestionnaires de l’environnement.
Le présent ouvrage dresse ainsi un état actualisé des connaissances sur la pêche artisanale en Haïti. Il aborde celle-ci à travers l’environnement, les espèces et les pêcheries ; l’aquaculture, l’intensification écologique et la gouvernance ; ainsi que la filière des produits de la pêche du local au contexte international. Cet état des connaissances s’accompagne de plus de 50 recommandations utiles aux décideurs et aux acteurs du monde de la pêche pour assurer besoins alimentaires et gestion durable de la biodiversité marine.
Sommaire
Partie 1 - L’environnement, les espèces et les pêcheries
•1. L’espace littoral et maritime.
•2. Le milieu marin.
•3. Les habitats.
•4. La biodiversité marine.
•5. L’écologie des espèces d’intérêt halieutique.
•6. Les pêcheurs et leurs métiers.
Partie 2 - Aquaculture, intensification écologique, gouvernance
•7.L’aquaculture en Haïti et le potentiel de l’Amti (Aquaculture multi-trophique intégrée)
•8. L’intensification écologique.
•9. La gouvernance des pêches.
Partie 3 - La filière des produits de la pêche et le contexte international
•10. Qualité des produits et risque écotoxicologique.
•11. La filière des produits de la pêche.
•12. L’international.
Partie 4 - Recommandations
Robert Berrouët-Oriol
Publié en Haïti dans Le National du 24 mars 2022
Le PSUGO (Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire) a été lancé en 2011 par le cartel politico-mafieux du PHTK alors dirigé par Michel Martelly. Il est avéré qu’il a été, à l’échelle nationale, une vaste opération de gabegie administrative, de corruption et de détournement de fonds publics au bénéfice des ayants droits et des supplétifs du PHTK néo-duvaliériste. En novembre 2021, le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, pourtant bien imbu des constantes critiques publiques formulées par les associations d’enseignants et en dehors de tout audit attesté, a reconduit le PSUGO en lien avec la réactivation de ses « 12 mesures » administratives destinées à « moderniser » la gouvernance du système éducatif national.
Quels sont les résultats mesurables du PSUGO et à combien s’élève le coût total de ses activités ? De 2011 à 2022, le ministère de l’Éducation nationale n’a publié aucun bilan qualitatif et quantitatif de l’ensemble des activités du PSUGO. De manière liée, une recherche documentaire multi-facettes n’a pas permis d’obtenir des données chiffrées sur les coûts totaux du PSUGO depuis ses débuts : la gestion financière de ce programme demeure totalement opaque et elle n’a fait l’objet d’aucune évaluation au Parlement haïtien. Pour sa part, la Bibliothèque numérique de l’UNESCO, l’UNESDOC, précise que « Initié en octobre 2011 dans le cadre d’un projet officiel de 5 ans, le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) prend ainsi en charge les frais aux deux premiers cycles du fondamental (primaire) dans 9 000 écoles non publiques et 2 500 écoles publiques, afin de garantir l’accès à l’éducation à environ 1,5 million d’enfants de 6 à 12 ans en 2016. Son principal objectif est de surmonter les obstacles structurels et de promouvoir l’instruction des enfants défavorisés vivant en situation de précarité. » Pour l’exercice 2014 – 2015, cette référence documentaire fait état d’un montant de 235 543 302 Gourdes (3 623 743 $ USD) attribué à 840 écoles et totalisant 96 931 élèves répartis principalement dans les communes de Cabaret, Carrefour et Port-au-Prince (Source : UNESDOC, « Les Synthèses de l’IIPE / Améliorer le financement de l’éducation : utilisation et utilité des subventions aux écoles », n.d. : recherche conduite par l’Université d’État d’Haïti en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et sous la coordination de l’IIPE‑UNESCO, avec l’appui du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE). La récente reconduction du PSUGO par le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, appelle, sous forme de synthèse, les observations suivantes.
L’accès aux données financières du PSUGO n’est pas chose aisée… Selon un rapport du ministère de l’Éducation acheminé le 22 décembre 2014 au journal Le Nouvelliste et qui présente, semble-t-il, « le bilan annuel des deux (…) exercices 2011-2012 et 2012-2013, le PSUGO est financé essentiellement grâce au Fonds national pour l’éducation (FNE), à hauteur de 1,9 milliard de gourdes, et du Trésor public, à hauteur de 800 millions de gourdes, pour un total de 2,7 milliards de gourdes. »
Selon ce rapport, « (…) à travers le Programme de scolarisation universelle visant à offrir une éducation gratuite aux enfants, prioritairement aux plus nécessiteux sur la période 2011-2016, [le MENFP] s’est engagé à augmenter progressivement la proportion de l’offre publique d’éducation, actuellement à 40 %, de 20 %. Durant ces 5 années, le PSUGO sera financé à hauteur de 12 milliards de gourdes environ. Financement qui sera assuré par le Trésor public et d’autres fonds de contrepartie (taxes prélevées sur les appels téléphoniques et sur les transferts d’argent vers Haïti) » (voir l’article « PSUGO : les autorités, chiffres à l’appui, lèvent le voile », Le Nouvelliste, 22 décembre 2014). Les données d’enquête consignées dans le dossier de l’UNESDOC –« Les Synthèses de l’IIPE / Améliorer le financement de l’éducation : utilisation et utilité des subventions aux écoles »–, contredisent les chiffres avancés par le ministère de l’Éducation qui soutient, selon le rapport fourni au Nouvelliste, que « Pour l’exercice 2011-2012, le PSUGO, par le biais du MENFP, a facilité l’accès à l’éducation de base à un million vingt et un mille cent quarante-quatre (1 021 144) enfants, tandis que pour cet exercice, à savoir 2012-2013, il a facilité l’accès à plus de un million trois cent quatre-vingt-dix-neuf mille cent soixante-treize (1 399 173) enfants, soit une augmentation de 378 029 enfants ». Plus sobrement, le dossier de la Bibliothèque numérique de l’UNESCO, l’UNESDOC, mentionne un montant de 235 543 302 Gourdes (3 623 743 $ USD) attribué à 840 écoles et totalisant 96 931 élèves répartis principalement dans les communes de Cabaret, Carrefour et Port-au-Prince. L’écart est énorme entre les 2,7 milliards de Gourdes, puis les 12 milliards de Gourdes avancés par le ministère de l’Éducation et la « modique » somme de 235 543 302 Gourdes mentionnée par la Bibliothèque numérique de l’UNESCO pour un total de 96 931 élèves…
L’énorme écart entre les 12 milliards de Gourdes du MENFP et les 235 543 302 Gourdes de la Bibliothèque numérique de l’UNESCO autorise au moins une question de fond : où sont donc passées les sommes prévues/budgétisées/décaissées ? Est-ce bien dans ce « grand écart » financier que se situent pour l’essentiel les détournements de fonds et la corruption qui caractérisent le PSUGO que vient de reconduire le champion de la « bonne gouvernance » du système éducatif haïtien, l’économiste Nesmy Manigat ? En dépit de la relative rareté de données financières fiables relatives au PSUGO, l’on retiendra que « dans le cadre de ce projet de Fonds national pour l’éducation (FNE), le CONATEL a collecté une somme de 48 557 695,93 dollars américains auprès des compagnies téléphoniques pour la période allant du 15 juin 2011 au 7 mars 2013. D’autre part, « (…) Il faut souligner que ces 48.56 millions de dollars encaissés à date par le CONATEL ne comprennent pas les frais de 1,50 dollar américain perçus sur les transferts entrants et sortants. Ces frais sont recueillis par la Banque de la République d’Haïti (BRH), dans le cadre du FNE qui n’est toujours pas ratifié par le Parlement » (voir l’article « Haïti-Économie : plus de 120 millions $US maintenant au FNE… À quand l’utilisation saine de ces millions de dollars ? », Radio Vision 2000, 11 mars 2013). Au moment de la rédaction de cet article, nous n’avons pas pu avoir accès, sur le site officiel de la Banque de la République d’Haïti, aux éventuelles données relatives aux « frais de 1,50 dollar américain perçus sur les transferts entrants et sortants ». Au cas où les 120 millions de dollars US mentionnés par Radio Vision 2000 auraient été dirigés vers un dispositif du type « in trust », « en fiducie » à la BRH, que sont-ils devenus depuis 2013 ? Ces 120 millions de dollars US constituent-ils un « fonds non fiscalisé » en marge du budget de l’État haïtien, comme c’était le cas à la Régie du tabac sous François Duvalier ? Pour sa part, le site officiel du Fonds national pour l’éducation ne fournit lui non plus aucune donnée chiffrée sur les « recettes » destinées au PSUGO de 2011 à 2022… Ainsi, il serait utile de savoir, par l’analyse des rapports annuels et des audits réalisés, à qui la BRH et le FNE ont l’obligation légale de rendre des comptes : est-ce au Parlement ou à la Cour des comptes ? Toujours en ce qui a trait à ces 120 millions de dollars qui semblent s’être volatilisés, une question s’impose : la BRH a-t-elle légalement le droit d’abriter des fonds de type « in trust », « en fiducie » au titre d’un « fonds non fiscalisé » en marge du budget de l’État haïtien mais qui peuvent en tout temps être décaissés par les détenteurs du pouvoir politique ou par le ministre de l’Éducation nationale ? Faut-il en conclure que la BRH, la « banque des banques » –dont l’une des missions statutaires est d’« assurer la stabilité du système financier national »–, serait une courroie institutionnelle des opérations de détournement de fonds du PSUGO et du Fonds national pour l’éducation ?
Ronald Jean Jacques, de l’Université d’État d’Haïti, est l’auteur du rapport intitulé « Améliorer le financement de l’école : l’utilisation et l’utilité des subventions aux écoles / Synthèse nationale », 82 pages, juillet 2016. Cette recherche a été conduite pour le compte de l’Institut international pour la planification de l’éducation (IIPE/UNESCO) avec le soutien du Partenariat mondial pour l’éducation et il s’apparente pour l’essentiel à une démonstration du « succès » du PSUGO. La lecture attentive des 82 pages de ce rapport, la consultation de ses beaux tableaux et de ses élégants graphiques n’a pas permis de se faire la moindre idée des sommes investies par l’État haïtien de 2011 à 2016 dans le cadre du PSUGO…
Dans tous les cas de figure, le PSUGO, qui prétend scolariser 1 399 173 enfants, s’apparente à un énorme glacis, opaque et mutique, qui cultive avec soin ses nombreuses zones troubles au festin gargantuesque des millions de Gourdes que l’on n’arrive pas à retracer avec certitude…
Les associations d’enseignants, des directeurs d’écoles et des regroupements de parents d’écoles ont publiquement dénoncé les malversations systémiques qui ont lieu au PSUGO, comme en font foi plusieurs articles issus d’observations de terrain et parus dans la presse en Haïti :
« Le Psugo, une menace à l’enseignement en Haïti ? (parties I, II et III) – Un processus d’affaiblissement du système éducatif », Ayiti kale je (Akj), AlterPress, 16 juillet 2014. Voir aussi sur le même site, « Le PSUGO, une catastrophe programmée » (parties I à IV), 4 août 2016. Voir également l’article fort bien documenté « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti », par Charles Tardieu, Port-au-Prince, 30 juin 2016.
La plus récente dénonciation du PSUGO par un collectif d’enseignants réclamant des arriérés de salaire a eu lieu le 22 mars 2022. Le Collectif des éducateurs pour le renouveau de l’éducation en Haïti (CEREH) a en effet manifesté ce jour-là « (…) devant l’Inspection générale du ministère de l’Éducation nationale sis à Delmas 60 (…) [pour] exiger plusieurs années de rémunération dans le cadre » du PSUGO (voir l’article « Des directeurs d’école manifestent », Le National, 23 mars 2022).
De 2011 à 2022, aucun linguiste haïtien, aucune institution de la société civile, aucune association d’enseignants ou de parents d’élèves n’a publiquement soutenu le PSUGO du cartel politico-mafieux du PHTK. Malgré cela, le PSUGO kleptocratique a été publiquement et aveuglément soutenu par le linguiste Michel Degraff dans la Revue transatlantique d’études suisses, 6/7, 2016/17 : « La langue maternelle comme fondement du savoir : l’initiative MIT-Haïti : vers une éducation en créole efficace et inclusive ». Dans cet article, Michel DeGraff prétend qu’« il existe déjà de louables efforts pour améliorer la situation en Haïti, où une éducation de qualité a traditionnellement été réservée au petit nombre. Un exemple récent est le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) lancé par le gouvernement haïtien en 2011 dans le but de garantir à tous les enfants une scolarité libre et obligatoire. » Dans une vidéo mise en ligne sur YouTube au cours du mois de juin 2014, Michel Degraff soutient, sans révéler ses sources ni fournir de preuve irréfutable, que 88 % des enfants vont à l’école grâce au PSUGO : « Gras a program Psugo a 88 pousan timoun ale lekòl »… Michel Degraff est le directeur scientifique et le principal responsable du MIT – Haiti Initiative mis sur pied suite à un accord conclu en avril 2013 entre le MIT – Haiti Initiative et l’État haïtien représenté par le Premier ministre Laurent Lamothe, l’un des grands barons du cartel politico-mafieux au pouvoir en Haïti depuis dix ans, le PHTK néo-duvaliériste. Le MIT – Haiti Initiative promeut depuis quelques années en Haïti un « Glossary » pré-scientifique et pré-lexicographique d’une grande médiocrité, le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » (voir l’article « Le naufrage de la lexicographie créole au MIT Haiti Initiative », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 15 février 2022 ; voir aussi l’article « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 14 décembre 2021). L’appui public de Michel Degraff au PHTK néo-duvaliériste à travers son discours propagandiste en faveur du PSUGO est conjoint à l’« arnaque lexicographique » qu’il continue de mettre en œuvre au moyen du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative ». Et c’est certainement en vertu d’un tel appui public au PHTK néo-duvaliériste que Michel Degraff s’est empressé d’applaudir la récente décision du ministre Nesmy Manigat de cesser de subventionner le matériel pédagogique en langue française en Haïti (voir notre article " Financement des manuels scolaires en créole en Haïti : confusion et démagogie au plus haut niveau de l’État."
Dès son retour, en novembre 2022, à la direction du ministère de l’Éducation nationale, le ministre de facto Nesmy Manigat a vite fait de reconduire le décrié PSUGO. Récemment, la presse en a fait état à travers divers articles. Ainsi, « Dans le cadre du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) seules les écoles publiques sont autorisées (sauf dérogation formelle du MENFP) à accueillir la nouvelle cohorte en première année fondamentale 2014-2015. Les enfants déjà en cours de scolarisation à travers le PSUGO poursuivent normalement leur parcours d’études » (voir l’article « Nesmy Manigat reprend les rênes du ministère de l’Éducation nationale », Le Nouvelliste, 26 novembre 2021). Cette récente décision de reconduire le PSUGO doit être mise en perspective au creux des déclarations antérieures de l’allié de facto du cartel politico-mafieux du PHTK : « Le ministre de l’Éducation Nationale, Nesmy Manigat, affirme que les 85 directeurs d’écoles récemment épinglés pour corruption dans le cadre du Psugo ne représentent qu’une infirme partie des détournements de fonds publics dans le secteur éducatif. » Et sans identifier les mécanismes institutionnels de ces détournements de fonds publics, il a précisé que « Plusieurs centaines d’écoles sont impliquées dans ces détournements, (…) rappelant que les directeurs corrompus ont des connexions au sein du ministère de l’Éducation » (voir l’article « Important réseau de corruption au sein du Psugo », Radio Métropole, 13 juillet 2015). Les directeurs d’écoles épinglés et leurs zélés « correspondants » au sein du ministère de l’Éducation nationale ont-ils été traduits en justice ou ont-ils bénéficié de l’obscure impunité qui gangrène le corps social haïtien ainsi que les institutions du pays ?
La FJKL (Fondasyon je klere) est une institution haïtienne –connue pour sa rectitude et la rigueur de ses analyses–, dont la mission consiste à « Promouvoir la défense et la protection des droits humains en Haïti ». Le 14 mars 2022, elle a diffusé un rapport en 46 points intitulé « Programme de scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO) : détournement de fonds publics ?
La CSC/CA finira-t-elle par décider dans ce dossier d’une technicité qui tranche avec la routine ? » Dans ce rapport, la FJKL estime que « Le dossier du PSUGO est l’un des dossiers sur lesquels la population souhaite qu’une décision de justice soit prise, précisément sur la gestion de ces fonds. La CSCCA [Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif] doit se prononcer, dans le meilleur délai possible, pour qu’un début d’éclaircissement y soit apporté, prenant ainsi en compte les attentes légitimes de tout le pays et de la diaspora haïtienne fortement concernée dans ces prélèvements pour le compte du PSUGO. »
Il est nécessaire de mettre en lien la réalité du PSUGO et la gestion administrative et politique de Nesmy Manigat au MENFP, ainsi que la place qu’il accorde à l’aménagement du créole dans le système éducatif national. Il est souhaitable que des compétences avérées, en Haïti, procèdent à une telle mise en lien et produisent un bilan analytique complet et actualisé du PSUGO. Les articles suivants pourront y contribuer :
— "Le PSUGO et la reproduction des inégalités scolaires en Haïti : prolégomènes à une étude sociologique ", par Athalie Amédie Lindor, medium.com, 25 août 2018 ;
– "Financement des manuels scolaires en créole en Haïti : confusion et démagogie au plus haut niveau de l’État", par Robert Berrouët-Oriol ;
— "Le ministre de facto de l’Éducation Nesmy Manigat et l’aménagement du créole dans l’École haïtienne : entre surdité, mal-voyance et déni de réalité", par Robert Berrouët-Oriol.
Brèves remarques conclusives
Parmi les nombreux maux qui l’affligent, le système éducatif haïtien connaît un grave déficit de gouvernance comme l’atteste, entre autres, la récente étude de Bellita Bayard, doctorante en gestion des systèmes éducatifs à l’ISTEAH, « Le déficit de gouvernance, une tare pour l’évolution du système éducatif haïtien » (rezonòdwes, 20 juillet 2020). L’auteure rappelle fort à propos que selon Nesmy Manigat, « l’éducation n’est pas un secteur que l’État peut prendre à la légère et une activité qu’il peut laisser au bon vouloir affairiste des particuliers, dans la mesure où elle remplit une fonction à la fois de socialisation ou de fabrication des individus et de modernisation nationale ». En dépit de l’étonnante justesse de ce propos, les malversations constantes caractérisant le PSUGO continuent de fleurir à l’aune du « bon vouloir affairiste des particuliers » et du modèle managérial du cartel politico-mafieux du PHTK : systémiques, ces malversations sont appelées à se consolider avec la reconduction à l’identique du PSUGO par le ministre de facto de l’Éducation nationale, Nesmy Manigat, en dehors de tout audit évaluatif. De manière tout aussi pertinente, Bellita Bayard pose que « Le contraste est net entre les discours sur la priorité théoriquement accordée à l’éducation et les déboires observés dans la gestion du Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO). Une vraie mare de la corruption dans laquelle baignent les députés associés au pouvoir qui créent des écoles bidon en province pour recevoir de l’argent public ». Dans ce contexte, Haïti est encore loin de franchir le cap d’une éducation de qualité, citoyenne et inclusive, et il est illusoire de croire que l’actuel ministre de facto de l’Éducation nationale parviendra à instituer une gouvernance transparente dans un système étatique gangréné par la corruption.
Le cartel politico-mafieux du PHTK, ces dix dernières années, a promu la consolidation de la gabegie et de la corruption dans l’Administration publique haïtienne. Cette corruption a cours également au ministère de l’Éducation comme en témoigne le Syndicat du personnel du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (SPEMENFP) : « Ces dernières années, la corruption se pratique par tous les ministres de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP). C’est ce qu’a révélé le Syndicat du personnel du ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (SPEMENFP), jeudi, lors d’une conférence de presse donnée pour dénoncer ces formes de pratiques malhonnêtes qui paralysent le développement du système éducatif haïtien » (voir l’article « La corruption règne en maître au sein du MENFP, SPEMENFP dénonce », Fact Checking News (FCN), 19 mars 2022). Le personnel syndiqué du ministère de l’Éducation nationale est certainement témoin de multiples actes de corruption et, tel un lanceur d’alerte, il le fait publiquement savoir –au risque évident de s’exposer à des représailles politiques et sécuritaires de la part du PHTK.
Enfin il y a lieu de rappeler –en lien avec la dimension linguistique qu’en vain on chercherait au PSUGO–, que depuis la co-officialisation du créole et du français dans la Constitution de 1987, le système éducatif haïtien n’est toujours pas pourvu d’une politique linguistique éducative (voir entre autres l’article « Haïti a-t-elle besoin d’un « Observatoire national de l’éducation » ou d’une politique linguistique éducative ? », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 4 janvier 2022 ; voir aussi l’article « La politique linguistique éducative doit être, en Haïti, au cœur de la refondation du système éducatif national », par Robert Berrouët-Oriol, Le National, 20 septembre 2018). L’inexistence d’une politique linguistique éducative en Haïti fondée sur l’obligation d’instituer les droits linguistiques de tous les locuteurs renvoie à la perspective de l’établissement d’un État de droit au pays : les analystes de terrain confirment tous que le PHTK n’a pas de projet éducatif particulier pour Haïti, pas plus qu’il n’œuvre en vue de l’établissement d’un État de droit au pays. C’est dans ce contexte qu’il faut bien comprendre le rôle véritable du PSUGO, qui revient, en bout de piste, à se servir de l’École haïtienne et de l’instrumentalisation des besoins de scolarisation des enfants haïtiens pour reconfigurer et modéliser un système prédateur des fonds de l’État au profit des ayants droit, des affairistes et des supplétifs du PHTK néo-duvaliériste.
Robert Berrouët-Oriol
Suresnes, France, novembre 2021
Nous vous informons de la tenue de l’exposition qui aura lieu à Suresnes (Hauts-de-Seine) du 23 au 28 novembre 2021.
L’événement est le résultat d’une coopération entre les villes de Cap Haïtien et de Suresnes
Washington, Septembre 2021
La lettre de démission de Monsieur Daniel Foote, Envoyé spécial à Haïti, adressée à l’Honorable Antony Blinken, Secrétaire d’État des USA.
Haïti, mai-juin 2021
avec les invités d’’Incas Productions Inc. et de Nancy Roc ; avec le sociologue Laënnec Hurbon, directeur de recherche au CNRS et professeur à l’université Quisqueya en Haiti et le spécialiste en sécurité, le professeur James Boyard.
Il est évidemment essentiel, dans l’état où se trouve actuellement le pays, de relayer cette conférence qui s’est tenue récemment sur le sujet de l’insécurité... et des égarements politiques. Elle nous donne l’occasion d’écouter, entre autres spécialistes de haut-niveau, notre ami Laënnec Hurbon.
https://youtu.be/Z1X8IuHYE5A ?t=389
Haïti, décembre 2020
Robert Berrouët-Oriol
Paru en Haïti dans Le National le 24 novembre 2020
Depuis la parution en 2011 du livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Berrouët-Oriol et al., Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti), la perspective de l’aménagement simultané du créole et du français, les deux langues de notre patrimoine linguistique national, est largement soutenue par nos interlocuteurs, y compris par des enseignants de disciplines diverses œuvrant dans le système éducatif national ainsi que par nombre de défenseurs non sectaires du créole. Toutefois, nos fréquents échanges avec des interlocuteurs d’horizons divers ont montré, au fil des ans, que la question centrale de l’aménagement linguistique au pays est diversement comprise et qu’elle mérite un constant éclairage, un plaidoyer rassembleur réitéré pour mieux en situer les enjeux et le rôle central que l’État et la société civile sont appelés à jouer dans ce domaine. Il faut donc en amont prendre toute la mesure que l’aménagement linguistique, qui doit être mis en œuvre au périmètre des droits linguistiques de l’ensemble des locuteurs en Haïti, concerne à la fois les individus qui en seront les bénéficiaires (défenseurs des droits humains, juristes, agriculteurs, entrepreneurs, journalistes, enseignants, politologues, magistrats, etc.) et les institutions qui doivent porter un tel aménagement (institutions de l’État central, des collectivités territoriales et des instances organisées de la société civile).
Pour le lecteur non-linguiste peu familier des notions-clé de l’aménagement du créole et du français, qui structurent la vision que nous offrons en partage dans nos livres et dans nos articles de vulgarisation linguistique, il y a lieu de rappeler les liens qui existent entre un énoncé de politique linguistique d’État et l’aménagement linguistique en tant que dispositif jurilinguistique et institutionnel. Un tel rappel est indispensable afin de contribuer à la consolidation, dans la société civile haïtienne et parmi les enseignants notamment, d’un courant de pensée capable de soutenir la mise en œuvre de l’aménagement simultané de nos deux langues officielles, le créole et le français.
En ce qui a trait à la situation linguistique au pays, la notion de politique linguistique d’État est essentielle et doit être bien comprise. Ainsi, au chapitre « Politique, planification, aménagement… linguistique : l’émergence de la sociolinguistique appliquée » de son article « Les politiques linguistiques » paru dans Mots – Les langages du politique, 94/2010, le sociolinguiste Henri Boyer précise que « La notion de politique linguistique, appliquée en général à l’action d’un État, désigne les choix, les objectifs, les orientations qui sont ceux de cet État en matière de langue(s), choix, objectifs et orientations suscités en général (mais pas obligatoirement) par une situation intra- ou intercommunautaire préoccupante en matière linguistique (on songe à l’Espagne au sortir du franquisme ou à la Yougoslavie de Tito) ou parfois même ouvertement conflictuelle (comme c’est le cas de la Belgique aujourd’hui). L’expression politique linguistique employée ici comme entrée dans ce sous-champ de la sociolinguistique qu’est la sociolinguistique appliquée (à la gestion des langues) semble avoir été utilisée tardivement (dans les années soixante-dix du 20e siècle) à la fois aux États-Unis et en Europe (Calvet, 1996, p. 6), bien après celle de planification linguistique, traduction de language planning dont la paternité revient, selon Louis-Jean Calvet (1996, p. 4), à Einar Haugen (1959), expression qui se verra par la suite concurrencée par normalisation linguistique (Aracil, 1965, pour le domaine catalan-espagnol) et aménagement linguistique (Corbeil, 1980, pour le domaine québécois-francophone). Enfin Jean-Baptiste Marcellesi et Louis Guespin proposent le terme glottopolitique avec, semble-t-il, le souhait d’élargir la qualification afin d’ « englober tous les faits de langage où l’action de la société revêt la forme du politique » (Guespin, Marcellesi, 1986, p. 5).
À cet égard, un énoncé de politique linguistique d’État pourra, comme le précise le sociolinguiste Henri Boyer dans le même article,
– « concerner telle langue dans ses formes : il peut s’agir alors d’une intervention de type normatif (visant, par exemple, à déterminer une forme standard, à codifier des fonctionnements grammaticaux, lexicaux, phonétiques…, ou encore à modifier une orthographe, etc., et à diffuser officiellement les [nouvelles] normes ainsi fixées auprès des usagers) ;
– concerner les fonctionnements socioculturels de telle langue, son statut, son territoire, face aux fonctionnements socioculturels, au(x) statut(s), au(x) territoire(s) d’une autre/d’autres langue(s) également en usage dans la même communauté, avec des cas de figures variables (complémentarité, concurrence, domination, etc.). »
L’éclairage du sociolinguiste Henri Boyer est conforté par celui fourni dans sa remarquable étude « É́laboration et mise en œuvre des politiques linguistiques » par le linguiste québécois Louis-Jean Rousseau, spécialiste de l’aménagement linguistique, qui nous enseigne avec hauteur de vue qu’ « (…) on entend par « politique linguistique » toute forme de décision prise par un État, par un gouvernement ou par un acteur social reconnu ou faisant autorité, destinée à orienter l’utilisation d’une ou de plusieurs langues sur un « territoire » ( réel ou virtuel ) donné ou à en régler l’usage. La politique linguistique se situe au niveau de la détermination des objectifs généraux visés et elle peut couvrir toutes les catégories d’activité ou de situations de communication existant dans une société. » (Cahiers du Rifal, numéro 26, Bruxelles, décembre 2007)
Dans le cas d’Haïti, l’aménagement linguistique est à la fois une nécessité historique et une obligation désormais dévolue à l’État par la Constitution de 1987. Il est une nécessité historique au sens où l’État doit intervenir pour, entre autres, réguler l’épineuse question de la minorisation institutionnelle du créole instituée par le pouvoir d’État dès l’Indépendance de 1804. Dans l’énoncé des différentes Constitutions adoptées depuis lors, dans les textes de loi, décrets, règlements, conventions, accords, tous rédigés ou adoptés uniquement en français au cours des ans, dans le fonctionnement de l’Administration publique et dans la sphère des rapports entre l’État et ses administrés, le refoulement et la minorisation du créole, langue de la majorité des locuteurs haïtiens, ont été une constante allant de pair avec l’institutionnalisation de l’usage dominant du français. Alors même que le français, langue de rédaction de l’Acte de l’Indépendance de 1804, a été de facto considéré langue officielle de l’État avec la promulgation de la Constitution impériale de 1805, c’est celle du 12 juin 1918, à l’instigation des nationalistes haïtiens et en pleine occupation américaine du pays, qui accorde au français le statut de langue officielle pour la première fois. Dans ce texte constitutionnel et dans ceux qui ont suivi, aucune mention n’est faite quant au statut du créole, tandis que la Constitution de 1964, votée durant la dictature de François Duvalier, dispose que « Le français est la langue officielle de la République. Son emploi est obligatoire dans les services publics. Néanmoins, la loi détermine les cas et conditions dans lesquels l’usage du créole est permis et même recommandé pour la sauvegarde des intérêts matériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue française » (article 35). Pour sa part, le texte constitutionnel promulgué en 1983 durant la dictature de Jean-Claude Duvalier accorde au créole le statut de langue nationale : « Les langues nationales sont le français et le créole. Le français est la langue officielle de la République » (article 62). Mais les Constitutions de 1964 et de 1983, bien qu’elles aient mentionné le créole, n’ont pas conduit à l’élaboration d’une politique linguistique nationale –la dictature duvaliériste n’en a jamais eu le projet–, hormis la réforme Bernard de 1979 conçue grâce aux efforts conjugués d’éléments progressistes de la société civile haïtienne et de l’Unesco. Inaboutie, torpillée par les chefs de file du jeanclaudisme et mise en veilleuse en 1987 par le ministre de l’Éducation nationale sous le CNG (Conseil national de gouvernement), cette réforme, instituée par la Loi du 28 septembre 1979, a permis l’usage du créole comme langue d’enseignement et langue enseignée pour la première fois dans l’histoire nationale.
L’aménagement linguistique est également une nécessité historique au sens où, dans l’ensemble de la société haïtienne, la distribution inégalitaire des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français, a conforté la négation des droits linguistiques de la majorité créolophone tout en instituant, dans l’imaginaire collectif des locuteurs créolophones et francocréolophones, l’idée que seul le français est une langue de prestige social et qu’il doit être, à ce titre, la seule langue d’enseignement. Cette idée est fausse au plan scientifique, la linguistique ayant démontré depuis des lustres qu’il n’existe ni langues « supérieures » ni langues « inférieures » et que la prétendue « supériorité » d’une langue par rapport à une autre est une construction idéologique servant à légitimer des rapports sociaux et politiques de domination. Là-dessus il faut garder en mémoire qu’une construction idéologique (du type langues « supérieures » versus langues « inférieures ») et sa traduction en « idée politique » n’est pas un instrument de connaissance scientifique de la réalité linguistique : elle est plutôt l’expression souvent contradictoire de la vie des idées dans le corps social.
La fausse idée de la « supériorité » d’une langue sur une autre peut être comparée à celle de la création de la notion de « race » à travers l’Histoire, notamment l’histoire coloniale et la traite négrière. Pour mémoire, il y a lieu de rappeler, comme le précise le sociologue et historien Aníbal Quijano, que « L’idée de race est, sans aucun doute, l’instrument de domination sociale le plus efficace inventé ces 500 dernières années. Produit du tout début de la formation de l’Amérique et du capitalisme, lors du passage du XVe au XVIe siècle, elle a été imposée dans les siècles suivants sur toute la population de la planète, intégrée à la domination coloniale de l’Europe. La race a été imposée comme critère fondamental de classification sociale universelle de la population mondiale, c’est autour d’elle qu’ont été distribuées les principales identités sociales et géoculturelles du monde à l’époque. D’une part, « indien », « noir », « asiatique » (autrefois les « jaunes » et les « couleurs d’olive »), « blanc » et « métis ». De l’autre, « Amérique », « Europe », « Afrique », « Asie » et « Océanie ». Sur la notion de race s’est fondée l’euro-centrage du pouvoir mondial capitaliste et la distribution mondiale du travail et des échanges qui en découlent. Sur elle aussi se sont tracées les différences et distances spécifiques dans la configuration spécifique du pouvoir, avec ses implications cruciales pour le processus de démocratisation des sociétés et des États et pour les processus de formation des États-nations modernes. » Et l’auteur de poursuivre en ces termes : « L’idée de « race » naît avec l’Amérique et se réfère, à l’origine, on le suppose, aux différences phénotypiques entre « Indiens » et « conquistadors », principalement « castillans ». Néanmoins, les premiers peuples dominés auxquels les (futurs) Européens appliquent l’idée de « couleur » n’étaient pas les « indiens », mais plutôt les esclaves enlevés et devenus objets de négoce sur la côte de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Afrique, et qu’on appellera les « Noirs ». (Aníbal Quijano : « Race » et colonialité du pouvoir », revue Mouvements, 2007, nº 51). En définitive, l’idée d’une « race supérieure » n’a aucune assise scientifique, pas plus que celle d’une « langue supérieure » qui pourrait justifier, dans le corps social haïtien, la stigmatisation du créole héritée de la période coloniale.
Ainsi, en rupture avec la fausse idée qu’il y aurait des langues « supérieures » et des langues « inférieures », l’aménagement linguistique est donc l’unique perspective capable de réguler la distribution inégalitaire du créole et du français, et cette régulation –qui doit être juridiquement encadrée par une loi d’aménagement linguistique et des règlements d’application et de contrôle–, devra s’enraciner sur le terrain des droits linguistiques des locuteurs créolophones et francocréolophones. C’est précisément pour cela que nous situons l’obligation de la mise en œuvre des droits linguistiques dans le grand ensemble des droits citoyens fondamentaux et dans le cadre de l’établissement d’un État de droit en Haïti (voir notre article « Droits linguistiques et droits humains fondamentaux en Haïti : une même perspective historique », Le National, 11 octobre 2017 ; voir aussi notre livre « Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lengwistik ann Ayiti » (Cidihca et Éditions Zémès, 2018).
À contre-courant du repli identitaire ou d’une essentialisation du créole ou de la récitation liturgique de slogans douteux (« yon lekòl tèt anwo lan yon peyi tèt anwo », « bay kreyòl la jarèt », etc.), nous portons à visière levée le plaidoyer selon lequel il faut impérativement aujourd’hui répondre à la nécessité historique de l’aménagement linguistique en Haïti par une claire et forte perspective enracinée dans l’efficience des droits linguistiques de tous les locuteurs haïtiens. Essentielle dans sa dimension historique, cette vision de l’aménagement linguistique en Haïti a tôt été défendue par le romancier et essayiste Lyonel Trouillot : « Une politique linguistique pour corriger le déficit de citoyenneté / La seule politique linguistique pouvant corriger le déficit de citoyenneté perpétué par la situation linguistique d’Haïti me semble être la construction à moyen terme d’un bilinguisme créole-français pour l’ensemble de la nation. La tentation facile de considérer le français comme une langue étrangère comme une autre, l’anglais par exemple, me semble un refus délibéré de tenir compte d’une donnée fondamentale : la nécessité de préserver la spécificité culturelle de notre État nation dont l’une des composantes est le patrimoine linguistique. » (…) « Il convient de mettre fin à la double injustice. Valoriser le créole par des mesures claires et contraignantes : répondre à l’obligation constitutionnelle du bilinguisme dans les documents officiels ; développer la production écrite et le matériel pédagogique ; sanctionner (comme on sanctionne le racisme) tout discours et toute attitude discriminatoires envers le créole dans l’espace public. Et, dans le même temps, donner accès au français à l’ensemble de la population par l’instruction publique et une politique d’aménagement linguistique non limitée à l’éducation formelle. La politique menée par l’État ne peut trouver ses fondements dans le ressentiment (la langue française n’est pas coupable du fonctionnement de la formation sociale haïtienne), dans la discrimination (la discrimination de fait contre le créole est une violation des droits des créolophones), dans la reproduction systématique de l’inégalité qui entraîne un déficit de citoyenneté. Au contraire, la politique adoptée doit viser à combler le déficit de citoyenneté et à pérenniser des structures assurant l’équité sociale et des conditions minimales d’égalité de chance. » (Lyonel Trouillot : « Ki politk lengwistik pou Ayiti ?, Le Nouvelliste, 7 juillet 2005).
Nécessité historique, l’aménagement linguistique en Haïti est aussi une obligation désormais explicitement dévolue à l’État par la Constitution de 1987, qui a accordé, à l’article 5, le statut de langue officielle au créole et au français. L’article 5 de la Constitution de 1987 est donc au fondement de la constitutionnalité de l’aménagement simultané du créole et du français et Haïti, et cette obligation constitutionnelle est renforcée par l’article 40 selon lequel tous les documents de l’État doivent être diffusés dans les deux langues officielles du pays. Certes, nous avons récemment soumis au débat public la problématique de la concordance partielle entre les versions créole et française de l’article 5 de la Constitution de 1987 (voir notre article « La Constitution haïtienne de 1987 et la problématique de l’équivalence partielle entre les versions française et créole de l’article 5 », Le National, 7 juillet 2020), en montrant notamment que le traducteur de l’Assemblée constituante de 1987 avait introduit de son plein gré et sans justification jurilinguistique crédible, dans la version créole du texte constitutionnel, des notions et formulations différentes du texte originel français. Ces notions et formulations différentes du texte originel français ouvrent la voie à des interprétations contradictoires en droit constitutionnel, de sorte que les versions française et créole de l’article 5 de la Constitution de 1987 ne sont pas opposables. Mais en dépit de cela, ce qu’il faut principalement retenir, c’est que la Constitution de 1987 a consigné la co-officialisation du créole et du français, et que c’est précisément cette co-officialisation non hiérarchisée qui justifie pleinement la simultanéité de l’aménagement du créole et du français en Haïti. Contrairement aux vues anticonstitutionnelles des rares adeptes de l’unalitéralisme créolophile et du créole « seule langue officielle » d’Haïti, l’article 5 de la Constitution de 1987 consigne la centralité du bilinguisme institutionnel voulu pour le pays : l’Assemblée constituante a pris le soin de statuer dans la loi-mère la réalité que le créole est bien la langue de l’unité entre les locuteurs haïtiens tout en reconnaissant le caractère bilingue de notre patrimoine linguistique national par l’officialisation des deux langues, le créole et le français (voir notre article « Unilatéralisme créole ou aménagement simultané du français et du créole en Haïti ? Un choix de société et un choix politique », Le National, 7 avril 2020). La Constitution de 1987, en dépit de la formulation contestée par des juristes et des linguistes de l’article 213 portant sur la création de l’Académie créole enjointe de « fixer la langue créole », n’a pas donné mandat à l’État de ne procéder qu’à l’aménagement d’une seule langue, le créole, à l’exclusion de l’autre, le français. Elle a plutôt légitimé la nécessité de la simultanéité de l’aménagement de nos deux langues officielles par la co-officialisation du créole et du français assortie, à l’article 40 du texte constitutionnel, des obligations de l’État en matière de diffusion bilingue des documents officiels –obligation nullement respectée depuis 1987. Le fondement constitutionnel de l’aménagement linguistique en Haïti, consigné aux articles 5 et 40 de notre loi-mère, interpelle et légitime la mise en place d’une politique linguistique d’État novatrice au pays, la co-officialisation du créole et du français constituant le socle de ce que nous appelons, en conformité avec la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996, le bilinguisme de l’équité des droits linguistiques en Haïti au profit de tous les locuteurs haïtiens.
L’élaboration et la mise en œuvre d’une future politique linguistique d’État au pays devra ainsi être novatrice en se fondant sur l’obligation de l’équité des droits linguistiques et en instituant la priorisation de l’aménagement du créole, aux côtés du français, et à parité statutaire juridiquement encadrée avec le français.
À bien prendre toute la mesure que les droits linguistiques de l’ensemble de la population haïtienne font partie du grand ensemble des droits humains fondamentaux dans la construction d’un État de droit post-duvaliériste, il est logique et conséquent de poser que l’aménagement du créole doit être au cœur de toute l’entreprise d’aménagement linguistique en Haïti. Selon la vision des linguistes aménagistes, aménager le créole revient à prioriser le droit à la langue maternelle créole sur plusieurs plans. Pareille perspective, rassembleuse, devra être explicitement formulée dans l’énoncé de politique linguistique de l’État haïtien qui s’attachera à :
1) définir explicitement le « droit à la langue » et le « droit à la langue maternelle créole » à parité statutaire avec le français aux côtés duquel le créole sera aménagé ;
2) consigner et expliciter le statut du créole dans l’Administration publique, dans les rapports entre l’État et ses administrés, dans les médias et dans le système éducatif national ;
3) consigner et expliciter les fonctions institutionnelles du créole : fonction de communication dans l’Administration publique, le secteur privé et les médias, signalétique publique, affichage publicitaire, droit d’être servi en créole partout dans l’Administration publique, droit de disposer de tous les documents personnels et administratifs en créole (passeport, carte d’identité nationale, contrats, documents de biens immobiliers et terriens, etc.) –notamment et explicitement, le droit pour tout citoyen de se faire servir en créole, à l’oral et à l’écrit, dans tous les services publics et privés ;
4) édicter les balises de production et de diffusion en créole de tous les documents émanant de l’État et exprimer l’obligation de traduire en créole les textes fondamentaux de la République d’Haïti (lois, chartes ministérielles, ordonnances, règlements, décrets, arrêtés, conventions internationales, code civil, code rural, code du travail, etc.) ;
5) consigner les balises du cadre légal de la généralisation obligatoire de l’utilisation du créole dans la totalité du système éducatif à titre de langue d’enseignement et de langue enseignée, de la maternelle à l’enseignement fondamental, du secondaire à l’université. Ceci impliquera l’obligation pour le ministère de l’Éducation de mettre à la disposition des écoles le curriculum national en langue créole pour l’enseignement du créole à tous les niveaux du cursus de l’École haïtienne ; l’obligation pour ce ministère de garantir la possibilité que tout écolier et étudiant haïtien puisse être évalué dans la langue de son choix, particulièrement au niveau des épreuves officielles de l’École fondamentale et de l’École secondaire ;
6) édicter les balises de formation et de certification obligatoire des enseignants du créole, ainsi que celles relatives à la production de matériel didactique de qualité en créole pour les écoles et l’université ; cela impliquera que le ministère de l’Éducation donnera –par règlement d’application obligatoire–, la priorité à la production et la mise à disposition du matériel d’enseignement et de formation en créole et/ou bilingue à tous les niveaux du système d’enseignement et de formation ;
7) promouvoir le bilinguisme institutionnel, le bilinguisme de l’équité des droits linguistiques et l’ouverture au multilinguisme.
L’École haïtienne a un rôle central à jouer dans l’aménagement du créole aux côtés du français. De manière ciblée, la généralisation obligatoire de l’utilisation du créole dans la totalité du système éducatif haïtien exige la formulation et la mise en œuvre d’une véritable politique linguistique éducative (voir nos article « Politique linguistique éducative en Haïti : surmonter l’inertie, instituer l’aménagement simultané du créole et du français », Le National, 15 novembre 2017, « Le défi de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien » (Le National, 8 janvier 2020) ; et « Les fondements constitutionnels de l’aménagement du créole dans le système éducatif haïtien », Le National, 14 avril 2020). La politique linguistique éducative devra fortement et de manière innovante mettre l’accent sur la « didactisation » du créole, sur « (…) la nécessité, voire l’urgence d’un travail de conception d’une didactique du créole langue maternelle tant comme langue d’enseignement que comme langue enseignée » (voir l’article du linguiste Renauld Govain : « L’état des lieux du créole dans les établissements scolaires en Haïti », revue Contextes et didactiques, 4, 2014). Cet article de Renauld Govain apporte un éclairage de premier plan sur l’indispensable « didactisation » du créole comme nous l’avons noté dans notre texte « Aménagement et « didactisation » du créole dans le système éducatif haïtien : pistes de réflexion » paru le 24 janvier 2020 dans Le National.
L’aménagement simultané du créole et du français en Haïti implique nécessairement la mise en œuvre par l’État d’un ensemble de mesures fortes (pédagogiques, didactiques, institutionnelles) visant, dans le système éducatif national, un apprentissage renouvelé et compétent du français conforme au « droit à la langue », ce droit étant un principe central attesté dans la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996 et, il faut encore le souligner, il est également attesté à l’article 5 de la Constitution de 1987. Il revient à « (…) donner accès au français à l’ensemble de la population par l’instruction publique et une politique d’aménagement linguistique non limitée à l’éducation formelle » (Lyonel Trouillot : « Ki politk lengwistik pou Ayiti ?, Le Nouvelliste, 7 juillet 2005). Ainsi, loin d’exclure le français et de l’opposer au créole comme le fait une petite minorité de « créolistes » fondamentalistes, il s’agit bien d’aménager simultanément nos deux langues officielles de manière rassembleuse, et la modélisation/modernisation de la didactique des langues maternelle et seconde s’avère un passage obligé vers l’efficience de la transmission des savoirs et des connaissances en Haïti. Tout en tenant compte du fait que c’est à l’École haïtienne que s’effectue l’apprentissage du français par les jeunes locuteurs créolophones, la plupart de nos interlocuteurs qui occupent en Haïti des postes d’enseignants mettent en lumière la réalité que, de manière générale, l’enseignement du français est déficitaire, erratique, mal outillé quant aux instruments pédagogiques alors même que les enseignants dans leur grande majorité sont sous-qualifiés, peu formés et la plupart du temps non certifiés par le Ministère de l’éducation nationale. Pareil lourd déficit dans l’apprentissage de la compétence linguistique en français –que certains assimilent à « l’échec » du français en confondant la langue-objet et les carences systémiques de son apprentissage–, a conduit en 1995 à l’implantation d’un programme de mise à niveau en français à l’Université d’État d’Haïti avec l’appui de l’AUF (Agence universitaire de la Francophonie). Mais nous ne disposons pas encore d’un bilan analytique systématique de cette initiative à l’échelle nationale (voir l’article du linguiste et didacticien du FLE Fortenel Thélusma daté du 29 septembre 2018, « Le français langue seconde en Haïti et la mise à niveau en français à l’université : où en est-on aujourd’hui ? » ; voir aussi l’article du linguiste Renauld Govain, « La situation du français à l’université en Haïti », paru dans la revue Le français à l’université, bulletin de l’AUF, 19-04 | 2014). Dans tous les cas de figure, l’aménagement simultané du créole et du français en Haïti requièrent des compétences mesurables en didactique des langues, et la Faculté de linguistique appliquée ainsi que l’École normale supérieure, quoique sous-financées par l’État haïtien depuis fort longtemps, ont un rôle de premier plan à jouer dans la qualification didactique des professeurs de français –comme, d’ailleurs, dans celle des enseignants de créole. En ce qui a trait au français, on devra également prendre en compte cet éclairage du professeur Frédéric Torterat, linguiste-didacticien, qui précise avec pertinence que « La problématique générale du français comme langue seconde en Haïti se place ainsi au carrefour d’un véritable dialogue interculturel, et tient autant dans les questions de l’appareil grammaticographique employé par les enseignants que de la nationalisation des exigences académiques dans les enseignements généraux. » (Frédéric Torterat : « L’enseignement du français comme langue seconde en Haïti », Actes du colloque de la FIPF (Fédération internationale des professeurs de français), 2005, Sèvres.)
L’une des pistes qui devrait aussi retenir l’attention des linguistes, des didacticiens et des enseignants dans la réflexion-action sur l’aménagement du créole et du français en Haïti est celle de l’acquisition précoce de la langue seconde, le français. Alors même que l’acquisition des connaissances dans la langue maternelle de l’enfant est un acquis largement partagé par les didacticiens et les linguistes et que, depuis une cinquantaine d’années, elle est soutenue par l’Unesco, l’acquisition précoce de la langue seconde est soutenue par de nombreux spécialistes de l’apprentissage (voir, entre autres, Gilles Bibeau : « L’apprentissage précoce des langues secondes : état de la question (II) », revue Québec français, 1978, no 31 ; Heather Hilton, Université de Savoie (Chambéry) : « Théories d’apprentissage et didactique des langues », revue Les langues modernes, 2005, et La clé des langues, 2009 ; Machteld Verhelst (éd), Kris Van den Branden, Dirkje Van den Nulft et Marianne Verhallen : « Cadre pour l’apprentissage précoce d’une langue seconde », sous l’égide de la Nederlandse Taalunie, Conseil de l’Europe, mars 2009 ; Dominique Groux, IUF de Versailles : « Pour un apprentissage précoce des langues », revue Le français dans le monde, nº 330, novembre-décembre 2003 ; Louis Porcher et Dominique Groux : État des lieux de l’apprentissage précoce des langues en Europe et dans le monde », dans « L’apprentissage précoce des langues », Presses universitaires de France, 2003). L’acquisition précoce de la langue seconde est observée en milieu naturel comme en situation formelle dans des situations linguistiques aussi variées que celles du Cameroun, du Mali, de la Belgique, de la Suisse, etc. Il faut dès lors s’interroger et se demander en quoi et pourquoi un enfant haïtien unilingue créolophone, de nos jours, ne pourrait pas faire très tôt l’acquisition du français, langue seconde, en situation formelle d’apprentissage et selon une compétente didactique des langues. Et sachant que tous les prédicateurs « créolistes » ont été scolarisés en français en Haïti, il faudrait également approfondir par l’analyse leur refus –de nature essentiellement idéologique–, de l’acquisition du français par les élèves unilingues créolophones à travers l’École haïtienne. Une enquête de terrain à l’échelle nationale sur les conditions d’apprentissage tant du créole que du français, les méthodes d’enseignement et le matériel pédagogique utilisé ces quarante dernières années en Haïti serait, là-dessus, certainement éclairante.
Contrairement aux vues des « créolistes » fondamentalistes qui prétendent dogmatiquement exclure le français de la sphère des apprentissages scolaires et de l’ensemble de la société haïtienne, il faut prendre toute la mesure que « Les études scientifiques actuelles semblent converger à l’heure actuelle pour souligner l’effet positif de l’apprentissage (précoce) d’une 2e langue sur le développement des habiletés langagières et de manière plus générale sur la cognition. Au-delà du bénéfice sur la maîtrise in fine des langues, l’exposition précoce à deux langues apparaît favoriser le développement d’un certain nombre de capacités cognitives jouant un rôle essentiel dans les apprentissages scolaires. Cet avantage sur le développement de l’enfant semble avoir en retour un effet bénéfique sur certains apprentissages scolaires fondamentaux (comme la lecture). Il n’en demeure pas moins cependant qu’il est indispensable de poursuivre l’étude des mécanismes susceptibles d’expliquer cet avantage en veillant notamment à détailler les caractéristiques des populations étudiées (âge d’acquisition de la seconde langue, le niveau de compétence dans les deux langues,…), les caractéristiques des langues en présence (notamment en termes de similarités et différences, de distance entre les langues…) ou encore à détailler les épreuves utilisées (et plus précisément les processus cognitifs impliqués).
Dans une perspective plus didactique, les conclusions scientifiques actuelles incitent à encourager les enseignants à favoriser et soutenir l’émergence du raisonnement plus analytique sur la structure formelle des langues. Ceci pourrait être réalisé en proposant aux enfants des exercices les amenant à analyser -de manière systématique- aussi bien les similitudes qui existent entre les codes linguistiques auxquels ils sont confrontés que les différences qui les séparent. Via les processus de transfert évoqués précédemment, il pourrait être attendu en retour un effet bénéfique sur les autres apprentissages fondamentaux mobilisant une telle habileté (comme par exemple l’apprentissage de la lecture). » (Elisabeth Demont, Anne-Sophie Besse, Eva Commissaire, Laboratoire de psychologie des cognitions – Université de Strasbourg : « L’apprentissage (précoce) d’une deuxième langue », texte non daté de la fondation-lamap.org, consulté le 22 novembre 2020.) Ces acquis autorisent à poser que l’aménagement simultané du créole et du français en Haïti devrait donc, également, s’ouvrir à la perspective de l’apprentissage précoce de la langue seconde. C’est précisément cette perspective que nous avons abordée dans l’article paru dans Le National le 20 novembre 2019,« Partenariat créole/français – L’enseignement en langue maternelle créole et l’apprentissage précoce de la langue seconde en Haïti : pistes de réflexion ».
Robert Berrouët-Oriol
Notre collègue linguiste Robert Berrouët-Oriol nous a adressé cet article paru dans le National de Haïti qui exprime les très vives inquiétudes que les Haïtiens éprouvent sur l’état futur de la démocratie dans leur pays déjà particulièrement meurtri. Il tient à souligner que les complices du risque de retour à la dictature duvaliériste ne se trouvent pas que dans le pays, et que plusieurs pays occidentaux semblent préférer ignorer cette cruelle réalité.
Port-au-Prince, octobre 2020
Robert Berrouët-Oriol
Paru dans Le National, Port-au-Prince, le 14 octobre 2020
La République d’Haïti connaît depuis plusieurs mois une recrudescence de jours liberticides et endeuillés. Sous la houlette d’une kleptocrate confrérie néo-duvaliériste, le PHTK (Parti haïtien tèt kale), le pays s’enfonce dans la corruption, l’insécurité, le népotisme, l’impunité et les crimes d’État avec la complicité des « pays amis » regroupés au sein du Core Group (États-Unis, Canada, Brésil, Grande Bretagne, France, Espagne, Allemagne), ainsi que celle de l’OEA (Organisation des États américains), institution réputée pour la « supervision » d’élections truquées en Amérique latine. Élu frauduleusement en 2015 avec environ 590 927 voix sur les 6 millions d’électeurs en âge de voter en Haïti, Jovenel Moïse, un obscur « entrepreneur » de la filière bananes, s’est vu parachuté à la magistrature suprême de l’État par un CEP (Conseil électoral provisoire) aux ordres, une fois de plus, du Département d’État américain. Il y a lieu de rappeler que c’est ce même Département d’État américain qui était à la manœuvre lors de l’élection-sélection présidentielle désastreuse, cinq ans plus tôt, de Michel Martelly, un musicien bouffon lui aussi nostalgique de la dictature duvaliériste, adulé des secteurs les plus rétrogrades et archaïques de la société haïtienne et connu pour son mépris des femmes, publiquement revendiqué, et qui réduisait l’exercice du pouvoir au démantèlement de l’État de droit et à la promotion des prébendes des « bandits légaux ». La mémoire collective a également retenu le rôle criminogène du Département d’État américain lors du prétendu « retour à la démocratie » qui a vu en 1994 le rétablissement au forceps, dans ses fonctions présidentielles, de Jean Bertrand Aristide, l’un des plus zélés fossoyeurs de la démocratie en Haïti depuis l’adoption de la Constitution de 1987. De manière globale, plusieurs analystes avancent l’idée du début d’une certaine « somalisation » d’Haïti avec le délitement ces dernières années du pouvoir d’État, la politisation outrancière de la Police nationale, la prolifération des gangs armés instrumentalisés par divers secteurs et l’actuel pouvoir exécutif, ainsi que la récente remobilisation, sur le mode d’une quasi milice privée liée au Parti haïtien tèt kale, des FAd’H (Forces armées d’Haïti) institution meurtrière fortement impliquée dès les années 1980 dans le trafic de drogue au pays et responsable au cours des ans de graves violations des droits humains et de divers coups d’État. Dans ce contexte, « Le pouvoir central ne contrôle plus rien dans le pays, estime l’historien et écrivain [haïtien] Michel Soukar, qui, comme d’autres, s’inquiète d’une éventuelle « somalisation » d’Haïti, en référence à la situation qui sévit en Somalie, pays d’Afrique soumis aux bandes armées et aux seigneurs de la guerre. » (« Crise. Haïti, le pays bloqué », Courrier international, 3 décembre 2019).
L’analyse critique de la situation sociopolitique au pays a-t-elle un rapport avec le métier de linguiste, avec les sciences du langage, et plus précisément avec les droits linguistiques et les droits citoyens en Haïti ? La réponse à cette question est oui, à l’aune d’un regard objectif car le linguiste ne travaille pas dans une tour d’ivoire, dans un cocon protecteur et sans lien avec les lignes de force de la société. Le linguiste est un acteur social lui aussi préoccupé des droits et des devoirs citoyens, et à ce titre son action ainsi que sa réflexion s’inscrivent dans une histoire, dans la lecture éclairée de la situation socioéconomique et sociopolitique de son pays. À l’instar des autres langagiers (journalistes, enseignants, etc.), le linguiste est au cœur de l’expression de toutes les configurations de la société : il a la liberté citoyenne, dans son discours analytique et critique, d’en ausculter les battements, les convulsions, les corps d’idées, les dispositifs idéologiques, et de joindre sa voix à celle de la société civile engagée dans le long chemin de l’édification d’un État de droit en Haïti.
Le citoyen-linguiste n’étant pas atteint de cécité volontaire, notre analyse des différents aspects de la situation sociolinguistique haïtienne ne saurait donc se départir de son contexte social, économique et politique, et nous soutenons de manière constante et argumentée, depuis 2011, que l’aménagement linguistique en Haïti relève du politique et doit être une entreprise d’État. De la sorte, l’aménagement identifié devra articuler une vision, un dispositif à la fois politique, juridique et réglementaire relevant de la politique linguistique nationale de l’État. En ce qui a trait à l’aire sémantique du terme « politique » et en rapport avec notre propos, on retiendra que son étymologie renvoie au grec « politikè » qui signifie science des affaires de la Cité. La « politique » est donc l’organisation de la Cité, de l’État. Dans un sens plus précis, « politikos », concerne la constitution, la structure et le fonctionnement (méthodique, théorique et pratique) d’une communauté, d’une société, d’un groupe social. La politique porte sur les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d’autres ensembles. La politique est donc principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d’individualités et/ou de multiplicités. Dans une acception plus restreinte, « politikè » se réfère à la pratique du pouvoir, aux luttes pour le pouvoir et à la représentativité du peuple. En lien avec l’aire sémantique du terme « politique », il ressort que la question linguistique haïtienne et celle de l’aménagement simultané de nos deux langues officielles, le créole et le français, renvoient à une analyse plus large de la société haïtienne pour bien appréhender les actes de langage dans leur dynamique sociale et dans leurs rapports avec le pouvoir politique. C’est ainsi que nous situons l’impératif de la mise en œuvre des droits linguistiques en Haïti dans le grand ensemble des droits humains fondamentaux et dans la perspective de l’édification d’un État de droit en Haïti.
Cette idée force est étayée dans plusieurs de nos articles parus en Haïti, entre autres dans « Droits linguistiques et droits humains fondamentaux en Haïti : une même perspective historique » (Le National, 11 octobre 2017). Dans ce texte, nous avons défendu la vision –conforme à la Déclaration universelle des droits linguistiques de 1996–, selon laquelle les droits linguistiques font partie du grand ensemble des droits humains fondamentaux. Cette neuve façon de problématiser la situation linguistique d’Haïti a auparavant été consignée dans notre livre de référence, « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Berrouët-Oriol et al., Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011), ainsi que dans notre« Plaidoyer pour les droits linguistiques en Haïti / Pledwaye pou dwa lengwistik ann Ayiti » (Cidihca et Éditions Zémès, 2018). Une telle vision pose en amont le nécessaire questionnement des rapports entre le pouvoir d’État, le pouvoir législatif et l’impératif de l’aménagement linguistique qui doit être enraciné dans la formulation et la mise en œuvre des droits linguistiques en Haïti.
Contre les droits citoyens et les droits linguistiques, le démantèlement programmé de l’État de droit par le PHTK néo-duvaliériste
La question des droits linguistiques est donc relativement nouvelle dans l’analyse de la situation linguistique d’Haïti. Elle est consignée de manière explicite et pour la première fois dans le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Berrouët-Oriol et al., Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011). Il importe donc d’en rappeler la configuration pour mieux comprendre en quoi le démantèlement programmé de l’État de droit par le PHTK néo-duvaliériste risque d’impacter lourdement les droits citoyens et les droits linguistiques au pays.
En proclamant l’universalité des « droits linguistiques », la « Déclaration universelle des droits linguistiques » de 1996 établit les fondements de cette notion jurilinguistique majeure. On entend par « droits linguistiques » l’« Ensemble des droits fondamentaux dont disposent les membres d’une communauté linguistique tels que le droit à l’usage privé et public de leur langue, le droit à une présence équitable de leur langue dans les moyens de communication et le droit d’être accueilli dans leur langue dans les organismes officiels » (Gouvernement du Québec, Thésaurus de l’action gouvernementale, 2017). L’universalité des « droits linguistiques » s’entend donc au sens du « droit à la langue », du « droit à la langue maternelle » et de « l’équité des droits linguistiques ». En fonction du principe que les droits linguistiques sont à la fois individuels et collectifs, l’universalité des « droits linguistiques » pose (1) le droit d’une communauté linguistique à l’enseignement de sa langue maternelle et de sa culture ; (2) le droit d’une communauté de locuteurs à une présence équitable de sa langue maternelle et de sa culture dans les médias ; (3) le droit pour chaque membre d’une communauté linguistique de se voir répondre dans sa propre langue dans ses relations avec les pouvoirs publics et dans les institutions socioéconomiques. Alors même que la Constitution de 1987 ne fournit pas de provisions jurilinguistiques exhaustives quant aux droits linguistiques de l’ensemble de la population, elle consigne pourtant les balises générales permettant de les formaliser et de les articuler dans un futur énoncé de politique linguistique d’État et dans la future et première législation d’aménagement linguistique que le Parlement haïtien devra être appelé à voter. Tandis qu’elle expose le dispositif d’un ensemble de droits citoyens fondamentaux –« droit à l’information », « droit à la sécurité », « droit à la vie et à la santé », droit à la « liberté de réunion et d’association », droit à « la liberté individuelle », droit à « la liberté d’expression »–, c’est plutôt en ses articles 5 et 40 que cette Constitution fournit les paramètres généraux en lien avec les « droits linguistiques ». L’article 5 consigne la co-officialisation des deux langues du patrimoine linguistique national, le créole et le français, et, en le renforçant, l’article 40 fait obligation à l’État de diffuser tous ses documents dans nos deux langues. L’orientation d’ensemble quant aux droits du citoyen est donnée en préambule de la loi-mère dans les termes suivants : « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toutes discriminations entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture et par la reconnaissance du droit au progrès, à l’information, à l’éducation, à la santé, au travail et au loisir pour tous les citoyens ». Les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987 sont en lien logique avec les articles 32, 32-1, 32-2, qui consignent les obligations de l’État central et des collectivités territoriales en matière d’éducation.
Bien qu’elle n’ait pas été rédigée par des spécialistes de droit constitutionnel, cette charte fondamentale consigne avec hauteur de vue les normes de l’organisation et de la gouvernance de l’État ainsi que l’ensemble des droits citoyens qu’elle garantit. En cela, les avocats, les professionnels d’horizons divers et les militants des droits humains de la société civile qui faisaient partie de l’Assemblée constituante de 1987 ont effectué un extraordinaire et novateur travail d’élaboration de la première Constitution démocratique de l’histoire moderne du pays. De manière explicite, les constituants de 1987 voulaient prémunir le pays contre le retour de toute forme de dictature et barrer la voie à une réédition camouflée de la dictature duvaliériste. Il faut dès lors prendre toute la mesure de plusieurs des traits majeurs de sa configuration : elle est la première constitution votée en version bilingue en Haïti depuis l’Indépendance de 1804 ; contre le retour du présidentialisme despotique, elle pose l’affirmation de la plénitude des droits citoyens pour l’établissement d’un État de droit ; elle inscrit une profonde rupture avec la négation totale des droits citoyens qui a eu cours durant la sanglante dictature des Duvalier ; et elle proclame le créole, aux côtés du français, langue officielle pour la première fois dans l’histoire nationale. Mais la plénitude des droits citoyens et l’établissement d’un État de droit sont assautés, depuis un certain temps, sur le mode du retour à peine camouflé du duvaliérisme, version Michel Martelly, Laurent Lamothe et Jovenel Moïse.
En effet, plusieurs analystes ont mis en lumière le fait que, depuis l’arrivée au pouvoir exécutif des kleptocrates du PHTK, le processus de démantèlement de l’État de droit, sur le mode de son érosion progressive, connaît des avancées identifiées, dénoncées et âprement combattues par la société civile. Au plan d’une analyse globale, c’est précisément le processus du démantèlement des institutions de l’État de droit qui caractérise pour l’essentiel les dix dernières années de l’exercice du pouvoir par le PHTK, comme le souligne le PAG dans son article du 21 janvier 2020, « La décennie du Parti haïtien Tèt kale (PHTK) : décadence et résistances ». Dans un pays, Haïti, qui est loin d’avoir achevé sa déduvaliérisation, ce processus de démantèlement de l’État de droit par le PHTK se manifeste notamment par son refus dilatoire d’organiser les élections municipales et législatives, privant ainsi le pays d’une instance de contrôle de l’action de l’Exécutif, à savoir le Parlement. Ce processus se manifeste aussi par les entraves répétées à la liberté de s’exprimer et de manifester pacifiquement sur la voie publique, auquel l’Exécutif oppose le recours accru à la violence policière, par le refus du pouvoir exécutif de tenir en 2019 un procès public suite au scandale de la dilapidation des fonds PetroCaribe, et, en septembre 2020, par la création, sous pression occulte et publique de l’ambassade américaine, d’un Conseil électoral provisoire anticonstitutionnel chargé d’organiser des élections législatives et de tenir un référendum de « validation » d’une nouvelle Constitution.
Le scandale de la dilapidation des fonds PetroCaribe a impliqué plusieurs présidents haïtiens, y compris l’actuel, Jovenel Moïse, et six gouvernements. Comme en font foi de nombreux articles parus dans la presse haïtienne (cf. entre autres celui du journal Le National daté du 27 juin 2019, « Petrochallengers, ce mouvement à plusieurs branches »), ce scandale a donné lieu à un vaste mouvement de protestation d’ampleur nationale en 2019 suite au rapport de la Cour supérieure des comptes (voir l’excellente enquête en trois parties d’AlterPresse, « Haïti, le scandale du siècle [1/3] : Le dossier PetroCaribe » datée du 1er mars 2019) : « La période couverte par l’audit [de la Cour supérieure des comptes] s’étend sur huit années, de septembre 2008 à septembre 2016, et couvre trois présidences : celle de René Préval (mai 2006 à mai 2011), de Michel Martelly (mai 2011 à février 2016) et enfin de Jocelerme Privert (février 2016 à février 2017). Le total des ressources générées de 2008 à 2018 par PetroCaribe s’élève à plus de 4,237 milliards de dollars. Selon les données obtenues, 219 cargaisons totalisant 43,9 millions de barils de carburant ont été livrées et commercialisées en Haïti. » En bloquant par des manœuvres dilatoires la tenue du procès de la dilapidation des fonds PetroCaribe, l’Exécutif PHTK de Jovenel Moïse affaiblit et paralyse le système judiciaire haïtien, déjà partiellement corrompu, et il confirme ainsi sa volonté de poursuivre le processus de démantèlement des institutions de l’État de droit. Le meurtre du bâtonnier Montferrier Dorval, crime d’État, le 28 août 2020, en est une macabre illustration.
Le point d’orgue de l’offensive du PHTK contre les droits citoyens en Haïti –dont font partie les droits linguistiques–, est manifestement la création, le 18 septembre 2020, d’un Conseil électoral provisoire anticonstitutionnel très largement décrié par les institutions de la société civile, chargé d’organiser des élections et de tenir un référendum de « validation » d’une nouvelle Constitution. Pour mémoire, il y a lieu de rappeler que l’amendement de la Constitution de 1987 a donné lieu à d’évidentes et complexes magouilles à l’échelle du Sénat et de l’Exécutif et a provoqué une ample controverse. Cette ténébreuse saga d’amendement de la Constitution de 1987 est attestée dans de nombreux articles, entre autres par le texte d’Isabelle L. Papillon, « Controverse autour de la publication de la Constitution amendée » paru sur le site The Canada-Haïti Information Project qui reprend celui du site Haiti Liberté, édition du 4 au 10 janvier 2012 : « Le 16 mars 2011, la Constitution du 29 mars 1987 amendée a été publiée au Journal officiel, Le Moniteur. Le sénateur Steven Irvenson Benoit cria au scandale puisque sept articles de la Constitution amendée avaient été falsifiés. Ces articles en question concernent les mandats des élus. Selon des parlementaires, c’était le sénateur Jocelerme Privert, du département des Nippes, qui s’était chargé de transmettre ce document à l’Exécutif pour publication. Entretemps, certains parlent de faux en écriture publique qui y ont été glissés et d’autres disent [qu’il y a eu] des erreurs matérielles. Dans les deux cas, il y avait des manquements et s’il y a eu des fautes graves, c’est qu’il y avait un ou des auteurs. Qui pis est, les minutes de la séance en assemblée nationale ont mystérieusement disparu au Parlement. On a dû recourir aux bandes sonores et aux cassettes audiovisuelles pour essayer de repêcher quelques données. »
Le projet de référendum de « validation » d’une nouvelle Constitution que prépare le PHTK de Jovenel Moïse constitue sans doute l’épicentre d’un tsunami politique qui, s’il est mis en œuvre au moyen d’un décret présidentiel inconstitutionnel, risque de compromettre durablement l’établissement d’un État de droit en Haïti. Il ne faut pas perdre de vue, là-dessus, que depuis janvier 2020, Jovenel Moïse gouverne par décrets puisque le Parlement, déclaré dysfonctionnel, n’assure plus son rôle constitutionnel de contrôle de l’action gouvernementale.
La question de fond est la suivante : un Exécutif néo-duvaliériste, illégitime et publiquement contesté par la majorité de la population à l’échelle nationale, empêtré dans des scandales de corruption et ordonnateur d’actes de répression des libertés citoyennes peut-il être porteur d’une nouvelle Constitution garante des droits fondamentaux des citoyens et singulièrement des droits linguistiques ?
Des voix autorisées, en Haïti, ont tôt mis en lumière le caractère inconstitutionnel du projet d’une nouvelle Constitution que prépare le PHTK néo-duvaliériste de Jovenel Moïse. Elles dénoncent « Cet acte politique [qui] vient confirmer les velléités autoritaires du président Jovenel Moïse », elles critiquent, comme ces organisations féministes qui affirment prendre leur distance face à « un processus, qui viole et met en veilleuse la Constitution » et [s’insurgent contre] « un projet susceptible de saper les acquis démocratiques et de menacer l’existence des mouvements sociaux, du mouvement féministe ». (…) Face à ces dérives et velléités antidémocratiques, ces organisations féministes appellent les institutions et organisations démocratiques « à faire barrage à tout projet qui ferait sombrer Haïti à nouveau dans la dictature » (« Près d’une dizaine d’organisations féministes qualifient d’illégal l’arrêté nommant un nouveau Conseil électoral provisoire en Haïti », AlterPresse, 29 septembre 2020). Selon « Georges Michel : « Il faut attendre la prochaine législature si l’on veut amender la Constitution » : « Georges Michel, historien et membre de l’Assemblée constituante à l’origine de la Constitution de 1987, a commenté sur Magik9 le projet de Jovenel Moïse de doter le pays d’une nouvelle Constitution. En effet, le président de la République a indiqué la semaine dernière qu’il entend organiser un référendum à la fin de l’année pour adopter une nouvelle loi mère. Selon Georges Michel, il est inconstitutionnel de changer la Constitution via un référendum. « Le pays a une Constitution qui n’est pas caduque. Celle-ci trace les voies conduisant à son amendement. On aurait dû attendre la dernière session de la dernière législature pour introduire une déclaration de révision votée en Assemblée nationale. C’est à la prochaine législature de travailler là-dessus. Toute initiative qui ne suit pas cette procédure est inconstitutionnelle », a-t-il soutenu. » (Le Nouvelliste, 21 janvier 2020.) L’ancien membre de l’Assemblée constituante de 1987 précise également que « Le changement de constitution initié par Jovenel Moïse est un « coup de force » contre la Constitution de 1987, croit Georges Michel » : « L’historien Georges Michel [membre de l’Assemblée constituante de 1987] a qualifié de « coup de force » contre la Constitution de 1987, le projet de changement de constitution entamé par le Président de la République Jovenel Moïse qui a déjà démarré les consultations, en vue de former l’Assemblée constituante (…) » (Haïti Standard, 18 juin 2020). Pour sa part, l’ancien ministre de la justice Me Bernard Gousse a jugé « inconstitutionnel et illégal » l’arrêté du président Jovenel Moise nommant les neuf membres du Conseil électoral provisoire (CEP). Le juriste prend pour preuve le mandat attribué au nouveau Cep consistant à organiser le référendum afin de doter le pays d’une nouvelle constitution. Intervenant lundi sur les ondes d’une station de radio de la capitale, Me Gousse estime que cette démarche est non conforme à l’article 284.3 et 284.4 de la constitution du 29 mars. En effet l’article 284-3 dispose que toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite. Et la Constitution en son article 284-4 [dispose] qu’aucun amendement à la constitution ne doit porter atteinte au caractère démocratique et républicain de l’État. Me Bernard Gousse sans langue de bois affirme au micro des collègues de Magik 9 que l’Exécutif haïtien, par cet arrêté, viole la Constitution haïtienne qu’il était censé respecter et faire respecter. L’arrêté nommant le nouveau CEP est « inconstitutionnel et illégal », selon Me Bernard Gousse. » (…) « Me Gousse plaide en faveur d’une levée de boucliers des forces vives de la société pour faire obstacle à ce projet car, dit-il, Duvalier avait par voie référendaire réussi à imposer une présidence à vie dans le pays. » (« L’arrêté nommant le nouveau CEP est « inconstitutionnel et illégal », selon Me Bernard Gousse », Haïti Press Network, 21 septembre 2020.)
Cette levée de boucliers réclamée par le juriste Bernard Gousse contre le projet de nouvelle Constitution en préparation dans les laboratoires du PHTK néo-duvaliériste devra être assurée par la société civile organisée car cet obscur projet de restitution d’un « présidentialisme fort », qui vise le retour au pouvoir du duvaliérisme avec ou sans Duvalier, aura des effets directs sur l’efficience des droits citoyens et des droits linguistiques au pays. En cela, il faut bien examiner l’hypothèse d’une probable candidature présidentielle en 2021 de François-Nicolas Duvalier, petit-fils et fils des dictateurs François Duvalier et Jean Claude Duvalier et auteur d’un factum laudateur paru le 19 avril 2013 dans Le Nouvelliste, « In memoriam Dr François Duvalier, président à vie ». François-Nicolas Duvalier, faut-il le rappeler, a été conseiller spécial du clown-président Michel Martelly et son influence au sein du disparate PHTK néo-duvaliériste ne fait pas de doute. Il a le soutien des dinosaures de la dictature duvaliériste, notamment celui de Rony Gilot, nommé en 2008 secrétaire général du Parlement haïtien puis, en 2016, secrétaire général adjoint du Palais national par le président par intérim Jocelerme Privert (Radio Métropole, 19 février 2016). Inculpé en 2013 devant la justice haïtienne dans le procès de Jean Claude Duvalier, duvaliériste de premier plan et tonton macoute « en service commandé » depuis les années 1960, Rony Gilot traîne derrière lui un passé scabreux et a été mêlé à de violents actes de répression menés par la dictature duvaliériste durant la grève de 1960 – 1961 de l’Union nationale des étudiants haïtiens (voir Leslie Péan : « Entre savoir et démocratie – Les luttes de l’Union nationale des étudiants haïtiens sous le gouvernement de François Duvalier », Éditions Mémoire d’encrier, 2010). Il a entrepris une « œuvre » révisionniste et apologétique de réhabilitation du duvaliérisme et de la dictature duvaliériste dans ses publications. Ancien responsable du journal de propagande jeanclaudiste « L’Assaut » dans les années 1980, membre fondateur et propagandiste du Conseil national d’action jeanclaudiste, le CONAJEC, au cours des années 1970 – 1980 et de la Fondation François Duvalier en 2006, Rony Gilot est l’auteur notamment de « Au gré de la mémoire. François Duvalier, le mal-aimé » (Éditions Le Béréen, 2007) et de « Au gré de la mémoire, Jean-Claude Duvalier ou l’ingénuité captive » (Éditions Le Béréen, 2010).
Sans écarter la possibilité que Jovenel Moïse puisse éventuellement être candidat à sa propre succession, la seconde option du PHTK qui doit être examinée est l’hypothèse plus probable d’une candidature présidentielle de Michel Martelly en 2021. Il s’agirait dès lors d’un projet de restitution d’un « présidentialisme fort » limitant le pouvoir de contrôle du Parlement et qui serait « légitimé » par une nouvelle Constitution cousue sur mesure pour justifier et préparer le retour au pouvoir de Michel Martelly malgré le bilan quasi nul de sa précédente présidence dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité, etc. Comme pour leur première option, les stratèges du PHTK/Jovenel Moïse mettent en œuvre l’idée chère aux duvaliéristes de « l’unité de la famille haïtienne » –« unité » en dehors de la justice et des réparations–, et qui vise en réalité le retour au pouvoir du duvaliérisme avec ou sans Duvalier. On se souvient que Michel Martelly a été un ardent défenseur de Jean Claude Duvalier, comme le rappelait le quotidien français Le Monde lors de sa visite en France en février 2014 : « Ces ONG et les victimes ont dénoncé « l’absence de volonté politique » du président haïtien Michel Martelly, qui a plusieurs fois évoqué une amnistie en faveur de l’ancien dictateur au nom de « la réconciliation nationale ». Le 1er janvier dernier, le président haïtien a invité M. Duvalier à participer, à ses côtés, à la cérémonie commémorant l’indépendance d’Haïti. » (« L’ex-dictateur haïtien Duvalier sera jugé pour crimes contre l’humanité », Le Monde, 21 février 2014.) Sous les habits trompeurs du « renouveau » et de la « bonne gérance » de l’État, c’est donc bien le projet d’un « présidentialisme fort » que prépare le PHTK/Jovenel Moïse : une mise à jour « moderne » du duvaliérisme, avalisée par le Core Group et imposée à la population haïtienne au moyen d’une élection-sélection et d’une nouvelle Constitution favorisant le retour aux affaires de Michel Martelly.
Les deux options du PHTK, qui verraient le parachutage « démocratique » de François-Nicolas Duvalier ou de Michel Martelly à la magistrature suprême de l’État, doivent donc être bien comprises dans l’actuelle conjoncture au pays. La nouvelle Constitution en cours d’élaboration par le PHTK de Jovenel Moïse, sur le mode d’un « présidentialisme fort » et d’une reconfiguration « moderne » du duvaliérisme, portera gravement atteinte aux droits citoyens et aux droits linguistiques qui lui sont liés. La nouvelle Constitution de Jovenel Moïse pourrait notamment renforcer le recul institutionnel du créole au profit du français et procéder à une dilution de la portée historique des articles 5 et 40 de la Constitution de 1987. Elle pourrait aussi donner à l’Exécutif le pouvoir de légiférer par décret –et non pas avec la sanction du Parlement et par consensus populaire–, dans le domaine linguistique et en particulier en matière de politique linguistique éducative.
C’est en cela que réside, au plan linguistique, la principale leçon à retenir de la lecture critique du projet d’élection et de référendum destiné à « légitimer » une nouvelle Constitution : jamais, dans l’histoire nationale, le « présidentialisme fort » n’a été conçu et mis en œuvre pour assurer l’efficience des droits citoyens et des droits linguistiques qui lui sont liés. Le « présidentialisme fort » s’oppose de fait à l’efficience des droits citoyens en les niant ou en les diluant au nom de « la réconciliation nationale » chère aux duvaliéristes, et il est le fil conducteur du retour au pouvoir du duvaliérisme avec ou sans Duvalier. Il appartient à la société civile organisée, aux institutions des droits humains, de s’y opposer vigoureusement en proposant une alternative démocratique consensuelle. Les droits linguistiques en Haïti ne peuvent être mis en œuvre que dans le cadre de l’établissement d’un État de droit garant des droits citoyens.
Robert Berrouët-Oriol
Alors que le pays s’approche du pic de la pandémie, notre ami Laënnec Hurbon nous envoie deux articles qui nous permettent d’avoir un oeil critique (mais parfaitement juste) sur les dérives de l’actualité, non seulement sanitaire, mais surtout, hélas, politique.
Port-au-Prince, 6 juin 2020
Laënnec Hurbon
La gestion en Haïti de la pandémie du covid 19 est marquée par des cafouillages, des contradictions, des incohérences qui manifestent bien des difficultés du gouvernement haïtien à se faire passer pour un pouvoir engagé dans la protection des vies humaines. L’étude publiée récemment (4 Juin 2020) par la plateforme franco-haïtienne dans Media Part en fait foi. Elle souligne les faiblesses structurelles du système hospitalier haïtien : 1 médecin pour 10 habitants, des hôpitaux dépourvus de tout, des centres de santé peu fréquentés et disposant en tout d’un millier de lits alors qu’il en faudrait 7000. Le gouvernement parvient à trouver l’aide du FMI, de la banque mondiale. Tests, masques, lits et respirateurs artificiels sont commandés, mais la distribution est chaotique. Le covid 19 est arrivé dans un contexte économique catastrophique : 40% de la population (soit environ 4 millions d’habitants) sont sous le coup d’une famine, l’inflation galope et atteint environ 25%, et l’économie informelle qui domine la vie quotidienne rend problématique toute décision de confinement contre l’expansion de la pandémie sans un accompagnement social conséquent. Aucune possibilité n’est offerte pour un contrôle de l’utilisation de l’aide. C’est qu’à la vérité, le Président de la république gouverne sans parlement depuis un an et n’a pu disposer que d’un premier ministre de facto, sans avoir réussi à réaliser les élections législatives en 2017. À la crise sanitaire s’ajoute donc une crise politique très grave qu’on ne peut comprendre sans interroger les orientations actuelles du gouvernement haïtien.
Tout d’abord dans les classes populaires, toute information venant du président de la République, Jovenel Moise, sur l’existence du covid 19 est considérée comme suspecte sinon fausse, tant on était accoutumé à des promesses jamais réalisées. Du coup, on a commencé par un déni sur l’existence du virus en Haïti. Dans plusieurs provinces comme Jacmel, Gonaïves et dans la capitale elle-même, des groupes divers se disaient prêts à empêcher par la violence tout projet d’installer des centres de dépistage ou de réception de contaminés. Mais plus le pays s’avance vers le pic de l’épidémie à grandes enjambées - plus de 3500 contaminés et plus de 50 morts, - plus la majorité de la population se plie devant la réalité. Les experts ne prévoient pas moins de 20,000 morts si les moyens ne sont pas mis en œuvre pour stopper la progression de l’épidémie. Or l’inquiétude grandit quand on observe comment Jovenel Moise, gouvernant par décret, enroule autour du Covid 19 ses propres intérêts politiques personnels.
Bien avant les nouvelles de la pandémie, l’opposition (regroupant plusieurs partis politiques et syndicats) réclamait le départ immédiat du Président Moise. Il lui est reproché notamment son implication dans la vaste dilapidation (réalisée par le gouvernement de Martelly 2011-2016) de 4 milliards 200 millions de dollars US, prêt offert par le gouvernement de Chavez du Venezuela, appelé Fonds Petrocaribe, comme une aide spéciale pour sortir enfin Haïti de la pauvreté. Implication clairement établie dans les rapports de la Cour supérieure des comptes, qui donne à voir que le Président lui-même n’a aucun intérêt à favoriser la moindre enquête sur la corruption. Nous aimerions attirer l’attention sur la double stratégie appliquée par le Président haïtien dans son effort désespéré pour rester accroché au pouvoir : la tolérance pour des gangs armés et l’utilisation de la pandémie pour restreindre les droits humains fondamentaux.
De la violence
Le président Jovenel Moise ne s’est pas contenté de lancer des gaz lacrymogènes contre toute manifestation légale ou spontanée. Plusieurs militants meurent par balles, pendant que des voitures sans plaque d’immatriculation circulent en toute impunité. Mais demeure plus important encore le massacre organisé dans l’un des plus grands bidonvilles de la capitale (300.000 habitants environ) le 13 novembre 2018, qui a produit environ une soixantaine de morts par balles et dont les maisons ou cases ont été incendiées. Ce massacre a été documenté dans les rapports des associations des droits humains (RNDDH ou Réseau national des droits humains - rapport A2018No10- ). Un rapport de l’ONU parle d’un massacre d’État. En effet, la stratégie du gouvernement consistait à compliquer la participation des habitants de ce bidonville à une manifestation annoncée pour le 18 novembre. Le massacre a lieu justement 5 jours avant.
On aura appris finalement que celui qui dirigeait le massacre est un ancien policier dénoncé non seulement par les rumeurs publiques, mais aussi par les media et les associations de droits humains ; il poursuit librement ses activités criminelles dans la zone, malgré un mandat d’arrêt de février 2019 jamais exécuté. C’est qu’il est adossé par différentes personnalités du pouvoir (député, délégué départemental, agent du ministre de l’intérieur). On peut comprendre que le contexte d’impunité favorise ainsi la multiplication des massacres sous la présidence de Jovenel Moise : massacre dans les bidonvilles (le 24 avril 2019 à Carrefour-feuille : 9 morts) ; au Bel-Air (du 4 au 8 novembre 2019 : 24 morts et 28 maisons incendiées). Depuis au moins deux ans, une floraison de gangs armés (pas moins d’une centaine) bloquent la circulation vers les provinces du Sud comme vers celles du Nord, ils dominent tous les points stratégiques du pays et mettent les passagers des transports publics et des voitures privées dans la plus grande insécurité : kidnappings, viols, vols, détournements de camions de marchandises sont monnaie courante. Au moment où nous écrivons, le tourisme est mort en Haïti pour les étrangers comme pour les nationaux. Comme si le pays se rapprochait de plus en plus de l’image de la Somalie. C’est dans ce contexte que le Président Jovenel, sous la protection de l’OEA, l’ambassade américaine, de l’ONU, et l’Union européenne, prétend organiser les élections.
Elections, pandémie et gangs armés
La crise politique semble connaître un relatif répit avec l’entrée de la pandémie en Haïti. Pour le Président de la république, c’est une véritable aubaine qu’il reçoit entre les mains. Les partis et groupes de l’opposition semblent se résigner à accepter la fin de mandat présidentiel pour le 7 février 2021 et non pour le 7 février 2022. En effet l‘article 134-2 de la Constitution, appliqué par son prédécesseur, le président Martelly et qu’en outre Jovenel Moise a appliqué pour les députés (restés 3 ans au lieu de 4 ans) déclare : « Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection ». Telle est la lettre de la Constitution, et tel est le cas pour le mandat (de 5 ans) de Jovenel Moise censé avoir commencé sa présidence le 7 février 2016 (année de son élection). Le président s’arrange pour ne pas suivre cette prescription de la Constitution, il prétend ne laisser le pouvoir que le 7 février 2022 et ouvre ainsi une crise politique lourde de nouvelles violences. Son appui principal, il l’a cherché auprès de l’OEA et il l’a trouvé. Pourquoi donc trouve-t-il si prestement cet appui ? La réponse, nous l’avons dans le vote favorable de Jovenel Moise contre Maduro à l’OEA. Le vote qui suffit pour faire du président haïtien le bon « démocrate » (au sens de Trump) à maintenir au pouvoir par tous les moyens, y compris en ignorant les prescrits de la Constitution haïtienne. Le champ est désormais libre pour organiser des élections législatives sous le contrôle des gangs armés. De la pandémie, le gouvernement pourra faire un usage politique dont la critique sera facilement décrédibilisée. Les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence décrété en vue de limiter la propagation du Covid 19 sont considérées comme totalement inapplicables selon les experts, dont le juriste Bernard Gousse (dans le journal Le Nouvelliste du 3 juin 2020). Qu’il suffise de mentionner l’article qui mentionne l’interdiction de réunion au-delà de 5 personnes en milieu clos ou ouvert : ce qui provoque une véritable hilarité dans les familles haïtiennes ou même dans les hôpitaux et les bureaux publics. Concrètement, il s’agissait pour le gouvernement de prévenir toute tendance à des manifestations d’opposants, le virus tenant lieu à tout motif pour suspendre les libertés fondamentales. Ainsi par exemple, le coordonnateur du RNDDH (réseau national des droits humains en Haïti) est sous persécution : mandat et tirs de nuit (en plein couvre- feu décrété à cause du virus) sur le local du centre ; en même temps, les prisons sont remplies aux trois-quarts de prisonniers en détention préventive depuis plusieurs années (sans être présentés à un juge), avec 118 décès rien qu’entre janvier et octobre 2018.
On a en dernière instance l’impression que le gouvernement de Jovenel Moise, rejetant tout recours même à une caricature ou à une apparence de démocratie, choisit de placer la population sous le gouvernement de bandits. L’appétit pour les armes est tellement glouton qu’il cherche à implanter une usine de fabrication d’armes et de munitions : autorisation hâtive et illégale (voir Le Moniteur du 19 novembre 2019) est donnée à une entreprise (la HOFSA, Haïti ordonnance Factory SA) à laquelle participe comme actionnaire un policier du palais national. Ce projet est conçu à un moment où chaque chef de gang s’appelle commandant et possède des armes de guerre plus létales parfois que celles de la police. On s’aperçoit que l’intérêt du Président pour la lutte contre le covid 19, comme pour le développement et la démocratie est à son plus bas niveau en Haïti, pendant que le Core group (dont font partie Trump et Bolsonaro), l’OEA et la BINUH (Bureau des Nations-Unies en Haïti) ne cessent de voir en Jovenel Moise le bon choix pour sortir le pays de la crise sanitaire et de la crise politique. Ce sont ces pratiques proprement coloniales qu’il conviendrait désormais d’interroger.
Rappelons que Laënnec Hurbon est sociologue, directeur de recherche honoraire au CNRS et professeur à la Faculté des sciences de l’Université d’État d’Haïti. Dernier ouvrage paru : Esclavage, religion et politique en Haïti, éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2018 (en réédition aux Presses Universitaires de Lyon).
15 octobre 2019
Dans le cadre des liens qui nous rapprochent du site www.berrouet-oriol.com de Robert Berrouët-Oriol, nous avons le plaisir de vous faire connaître cet article de sa dernière livraison et portant sur un sujet particulièrement sensible qui dépasse largement les principes de la linguistique.
Il est suivi du commentaire de Yves Chemla sur Mur Méditerranée, un roman très actuel de Louis-Philippe Dalembert, écrivain haïtien majeur, qui avait participé à notre Salon en 2009.
Par Robert Berrouët-Oriol
Paru dans Le National le 2 octobre 2019
La parution en 2018, en Haïti, du livre de Gérard-Marie Tardieu, Yon sèl lang ofisyèl, (Éditions Kopivit laksyon sosyal) n’a pas soulevé grand intérêt chez les créolistes, les enseignants et les linguistes. Hormis un article du Nouvelliste paru le 30 mai 2018, « Yon sèl lang ofisyèl pou dechouke mantalite nou », ceux qui ont à cœur la défense du créole ne semblent pas avoir pris au sérieux la croisade de Gérard-Marie Tardieu visant à faire du créole la « seule langue officielle » d’Haïti à l’exclusion du français. Et comme pour conjurer le silence, pourtant salutaire, qui a suivi la parution de « Yon sèl lang ofisyèl » (« Une seule langue officielle »), le quotidien Le National, daté du 26 septembre 2019, vient de lui faire l’amabilité d’un entretien sous le titre « Gérard-Marie Tardieu : « kreyòl la ofisyèl sou papye sèlman ».
Paru dans Le National du 7 juin 2018, notre article « Le créole, « seule langue officielle » d’Haïti : mirage ou vaine utopie ? » met en lumière un aveuglement volontaire et têtu chez ceux des bilingues haïtiens éduqués en français qui nient avec légèreté le caractère bilingue de notre patrimoine linguistique biséculaire. Notre article ciblait l’inanité de l’aveuglement volontaire chez ceux qui –au premier chef Gérard-Marie Tardieu–, confondent la juste et nécessaire défense du créole et le mirage de l’unilatéralisme créolophile. Celui-ci étant porteur d’une grande confusion, il y a lieu de revenir sur les ornières linguistiques de Gérard-Marie Tardieu qui défend, à contre-courant des sciences du langage, l’aveuglement créolophile prêché par une partie des membres de l’Académie créole dont fait partie Gérard-Marie Tardieu.
Quels sont les points essentiels du fondamentalisme créolophile et de l’aveuglement volontaire de Gérard-Marie Tardieu exposés dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien Le National le 26 septembre 2019 et paru sous le titre « Gérard-Marie Tardieu : « kreyòl la ofisyèl sou papye sèlman » ? Gérard-Marie Tardieu dénonce avec raison les punitions imposées aux écoliers qui s’expriment en créole à l’école. Il s’inscrit en faux contre l’École haïtienne qui, à force de nier l’identité nationale et le rôle-pivot du créole, dépersonnalise l’écolier et forme des non-citoyens vecteurs de corruption. Pour lui, le premier « ennemi » de la langue créole est le ministère de l’Éducation nationale qui accorde davantage de points au français lors d’examens officiels (« Mwen di byen fò byen wo premye lènnmi lang kreyòl la se ministè Edikasyon nasyonal la »). Il dénonce les « abus » dont le créole est « victime » (« (…) yo fè abi sou lang kreyòl la, yo diminye lang kreyòl la, fyète nasyonal yon peyi ki pa gen fyète lang li (…) ». Il dénonce le « scandale » présumément perpétré par des fonctionnaires du ministère de l’Éducation nationale qui « travaillent pour la France » (« (…) se eskandal, kote nan ministè Edikasyon nasyonal gen moun se pou Lafrans y ap travay (…) »).
Pince sans rire, Gérard-Marie Tardieu expose combien il « regrette » qu’on lui ait appris le français lorsqu’il était enfant (« Mwen kapab di wi mwen regrèt se te franse lè m te timoun yo te aprann mwen. » ; il aurait préféré apprendre l’anglais et l’espagnol à l’école (« (…) anverite mwen ta pito se angle avèk espayòl mwen te aprann lekòl. », suggérant explicitement que ces deux langues remplacent de facto le français en Haïti. Sans en faire la démonstration, l’auteur de « Yon sèl lang ofisyèl » soutient que les enfants ne maîtrisent ni le français ni le créole (« Timoun yo pa metrize ni franse, ni kreyòl la ». Sans doute l’une des rares personnes en Haïti à croire que la population haïtienne supporte l’Académie créole (« Popilasyon an kwè anpil nan Akademi kreyòl Ayisyen an », Gérard-Marie Tardieu affirme que celle-ci doit conduire une « révolution sociale » aux quatre coins du pays (« Se yon revolisyon Akademi an gen wòl pou li limen nan 4 kwen peyi a »), comme pour conjurer les « caprices » et la « folie de parler français » (« foli pale franse » (…) et se défaire des « chaînes de l’esclavage mental » induit et entretenu par la « langue du colon », le français. Croyant à tort que l’Académie créole serait une institution d’aménagement linguistique, Gérard-Marie Tardieu estime qu’elle a l’obligation d’œuvrer pour que les citoyens reçoivent tous les services en créole (« Akademi an gen obligasyon fè kreyòl la sèvi toupatou pou bay pèp la tout sèvis li bezwen nan lang li »), dénonçant du coup le fait que, selon son « analyse », dans la réalité l’État haïtien ne reconnaîtrait que le français comme langue officielle. Réécrivant dans la confusion l’article 5 de la Constitution de 1987, Gérard-Marie Tardieu pose que le créole serait « LA SEULE langue qui unit tous les Haïtiens » (« (…) se sèl lang ki simante tout ayisyen »), alors même que notre loi-mère dit plutôt, en son article 5, que « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République ». L’auteur de « Yon sèl lang ofisyèl » pose, sans analyse sérieuse, que l’École et la langue française seraient responsables de la « division » de la société (« (…) yon lekòl ki ap kreye divizyon menm jan franse a kreye divizyon pami nou ».
On reconnaît là l’une des affabulations du populisme démagogique qui tente de faire croire que la langue française est responsable des maux de la société haïtienne, gommant ainsi la configuration historique des classes sociales en Haïti. Prenant le contre-pied de l’article 5 de la Constitution de 1987, Gérard-Marie Tardieu soutient qu’il n’y a aucune raison ni nécessité pour que le français soit l’une des langues officielles d’Haïti : « Pa gen rezon pou franse lang ofisyèl. Pa gen okenn nesesite pou jodi a franse ta yon lang ofisyèl Ayiti ». Seuls nos « complexes » et nos « préjugés », affirme-t-il, sont au fondement de la co-officialité de la langue française en Haïti (« Sèlman konplèks nou yo ak prejije nou yo kapab esplike anòmali sa a, bagay dwategòch sa a »). Reconnaissant malgré lui et seulement du bout des lèvres qu’Haïti dispose d’un « héritage documentaire » en français depuis l’Indépendance de 1804, Gérard-Marie Tardieu ne voit aucune raison de faire d’Haïti un « pays bilingue » (« nou gen yon eritaj dokiman franse depi endepandans nou. Men, sa pa konstitye yon rezon pou nou vle fè peyi a yon peyi bileng, yon peyi ki gen bezwen 2 lang ofisyèl »).
Dans l’article « Gérard-Marie Tardieu : « kreyòl la ofisyèl sou papye sèlman », l’auteur de « Yon sèl lang ofisyèl » peine à convaincre le lecteur. Dogmatique et sectaire plutôt qu’analytique, son propos fait appel à une énumération de poncifs qui n’éclairent pas le lecteur et qui sont destinés à conforter l’unilatéralisme créolophile et l’aveuglement volontaire de certains bilingues haïtiens.
D’entrée de jeu il y a lieu de préciser que l’idée centrale défendue par Gérard-Marie Tardieu est anti-constitutionnelle. Dépourvu d’arguments linguistiques, Gérard-Marie Tardieu n’a pas hésité à trafiquer –à réécrire—l’article 5 de la Constitution de 1987 pourtant votée à la majorité par référendum. Il se substitue à la population, croyant par cet illusoire subterfuge pouvoir exclure le français langue co-officielle et obtenir, il ne dit pas comment, l’unilinguisme créole. Ainsi, instituer un plaidoyer pour « Yon sèl lang ofisyèl » en Haïti est essentiellement une posture anti constitutionnelle puisque l’article 5 de la Constitution de 1987 consigne que le pays dispose de deux langues officielles, le créole et le français. En accordant le statut de langue officielle aux deux langues, les constituants de 1987 ont explicitement inscrit dans la Loi-mère la réalité de notre patrimoine linguistique bilingue. Gérard-Marie Tardieu –qui prend le contre-pied du vote référendaire massif de la Constitution de 1987–, entend donc, seul, se substituer aux constituants de 1987 et, dans la plus improductive confusion théorique, il prêche l’unilatéralisme linguistique en croyant ainsi mieux défendre le créole. Fantaisiste et borgne, l’unilatéralisme linguistique de Gérard-Marie Tardieu pourrait éventuellement –s’il était pris au sérieux, ce qui est loin d’être le cas–, inciter le Parlement haïtien à voter un amendement constitutionnel dévastateur au sens où le « droit à la langue », qui est un droit majeur de l’ensemble des locuteurs haïtiens (unilingues et bilingues), serait escamoté au profit d’une vision réductrice de la situation linguistique au pays. En cela également, l’unilatéralisme linguistique de Gérard-Marie Tardieu est toxique et pourrait conduire l’État haïtien sur une voie de garage, un cul-de-sac dans lequel les droits linguistiques de l’ensemble de la nation seraient niés sinon évacués.
À l’instar de certains locuteurs bilingues créole-français bien éduqués en français, l’auteur de « Yon sèl lang ofisyèl » s’emploie à nier la réalité de notre patrimoine linguistique bilingue. Pareil déni de la réalité historique ne résiste pas aux faits observables : il suffit de rappeler que l’Acte de l’Indépendance de 1804, rédigé et proclamé en français, est le premier document officiel de la jeune République d’Haïti. Considéré comme la première intervention implicite de l’État dans la vie des langues au pays, il précède les nombreux traités, lois, décrets, règlements, conventions, divers textes juridiques, etc. rédigés et/ou adoptés en français au cours des ans, ainsi qu’un grand nombre de textes littéraires. Sur les registres de l’oral et de l’écrit, notre patrimoine linguistique bilingue a su exprimer et accompagner les différents dispositifs de l’identité nationale, et il est illusoire de vouloir réduire l’identité nationale à sa seule dimension linguistique. Le déni de la réalité de notre patrimoine linguistique bilingue est donc le mince drap sous lequel s’abritent quelques locuteurs créole-français dépourvus d’arguments linguistiques mais qui s’emploient à exclure le français du paysage linguistique haïtien au motif qu’il serait une « langue étrangère » ou la « langue du blanc » ou la « langue du colon » (voir là-dessus notre article « Faut-il exclure le français de l’aménagement linguistique en Haïti ? » (Le National, 20 août 2017) ; voir aussi notre texte « Le patrimoine linguistique bilingue d’Haïti : promouvoir une vision rassembleuse », Le National, 25 mai 2018).
Haïti est donc riche d’un patrimoine linguistique comprenant le créole, langue parlée par la totalité de ses locuteurs natifs, et le français, langue très minoritairement maternelle et majoritairement seconde apprise à l’école. Selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) Haïti comptait, en 2010, 4 279 000 locuteurs du français, mais en l’absence d’une enquête démolinguistique conduite par une institution nationale, ces chiffres de l’OIF et du PNUD doivent être considérés avec prudence car nous ne sommes pas renseignés sur la méthodologie employée (Sources : Rapport sur le développement humain (PNUD, 2010) et World Population Prospects – The 2008 Revision (Division des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2008).
Tel que rapporté plus haut dans cet article, Gérard-Marie Tardieu soutient qu’il n’y a aucune raison ni nécessité pour que le français soit l’une des langues officielles d’Haïti (« Pa gen rezon pou franse lang ofisyèl. Pa gen okenn nesesite pou jodi a franse ta yon lang ofisyèl Ayiti »). Contrairement à cette hasardeuse assertion, ce sont les faits historiques qui expliquent et justifient la réalité de la co-officialité du français et du créole en Haïti. En fondant le nouvel État en 1804, les Pères de la nation, auparavant officiers de l’armée française, ont institué un usage dominant de la langue française –sans toutefois la proclamer langue officielle–, dans toutes les sphères de l’Administration publique, dans les relations entre l’État et ses administrés et dans les embryons du système scolaire hérité de la France. Le passage d’une société esclavagiste et coloniale à une République indépendante de la France s’est donc effectué dès les premiers instants sur le mode du refoulement et de la minorisation de la langue maternelle des nouveaux libres, le créole, vers les mornes et dans le système de plantations reconstitué presqu’à l’identique pour répondre aux exigences de la centralisation administrative du pays et aux besoins de la militarisation à grande échelle du nouvel État encore menacé par l’Europe esclavagiste. C’est précisément l’usage dominant du français et la minorisation institutionnelle du créole que la Constitution de 1987 entendait déconstruire en consignant la co-officialité du créole et du français en Haïti.
Le lecteur attentif aura bien noté que Gérard-Marie Tardieu, prédicateur de « Yon sèl lang ofisyèl », ne plaide pas pour l’aménagement linguistique en Haïti –et encore moins pour une compétente didactique du créole dans le système éducatif haïtien. Tout occupé à énumérer nombre de clichés sur la situation linguistique du pays, il ne plaide pas pour l’élaboration et la mise en route d’une véritable politique linguistique éducative basée sur les « droits linguistiques » et le « droit à la langue maternelle » créole. Dans l’entretien qu’il a accordé au National le 26 septembre 2019, « Gérard-Marie Tardieu : « kreyòl la ofisyèl sou papye sèlman », Gérard-Marie Tardieu se révèle tout à fait ignorant des exigences portées par les « droits linguistiques » et le « droit à la langue maternelle » créole. C’est sans doute en cela que réside la toxicité de sa croisade pour « Yon sèl lang ofisyèl », et l’on comprend ainsi pourquoi, alors même qu’il est un bilingue créole-français éduqué en français, il s’oppose à la perspective du bilinguisme institutionnel en Haïti.
En définitive, c’est précisément à cette mal-vision des créolistes fondamentalistes que répond avec hauteur de vue le romancier et essayiste Lyonel Trouillot lorsqu’il pose, avec rigueur, que « La seule politique linguistique pouvant corriger le déficit de citoyenneté perpétué par la situation linguistique d’Haïti me semble être la construction à moyen terme d’un bilinguisme créole-français pour l’ensemble de la nation. La tentation facile de considérer le français comme une langue étrangère comme une autre, l’anglais par exemple, me semble un refus délibéré de tenir compte d’une donnée fondamentale : la nécessité de préserver la spécificité culturelle de notre État nation dont l’une des composantes est le patrimoine linguistique. » (Lyonel Trouillot : « Ki politk lengwistik pou Ayiti ? Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 7 juillet 2005).
Robert Berrouët-Oriol
Par Yves Chemla
Le National, du 12 septembre 2019
À propos de
Roman de Louis-Philippe Dalembert
Sabine Wespieser éditeur, août 2019
On n’a sans doute pas été suffisamment attentif à la façon dont Louis-Philippe Dalembert articule ses romans à l’actualité, depuis les premières nouvelles publiées. Héritier de traditions littéraires multiples, grand voyageur, écrivain discret, sans relâche centré sur l’action d’écrire, il n’en est pas moins un observateur attentif, mais aussi sévère à l’égard des faux-semblants et de la dilution dans la peste déclarative à quoi peut ressembler une institution littéraire vouée au façonnement des réputations. Dalembert a construit son œuvre comme un grand puzzle : la parole des origines et de l’enfance, ce qui nous informe depuis la langue du sacré, les hésitations et les engagements politiques, les désengagements aussi, les atermoiements criminels de la géopolitique, les tâtonnements psychologiques, la perplexité de l’être, l’impensé des sociétés, les résistances silencieuses aux agressions de la sottise. Avant que les ombres s’effacent…, qu’il a publié en 2018 rappelait combien le personnel diplomatique haïtien en poste à Paris avait eu un comportement digne dans les premiers temps de l’occupation nazie et du maréchalisme. Il racontait une histoire en passe d’être oubliée, faute de témoins encore en vie. L’écriture de Dalembert vit de la diversité des genres et des types de textes. Elle vit aussi de l’inscription dans le temps présent, même par le biais d’un détour. Le roman de 2018 disait qu’Haïti, ce n’est pas réductible à l’abandon et à la dégradation comme on le répète actuellement. Que ce pays a d’abord de l’énergie à offrir en partage au reste du monde, et aux opprimés particulièrement. Dalembert a confiance dans la fiction, dans le fait que les histoires racontées sont des inventions qui permettent de mieux appréhender le réel.
Avec Mur Méditerranée, Dalembert prolonge encore ce partage. On sait combien les Haïtiens cherchent à quitter le pays. La dernière phrase de Mère-Solitude, roman d’Émile Ollivier, dont Dalembert fut proche, publié il y a plus de trente ans, rappelait ceci : « Quand les ramiers sauvages empruntent le long chemin de la migration, la mer trop souvent rejette leurs cadavres ». Avec Passages, publié en 1991, le même Ollivier racontait cette histoire triste de départ et de désastre. C’est dans cette anfractuosité littéraire que Dalembert trempe sa plume. Elle n’est pas commune, évidemment, comme n’était pas commun de narrativiser le récit du séisme dans Ballade d’un amour inachevé (2013) et de le croiser avec le destin d’un migrant « extra communautaire » installé en Italie, ou bien avec Rue du Faubourg Saint-Denis la vie ensemble de ces étrangers dans le quartier nommé dans le titre et les conséquences mortifères en France de la canicule de l’été 2003. Dalembert explore l’impensé, les non-dits, les évidences occultées, à la manière d’un de ses maîtres en écriture, Romain Gary. Comme lui, il dénonce la médiocrité comme la figure aînée du mal.
Mur Méditerranée. Mare Nostrum est en effet devenue pour les riverains du sud un obstacle ; la mer du milieu, la mer commune, est devenue barrière, rempart. Mais la mer ici n’est pas seule en cause, réellement. Considérer la situation ainsi ce serait faire la part belle à la malveillance humaine. Le roman saisit quelques mois de la vie de trois femmes : Chochana, du Nigeria ; Semhar, d’Érythrée ; Dima de Syrie. Il raconte depuis les trois points de vue ce qui a rendu le départ initial nécessaire, et les conséquences de la perte des repères ; les conditions assez différentes de la traversée des contrées jusqu’en Libye ; l’attente du passage et les conditions effroyables pour les deux premières de cette attente, conditions concentrationnaires. Puis la traversée, à partir du 16 juillet 2014, les noirs et les pauvres – on les surnomme les « calais »- au fond de la cale pestilentielle d’un chalutier, les passagers plus riches sur le pont ; la mutinerie et la tempête ; le sauvetage, l’arrivée sur la terre italienne. Le roman est documenté : l’auteur s’inspire du sauvetage d’une partie des réfugiés partis de Sabratha par les marins d’un chimiquier, le Torm Lotte.
Ce n’est pas un documentaire pour autant : les personnages en sont d’une densité littéraire exceptionnelle. Les trois figures de femmes voient leurs point de vue et leurs postures bouger. En temps de crise, sous l’emprise des autres, sous les fracas térébrants des bombes, sous les coups et les tortures infligées par des démons vomis par l’enfer, dans la promiscuité, la chaleur et la crasse, dans la faim, dans l’humiliation, la plupart des êtres voient leur conscience détricotée, ou même brusquement affaissée. Mais la mort n’est pas une échappatoire. Ce n’est qu’une victoire des assassins. Les trois femmes, chacune à sa manière, luttent autant intérieurement que dans la résistance physique. Elles deviennent femmes de fer, qui retrouvent dans les antiques paroles sacrées qui s’écoulent à travers elles la raison qui fait tenir debout, le regard braqué sur l’avenir. Mais en même temps, le lecteur a suivi à travers elles la survie sous les bombes à Alep, la déliquescence d’une société enfermée dans la folie érythréenne, la dissolution de la terre qui ne nourrit plus les paysans Igbos, ces Juifs qui vivent leur foi avec d’autant plus d’intensité que des fondamentalistes d’Israël en récusent la sainteté. Chochana remercie et loue Celui qu’on ne nomme pas, Baroukh Hachem. Semhar est pénétrée des Évangiles et Dima invoque la parole dictée au Prophète. Toutes trois aussi ne s’en laissent pas compter sur les raisons qui leur font nécessité de quitter le pays qui n’est désormais plus le leur. La décision de partir prise, alors elles sont dans l’entre-deux, et elles le savent, mesurent la réalité qu’elles découvrent à chaque instant, elles qui ont vécu jusque là dans un périmètre restreint à partir de cette réalité. Pour Semhar, fille d’un pays pourtant nouveau, naguère débordant d’espérance désormais enchaîné dans un caporalisme abject et sot, dès lors que sa décision est prise, c’est « comme si elle avait habité un pays qui aurait été rayé de la carte du monde ». Sans mêler cette histoire à d’autres, anciennes, d’enlèvements et de traversées infâmes, Dalembert fait vivre les affres de ces départs d’êtres démunis, qui basculent parfois dans la folie, et qui sont torturés jusqu’au bout du périple.
C’est aussi cette fois pour le narrateur un roman dans lequel il n’hésite à prolonger la narration par des réflexions sur le dérèglement du monde et sur les faux semblants de la politique internationale et de la diplomatie. Alep, Yemen sont des noms qui résonnent de travers, nous le savons. Mais aussi des réactions populaires, en Italie et ailleurs, car les Européens en général ne sauraient pavoiser, sauf ceux qui ont soutenu Merkel. Il y a quelque chose d’un précédent roman de Dalembert qui ressort, cette vomissure ontologique analysée en détail dans Noires Blessures (2012). Le roman sort du roman en quelque sorte, il devient le genre par quoi la réalité parvient à s’épanouir dans notre conscience comme un papier japonais posé dans l’eau.
On ne voudrait pas cependant évoquer ce livre comme un moment de déréliction. Au contraire. Les personnages puisent de la force dans le désastre, on l’a écrit. Mais c’est d’abord un roman sensible, d’amitiés, d’affection, d’amour, écrit dans cette langue que Dalembert peaufine depuis des années. Une langue que bien trop rapidement des critiques ont qualifiée de familière, même de triviale. Cette langue est avant tout celle du quotidien. Le registre littéraire courant naturalise d’ordinaire le niveau de langue soutenu. Pour Louis-Philippe Dalembert, la langue littéraire se doit au contraire d’être le vecteur d’une morale du quotidien, comme l’a montré de façon lumineuse un roman comme Les Dieux voyagent la nuit. À la médiocrité des aspirations d’une pseudo littérature participant du spectacle et de l’autoréférence, il substitue cette morale de la forme, qui articule registre du quotidien et exception du sacré. Baroukh Hachem, oui !
C’est peu alors d’écrire que cet auteur nous donne ici le roman de notre temps, le roman que nous attendions et que nous étions presque incapables de penser, tant ce qui se déroule sous les yeux de tous sur les bords de la Méditerranée nous étreint. L’été qui se termine a vu encore les cadavres des réfugiés flotter vers les côtes de Tunisie, sur l’île de Djerba. Ce n’est pas de chercher à comprendre qui importe, parce qu’on sait, ce qui nous importe c’est de reconnaître notre propre voix dans le cri de rage lancé à la face du barnum littéraire et médiatique qui nous importune parce qu’il nous brouille avec la réalité. Parce que Dalembert enfin renouvelle notre confiance dans la littérature. Mur Méditerranée, c’est le récit d’une émotion à laquelle on ne saurait renoncer, parce qu’elle en appelle à nos propres inquiétudes, celles qui demeurent dans l’intime. Là où nous accueillons les autres.
Comme l’une des réponses du monde politique à la situation dramatique que subit le pays, nous vous faisons connaître ici la lettre adressée au Secrétaire Général des Nations Unies (ONU) par diverses personnalités politiques haïtiennes représentatives. Port-au-Prince, le 26 septembre 2019
Monsieur Antonio GUTERREZ
Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
En ses bureaux.-
Monsieur le Secrétaire Général,
Les partis politiques, mouvements sociaux, syndicats, personnalités politiques, groupements, regroupements et organisations populaires signataires de l’« Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti » vous présentent leurs compliments pour l’orientation donnée aux travaux de la 74ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies. En effet, vos préoccupations liées aux changements climatiques sont hautement légitimes vu que ceux-ci tendent à menacer l’avenir de notre planète, de nos peuples.
Les signataires vous présentent leurs excuses pour la non représentation d’Haïti à cet important forum par celui qui occupe aujourd’hui encore la fonction de Président de la République, finalement conscient de ne plus réunir les conditions morales et éthiques pour se présenter face au monde devant votre auguste assemblée.
Le président Jovenel Moïse avait basé sa campagne électorale sur la promesse d’un dialogue national, premier pas vers la réconciliation entre tous les citoyens haïtiens avec comme boussole la lutte contre la corruption, fléau qui a fini par gangrener Haïti sous sa présidence.
Malgré des indices inquiétants, l’opposition politique lui a accordé le bénéfice du doute pendant plus d’une année. Elle n’a eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme pour tenter le redressement de la barque nationale orientée vers la prédation, le blanchiment des avoirs et les assassinats politiques comme méthode de gouvernement !
Deux ans et sept mois après, le bilan est là : corruption, blanchiment d’argent, détournements de fonds publics, crimes transnationaux, crimes de sang, massacres au sein des couches les plus vulnérables de la population haïtienne, etc. Ces accusations sont basées sur des faits, des preuves, des témoignages tous documentés par les travaux d’enquête des institutions républicaines. De la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) à la Commission Éthique et Justice du Parlement, en passant par des organisations reconnues de la société civile telle que le Réseau National des Droits Humains (RNDDH), l’implication directe du Président Jovenel Moïse, de son épouse, madame Martine Moïse et de nombreuses personnalités gouvernementales ne fait plus de doute. Force est de constater que la corruption est devenue un culte sous ce gouvernement. La population Haïtienne refuse de cautionner un Président et des gouvernants corrompus et criminels sous le règne desquels la monnaie nationale s’est dévaluée de plus de 70 %, l’inflation a augmenté de 20 % en quelques mois, le déficit budgétaire est passé à 40 milliards de gourdes.
Monsieur le Secrétaire Général,
Comment concevez-vous qu’une population qui manifeste depuis plus d’un an pour réclamer une enquête sur des fonds détournés puisse être l’objet de sévices voire d’assassinats ? Des millions de citoyens et citoyennes de tous les secteurs de la vie nationale sortent dans les rues pour que le pouvoir en place puisse diligenter le procès PETROCARIBE, du nom de cet accord pétrolier entre Haïti et le Venezuela. Ces 4,6 milliards de dollars volés se retrouvent très probablement dans les banques de certains pays siégeant aujourd’hui à cette 74ème Session de l’organisation mondiale que vous dirigez !
Quel scandale en perspective pour certains pays dits amis d’Haïti ! Certains montants ont été engloutis dans la firme Agritrans dont le candidat Jovenel Moïse était président directeur général, firme qui s’est transformée il y a quelques mois en Sofidaï, avec la visée de ponctionner de nouveaux millions du Trésor Public. Comment parler d’État de droit lorsque l’épouse du Président Moïse a négocié un contrat de plusieurs millions de dollars en-dehors de toutes normes administratives, mais surtout contre l’avis de la Cour Supérieure de Comptes et du Contentieux Administratif afin d’imposer une carte d’identité illégale à la nation avec la criminelle intention d’entraîner le pays vers de frauduleuses élections ? Comment concevez-vous qu’un pays où les institutions s’effondrent les unes après les autres puisse survivre 7 mois sans gouvernement et que le président s’amuse à proposer comme premier ministre la personne la plus controversée possible pour avoir été un des acteurs ayant entraîné le premier blocage total du pays en juillet 2018. Ténébreux personnage, s’il en est, spécialiste dans le montage de firmes bidons n’ayant que le siphonnage des fonds publics comme seul objectif !
Monsieur le Secrétaire Général,
Le support des pays amis d’Haïti au Président Jovenel Moïse laisse les signataires de cette correspondance perplexes. Comment des pays qui ont forgé leur grandeur sur les droits de l’homme, peuvent-ils soutenir de manière ouverte un président accusé d’avoir commandité le massacre de centaines de femmes, d’hommes et d’enfants vivant dans un des quartiers les plus misérables de la capitale haïtienne ? Ce support continue malgré la demande d’enquête d’un groupe bi-partisan de 104 congressman des États-Unis d’Amérique sur les exécutions extra-judiciaires du gouvernement en place. Votre position très clairement affirmée quant au massacre de La Saline est un petit motif d’espérance pour le peuple Haïtien déterminé à réclamer justice également pour les massacres de Tokyo et de Carrefour Feuilles.
Monsieur le Secrétaire général,
Il est temps qu’un geste fort vienne de cette prestigieuse Assemblée en faveur du Peuple Haïtien.
Nous, les partis politiques, mouvements sociaux, syndicats, personnalités politiques, groupements, regroupements et organisations populaires signataires de l’« Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti », nous sommes profondément enracinés dans le déni de la légitimité du président Moïse, nous refusons d’être représentés par une quelconque délégation, voulant profiter de l’événement prestigieux que représente l’Assemblée Générale de l’ONU, pour détourner des milliers de dollars des fonds publics haïtiens. Le président inculpé Jovenel Moïse ne saurait déléguer un quelconque membre de son gouvernement pour parler au nom du Peuple Haïtien puisque cela fait sept mois qu’il n’y a pas de gouvernement légitime en Haïti !
Haïti a besoin de paix, de sérénité, pour pouvoir se développer. La famille Moïse entraîne le pays dans une misère abjecte et un désespoir sans nom d’où n’importe quelle révolte sanglante peut surgir. Il est temps qu’il nous soit laissé la possibilité de choisir notre gouvernance loin de la corruption et des assassinats d’enfants. La condamnation et le rejet de ce pouvoir est un devoir moral pour l’ONU dont la République d’Haïti est un membre fondateur. Aujourd’hui, le peuple haïtien, dans toutes ses composantes, ne cessent d’exiger la démission du Président Jovenel Moïse. Et cela, le monde entier doit le savoir.
Assurés de l’écho que vous donnerez à cette démarche, les signataires de l’« Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti » vous prient de recevoir, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de leur très haute considération.
Pour authentification :
La Branche Institutionnelle de l’Opposition :
Sénateur Evallière BEAUPLAN
Sénateur Nènel CASSY
Sénateur Youry LATORTUE
Sénateur Sorel JACINTHE
Sénateur Kelly C. BASTIEN, Ex-Président de l’Assemblée Nationale
Sénateur Dieuseul Simon DESRAS, Ex-Président de l’Assemblée Nationale
Sénateur Jean Yvon FEUILLÉ, Ex-Président de l’Assemblée Nationale
Député Déus DERONETH
Député Manès LOUIS
Député Jean Robert BOSSÉ
Maire Rony COLIN
Maire Youri CHEVRY
Publié le 2019-08-09 | Le Nouvelliste
Par Hérold Jean-François
LES DÉBUTS DU MAL POLITIQUE ET LES TENTATIVES D’ORGANISATION...
Le politique en Haïti a-t-il toujours été un espace informel où le premier venu s’engouffre dans l’espace et produit des comportements irrationnels que nous subissons tous ? Ce qui est certain, c’est que nous avons toujours eu des chefs informels et atypiques. La politique se faisait suivant des schémas autoritaires, nos chefs proclamés étaient appuyés par une troupe en armes qui ne laissaient pas de choix à l’Assemblée nationale, jusqu’à la prochaine montée en puissance d’une nouvelle tête, en désaccord avec le tenant du pouvoir du moment. L’agitation partant d’un point à l’autre de notre territoire jusqu’à l’arrivée des marines américains en 1915, provoque un soulèvement qui mène à l’affrontement dont l’issue est favorable au nouveau chef. Et pour contenir ces vagues sporadiques de guerre de chefs, nous avons connu de belles tentatives de socialiser la politique et de faire les pratiques qui consistent à s’harmoniser avec ce qui se faisait universellement. Nous avons de belles pages d’histoire mettant en évidence de belles figures qui ont émergé au sein des partis politiques et la meilleure tentative nous fait remonter au XIXe siècle, avec deux grands partis dont les slogans au moins nous sont parvenus. « Le plus grand bien au plus grand nombre » pour le Parti National et « Le pouvoir aux plus capables » pour le Parti Libéral. En Haïti aujourd’hui, le slogan du parti Libéral semble aux antipodes de la préoccupation de confier les destinées de la nation aux plus capables.
LE POUVOIR AUX PLUS INCAPABLES...
Au regard de l’actuelle réalité où l’incompétence est au pouvoir, sans raillerie aucune, le slogan serait « le pouvoir aux plus incapables ». Au cours des siècles, on a essayé de jongler avec les deux slogans des deux partis de référence, le parti National et le parti Libéral pour essayer de les fédérer, mais peine perdue ; à chaque fois, on a vu les possibilités d’exclusion d’une catégorie que donnaient nos tentatives de conciliation. D’autres que nous ont essayé. On a eu de nouveaux slogans, « le pouvoir aux plus capables du plus grand nombre » ou « le pouvoir au plus grand nombre ». Que ferait-on alors des plus capables de la minorité ? A bien regarder, le slogan qui sied le mieux serait « le pouvoir aux plus capables ». Mais ici on ferait partir tout un groupe avec un déficit. Ne devons-nous pas tenir compte de tous ceux-là qui, depuis toujours ont été exclus de la participation aux affaires de la nation du fait qu’on ne les a pas volontairement éduqués ? Le refus d’éducation à la majorité est une injustice et les exclure de la participation dans la vie nationale et les grandes décisions, de ce fait, est une double volonté d’exclusion. Les plus capables du plus grand nombre, à cause du défaut d’éducation, ne représenteraient qu’une infime minorité. Mais les exclus ne se sont pas laissés faire, leur lutte et leur demande d’inclusion marquent nos pages d’histoire sous des appellations diverses, Piquets, Cacos, avec des figures proéminentes comme Goman, Acaau, Péralte, Bartraville, Bobo et tant d’autres comme leaders...Sur la toile de fond de ces deux visions des choses s’exprimant dans les slogans de nos vieux partis, l’éternelle question de couleur qui a toujours empoisonné la vie politique en Haïti, d’une conjoncture politique à l’autre.. .Et notre pays a eu des forces politiques antagoniques affaiblies ou peu organisées par les rivalités du terrain, même pendant la période de l’occupation américaine où elles ont dû faire face aux coups de l’occupant. L’aventure s’est arrêtée avec François Duvalier en 1957 dont le projet politique de permanence au pouvoir dans un premier temps (1963) et de pouvoir héréditaire à la fin de sa vie (1971), consacrait la fin des partis politiques. Peu avant la fin de son mandat et pour conditionner les esprits, il déclara : « Nou pran pouvwa a, nou pran l, nou fout pran l nèt ». La présidence à vie était à nouveau à nos portes et dès lors, les portes de l’exil étaient grandes ouvertes, celle des prisons et du cimetière également...
S’oubliant et au mépris de certaines blessures provoquées par le duvaliérisme au pouvoir, on entendra mot pour mot les mêmes paroles sorties malheureusement de la bouche du président René Préval, à la suite des élections contestées du 21 mai 2000 qui jetteront le pays dans la troisième grande crise de la transition démocratique. Les deux premières ayant été le massacre des électeurs aux élections du 29 novembre 1987, suivi du coup d’État du 30 septembre 1991 et les bouleversements inhérents à ces deux périodes...
LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE...
L’histoire de la transition démocratique, nous la connaissons, les partis ont à nouveau pignon sur rue, mais les turbulences de l’après-Duvalier n’ont pas aidé à jeter les bases de partis politiques solides et représentatifs dans tout le pays. Nos traditions de fraudes électorales aidant, la transition aura la marque du rejet, de la suspicion qui ont dominé nos quotidiens avec des chocs faits de tentatives de coups d’État, de coups d’États effectifs et des remous dus à la résistance face au retour de nos vieux démons. L’arbitrage international s’est imposé pour départager les forces antagoniques, mais les arbitres, vous le savez, ne sont pas toujours impartiaux, leurs partis pris ont donné maints camouflets à la souveraineté nationale, en imposant des solutions tirées par les cheveux mais que nos chefs du moment au Palais national, au CEP et ailleurs n’ont pas eu le courage de désavouer. Validation des bulletins blancs en 2006, déclassement et repositionnement de candidats sur la base de leur propre fantasme aux élections de 2010...Nos représentants dans les institutions ont courbé l’échine. Dans le deuxième cas, arriva ce qui n’aurait jamais dû pouvoir arriver, l’accident historique fatal, Michel Martelly...
DÉSHONNEUR, AMORALITÉ ET BANDITISATION DE L’ÉTAT AVILI...
Et nous voilà avec le Parti ayisyen tèt kale (PHTK), un nom qui ne signifie rien qui vaille, une équipe de charognards qui est arrivée au pouvoir sans qualité. Au lieu de faire avancer l’État et de mettre de la valeur ajoutée à la nation, la clique du PHTK a plutôt entrepris de transformer l’État en une vaste association de malfaiteurs qui ont souillé toutes les institutions républicaines sans exception. Après toutes les infamies d’un premier mandat symbolisé par la plus vaste opération de pillage systématique des ressources de l’État et de détournement de fonds de toute l’histoire d’Haïti, ce parti s’est reproduit au pouvoir contre toute attente. Aujourd’hui, selon les conclusions des rapports de deux institutions différentes, l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF) et de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) le Président de la République est un inculpé doublé d’un escroc, pour des faits commis avant son arrivée au pouvoir, alors qu’il dirigeait ses entreprises privées. La malice populaire a fait que son nom est devenu une injure, un adjectif synonyme de mensonge ou de menteur. La plupart des arrestations de la police nationale ont des ramifications qui renvoient directement aux cercles des pouvoirs, des élus. Le prestige lié à l’État et aux institutions républicaines a fondu comme du beurre au soleil. Le pouvoir et ses symbolismes ne tiennent plus debout. Les gens infréquentables, les dealers de drogue appréhendés, tous les malfrats de la République, les personnes infréquentables dans une société de droit sont les amis du président, des sénateurs, des députés et autres élus, quand ils ne sont pas ces élus eux-mêmes. Les bandits, kidnappeurs et autres délinquants ont leurs photos sur les réseaux sociaux, main dans la main ou main au cou selon la bonne habitude des gamines et des gamins haïtiens avant que l’on commence à suspecter tout le monde d’être homo ou GLBT...
Pour l’histoire et pour la vérité, il faut souligner que ce processus de « banditisation » de l’État que le PHTK a peaufiné, amélioré et quasiment généralisé, n’a pas commencé avec les bracelets roses. Myrlande Manigat parlait de « l’armée rose »... L’histoire nous a rapporté les noms de personnages cyniques liés à la répression des régimes politiques. Les « Zenglen sous Faustin Soulouque et toutes sortes de satrapes sous Salomon. Duvalier nous a donné des figures hauts en couleur, les Boss Pent, Ti Bobo et toute une kyrielle de chefs horribles et terribles dans tout le pays, d’un département à l’autre, de petits comme de gros Makout. Après on a eu les attachés, les FRAPH, les Chimè Lavalas et tous ces chefs d’organisations populaires (OP) qui semaient la terreur au nom du « peuple »... D’autres avant eux ont introduit des pratiques et des personnalités douteuses au sein de nos institutions à un point tel qu’au début des années 2000, la DEA avait ratissé large et créé le vide autour du président de la République. Mais c’est la première fois depuis le procès de la Consolidation en 1903, qu’on a épinglé directement le chef de l’État qui, du fait, est vidé de toute sa substance, de toute crédibilité, ce qui lui enlève tout respect et toute capacité de convocation. On a eu maints pronunciamientos contre des chefs d’État qui viennent de perdre le pouvoir, des confiscations de biens en cascade, mais nous croyons pas avoir déjà eu un président en fonction faisant l’objet d’une mise en accusation en vue de sa destitution, même si les chances d’y aboutir sont irréalistes. Quand désormais la femme de César est soupçonnée, le pouvoir vole en éclats et l’on aboutit à la fin d’un cycle. On est en plein dans ce que Jared Diamond traite abondamment dans son livre « Effondrement » (Folio essais 2006). La faillite de l’État ou l’État failli qui n’a plus de réponse à rien. Alors quoi ?
L’ENFER À FUIR...
Les réalités haïtiennes sont pénibles et difficiles à vivre, notre pays s’est transformé en un enfer que tout le monde cherche à fuir par tous les moyens. La misère et le chômage font rage, l’État n’a plus aucun moyen de donner les services de base à la population aux abois. Nous recevons en dons des hôpitaux que nous ne pouvons pas équiper et qui s’abiment du fait de leur non-mise en fonctionnement. La contrepartie haïtienne fait le plus souvent défaut, ce qui nous fait rater maints projets et financements de la coopération internationale. Il n’y a jamais assez d’argent pour le démarrage de ces projets, mais la présidence, en tout temps, a toujours su où trouver les fonds nécessaires pour des opérations opaques et non rationnelles... Les hôpitaux publics ne disposent pas de l’essentiel pour offrir les premiers soins au public. Des patients des couches les plus démunies de la population meurent régulièrement à cause de ces dépouillements des services de santé publique, alors que des gens sans aucune conscience ne se sont pas gênés de détourner à leur seul profit, près ou plus de 4 milliards de dollars qui auraient pu aider à établir les bases de lancement du développement et du progrès économique et social en Haïti. Ce faisant, ils ont commis un crime de lèse-nation pour lequel ils doivent absolument et sans complaisance aucune, rendre compte...
L’ÉTAT INFORMEL ET DÉMUNI...
L’État haïtien aujourd’hui ne peut offrir aucun service de base aux contribuables. A la Direction générale des impôts (DGI), il y a des lustres que l’État n’a pas fait imprimer les vignettes des plaques d’immatriculation. Cela crée des situations de tension entre les agents de la circulation qui en abusent à leur profit personnel sur les routes nationales et dans des points de contrôle à l’intérieur des villes. On exige du contribuable qu’il paie pour une vignette « à réclamer »... Cela a traversé plusieurs années fiscales. La même situation pour la vignette d’assurance des véhicules que, dans le temps, on devait coller au pare-brise, ce qui facilitait le contrôle en un simple coup d’œil. Aujourd’hui, on est contraint de payer l’assurance sans recevoir la vignette qui est également « à réclamer ». L’État haïtien a fait faillite... Cette faillite est constatée tous les jours, à tous les niveaux. Fonctionnaires toutes catégories, policiers, enseignants, hauts cadres de l’État, personne ne reçoit ses prestations, frais et autres petits avantages comme la carte de débit, des mois durant. Les fournisseurs de l’État et prestataires de service sont en quasi-faillite à cause des retards de paiement. En illustration, les lettres des compagnies pétrolières au ministre des Finances et les correspondances du ministère des Affaires étrangères aux diplomates en grande difficulté à l’étranger faute de recevoir leur dû sur longue durée...Peyi a fini... Au Sénat de la République, selon le témoignage d’un honorable sénateur, pas moyen de faire la copie d’un document. Le secrétariat ne dispose pas de papier et d’encre dans l’imprimante-photocopieuse...
L’ÉTAT COMPLICE OU CRIME D’ÉTAT...
A La Saline où l’on a massacré la population en deux occasions entre novembre 2018 et juillet 2019, les survivants boivent l’eau des égouts en face du Parlement, dans l’indifférence totale des pouvoirs publics. L’État complice des massacreurs n’a pas dit un seul mot pour condamner ces massacres. Aucun simulacre dans le genre de l’annonce d’une enquête qui se poursuivrait jusqu’à ce que tous les poussins d’Haïti poussent des dents. Rien ! Motus et bouche cousue... L’État est déclaré en faillite officiellement au cours d’une conférence de presse par le grand argentier de la République à la mi-juin dernier. C’est tellement grave que mêmes les divas de la République, sénateurs et députés n’ont pas reçu une partie de leurs copieuses prestations depuis trois mois. Or, nous venons de passer une bonne partie des fêtes champêtres, occasions pour lesquelles la République savait être généreuse avec les maîtres-chanteurs du Bicentenaire qui n’en porte que le nom aujourd’hui.
Aucun citoyen officiel ou autre n’a la garantie de pouvoir poursuivre son voyage sur n’importe quelle route de la République. Pour des raisons farfelues ou fondées, des groupes de citoyens bloquent les routes, ou des bandits semant la terreur attaquent camions, autobus et passagers livrés à eux-mêmes sans aucune protection de l’État. La police nationale est démunie et elle est alimentée en armes et en munitions par des bandits qui en reçoivent en abondance...
L’État est en déroute tous les jours à Martissant, sortie sud de la capitale. Les bandits sont maîtres des lieux. Ils opèrent en plein jour, détournent containers et camions de marchandises à Village-de-Dieu... Arnel Joseph, l’un des principaux chefs de gang, tient les grands titres de l’actualité pendant des mois au point de penser qu’il est le « chouchou » de la République. Ses révélations auraient montré le degré de pourriture du système où nos élus grassement rémunérés seraient désormais parmi les kidnappeurs qui traumatisent les victimes et appauvrissent leur famille... Ils nous avaient averti qu’ils étaient des « bandits légaux », mais on était à mille lieux d’imaginer dans quelle proportion ces nouveaux opérateurs politiques pouvaient être pourris... Quelle meilleure illustration de cette appellation pouvions-nous avoir que ce qui sort des révélations d’Arnel Joseph indiquant qu’un sénateur de la République serait son associé et son alter ego ?
DÉLIQUESCENCE DE L’ÉTAT, MARTELLY, LE MAL INCURABLE...
La déliquescence de la République, on l’a vécue en direct à la télévision lors de la célébration des 40 ans de la Télévision nationale d’Haïti (TNH). On a eu droit au spectacle habituel d’un dégénéré qui oublie trop souvent qu’Haïti et les Haïtiennes et Haïtiens avaient eu la malchance de l’avoir comme chef d’État. Même après cet accident historique le plus grave de notre histoire, il n’a pas su s’élever à la dimension de cette fonction qui lui impose un ensemble de réserves. Aucune capacité de dépassement de soi en la circonstance pour faire taire tous ceux qu’ils n’a pas su surprendre agréablement. Michel Martelly n’avait pas sa place dans cette célébration qu’on a raté l’occasion de transformer en un spectacle son et lumières, pour montrer « urbi et orbi », la puissance de notre culture et les immenses talents de nos artistes, de nos chanteurs, de nos danseurs, orchestres de chambre ou de musique compas, de nos groupes et troupes de danse offerts sur un plateau d’or aux spectateurs émerveillés, ici et ailleurs... Les 40 ans de la TNH, une occasion gaspillée, souillée par Michel Martelly qui souffre du mal incurable de sa personnalité répugnante...
IL N’EST PAS DE VENT FAVORABLE POUR CELUI QUI NE SAIT OÙ IL VA.
Haïti non administrée et sans direction aucune est un bateau sans capitaine et qui ne sait pas où il veut aller. Or, nous connaissons l’adage popularisé par Sénèque : « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va... » Que veut le président Jovenel Moïse, a-t-il un plan, un projet, un rêve pour Haïti ? Comment on en est arrivé à une inflation de 18,6% qui nous appauvrit tous ? Comment arrivons-nous tous à faire face quand nous payons et recevons le même salaire érodé d’un jour à l’autre par une monnaie en chute libre qui ne suffit plus pour acheter la même quantité de biens issus de l’importation à outrance ou de notre agriculture ? Les marchandes dans les rues et dans nos marchés, si elles n’ajustent pas leurs prix ne pourront pas acquérir les autres biens issus de l’importation. On est dans un cercle vicieux, et la politique économique et monétaire pour appuyer notre gourde crée encore plus de difficultés qu’elle n’en résout. C’est vrai, la gourde est maintenue artificiellement en vie, mais à quel prix ? Le crédit est devenu inaccessible aux taux usuraires actuels et la production de biens manufacturés qui pourrait relancer les exportations est aléatoire et illusoire car le coût du loyer de l’argent pour les fabriquer est prohibitif... On ne bouge pas alors et chaque jour la demande de biens importés augmente, le gouvernement pratique des dépenses irrationnelles suivant les besoins du palais pour arroser les bases et les alliés qui commencent à quitter le bateau ; or les autorités monétaires ont des limites quant à ce qu’elles peuvent accepter de faire ou pas... Les réserves ne sont pas illimitées, les dettes de l’État sont payées au compte-goutte, l’insolvabilité de l’État affecte l’économie et les affaires, retarde les commandes des compagnies de carburant, par exemple. L’État insolvable parce qu’étant le principal opérateur et acteur du système, crée une chaîne d’insolvabilités individuelles qui met l’économie globale en situation de banqueroute. Il n’y a qu’en Haïti dont l’économie et ses multiples acteurs et porteurs ont leur propre manière de fonctionner, tout le monde doit à tout le monde et l’on se supporte mutuellement pour éviter les dépôts de bilan, sinon, « chat konnen rat konnen », tout le monde ou presque est en faillite...
Voilà Haïti sous la houlette du PHTK qui, aux dires de l’ancien Premier ministre Jacques Guy Lafontant, prétend détenir le pouvoir pour 50 ans, une nouvelle manifestation du « nou pran l nou fout pran l nèt »...
Mais combien de mois pouvons-nous tenir à ce rythme de déprime politique, sociale et économique si la crise persiste et qu’il n’y a aucune relance des activités normales pour que la croissance revienne et que l’espoir renaisse ?
PROSPECTIVE
Nous sommes en passe de traverser une troisième année fiscale avec le même budget et nous ne nous gênons pas de parler de perspective de croissance. Depuis 5 mois, le président est incapable de donner un gouvernement viable au pays et les perspectives d’une « normalisation » à terme, ne sont pas brillantes... Dans un mois la Chambre des députés sera caduque et 18 sénateurs n’auront plus de mandat. Il n’y aura pas d’élections législatives à temps et il est évident qu’au deuxième lundi de janvier 2020, nous ne pourrons pas inaugurer une nouvelle législature. Le temps ne joue pas en faveur de Jovenel Moïse qui, à l’évidence, n’a pas d’emprise sur la gouvernance du pays. Le président a perdu sa capacité de convocation, les autres partenaires sociaux le fuient comme s’il avait la peste. Avec une telle faiblesse et une perte de crédibilité qui s’accentue d’un scandale à l’autre, le chef de l’État pourra difficilement s’engouffrer dans le vide institutionnel créé par le départ des parlementaires et en tirer profit. Il est plus probable qu’il fasse un saut dans le même gouffre qui sera creusé par l’éclatement d’un mécontentement populaire qui ne manquera pas d’arriver...
Il nous semble que la situation idéale souhaitée par une partie de l’opposition, depuis le départ de Michel Martelly qui était incapable et par mauvais calcul, de se donner un successeur, cette opportunité semble poindre à l’horizon pour que les Haïtiennes et les Haïtiens prennent le temps de faire le bilan du système politique vieux de plus de 215 années et de repenser Haïti sur tous les contours. Cette fois-ci, en pensant au bonheur de toutes les citoyennes et de tous les citoyens que nous devons enfin intégrer pour de vrai dans la nation qui commencera enfin d’exister.
BIENTÔT L’ÉTAT PÈPÈ ?
Quand le parlement deviendra dysfonctionnel et qu’à la banque centrale on aura un nouveau Conseil nommé hors normes et que ce sera pareil à la BNC. Quand le gouvernement Lapin sera épuisé à liquider les affaires courantes ou que, comme on l’a déjà vu, on fera le Premier ministre nommé Fritz William Michel et son gouvernement entrer en fonction sans sanction parlementaire, Haïti entrera alors au niveau de l’État central dans une sorte de zone de non-droit. On sortira d’une situation de légitimité limitée mais acceptée pour entrer dans une réalité de facto avec des mesures, dispositions et des nouvelles autorités qui n’auront plus la confiance de la nation. Toute nouvelle disposition deviendra suspecte. On s’inquiètera de savoir si la caisse publique est en sécurité, si les scrupules conventionnels des banquiers de l’État sont au rendez-vous pour éviter la dilapidation des réserves. D’un monde imaginaire déjà si fertile dans notre pays où les opérateurs fabriquent des nouvelles sur mesure pour polluer l’opinion publique, on sera désormais dans un environnement de suspicion légitime qui tendra à la paranoïa alimentée à outrance par les laboratoires avisés des réseaux sociaux... Imaginez ce que ce sera quand le président, s’il arrive à survivre et à traverser le temps, sera seul à bord, engageant l’État comme bon lui semble... nous avons devant nous tout un monde d’improvisations qui renforceront nos blocages et notre mal être jusqu’à ce que, atteint de la nausée rose, le peuple aux abois reprenne son destin en main...
Ce texte a été présenté sur Radio IBO 98.5 à l’émission Questions-Réponses du vendredi 9 août 2019.
8 Juillet 2019
Dans une lettre ouverte à l’ambassade des États-Unis en Haïti, Michelle Sison, la COPAH dénonce le comportement de la diplomate qui fait pression sur l’opposition pour dialoguer avec Jovenel Moïse. La COPAH rappelle que la convention de Vienne de 1961 interdit aux diplomates de s’ingérer dans la politique interne d’un pays accréditaire.
De : La Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH)
A : Madame Michelle Sison Ambassadrice des États-Unis en Haïti En ses bureaux.-
Madame l’ambassadrice,
Nous prenons acte de l’intérêt que vous manifestez en faveur d’une solution négociée à la grave crise haïtienne qui dure depuis plusieurs mois. Reprenant, hors contexte, des déclarations d’un de vos prédécesseurs, Frédérick Douglass, vous avez encouragé le dialogue et l’unité entre les Haïtiens pour sortir de la crise. En réalité, le dialogue est bon et nécessaire pour résoudre les conflits. Cependant, encourager les Haïtiens à dialoguer avec n’importe qui nous paraît peu rationnel. Il est difficile d’envisager un dialogue sérieux avec quelqu’un qui serait de mauvaise foi. Et s’il était vrai et nécessaire de s’asseoir avec n’importe qui, l’administration que vous représentez en Haïti, en donnerait certainement l’exemple en s’asseyant avec l’Iran, le Venezuela, la Syrie, Cuba pour ne citer que ces États-là.
Nous déplorons amèrement que vos déclarations tenues le 3 Juillet dernier en votre résidence, à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance nationale des États-Unis, aient chaudement été applaudies par quelques représentants de la classe politique, du secteur privé et de la société civile haïtienne, présents à cette cérémonie. En plus d’insulter l’intelligence du vaillant peuple haïtien, vous croyant dans un pays conquis, vous vous êtes permise de vous exprimer comme si vous intimiez l’ordre à des soumis.
Aussi, notons-nous, le caractère raciste et discriminatoire de vos déclarations faisant référence « à l’esprit de turbulence qui prévaut dans le pays et qui menace son indépendance. » Vos propos constituent un acte d’intimidation inadmissible et une atteinte à notre souveraineté et à notre dignité de peuple libre. Êtes-vous en train de préparer l’opinion publique à quelque chose qui serait déjà décidé en haut lieu de l’administration américaine contre Haïti ? Seriez-vous prêt à nous occuper une nouvelle fois si le dialogue que vous voulez nous imposer n’aurait pas lieu comme vous le souhaitez en fonction de vos intérêts propres ? Définitivement, cela va au-delà des limites de l’inacceptable.
A ce niveau, madame l’ambassadrice, il n’est pas inutile de vous rappeler que nos ancêtres ont combattu pour votre pays à Savannah. Vous l’aviez rappelé et c’est bien. Nous vous le concédons. Cependant, vous aviez omis de souligner que les États-Unis pays ont boycotté notre indépendance gagnée au prix du sang et de gros sacrifices pendant soixante ans parce qu’il était encore un État esclavagiste. Aussi, aviez-vous oublié de mentionner l’occupation de notre pays par le vôtre en 1915, sans compter les débarquements de 1994 et de 2004. Ces actes ont non seulement retardé notre progrès social et économique, ils nous ont humilié aussi. Et nous continuons d’en payer le prix fort. C’en est, d’ailleurs, une des causes fondamentales du sous-développement de pays.
Aussi, déplorons-nous madame l’ambassadrice, votre attitude qui consiste à forcer les Haïtiens à accepter un prétendu dialogue avec un président rejeté par la majorité de ses concitoyens pour avoir été éclaboussé par plusieurs scandales de corruption. Vous n’êtes pas sans savoir que monsieur Jovenel Moïse que vous voulez maintenir au pouvoir à tout prix après l’avoir imposé à travers un processus électoral truqué et contesté, est indexé dans un rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) dans son rapport d’audit sur la dilapidation des fonds Petrocaribe. C’est pratiquement la plus grande casse financière jamais réalisée dans toute l’histoire du pays. On ne peut pas donner une prime à la corruption et à l’impunité, deux obstacles majeurs au développement de notre pays.
Dans tous les pays du monde, lorsque quelqu’un est indexé pour corruption dans un rapport rendu public par une institution d’État, comme la Cour des Comptes, il n’est autorisé à occuper aucune une fonction jusqu’à ce que la justice l’innocente. On ne l’accepte pas aux États-Unis, sinon l’ancien gouverneur de l’Illinois, Rod Blagojevich ne serait pas condamné à 14 ans de prison pour avoir tenté de céder au plus offrant le siège de sénateur laissé vacant par Barack Obama, lorsque celui-ci a remporté les présidentielles de 2008. Il serait libre de tout mouvement et pourrait prétendre à se présenter aux élections présidentielles américaines si la justice de votre pays était complaisante avec les corrompus. L’exemple est clair et fascinant. Aux États-Unis, au nom de la morale publique et de l’éthique, on ne plaisante pas avec les corrompus. Pourquoi croyez-vous que cela devrait se faire autrement en Haïti ?
Ce qui semble vous échapper ou que vous feignez d’ignorer, c’est qu’au-delà de la crise politique, de son incompétence et de son incapacité à résoudre le moindre problème, monsieur Jovenel Moïse est accusé par une institution d’État, la Cour des Comptes, d’avoir participé à la dilapidation des fonds Petrocaribe-fonds destinés à la réalisation de projets sociaux et économiques dans le pays. En fait, il a des démêlés avec la justice. Les questions judiciaires ne se règlent pas par le dialogue. Elles doivent être portées par devant les tribunaux, seuls compétents à les entendre et à prononcer le mot du droit. Dans un État de droit et démocratique, le plus grand des pouvoirs, c’est la justice. C’est ce qui fait des États-Unis, une grande nation. C’est ce à quoi les Haïtiens aspirent aussi. Et c’est légitimement !
Votre rôle en tant que diplomate, madame l’ambassadrice, n’est pas de chercher à imposer le dialogue entre un président accusé de corruption par une institution publique de son pays et ses concitoyens qui réclament sa démission. Tout ce que celui-ci doit faire, et il le sait, c’est de se libérer de sa fonction présidentielle et de se mettre à la disposition de la justice. Autrement dit, vous n’avez absolument aucun rôle à jouer dans une affaire mettant en cause la moralité du président. Nous tenons aussi énormément aux valeurs morales et éthiques que vous défendez aux États-Unis et qui font de vous un grand peuple, un grand pays. La lutte contre la corruption et toute autre forme de criminalité est un mouvement mondial dont Haïti ne saurait en être l’exception. Et en tant que citoyens et en tant qu’hommes de Dieu, nous nous souscrivons à la lutte contre la corruption. La corruption ne constitue pas seulement un crime, elle encourage la criminalité, accélère la pauvreté, creuse les fossés, accentue les inégalités sociales, augmente la souffrance des peuples et freine le développement.
En plus des crimes financiers qui sont reprochés au régime en place que vous supportez au nom d’une pseudo démocratie, taillée sur mesure pour Haïti et vide de contenu, il est également accusé d’implication dans des massacres d’État à l’instar du massacre de la Saline, de Tokyo, de Cité Soleil et de Carrefour-Feuilles. Pas une fois vous n’en avez fait mention dans vos prises de position qui vont toujours dans le sens du maintien au pouvoir de ce régime qui viole les droits humains, les lois de la République et la Constitution du pays. Des congressmen américains ont même écrit à votre supérieur hiérarchique, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, l’encourageant à exiger que le pouvoir en place diligente des enquêtes sur ces massacres documentés tant par des organismes de défense des droits humains nationaux que par la MINUJUST, établissant l’implication directe du régime dans ces actes abominables. Votre silence sur ces massacres commis en plein 21ème siècle où les corps des pauvres victimes sont livrés aux chiens et aux porcs pour être dévorés, traduit une indifférence cynique. Nous refusons de croire que vous cautionnez tous ces crimes et violations des droits d’un peuple dont vous prétendez être l’amie. On ne traite pas un ami de cette manière.
Si selon la convention de Vienne de 1961, « l’une des fonctions d’une mission diplomatique consiste à protéger dans l’État accréditaire les intérêts de l’État accréditant et de ses ressortissants, dans les limites du droit international » ; au nom du droit à l’autodétermination des peuples, les Haïtiens sont appelés à résoudre eux-mêmes leurs problèmes, sans être soumis aux diktats d’aucune puissance. Il est temps de changer cette politique d’imposition, d’insulte et d’agression qui ne fait qu’accroître la misère et la souffrance du peuple haïtien qui veut entrer dans la modernité politique et économique et coopérer dans le respect avec les autres sans être assisté. Nous ne sollicitons pas votre intervention pour que monsieur Jovenel Moïse démissionne, mais nous voulons que vous vous occupiez de vos affaires dans le cadre du strict respect du droit international pendant que les Haïtiens s’occupent des leurs, sans contrainte.
Enfin, madame l’ambassadrice, nous notons aussi chez vous comme tous vos prédécesseurs, une fâcheuse tendance à vous immiscer de plus en plus dans les affaires intérieures du pays. Alors que la majorité des Haïtiens exigent la démission de monsieur Jovenel Moïse pour son implication dans la dilapidation des fonds du Petrocaribe, vous exercez des pressions pour obtenir la ratification d’un premier ministre et le lancement d’un hypothétique processus électoral avec un CEP qui n’inspire pas confiance. Ce comportement est une violation flagrante de l’article 41-1 de la Convention de Vienne qui interdit aux diplomates de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays accréditaire. Recevez, madame l’ambassadrice, nos salutations patriotiques en Jésus-Christ !
CC : Secrétaire d’État américain, Mike Pompeo
Commission des Affaires Étrangères du Sénat Américain
Commission des Affaires Étrangères de la Chambre des représentants
Core Group
Représentant des Nations-Unies en Haïti
Délégation de l’Union Européenne en Haïti
Représentant de l’OEA en Haïti
Nonciature Apostolique en Haïti
Représentant de la CARCOM
Conférence des Pasteurs Haïtiens (COPAH)
Par Robert Berrouët-Oriol
Montréal, le 3 mai 2019
L’État haïtien, de 1804 à nos jours, est-il intervenu de manière explicite dans le champ linguistique ? En a-t-il d’ailleurs eu le projet, dès le 1er janvier 1804, à la création de la République d’Haïti ? Des premiers débats sur la graphie du créole au cours des années 1940 en passant par la réforme Bernard des années 1980, peut-on parler de tâtonnements, de mutations culturelles significatives ou de conquêtes ? Quels sont aujourd’hui les grands défis de l’État haïtien en matière d’aménagement des deux langues officielles du pays ?
Dans le livre de référence paru en 2011, « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Berrouët-Oriol et al, Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti), il est démontré que l’État haïtien, au cours des ans, est intervenu a minima dans le champ linguistique mais qu’aujourd’hui il souffre d’un ample déficit d’intérêt et de leadership en matière d’aménagement linguistique.
Selon Louis Auguste Joint, auteur du livre « Système éducatif et inégalités sociales en Haïti » (L’Harmattan, 2006), l’État est intervenu explicitement de la manière suivante :
Structures gouvernementales pour la promotion du créole et de l’alphabétisation
•1941 Comité de littérature et d’alphabétisation (en créole)
•1947 Direction générale de l’éducation des adultes (en créole)
•1948 Programme d’éducation ouvrière
•1957 Office national de développement communautaire (ONDC)
•1961 Office national d’éducation communautaire (ONEC)
•1965 Office national d’alphabétisation et d’action communautaire (ONAAC)
•1986 Office national de participation et d’éducation populaire (ONPEP)
•1989 Office national d’éducation communautaire et d’alphabétisation (ONECA)
•1994 Secrétairerie d’État à l’alphabétisation (SÉA)
Décrets et lois
•Loi sur la planification de la campagne d’alphabétisation (1961) ;
•Loi organique du département de l’Éducation nationale (1979) ;
•Loi autorisant l’usage du créole dans les écoles comme langue
d’enseignement et objet d’enseignement (18 septembre 1979) ;
•Décret organisant le système éducatif en vue d’offrir des chances égales à tous et de refléter la culture haïtienne (1982) ;
•Constitution de 1987.
Charles Tardieu, enseignant-chercheur, dans sa remarquable thèse de doctorat publiée sous le titre Le pouvoir de l’éducation – L’éducation en Haïti de la colonie esclavagiste aux sociétés du savoir (Éditions Zémès, 2015), consigne très justement que c’est dans le champ de l’éducation que l’État haïtien est intervenu dès 1804 dans la vie des langues au pays. « Le gouvernement de Dessalines (1804 – 1806) légifère aussi pour contrôler l’instruction privée puisque l’État n’a pas les moyens de la prendre à sa charge » (Tardieu, op. cit. p. 141). Alors même que le pays est divisé en deux États de 1806 à 1820 –au Nord le royaume d’Henri Christophe, au Sud la république d’Alexandre Pétion–, « Dans le royaume de Christophe, l’éducation est organisée et strictement contrôlée par l’État », et Christophe s’adresse à la British and Foreign School de Londres dans le but attesté de faire prédominer la culture, la littérature et la langue anglaise sur le français (Tardieu, op. cit. p. 142). Quant à Pétion, Charles Tardieu, citant Edner Brutus [« Instruction publique en Haïti »] (1948 : 57), précise que « La Constitution, qu’il fait voter en 1816, prévoit une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensable pour tous les hommes et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la décision de la République ». Et « Sous Pétion la présence étrangère dans le curriculum se manifeste de différentes façons et sans un contrôle de l’État » (Tardieu, op. cit. p. 143). Comme les précédentes, et à l’exception de l’orientation anglophone prise par le royaume de Christophe, les autres séquences d’intervention de l’État dans la vie des langues en Haïti sont caractérisées par l’emploi univoque de la langue française qui, dans la Constitution de 1918, a le statut de langue officielle. Le renouveau viendra beaucoup plus tard avec la réforme Bernard de 1979 et les traces qu’elle laissera dans les autres mesures éducatives élaborées après 1986. Ce qu’il y a lieu ici de retenir, c’est la constance de l’utilisation du français dans le système national d’éducation à travers différentes périodes, ce que confirmera d’ailleurs la création du ministère de l’Instruction publique en janvier 1844 durant la présidence de Rivière Hérard (Tardieu, op. cit. p. 146).
Hormis la réforme Bernard de 1979 qui accorde au créole le statut de langue d’enseignement et de langue enseignée, l’État haïtien est intervenu de manière plus institutionnelle dans la vie des langues lorsqu’il a mis sur pied la première Secrétairerie d’État à l’alphabétisation en 1994. Comme nous l’avons démontré dans le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions », c’est « En créant la première Secrétairerie d’État à l’alphabétisation du pays en 1994 [que] l’État haïtien a introduit au sommet et au cœur même de l’appareil gouvernemental cette neuve notion de justice sociale au sens où il entendait répondre ainsi à un droit fondamental inscrit dans la Constitution de 1987 —le droit à l’éducation qui, par extension, est aussi un droit linguistique puisque en son article 5, la loi-mère dispose que « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. »
En dépit de ses lacunes et insuffisances, la réforme Bernard demeure l’acquis institutionnel le plus marquant de l’État haïtien dans le domaine linguistique, et singulièrement dans le champ éducatif où les élèves unilingues créolophones issus des couches populaires, majoritaires dès la fin des années 1960, font l’apprentissage simultané du français langue seconde et des matières enseignées. Sous cet angle, on mesurera l’impact du futur aménagement simultané de nos deux langues officielles à l’École de la République en rappelant que « Selon l’Unicef, « Le système éducatif haïtien accueille 2 691 759 élèves dans 15 682 écoles. Alors que le secteur public reçoit 20% des élèves (538 963) dans 9% des écoles (1 420 écoles publiques), le secteur non public accueille 80% des élèves (2 152 796) dans 91% des écoles (14 262 écoles non publiques » (Unicef : « L’éducation fondamentale pour tous » [Document non daté, consulté le 29 avril 2019]). Tout en tenant compte du fait qu’aucune institution haïtienne n’a fourni jusqu’ici de données d’enquête sociolinguistique d’envergure nationale sur le nombre de francophones d’Haïti, il y a également lieu de préciser, à la suite de tels chiffres fournis par l’Unicef, que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) –citant le « Rapport sur le développement humain (PNUD, 2010) » et le « World Population Prospects The 2008 Revision » (Division des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2008)–, estimait en 2010 le nombre de locuteurs du français en Haïti à 4 279 000 personnes sur un total de 10 188 000 habitants. Les statistiques de l’Unicef et de l’OIF doivent cependant être considérées avec prudence car nous ne sommes pas informés de la méthodologie utilisée pour les établir et, faut-il le répéter, ni l’Institut haïtien de statistiques (IHS) ni aucune autre institution nationale n’a conduit des enquêtes de terrain d’envergure nationale sur les profils qu’illustrent les statistiques fournies par ces institutions internationales.
Publiée sur Facebook le 23 janvier 2019, une circulaire du ministère haïtien de l’Éducation nationale annonce que ce ministère a décidé que « (…) le créole sera objet d’évaluation dans toutes les séries du secondaire rénové, au terme des quatre années d’études du secondaire rénové, à partir de l’année académique 2018-2019. » En effet, « C’est à travers une circulaire rendue publique [sur Facebook] en date du 23 janvier 2019, que le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle (MÉNFP), Pierre Josué Agénor Cadet, a annoncé que l’épreuve du créole est désormais obligatoire en classe terminale du secondaire rénové. Selon le ministre, cette décision prend effet à partir de cette année académique 2018-2019 » (Le National, 24 janvier 2019 ; –là-dessus voir notre article « La circulaire de janvier 2019 du ministère de l’Éducation nationale d’Haïti annonce-t-elle une mesure d’aménagement linguistique ? », Le National, 1er février 2019). Cette initiative volontariste, vue par certains observateurs comme une fuite en avant, ne constitue pas une mesure d’aménagement linguistique inscrite dans une politique linguistique éducative. L’épreuve obligatoire de créole en classe terminale du secondaire rénové n’a été ni planifiée en amont ni soumise préalablement à l’expertise des enseignants sommés de l’appliquer. Il y a lieu ici de rappeler que dans le secteur éducatif nous n’en sommes pas au premier « plan » ni à la première « réforme » : le pays a connu le PNEF (Plan national d’éducation et de formation, 1997) ; la SNA-EPT (Stratégie nationale d’action/Éducation pour tous, 2008) ; le GTEF (Groupe de travail sur l’éducation et la formation, 2009-2010) et le Plan opérationnel 2010-2015. Aucun bilan de ces « réformes », qui n’ont pas consigné de véritable politique linguistique éducative, n’a jusqu’à présent été publié par des instances de l’État haïtien.
Quels sont donc, aujourd’hui, les grands défis de l’État haïtien en matière d’aménagement des deux langues officielles du pays, le créole et le français ? Le premier obstacle majeur de l’État haïtien en matière d’aménagement linguistique est… l’État lui même au sens où ces dernières années il s’est montré peu intéressé à la problématique linguistique haïtienne. L’ample déficit de vision linguistique et de leadership de l’État haïtien est attesté, notamment dans le domaine éducatif où en dépit des annonces relatives au « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 », l’État haïtien ne s’est toujours pas doté d’une politique linguistique éducative (voir là-dessus notre article « Un « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » en Haïti dénué d’une véritable politique linguistique éducative », Le National, 31 octobre 2018).
Le premier grand défi de l’État haïtien en matière d’aménagement linguistique est l’élaboration et l’adoption de la première loi d’aménagement de nos deux langues officielles. Cette loi, qui doit être issue d’un énoncé de politique linguistique nationale que l’État doit élaborer, devra être une loi contraignante assortie de règlements d’application. L’élaboration et l’adoption de l’énoncé de politique linguistique nationale ainsi que celle de la première loi d’aménagement de nos deux langues officielles constituent donc un défi majeur selon lequel la fameuse « question linguistique haïtienne » doit être portée à sa résolution en termes de « droits linguistiques ».
Les notions qui sont au fondement de cette vision sont celles de « patrimoine linguistique bilingue », de « droits linguistiques », de « droit à la langue », de « droit à la langue maternelle » créole, « d’équité des droits linguistiques », de future « parité statutaire entre les deux langues officielles », de « didactique convergente créole-français », de « politique linguistique d’État » et de « législation linguistique contraignante ». Elles doivent régir toute entreprise d’État d’aménagement simultané des deux langues officielles d’Haïti (voir à ce sujet notre article « Les grands chantiers de l’aménagement linguistique d’Haïti (2017 – 2021) », 7 février 2017).
Le second grand défi de l’État haïtien en matière d’aménagement des deux langues officielles du pays est l’élaboration d’une politique linguistique éducative issue de l’énoncé de politique linguistique nationale. Cette politique linguistique éducative s’attachera à mettre en œuvre le « droit à la langue maternelle » créole à parité statutaire avec le français, car c’est à l’École de la République que les élèves créolophones font l’apprentissage du français langue seconde.
Le troisième grand défi de l’État haïtien en matière d’aménagement des deux langues officielles du pays est la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques dont la mission consistera à (1) formuler et mettre en œuvre la politique d’aménagement linguistique de la République d’Haïti ; (2) définir le cadre législatif de l’aménagement simultané des deux langues officielles du pays et circonscrire le cadre institutionnel de cet aménagement ; (3) définir les droits linguistiques de tous les Haïtiens ainsi que les obligations de l’État en matière de droits linguistiques, notamment en ce qui a trait au droit à la langue maternelle créole et à son emploi obligatoire dans le système éducatif national.
Ces grands défis doivent être portés dans la concertation par la société civile, en particulier par les institutions de droits humains. Ces institutions devront sans doute contraindre l’État à aborder autrement la question linguistique haïtienne, notamment en termes de « droits linguistiques » car ceux-ci font partie du grand ensemble des droits humains fondamentaux en Haïti.
Robert Berrouët-Oriol
Laënnec Hurbon vient de nous livrer le contenu d’un entretien qu’il a eu sur la crise que traverse actuellement le pays. Nous vous le livrons en espérant que cette analyse pertinente permettra de mieux saisir les dessous d’une politique particulièrement opaque.
Port-au-Prince, février 2019
1) D’où sont venus les troubles de février ? Quelles sont les données politiques qui ont changé ?
Les protestations du mois de février dernier représentent un sommet dans le chapelet de manifestations inauguré les journées des 6 et 7 juillet contre la montée du prix de la gazoline, puis de nouveau le 7 octobre et le 18 novembre, à travers la capitale et toutes les villes de province en même temps ; cette fois c’est le départ du président de la République qui est demandé à travers une opération dite « pays lock » qui consiste à fermer complètement le pays : plus personne ne pouvait sortir de chez soi, les routes étaient bloquées, les marchés et les services publics cessaient de fonctionner. Au départ, les protestations tournaient autour d’une demande précise : la reddition des comptes du prêt (dit Petrocaribe) de 3 milliards 800 millions de dollars accordés par le Venezuela de Chavez-Maduro pour sortir enfin Haïti de la pauvreté. Un prêt à taux très faible qui doit être remboursé annuellement. Il s’est produit une prise de conscience très affirmée que cette somme a été en toute rigueur dilapidée, car nulle part on ne pouvait percevoir les résultats des projets censés être mis en œuvre, tandis que les inégalités sociales ne cessent de croître, la misère étant chaque jour plus visible et l’inflation dépassant les 15% dans le pays. Tel est le contexte des violences (pneus enflammés, barricades, incendies de voitures, parfois pillages de magasins) qui démontrent qu’une grande colère est la base des protestations.
Or il paraît chaque jour plus évident que l’actuel président reste insensible à ces demandes de reddition de compte du prêt Petrocaribe et qu’il tente même d’inventer toutes sortes de stratégies pour empêcher que lumière soit faite. Parmi ces stratégies, il y a l’impunité dont bénéficient les groupes de bandits qui font la pluie et le beau temps dans les quartiers populaires de la capitale et dont les armes proviennent selon toute vraisemblance de députés, sénateurs, ministres, délégués ou membres du parti au pouvoir. Ces gangs agissent comme s’ils étaient des pièces détachées du pouvoir : ils bloquent les routes, rançonnent les voyageurs. Kidnappent des femmes pour les violer. Ils semblent disposer d’un pouvoir absolu. Le massacre récent le 15 novembre dernier d’une soixantaine de personnes, toutes de milieu populaire (d’après les enquêtes menées par les associations de droits humains) au quartier de La Saline (zone d’un grand marché qui approvisionne toute la capitale) donne le niveau d’insécurité dans lequel la vie quotidienne est maintenue, en sorte que le pays est désormais fermé au tourisme.
2) Quelle opinion se fait la société haïtienne de Jovenel Moise ? Quels seraient actuellement les membres de l’opposition les plus remarquables ?
Jovenel Moise était un inconnu de la vie politique. On savait qu’il avait une entreprise appelée Agripans qui devait exporter de la figue-banane en Allemagne, mais qui s’était retrouvée assez vite en faillite. Le parti PHTK (parti haitien tet kalé –correspondant à la tête chauve de Martelly), fondateur de ce parti dès son accession au pouvoir) avait besoin d’un dauphin, Jovenel était présenté lors des élections de 2015 comme l’homme de la banane (« nèg banann » slogan de sa campagne présidentielle) qui aurait été un entrepreneur ayant réussi. Or il n’en est rien. On découvre maintenant qu’il a bénéficié des largesses du fonds Petrocaribe pour sa campagne électorale et d’autres comptes difficiles à justifier. Son programme de gouvernement paraissait très chiche, tout en étant riche de promesses extravagantes comme par exemple le projet de doter tout le pays d’électricité 24 heures sur 24, en 24 mois.
Ce qu’on découvre aujourd’hui chez lui, c’est une grande capacité de dissimulation de la corruption dans la réalité, pendant qu’il fait de la lutte contre la corruption son programme principal. Il révoque juste après son investiture le directeur de l’UCREF (unité centrale de renseignement financier) qui avait pendant la campagne électorale fait connaître le dossier des irrégularités des comptes du candidat Jovenel Moise. Des affaires de corruption s’enchaînent : kits scolaires générant des millions de dollars non expliqués, des contrats irréguliers dans lesquels la femme du président est impliquée. Mais il est d’abord perçu comme l’axe d’un système de corruption dont font partie en premier lieu la majorité des parlementaires : députés et sénateurs, qui s’octroient la part du lion dans le budget national : 10,000 $US/par mois, deux voitures, des résidences privées, des frais gargantuesques, avec des franchises pour des contrats obtenus de manière préférentielle auprès des ministres qu’ils ont au départ eux-mêmes choisis ; des directeurs d’institutions ( comme l’office national d’assurance, la caisse d’assurance sociale, le FAES ( Fonds d’aide économique et sociale, etc… ) disposent de salaires de l’ordre de 15,000 dollars par mois et des frais incalculables pouvant atteindre encore 10,000 dollars par mois. Ce sont de telles informations qui circulent en provenance des milieux mêmes du pouvoir, de telle sorte qu’on perçoit le président comme celui qui achève de faire de l’État un lieu d’affaires pour l’enrichissement des proches du pouvoir et qui favorise toutes les pratiques liées à la corruption : drogue, trafic d’armes, contrebande. Concrètement se trouvent ainsi à l’abandon le système de santé, le système scolaire, la sécurité ; le pays finit par entrer dans une dérégulation de tous les secteurs : Universités, écoles, sécurité, services publics, environnement. Mais comme la contestation ne cesse de gronder, toutes les parades sont recherchées par le président : il vote à la surprise de tous les secteurs de la vie nationale contre Maduro à l’OEA alors qu’il bénéficie amplement de ses largesses avec les milliards du Petrocaribe ; il espère ainsi obtenir le soutien du président Trump. Il va de dialogue en dialogue dans une quête éperdue des bons interlocuteurs.
D’après le premier rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, Jovenel Moise a bénéficié pour le moins de manière irrégulière du fonds Petrocaribe et donc il y a une très faible chance que le procès puisse se tenir au cours de son mandat...
L’opposition est multiforme, mais ce qui pose problème est la faible crédibilité de ses porte-parole les plus bruyants dans les media. Parmi eux, il y a d’abord Moise Jean Charles, l’ancien candidat à la présidence pour les élections de 2015 et 2016 ; il a créé le parti « pitit desalin » (fils de Dessalines), Dessalines ayant été le premier chef d’État d’Haïti, qui a conduit la guerre de l’indépendance de 1802 à 1804 ; ensuite un membre du parti Organisation Fanmi lavalas ( créé par l’ancien président Jean Bertrand Aristide), Schiller Louidor, et le juriste André Michel. Ils se présentent comme appartenant au « secteur démocratique et populaire ». De même, un groupe de jeunes dénommés Petrochallenger manifestent souvent pour réclamer la reddition des comptes de Petrocaribe. Quelques partis politiques traditionnels viennent s’adjoindre : Fusion de tendance socialiste, OPL (Organisation du peuple en lutte), parti qui s’était détaché de l’organisation d’Aristide). D’autres partis et institutions prennent des positions plutôt modérées, comme par exemple le RDNP (Rassemblement des démocrates nationaux progressistes), ou des groupements civils comme les chambres de commerce qui proposent que le président mette son mandat sur la table dans un dialogue avec toutes les forces vives de la nation. En revanche, on peut dire que seul le PHTK et son groupe de parlementaires soutiennent encore le président Jovenel Moise. Bien entendu, beaucoup de personnalités du monde des affaires et de la classe moyenne craignent le chaos et plaident pour la stabilité politique.
3) Dans quelle mesure peut-on dire de la communauté internationale qu’elle impacte directement la crise ? Doit-on entendre que la Minustah n’a pas seulement failli dans sa mission, mais qu’elle a surtout apporté davantage de problèmes à l’île ?
Haïti a connu deux interventions étrangères, en 1994 et à partir de 2004, celle de la Minustah qui a duré près de 13 ans, sans qu’on en voie les résultats au plan politique. On peut raisonnablement parler d’un échec de la Minustah avec l’épidémie de choléra qu’elle a laissé dans le pays et qui a déjà causé 10,000 morts. D’un autre côté, l’ingérence dans le Conseil électoral a été patente avec la décision prise en 2011 par le gouvernement américain de placer autoritairement Michel Martelly en 2e position pour le second tour. La communauté internationale s’est rendue aux yeux de la population comme la responsable de la situation de désastre économique et politique que le pays connaît actuellement avec la corruption et la dilapidation du fonds Petrocaribe, l’État étant devenu un lieu d’affaires pour les proches du pouvoir. L’aval que la communauté internationale a donné aux résultats des élections de 2015 entachées d’irrégularités dénoncées par la plupart des partis et institutions des droits humains est réitéré dans la crise actuelle. Mais, last but not least, 8 mercenaires étrangers parmi lesquels un Serbe, un Russe et des Américains ont été appréhendés le 17 février dernier par la police dans des voitures sans plaque d’immatriculation et avec des armes de guerre. Ils déclarent eux-mêmes qu’ils sont au service du gouvernement haïtien. Ils ont été relâchés sans qu’on retienne la moindre charge contre eux, et réexpédiés aux États-Unis avec l’accord de l’ambassade américaine. Jovenel Moise s’est appliqué à remercier la communauté internationale pour la sécurité qu’elle donne à son gouvernement. Le pays est devenu cette fois explicitement la propriété d’un gang au pouvoir.
4) Quel scénario peut-on attendre dans le futur immédiat, jusqu’à une éventuelle démission du président ?
Il n’est pas facile de prévoir le scenario qui va se développer dans les prochains jours, le pays a subi 2 semaines dites de fermeture (opération pays lock) et malgré sa fragilité, le président Jovenel n’a pas présenté sa démission alors qu’il semble ne plus rien diriger. C’est qu’en fait, on est pris dans le leurre d’un État auquel nous attribuons une souveraineté qui est une chimère, la communauté internationale donne son support au Président, elle fait partie des forces en présence. Il y a aussi et surtout la difficulté d’accorder une crédibilité à certains acteurs bruyants de l’opposition qu’on appelle « secteur démocratique et populaire », pendant que plusieurs partis traditionnels sont plutôt devenus marginaux. Mais ce qui est certain, c’est le manque de leadership de Jovenel Moise et son incapacité à se rallier même les modérés. On peut supposer qu’en dépit de la lassitude de la population, la mobilisation pour le départ du Président va se renforcer dans les prochains jours. Car il y a la perception que le procès de la dilapidation du fonds Petrocaribe n’aura pas lieu tant que Jovenel Moise restera au pouvoir. D’autre part, de toute façon, le problème du Parlement (103 députés et 30 sénateurs) qui draine une part scandaleuse du budget national ne sera toujours pas résolu avec la seule démission du président. Encore conviendra-t-il de penser la nécessité d’une assemblée constituante chargée de produire une nouvelle constitution qui puisse faire barrage à la pratique généralisée de la corruption au sein de l’État. D’aucuns penchent pour une telle solution qui permettrait d’éviter des élections, car elles risquent de reconduire les mêmes parlementaires à leur poste.
5) Quel est le principal problème de Haïti aujourd’hui ? Quelle serait la première des urgences ?
Haïti est confronté aujourd’hui à une situation de vie très en-dessous du seuil de la pauvreté dans les couches sociales défavorisées. Celles-ci sont au bord de la famine. Le PIB est de 805 US$, alors qu’il est de 7052,26 US$ en République dominicaine voisine. Il faut un fonds d’aide alimentaire d’urgence qui soit cependant bien encadré. La solution durable, c’est dans l’immédiat un programme concernant les infrastructures : eau, santé et hygiène publique, système scolaire unifié et gratuit, relance de l’agriculture, autant de problèmes qu’aucun gouvernement ne semble avoir pris au sérieux, de telle sorte que Haïti est classé 168e sur 189 parmi les pays ayant le plus faible indice de développement humain. On ne peut espérer de changements réels et durables tant que la communauté internationale persistera à faire pour Haïti ses choix de gouvernants.
Port-au-Prince, 28 décembre 2018
Notre ami et collègue Laënnec Hurbon vient d’écrire pour le journal Le National d’Haïti des 28 décembre 2018 au 7 janvier 2019 un article important qu’il a souhaité faire connaître à travers notre site. Nous le remercions tout particulièrement de sa confiance.
Nous avons, nous Haïtiens, la curieuse, mais fâcheuse habitude de faire mémoire de 1804, ce temps où nous fûmes les champions des droits humains. Nous nous nous rappelons volontiers nos exploits en koupé tèt, boulé kay, comme s’il s’agissait d’un condensé de notre révolution. C’est une mémoire longue, elle passe par-dessus deux siècles pour nous installer au milieu d’un parterre de héros. Cette mémoire longue s’oppose à une mémoire courte, celle qui fait l’impasse sur les 30 années de la dictature héréditaire de Duvalier. On peut - et cela vaudra peut-être la peine- s’appesantir sur la mémoire longue, tenter d’en produire une analyse critique au plan sociologique, la confronter à la problématique de la volonté d’oubli du temps de l’esclavage, mais ce n’est pas ce qui nous importe ici, c’est plutôt la mémoire courte qui nous donne à penser à partir des réalités politiques actuelles (insécurité dans la vie quotidienne, pouvoir des bandits dans les quartiers périphériques de la capitale et des villes de province) dans lesquelles les traces de la dictature ne cessent de cerner et d’envelopper toute tendance à la démocratie au point de la réduire sous nos yeux à une peau de chagrin. Nous proposons de débusquer le travail de la mémoire courte à travers le mode de fonctionnement de l’actuel gouvernement, donc à travers ses conceptions de la démocratie qui se dégagent dans ses traitements des institutions de la république.
Les signes avant-coureurs d’un type d’État nouveau ?
J’avais déjà choisi ce sous-titre quand je lis l’article remarquable de Ronald Singer dans le journal Le National-(17-12-2018) : « Jovenel Moïse, les actes prémonitoires d’une crise de gouvernance » Tous ces actes sont égrenés par l’auteur de l’article et me dispensent de les reprendre ici in extenso.
Nous aurions pu poser le problème autrement : de quel nom est –il question quand on dit Jovenel Moïse ? Pour pouvoir y répondre, il ne sera pas question de nous attarder sur tel ou tel fait de manière séparée ou isolée. Chaque fait signalé ici entre dans une série, dans un enchaînement à partir de quoi nous pourrons tenter d’indiquer la nature du gouvernement. Prenons immédiatement l’exemple de la révocation du directeur de l’UCREF, Unité centrale de renseignement financier, or celle-ci est instituée pour éviter l’interférence de l’exécutif dans le contrôle de pratiques de corruption pouvant provenir des instances du pouvoir lors d’opérations financières. Une fois ce fait connu des partis de l’opposition et diffusé par les media, on a cru bon de ne pas trop y insister, comme s’il s’agissait d’une faute passagère ou même d’une erreur qui sera susceptible d’être corrigée plus tard. Il n’y aurait pas lieu d’en faire un plat. Or il est clair qu’on est en présence d’une violation explicite et délibérée de la loi qui régit le fonctionnement de l’UCREF. Pourquoi convient-il d’y revenir ? Je me suis simplement aperçu que l’opposition se contente d’une interprétation morale, proteste, puis oublie et passe à un autre problème, sans se rendre compte que le diable se cache dans les détails et qu’un système est peut-être à la base d’une série de pratiques quand il s’agit d’un gouvernement et donc quand on est sur le registre du politique.
Il est pour le moins curieux qu’à peine installé au pouvoir, le président éprouve la nécessité de renvoyer le responsable des droits humains, représentant de l’Onu, comme si désormais les droits humains, c’est essentiellement Haïti qui n’aurait donc aucune leçon à recevoir de personne. Dans la foulée, les demandes de comptes sur ce qui est connu comme le vol de Petrocaribe sont vite assimilées à des persécutions politiques. Trois autres faits apparaissent comme des redondances : les kits scolaires au prix élastique et générant des millions de dollars (peut-être 20 millions ?) pour des destinataires inconnus ; le suicide du directeur du FAES (Fonds d’assistance économique et sociale), considéré comme un moyen puissant sous la main de l’exécutif passe sous le boisseau, l’imbroglio de 10 millions de dollars offerts de gré à gré à une compagnie appelée Dermalog, la sécurité nationale ayant tout l’air d’être la couverture appropriée pour une telle opération.
Sécurité nationale et État d’exception
Le recours à la sécurité nationale est effectivement souvent invoqué ( sous l’espèce de loi d’urgence) quand une catastrophe s’abat sur le pays ; un cyclone puissant, un séisme majeur appellent des solutions d’urgence et donc le renforcement du pouvoir de l’Exécutif comme pourvu désormais de la loi d’État d’exception. Mais comme la nature est prodigue en catastrophes (étant entendu que la catastrophe est toujours déjà du côté de l’être humain, les mouvements de la nature étant congruents à son ordre propre), le recours au concept de sécurité nationale est la tentation permanente, et le fait de tout gouvernement. Que cache donc en vérité ce concept ? Pourquoi peut-on l’articuler ou l’arrimer à notre situation actuelle marquée par l’insécurité pour tous ceux qui forment le peuple des gouvernés. Il est quelque peu paradoxal de suggérer que la sécurité nationale implique et même connote insécurité à travers le pays dans la vie quotidienne.
On se souvient que la dictature duvaliériste faisait une utilisation systématique du concept de sécurité nationale, lequel était en relation avec la théorie de la guerre froide qui pouvait justifier emprisonnements, disparitions forcées et exécutions d’opposants ou d’opposants supposés. Autrement dit la dictature duvaliériste pour durer se mettait en phase avec le point de vue du gouvernement américain qui menait le bal à travers toute l’Amérique latine, dont entre autres au Chili avec le sanguinaire Pinochet. Dès qu’on recourt à la sécurité nationale, on justifie à priori et à l’avance toutes pratiques pouvant mettre entre parenthèses les droits de l’individu au profit du seul pouvoir de l’exécutif qui devient un pouvoir absolu et qui n’est plus astreint à rendre compte à quiconque.
Nous ne serions plus dans une situation de « démocratie inachevée ». Il est plutôt question d’un véritable état d’exception où toutes les lois sont muettes, et où l’exécutif est atteint de surdité face aux demandes des masses, celles-ci étant exclues de tout droit à questionner le pouvoir. Elles sont alors considérées infantiles, donc reléguées à l’état d’enfance et doivent se conformer à leur nouvelle situation qu’elles sont appelées à intérioriser. Ceux qui ont droit à la vie, ce sont d’abord les représentants du pouvoir ; les autres, c’est-à-dire la masse des exclus de la vie économique et soumis à l’apartheid social, ils méritent leur sort dont le pouvoir s’occupera de manière paternaliste. D’où vient par exemple l’indifférence de l’État, donc de l’exécutif face au massacre du quartier de la Saline ?
Dans tous les quartiers périphériques de la capitale, on trouve des bandits autoproclamés commandants et disposant de subalternes comme soldats, mais tous disposant de pouvoirs absolus conférés – en toute vraisemblance- par des autorités comme députés, sénateurs ou ministres, délégués ou encore membres importants du parti au pouvoir ou conseillers. Pour que ces « commandants » puissent faire la pluie et le beau temps, il est important qu’ils soient partie prenante du pouvoir de manière métonymique ou symbolique. Ils seraient comme des pièces détachées du pouvoir, ce qui les autorise à être en dehors de toute poursuite possible, juges et membres de l’Exécutif sont à leur service..
La barbarie avec laquelle le massacre de La Saline a été exécuté est le signe qu’il s’agit d’un enjeu d’État : adolescents, enfants de 3 ans, bébés et un nombre impressionnant ( 60 ? 70 ?, d’après les enquêtes des associations de droits humains de la capitale ) de morts par balles ou à l’arme blanche, et des cadavres livrés aux cochons, autant d’éléments qui sont incompréhensibles en dehors d’un projet de contrôle absolu de ce quartier populaire tenu pour stratégique. Et quand de manière régulière, des groupes de bandits lourdement armés, bloquent les routes, rançonnent les voyageurs, kidnappent des femmes pour les violer, tout semble se passer comme si le Gouvernement cherchait à étendre davantage son pouvoir à travers les quartiers.
Du temps des macoutes au temps des bandits
Au fond, est-ce que nous ne serions pas en train d’assister à une mise hors jeu des couches sociales les plus importantes dans le droit à s’intéresser à la chose publique, ces quartiers étant réduits au silence en état d’exception ? On dirait que la distance est très courte qui sépare le temps des macoutes du temps des bandits. Est-ce que cela ne signifierait pas un retour subreptice à la situation qui prévalait avant le 7 février 1986 ? Comme si donc les 30 dernières années auraient été dérive, gabegie, temps perdu, intrusion des masses dans ce qui ne les regarde pas ? Le cas de la restauration de l’Armée en dépit de la protestation des militaires les plus avertis et de la majorité des partis et associations de la société civile est symptomatique. Une restauration qui se produit sans la moindre critique des pratiques criminelles de cette armée de 1986 à 1994, le massacre en 1987 - à la ruelle Vaillant- de citoyens qui n’avaient en main qu’un bulletin de vote attend encore sa commission de vérité et justice. Autre indice est le fonctionnement de la police entre chien et loup. Mise en face de bandits autoproclamés commandants dans des quartiers populaires, la police semble s‘interroger sur la place que lui offre l’exécutif dans le domaine de la sécurité et de la sureté de l’ensemble des citoyens. Il en résulte que les bandits ont l’air d’être les alliés du gouvernement et donc d’être quelque part réellement ‘légaux’. Sécurité nationale devient le maître-mot du système de gouvernement ainsi établi.
Certes l’histoire se répète, mais jamais à l’identique et toujours avec nuance et différence. À approfondir le sens des pratiques du gouvernement, on découvrira les traces vives et remaniées de la situation qui prévalait avant 1986, mais sur laquelle notre mémoire est facilement défaillante. En effet cette fois, l’État a beau se déclarer soucieux de la sécurité nationale, il s’est transformé en mangeoire pour tous ceux qui sont proches du pouvoir : directeurs généraux, ministres, députés, sénateurs, conseillers, tous devenant les premiers servis, puisque le peuple est mis en dehors de la chose publique. Un sénateur dispose de 6 consultants choisis par lui-même sans aucune norme à la clé, un député se donne 4 consultants. Connaît-on le travail exact de tant de consultants par député et sénateurs ? Ce qui reste pour les masses pauvres, c’est logiquement une attention la plus humanitaire possible : plats chauds et apaisement social. Entretemps, la vie quotidienne reste marquée par une dérégulation générale dans tous les domaines : fatras partout, universités en prolifération, hôpitaux vides, logement et environnement à l’abandon, la gourde en chute libre et l’inflation à plus de 14%, les frontières livrées à la violence….
Dans les rues de la capitale, on perçoit encore mieux le mode d’exercice du pouvoir : pour aller à son travail, un ministre, un parlementaire, un président se croient tous dispensés des règles de la circulation : "... toutes sirènes hurlantes, rues bloquées, garde du corps aux aguets, un cortège de Mercedes et de Cadillac, de Toyota aux vitres fumées, de land rover blindées transporte l’important personnage" ; cette observation de Jean Ziegler dans son ouvrage Les nouveaux maitres du monde et ceux qui leur résistent (Fayard, Paris 2007, p.152) souligne le contraste avec les ministres dans les pays scandinaves « qui se rendent à leurs bureaux à pied, à bicyclette, ou en empruntant les moyens publics ». En vérité, on peut supposer que les obstacles sont chaque jour plus nombreux qui attendent le procès Petrocaribe.
Le système de gouvernement qui fonctionne actuellement en Haïti ne pouvait pas être systématique, il porte la marque de puissantes contradictions. Ce sont elles qui donnent à voir les violences du 6 juillet dernier qui ont paralysé le pays dans la capitale comme dans les provinces. Y a-t-il possibilité d’augurer d’une sortie de la crise dans laquelle le pays est aujourd’hui installé ? La situation actuelle remonte assez loin pour que des solutions palliatives (qu’ont été la plupart du temps les élections) ne puissent que renforcer le système. L’effondrement des partis politiques est patent, car c’est justement sous le poids du nombre (192) qu’ils s’écroulent, chacun regardant l’autre comme son sosie. De là, partout s’élèvent en chœur des revendications de stabilité, comme si les 30 années de stabilité que représente la dictature duvaliériste étaient des années de prospérité et de sécurité.
Laënnec Hurbon
Port-au-Prince, décembre 2018
Nous vous présentons ici en document attaché le Rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains sur les événements survenus dans le quartier de La Saline au cours du mois de novembre 2018. Il traite du passage de la lutte armée entre les gangs au massacre d’État.
Port-au-Prince, Paris, novembre 2018
Voici un article de Robert Berrouët-Oriol paru dans Le National du 31 octobre 2018. On peut le trouver également sur le site de notre confrère www.berrouet-oriol.com. Dans la dernière livraison, on lira en particulier le texte que Yves Chemla, qui avait eu la gentillesse de participer en son temps à l’une des sessions du Salon du Livre de l’Amérique latine, consacre à « Mimi Barthélémy, conteuse haïtienne ».
Robert Berrouët-Oriol
Le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » n’est presque plus un document… confidentiel : au terme d’une patiente recherche, nous disposons désormais d’un exemplaire de ce document qui, faut-il le souligner, ne figure pas encore sur le site officiel du ministère de l’Éducation d’Haïti.
Le document porte l’en-tête du ministère de l’Éducation et de la formation professionnelle ; il s’intitule précisément « Plan décennal d’éducation et de formation (PDEF) octobre 2018 septembre 2028 » et consigne le surtitre « Planifier l’éducation, préparer le futur », ainsi que sa date d’émission, à savoir octobre 2018.
Ce document de 96 pages comprend 4 chapitres :
Le chapitre I consigne les « contexte et justification » du « plan » ; le chapitre II, le « plan 2017-2027 », comprend une « analyse de la situation », les « orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation, « les cibles pour l’horizon 2027 », ainsi que les « interventions » programmées ; le chapitre III énumère la « stratégie de mise en œuvre », le « dispositif organisationnel », les « modalités de suivi », les « modalités d’évaluation » et la « stratégie d’information et de communication » ; quant à lui le chapitre IV aborde les « coûts et stratégies de financement du Plan décennal d’éducation et de formation ».
Le présent article n’est pas une analyse exhaustive du « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 ». Nous en faisons l’examen attentif sous l’angle particulier de la politique linguistique éducative en Haïti.
Les questions qu’il faut se poser en amont sont les suivantes : le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 », qui entend structurer l’enseignement primaire, secondaire, professionnel et universitaire en Haïti sur une période de dix ans, est-il porteur d’une vision de l’aménagement linguistique en salle de classe ? De manière plus structurelle, ce « Plan décennal… » consigne-t-il les balises théoriques et programmatiques de la future politique linguistique éducative d’Haïti ?
Pour répondre adéquatement à ces deux questions, il importe d’examiner d’abord les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation consignées dans le « Plan décennal… » : (…) « le Plan 2018-2028 se fonde donc sur une double approche systémique, par le fait de toucher tous les segments du système scolaire, et stratégique par le choix des axes prioritaires d’intervention établis pour orienter ses actions. En effet, trois axes d’interventions sont ciblés : l’accès dans l’équité, la qualité dans l’équité et la gouvernance. Pour chacun de ces axes, des programmes spécifiques sont identifiés de manière à toucher les sept segments clés du système éducatif haïtien, à savoir : la petite enfance, le préscolaire, le fondamental, le secondaire, la formation technique et professionnelle, l’enseignement supérieur et la recherche, l’éducation non formelle et l’alphabétisation. » (« Plan décennal… », p. 22)
Premier constat : les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation nationale ne formulent pas le projet spécifique de l’aménagement linguistique dans le système éducatif national. Ainsi, au niveau des « Orientations stratégiques » du « Plan décennal… », la question linguistique dans l’enseignement ne fait pas l’objet d’un chapitre particulier : comme on le verra plus loin dans cet article, la question de l’aménagement linguistique dans les programmes et en salle de classe est disséminée dans des considérations générales du document… Ce premier constat illustre le fait que le ministère de l’Éducation nationale n’est que peu préoccupé par la dimension linguistique de l’enseignement en Haïti. Il s’est ainsi révélé incapable, dans un document de 96 pages préparé par des spécialistes en éducation, d’analyser et de proposer une vision articulée de la question linguistique haïtienne dans ses rapports étroits avec l’enseignement au pays, tous cycles confondus. Ce déficit de vision est une lacune de premier plan et conforte également les craintes que nous avons déjà formulées dans l’article « Plan décennal d’éducation et de formation » en Haïti : inquiétudes quant à l’aménagement du créole et du français dans le système éducatif national » (Le National, 19 janvier 2018).
Deuxième constat : les « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation nationale ne font nullement référence à la nécessité d’une véritable politique linguistique éducative en Haïti. Il est à ce titre symptomatique de noter que, parmi les documents consultés par les rédacteurs du « Plan décennal… » (p. 87 et ss), ne figure pas l’étude commandée par le ministère de l’Éducation nationale, « L’aménagement linguistique en salle de classe – Rapport de recherche » (éditions Ateliers de Grafopub, 2000, 272 pages). Au plan linguistique, voici ce que consigne très chichement, il faut le souligner, les « Orientations stratégiques » du « Plan décennal… » : « En résumé, au cours des dix années du plan décennal (2018-2028), de nombreuses actions seront entreprises pour (…) notamment « Renforcer le statut du créole en tant que langue d’enseignement et langue enseignée dans le processus enseignement/apprentissage à tous les niveaux du système éducatif haïtien » (« Plan décennal… » p. 28). Et « Pour ce qui concerne la qualité dans l’équité », il s’agira entre autres de « Promouvoir un enseignement de qualité de l’anglais et de l’espagnol à tous les niveaux du système éducatif. » (« Plan décennal… », p. 26)
En ce qui a trait à l’aménagement des deux langues officielles dans le système éducatif national, le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » consigne la généralité suivante : « Le créole, langue maternelle qui lie tous les Haïtiens, n’occupe pas encore la place qu’il mérite dans le processus d’élaboration et de mise en œuvre des différents instruments servant à orienter et gérer les affaires du pays. On ne le retrouve pas assez dans les stratégies développées pour produire et transmettre des connaissances et développer des savoirs et compétences nécessaires, pour bâtir la cohésion sociale (…) » (« Plan décennal… », p. 7)
Toujours en ce qui a trait à l’aménagement des deux langues officielles dans le système éducatif national, le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » consigne également que « Dans le prolongement de la Réforme Bernard, le créole sera obligatoire et utilisé comme langue d’enseignement au 1e cycle du fondamental et langue enseignée à tous les niveaux du système éducatif haïtien. Le français, en tant que langue seconde, sera introduit comme langue enseignée dès la 1ère année fondamentale dans sa forme orale et progressivement sous toutes ses formes dans les autres années suivant la progression définie dans les programmes d’études développés, et utilisé comme langue d’enseignement dès le 2e cycle fondamental. » (« Plan décennal… », p. 26)
De manière objective, ce qui précède constitue une avancée et illustre bien le fait que le plaidoyer des linguistes aménagistes et de nombre d’enseignants fait lentement son chemin parmi les décideurs du système éducatif national. S’il est avéré, comme on le voit à la lecture des « Orientations stratégiques » du ministère de l’Éducation nationale, que le « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » est dénué d’une véritable politique linguistique éducative, il est juste de constater qu’une avancée se dessine quant à l’aménagement de nos deux langues officielles dans le système éducatif national. L’orientation timidement exposée dans le « Plan décennal… » en ce qui concerne l’aménagement du créole et du français est juste en son principe : le principal acquis s’énonce à dessein, qui pose que « le créole sera obligatoire et utilisé comme langue d’enseignement au 1e cycle du fondamental et langue enseignée à tous les niveaux du système éducatif haïtien. » Là où le principe évoqué est relativement faible, c’est à constater que les rédacteurs du « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 » n’ont pas su clairement formuler les bases théoriques et programmatiques d’une véritable politique linguistique éducative nationale. En cela ils sont en phase avec le déficit de leadership de l’État haïtien dans le domaine de l’aménagement simultané de nos deux langues officielles. Quels sont du reste les mécanismes d’application et de vérification de l’obligation de l’utilisation du créole « (…) à tous les niveaux du système éducatif haïtien » ? En quoi cette salutaire contrainte définit-elle une politique linguistique éducative ? Comment le ministère de l’Éducation compte-t-il mettre en œuvre cette orientation linguistique majeure alors même que le système éducatif national n’est contrôlé qu’à hauteur de 20 % par l’État, face au secteur privé qui finance et administre 80 % de l’offre scolaire ?
À l’aune du « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 », le ministère de l’Éducation nationale n’a pas su non plus saisir l’occasion de formuler la vision d’une incontournable refondation de l’École haïtienne conforme à l’équité des droits linguistiques (voir à ce sujet nos articles « La politique linguistique éducative doit être, en Haïti, au cœur de la refondation du système éducatif national » (Le National, 20 septembre 2018), et « Politique linguistique nationale et politique linguistique éducative en Haïti : une nécessaire convergence historique » (Le National, 30 novembre 2017). C’est certainement dans le déficit de vision quant à la refondation de l’École haïtienne que réside la seconde grande lacune du « Plan décennal… ».
Il y a lieu de rappeler, une fois de plus, que dans le secteur éducatif nous n’en sommes pas au premier « plan » ni à la première « réforme » : le pays a connu le PNEF (Plan national d’éducation et de formation, 1997) ; la SNA-EPT (Stratégie nationale d’action/Éducation pour tous, 2008) ; le GTEF (Groupe de travail sur l’éducation et la formation, 2009- 2010) et le Plan opérationnel 2010- 2015. Le bilan méthodique de ces différents « plans » reste à faire…
L’incontournable refondation de l’École haïtienne fondée sur l’équité des droits linguistiques aurait dû être au fondement du « Plan décennal d’éducation et de formation 2018 – 2028 ». Nous l’avons clairement exposé dans notre article « La politique linguistique éducative doit être, en Haïti, au cœur de la refondation du système éducatif national » (Le National, 20 septembre 2018) : « Encore une fois, la question de fond doit être posée : faut-il aujourd’hui rénover, redresser, réformer ou refonder le système éducatif national ? En une clairvoyante communauté de vue avec nos meilleurs spécialistes de l’éducation, pareille question a été évoquée après le séisme de 2010 par l’Envoyée spéciale en Haïti de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) Michaëlle Jean. Elle avait défendu, devant la défunte Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH), « la refondation complète du système éducatif haïtien (…) considérée comme « une urgence », à placer « en haut de la liste des priorités » (« Haïti : l’Envoyée de l’Unesco défend une refondation du système éducatif », Centre d’actualités de l’ONU, 15 février 2011). Lors Michaëlle Jean plaidait pour la meilleure orientation qu’aurait pu prendre l’État haïtien quant à l’avenir du système éducatif national. Rien n’y fit. De 2010 à 2018, l’État haïtien s’est employé à faire du neuf avec du vieux, poursuivant, muni d’ornières, la politique du statu quo couplée à des initiatives ponctuelles de rénovation à l’identique d’un système éducatif réputé obsolète. »
Il faut rappeler qu’« une politique linguistique éducative correspond à la composante particulière d’une politique linguistique [nationale] dont le domaine d’application concerne spécifiquement l’enseignement des langues », la didactique des langues, le statut et les fonctions des langues officielles dans le système éducatif, ainsi que l’ensemble des directives administratives ciblant l’application de l’énoncé de la politique linguistique éducative (Revue des étudiants en linguistique du Québec : RELQ/QSJL, vol 1 no 2, printemps 2006). La politique linguistique éducative recouvre donc la vision linguistique et l’ensemble des moyens institutionnels mis en œuvre par l’État dans ses interventions de nature linguistique dans le champ éducatif.
Robert Berrouët-Oriol
Par Robert Berrouët-Oriol
Publié à Port-au-Prince dans Le National le 25 mai 2018
Depuis la publication en 2011 du livre de référence L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions (par Robert Berrouët-Oriol et al, Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti), les notions-clé du domaine de l’aménagement linguistique font lentement leur chemin chez nombre de personnes qui s’intéressent à la question des langues au pays. Parmi les notions neuves étayées dans ce livre figurent les « droits linguistiques », le « droit à la langue », le « droit à la langue maternelle créole », « l’équité des droits linguistiques » ainsi que la notion de « patrimoine linguistique bilingue ». Ces neuves notions de jurilinguistique et d’aménagement linguistique se retrouvent également dans plusieurs articles que nous avons depuis lors publiés, entre autres dans le quotidien Le National, et au moyen de ces publications nous avons amplement partagé notre vision du futur aménagement simultané des deux langues officielles du pays. Retour sur la notion de « patrimoine linguistique bilingue ».
Le terme « patrimoine », dans les dictionnaires usuels de la langue, s’entend au sens de « Ce qui est transmis à une personne, une collectivité, par les ancêtres, les générations précédentes, et qui est considéré comme un héritage commun. [Ex. :] Patrimoine archéologique, artistique, culturel, intellectuel, religieux ; patrimoine collectif, national, social ; patrimoine d’une nation, d’un peuple. (Dictionnaire du CNRTL, Centre national de ressources textuelles et lexicales, CNRS, France). Dans son acception la plus large, le « patrimoine » est donc un « héritage », un « legs » ; on parlera dès lors de l’« héritage d’une collectivité, d’une communauté ou d’un groupe (ex. patrimoine littéraire) ».
À l’échelle internationale, le patrimoine mondial de l’humanité comprend « Les monuments, ensembles et sites ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science (patrimoine culturel), ainsi que les monuments naturels, formations géologiques, sites naturels ayant une valeur exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique (patrimoine naturel). La notion de patrimoine mondial a été officiellement reconnue par la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) de Paris en 1972 et elle est entrée en vigueur en 1975. » (Vmfpatrimoine.org) Le « patrimoine culturel » regroupe le patrimoine matériel et le patrimoine immatériel.
À l’instar du patrimoine matériel, le patrimoine immatériel est lui aussi de première importance : « Creuset de la diversité culturelle dont la préservation est le garant de la créativité permanente de l’homme, le patrimoine immatériel est l’ensemble des pratiques, représentations, expressions, ainsi que les connaissances et savoir-faire que les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Il se manifeste, entre autres, dans les domaines suivants :
– les traditions et expressions orales, y compris la langue
– les arts du spectacle (musique, danse, théâtre traditionnels)
– les pratiques sociales, rituels et événements festifs
– les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers
– les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. » (Vmfpatrimoine.org)
Le patrimoine mondial de l’humanité est protégé par des conventions internationales. Ainsi, « Adoptée par l’UNESCO en 1972, la Convention du patrimoine mondial encourage l’identification, la protection et la préservation du patrimoine culturel et naturel. Les sites sont inscrits au titre de différents critères illustrant leur valeur universelle exceptionnelle pour l’Humanité et la nécessité de les transmettre aux générations futures. Une fois les sites inscrits, les États membres s’engagent à mettre en place des mesures de conservation, de gestion et de mise en valeur au travers de leurs outils réglementaires nationaux » (Unesco.org). Réputée pour la diversité et la forte prégnance de sa culture, Haïti dispose de sites protégés par la Convention du patrimoine mondial : « Inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1981, le Parc national historique – Citadelle, Sans Souci, Ramiers– est situé dans le Nord du pays, dans un cadre naturel spectaculaire formé de pics rocheux. Construite peu après l’indépendance par les esclaves ayant conquis leur liberté, sous le règne du Roi Henri Christophe, la Citadelle Henri est chargée d’un symbolisme universel. Située à 900 mètres d’altitude, elle s’inscrit dans un dispositif de défense, comprenant également le site fortifié des Ramiers, destiné à protéger la jeune nation contre les invasions étrangères par la mer et contre les attaques venant de l’intérieur. Elle demeure l’un des meilleurs exemples conservés d’ingénierie militaire du début du XIXe siècle. Construit de 1811 à 1815, le Palais Sans Souci concentrait, pour sa part, les fonctions administratives. » (Unesco.org)
Il existe plusieurs types de patrimoines en Haïti. Ainsi, les maisons de style « gingerbread » font partie du patrimoine bâti tandis que la musique konpa relève du patrimoine immatériel. Le patrimoine linguistique bilingue d’Haïti comprend les deux langues officielles du pays, le créole et le français. C’est la Constitution de 1987, rédigée et votée dans les deux langues, qui accorde pareil statut au créole et au français : « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République » (art. 5). En accordant ce statut aux deux langues, les constituants de 1987 ont explicitement inscrit dans la Loi-mère la réalité de notre patrimoine linguistique bilingue.
Haïti est donc riche d’un patrimoine linguistique comprenant le créole, langue parlée par la totalité de ses locuteurs natifs, et le français, langue très minoritairement maternelle et majoritairement seconde apprise à l’école. Selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Haïti comptait en 2010, 4 279 000 locuteurs du français, mais en l’absence d’une enquête démolinguistique conduite par une institution nationale, ces chiffres de l’OIF et du PNUD doivent être considérés avec prudence car nous ne sommes pas renseignés sur la méthodologie employée. (Sources : Rapport sur le développement humain (PNUD, 2010) et World Population Prospects The 2008 Revision (Division des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2008)
Au même titre que le patrimoine architectural, littéraire et musical, le patrimoine linguistique, « bien de la nation et héritage commun à tous les locuteurs » unilingues et bilingues, a une histoire et s’exprime tant à travers ses corpus oraux et écrits que dans des institutions et des textes juridiques de nature diverse. Ainsi, rédigé et proclamé uniquement en français, l’Acte de l’indépendance du premier janvier 1804 appartient au patrimoine linguistique et littéraire du pays et il peut être considéré comme étant au fondement de la première intervention implicite de l’État dans la vie des langues en Haïti. En instituant le nouvel État en 1804, les Pères de la nation, auparavant officiers de l’armée française, ont institué un usage dominant de la langue française –sans toutefois la proclamer langue officielle–, dans toutes les sphères de l’Administration publique, dans les relations entre l’État et ses administrés et dans les embryons du système scolaire hérité de la France. Le passage d’une société esclavagiste et coloniale à une République indépendante de la France s’est donc effectué dès les premiers instants sur le mode du refoulement et de la minorisation de la langue maternelle des nouveaux libres, le créole, vers les mornes et dans le système de plantations reconstitué presqu’à l’identique pour répondre aux exigences de la centralisation administrative du pays et aux besoins de la militarisation à grande échelle du nouvel État encore menacé par l’Europe esclavagiste.
Historiquement constituée, la réalité du patrimoine linguistique bilingue d’Haïti est contestée par quelques rares linguistes et des créolophiles fondamentalistes selon lesquels la langue française serait une langue tout à fait étrangère au pays –elle serait « la langue de l’autre », voire « la langue du colon ». Ainsi, dans l’article de l’académicien démissionnaire de l’Académie créole Fernand Léger, « Le traitement du kreyòl dans les trois premiers romans de Gary Victor » (revue Legs et littérature nº 9, Port-au-Prince, janvier 2017), ce linguiste s’interroge à l’aune d’un extraordinaire babil sermonnaire : « Pourquoi s’ingénier sur le plan littéraire à transformer, à adapter LA LANGUE DE L’AUTRE pour se l’approprier alors qu’il est tout à fait possible aujourd’hui d’utiliser sa propre langue maternelle tout en contribuant à son développement et à l’enrichissement de son code écrit ? » [les majuscules sont de RBO].
Ce sont donc quelques rares linguistes créolistes plus ou moins liés à l’Akademi kreyòl qui contestent, au nom de l’unilatéral « tout en créole tout de suite », le caractère bilingue de notre patrimoine linguistique. Au nom d’une légitime et indispensable défense du créole, ils gomment volontairement et hasardeusement la présence historique du français en Haïti et, selon leur vision fondamentaliste, seul le créole devrait être aménagé en Haïti. Nous avons amplement démontré l’inanité et la contre-productivité de cette vision, notamment dans l’article « Faut-il exclure le français de l’aménagement linguistique en Haïti ? » (Le National, 20 et 31 août 2017).
C’est précisément à cette mal-vision des créolistes fondamentalistes que répond avec hauteur de vue le romancier et essayiste Lyonel Trouillot lorsqu’il pose, avec rigueur, que « La seule politique linguistique pouvant corriger le déficit de citoyenneté perpétué par la situation linguistique d’Haïti me semble être la construction à moyen terme d’un bilinguisme créole-français pour l’ensemble de la nation. La tentation facile de considérer le français comme une langue étrangère comme une autre, l’anglais par exemple, me semble un refus délibéré de tenir compte d’une donnée fondamentale : la nécessité de préserver la spécificité culturelle de notre État nation dont l’une des composantes est le patrimoine linguistique. » (Lyonel Trouillot : « Ki politk lengwistik pou Ayiti ? Le Nouvelliste, Port-au-Prince, 7 juillet 2005)
À contre-courant de la réfutation du caractère bilingue de notre patrimoine linguistique, nous plaidons que sa reconnaissance la plus rassembleuse interpelle la formulation et l’adoption d’un énoncé de politique linguistique d’État qui saura fonder l’adoption de la première loi d’aménagement simultané du créole et du français en Haïti. Ce plaidoyer figure dans le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions », ainsi que dans l’ouvrage « La question linguistique haïtienne / Textes choisis » (par Robert Berrouët-Oriol et Hugues Saint-Fort, Cidihca et Éditions Zémès, 2017). Pareil plaidoyer est également étayé dans plusieurs articles que nous avons publiés depuis 2011, entre autres dans « Politique linguistique nationale et politique linguistique éducative en Haïti : une nécessaire convergence historique » (Le National, 30 novembre 2017) et dans « Les grands chantiers de l’aménagement linguistique d’Haïti (2017 – 2021) ».
En menant simultanément l’aménagement du créole et du français en Haïti, l’État remplira ses obligations constitutionnelles envers la nation dépositaire du patrimoine linguistique bilingue d’Haïti. L’enjeu, ici, est central : ne pas opposer les langues entre elles, inscrire dans le futur énoncé de politique linguistique nationale le « droit à la langue » (droit aux deux langues officielles du pays), le « droit à la langue maternelle créole » (généralisation obligatoire de la scolarisation en créole, aux côtés du français), ainsi que « l’équité des droits linguistiques » de tous les sujets parlants dans la Francocréolophonie haïtienne (voir, là-dessus, notre article « Aménagement simultané du créole et du français en Haïti : enjeux et perspectives institutionnelles » (Le National, 2 mars 2018).
Robert Berrouët-Oriol
Aménagement linguistique
Robert Berrouët-Oriol
Paru à Port-au-Prince dans Le National du 3 avril 2018
Il ne s’agit pas d’un poisson d’avril, qu’on se le dise : « Un an après sa nomination, le ministre Pierre Josué Agénor Cadet se dit satisfait de ses réalisations » titre Le Nouvelliste dans son édition du 23 mars 2018. Au pays des approximations et du virtuel, ce journal précise que « Le ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, Pierre Josué Agénor Cadet, a dressé le jeudi 22 mars 2018 un bilan positif des travaux réalisés au cours des douze derniers mois de son mandat. Le titulaire du MENFP a vanté ses réalisations qui, dit-il, dépassent son espérance ».
Fidèle à une toujours étonnante tradition d’autosatisfaction ministérielle, Pierre Josué Agénor Cadet a en effet dressé un extraordinaire bilan de son action et « présenté les principales réalisations de son administration » lors d’une entrevue accordée au Nouvelliste le 22 mars 2018.
Ces réalisations sont principalement de l’ordre des infrastructures : inauguration et réhabilitations d’écoles et construction de nouveaux lycées, puisque « 50 écoles [sont] en construction et/ou réhabilitation dans les dix départements géographiques du pays, cinq sont déjà achevées (…) ». Les réalisations annoncées sont également de l’ordre de la gestion financière du ministère –gestion curieusement assimilée à la « gouvernance » : « Au niveau de la gouvernance, environ 5 milliards de gourdes ont été dépensés pour éponger les dettes envers les écoles et les enseignants dans le cadre du PSUGO et du PRONEC, pour plusieurs années d’arriérés ». On notera, au passage, que le tant décrié PSUGO est toujours opérationnel en dépit des scandales de corruption tèt kale qu’il a engrangés (voir l’article du 30 juin 2016 de Charles Tardieu, « Le Psugo, une des plus grandes arnaques de l’histoire de l’éducation en Haïti »).
Le bilan excentriquement positif du ministre Pierre Josué Agénor Cadet s’étend aussi à d’autres sphères, notamment celle « de la lutte contre la corruption à tous les niveaux dans le système », sans que l’on sache précisément en quoi consiste cette corruption et de quelle manière elle est combattue… Par ailleurs, le ministère de l’Éducation a travaillé « au renforcement de l’Unité de système d’information (USI) de la base de données du MENFP (…) », ce qui aurait permis d’identifier « 35 000 agents (…) dont 27 000 enseignants ». Mais ce volet du bilan ne renseigne pas sur la qualification de ces enseignants et encore moins sur l’utilisation du créole et/ou du français en salle de classe.
L’Inspection générale du ministère de l’Éducation fait état de « l’élaboration et la mise à disposition du premier document du Plan décennal [d’éducation et de formation] 2017-2027 », document qui se voudrait majeur dans l’orientation de l’action du ministre Pierre Josué Agénor Cadet. Or ce document, « mis à disposition » (des enseignants et dans quel cadre ?), demeure l’un des mystères les mieux gardés de la gouvernance de Pierre Josué Agénor Cadet. À propos du Plan décennal d’éducation et de formation 2017-2027, nous avons publié deux articles dans Le National : celui du 19 janvier 2018, « Plan décennal d’éducation et de formation » en Haïti : inquiétudes quant à l’aménagement du créole et du français dans le système éducatif national » ; et celui du 26 janvier 2018, « Plan décennal d’éducation et de formation » en Haïti : la montagne va-t-elle encore accoucher d’une souris ? ». Dans ces articles, nous avons mis en lumière la valse des « réformes » et des « plans » mis en place depuis nombre d’années sans qu’il n’y ait nécessairement de lien entre eux. Nous y avons surtout démontré l’inanité de l’annonce du Plan décennal d’éducation et de formation 2017-2027 qui, selon les données fournies jusqu’ici par le ministère de l’Éducation, évacue sans états d’âme l’impératif de l’aménagement de nos deux langues officielles dans le système éducatif national.
Ainsi, dans le secteur éducatif, nous n’en sommes pas au premier « plan » : depuis 1996 le pays a connu le PNEF (Plan national d’éducation et de formation, 1997) ; la SNA-EPT (Stratégie nationale d’action/Éducation pour tous, 2008) ; le GTEF (Groupe de travail sur l’éducation et la formation, 2009-2010) et le Plan opérationnel 2010-2015. Ces différentes initiatives, en plus de consigner l’analyse diagnostique du système éducatif national, ont entre autres eu le mérite de proposer des recommandations tournées vers l’avenir. Par exemple, parmi les 33 recommandations du GTEF qui n’ont pas été mises en application depuis 2010 figure la « Recommandation n° 5 » : elle propose de « Privilégier le créole comme langue d’apprentissage dans les deux premiers cycles de l’École fondamentale et [de] rendre l’écolier fonctionnel dans les deux langues officielles du pays dès la fin du deuxième cycle fondamental. »
C’est précisément au chapitre de l’aménagement linguistique que le bilan 2017 du ministère de l’Éducation nationale s’avère le plus comateux, le plus maigre. Or l’aménagement des deux langues officielles du pays, le créole et le français, demeure au cœur de l’appropriation des savoirs et des connaissances dans la totalité du système éducatif national : c’est par la langue et dans la langue que s’effectue pareille appropriation, et il est inconcevable que l’on puisse envisager une éducation de qualité en Haïti en dehors de l’aménagement linguistique. Dans un article paru le 23 novembre 2017 dans Le National, « Politique linguistique éducative en Haïti : retour sur les blocages systémiques au ministère de l’Éducation nationale », nous interrogions en ces termes l’action du ministre Pierre-Josué Agénor Cadet : « le seul mince indice public récent dont on dispose au chapitre de la politique linguistique éducative est la déclaration d’avril 2017 de Pierre-Josué Agénor Cadet relative à la mise en œuvre des 26 points de sa feuille de route, consistant notamment à « Entreprendre des politiques d’aménagement éducatif et linguistique, en vue de parvenir à un bilinguisme créole/français équilibré, et de promouvoir le multilinguisme dans le pays » (voir également Robert Berrouët-Oriol : « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti », Le National, 17 avril 2017, http://www.ameriquelatine.msh-paris.fr/ecrire/ ?exec=articles&id_article=895). On aura noté que ces « politiques d’aménagement éducatif et linguistique » ne figurent pas du tout dans le bilan 2017 du ministère de l’Éducation nationale tel que rapporté par Le Nouvelliste…
Au chapitre de l’aménagement des deux langues officielles du pays dans le système éducatif national, le bilan 2017 du ministère de l’Éducation nationale affiche donc un monumental échec, qui semble présager le renforcement durable du naufrage amplement diagnostiqué de l’École haïtienne. Faut-il le rappeler ? Malgré l’annonce des 26 points de sa feuille de route en avril 2017, le ministre Pierre-Josué Agénor Cadet n’a toujours pas doté son ministère d’une politique linguistique éducative et encore moins de mesures transitoires dans le domaine linguistique (voir notre texte paru dans Le National du 14 novembre 2017, « Politique linguistique éducative en Haïti : surmonter l’inertie, instituer l’aménagement simultané du créole et du français »).
L’échec, systémique, qui se dégage du bilan 2017 du ministère de l’Éducation nationale quant à l’aménagement des deux langues officielles du pays dans le système éducatif traduit bien, il importe de le préciser, une carence de vision de la mission de l’éducation en Haïti couplée à l’absence de leadership de l’État dans le champ linguistique. Dans notre article paru le 23 novembre 2017 dans Le National, « Politique linguistique éducative en Haïti : retour sur les blocages systémiques au ministère de l’Éducation nationale », nous l’avions clairement exposé. De manière générale, depuis l’arrivée de Pierre Josué Agénor Cadet au poste de ministre de l’Éducation nationale en mars 2017, la gouvernance de ce ministère s’apparente, au plan linguistique, à un parcours du combattant plus ou moins aphone, voire dyslexique, œuvrant sur une peau de chagrin. Cette gouvernance est caractérisée par l’absence d’une claire pensée éducative soudée à l’impératif de l’aménagement des deux langues officielles du pays dans l’École haïtienne. Depuis plusieurs années il est attesté que les décideurs politiques n’ignorent pas de manière absolue combien est centrale la question de la politique linguistique éducative en Haïti comme l’illustre la tenue, en décembre 2015, d’« Un atelier de travail sur l’aménagement linguistique » au ministère de l’Éducation alors dirigé par le ministre tèt kale Nesmy Manigat. Mais les hypothétiques résultats de cette activité ne sont pas connus du public : aucun bilan officiel n’a été diffusé sur le site du ministère de l’Éducation depuis décembre 2015.
Est-il aujourd’hui concevable que le ministère de l’Éducation nationale présente un bilan annuel de son action en faisant totalement l’impasse sur l’impératif de l’aménagement de nos deux langues officielles ? Il faut savoir que l’impérative nécessité de l’aménagement linguistique dans le système scolaire haïtien a fait l’objet de plusieurs études, générales et sectorielles. La plus proche de nous, en une démarche globale, est un document du ministère de l’Éducation nationale, « L’aménagement linguistique en salle de classe – Rapport de recherche » (Ateliers de Grafopub, 2000 ; voir à ce sujet Fortenel Thélusma : « Analyse d’une étude commanditée par le MENJS en 1999 : « Aménagement linguistique en salle de classe », juillet 2017). Dix-huit ans après sa parution, les recommandations de cet important rapport de recherche, demeurées sans suites connues du public, sont d’une radicale actualité.
En dépit de son ineffable cocorico (« Le titulaire du MENFP a vanté ses réalisations qui, dit-il, dépassent son espérance »), le ministre Pierre Josué Agénor Cadet n’a pas accompli l’un des plus importants mandats consignés dans sa feuille de route, celui, précisément, qui a trait à l’aménagement linguistique dans le système éducatif national.
L’observation des faits ainsi que l’analyse des rares données accessibles sur la configuration démolinguistique d’Haïti confirment que l’État haïtien, en dépit du caractère massif de la demande scolaire à l’œuvre dès les années 1964-1968, affiche un lourd déficit de vision et de leadership dans le domaine linguistique au pays. De manière plus précise, au ministère de l’Éducation nationale, nous sommes en présence d’une sous-culture de l’immobilisme et du statu quo traduisant une dommageable absence de vision linguistique et de volonté politique d’agir en matière de politique linguistique éducative. Il faut en prendre toute la mesure puisque l’État haïtien, jusqu’ici, n’a ni élaboré ni adopté un énoncé de politique linguistique nationale ciblant nos deux langues officielles et qui devra donner lieu à l’adoption de la première loi contraignante d’aménagement linguistique au pays.
Robert Berrouët-Oriol
Janvier 2018
Robert Berrouët-Oriol
(Publié dans Le National du 28 décembre 2017)
Un « post » fantaisiste, exprimant le déni de la pertinence de l’aménagement simultané des deux langues officielles d’Haïti, a été écrit par une internaute dans la version en ligne du National suite à la parution, le 8 décembre 2017, de l’article « Droits linguistiques en Haïti : l’indispensable implication des institutions des droits humains ». Ce « post », dénué de toute argumentation crédible, qualifie avec légèreté l’aménagement linguistique en Haïti de « non-sens » et d’« indécence » (« Konsep amenajman lenguistik ann Ayiti se yon nonsans e menm yon endesans ») tout en faisant appel au cliché faussaire de la « la langue du blanc », le français. À l’évidence pareil « post » ne mérite pas en soi une réponse. Il rappelle indirectement, toutefois, qu’il existe encore, chez plusieurs personnes, une relative incompréhension de la nature et des objectifs du futur aménagement linguistique d’Haïti. Aussi importe-t-il d’éclairer davantage cette perspective dans le but de promouvoir une vision rassembleuse de l’aménagement linguistique en Haïti.
Tel qu’amplement étayé dans le livre de référence L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions (ouvrage collectif coécrit et coordonné par le linguiste Robert Berrouët-Oriol, Éditions de l’Université d’État d’Haïti et Cidihca), l’aménagement linguistique ne vise pas les usages privés et individuels des deux langues officielles du pays. Le futur aménagement linguistique d’Haïti sera la mise en œuvre institutionnelle de la politique linguistique de l’État découlant de l’énoncé de politique linguistique nationale assorti de la législation linguistique contraignante et des règlements d’application devant la traduire dans la vie de tous les jours. Le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française définit ainsi l’aménagement linguistique : « Mise en place de la politique linguistique, lorsqu’un État a choisi d’intervenir explicitement sur la question des langues. La notion de politique linguistique est la notion la plus large. Elle renvoie à toute forme de décision prise pour orienter et régler l’usage d’une ou de plusieurs langues. Elle englobe donc les notions d’aménagement et de législation linguistique. » (GDT, 2017)
La linguiste Christiane Loubier, théoricienne reconnue du domaine, éclaire la notion d’aménagement linguistique dans son déploiement notionnel et historique : « En Amérique du Nord, principalement au Québec, le terme language planning est d’abord traduit par planification linguistique. Mais ce terme est remplacé dans les années 70 par le terme aménagement linguistique sous l’influence du linguiste Jean-Claude Corbeil, qui participe alors très activement à la rédaction de la Charte de la langue française (1977) et à la mise en œuvre d’un plan d’aménagement linguistique québécois. Le terme aménagement linguistique n’est pas choisi par simple caprice, puisqu’il présente l’avantage de ne pas faire uniquement référence à l’intervention planificatrice et extérieure de l’État. L’utilisation préférentielle du concept d’aménagement par rapport à celui de planification, conduit l’école québécoise à adopter une perspective sociolinguistique reconnaissant qu’une démarche d’aménagement linguistique s’inscrit de fait à l’intérieur du jeu des forces sociales, qui façonne les objectifs des membres d’une communauté et qui conditionne en définitive le succès de l’intervention sociolinguistique. Le terme a d’ailleurs été adopté largement au sein de la Francophonie. » (« Fondements de l’aménagement linguistique » OQLF, sd, consulté le 18 décembre 2017.)
Il faut objectivement prendre en compte une donnée historique essentielle : l’existence, en Francocréolophonie haïtienne, d’un patrimoine linguistique bilingue et biséculaire. Sur son versant francophone, il comprend un ample corpus de lois, décrets, arrêtés, Constitutions, traités, documents administratifs divers, textes littéraires et scientifiques ; sur son versant créolophone, il comprend notamment la totalité des éléments constitutifs de la culture populaire, ses contes, comptines, chansons, rituels religieux, textes littéraires, scientifiques, publicitaires et artistiques, documents de formation, etc. On retiendra, de ces deux versants historiquement liés, que l’habitus socioculturel haïtien s’est exprimé depuis 1804 soit en français soit en créole. Il est donc tout à fait justifié que tout projet conséquent d’aménagement linguistique en Haïti cible simultanément les deux langues de notre patrimoine linguistique, le créole et le français, patrimoine dont la co-officialité est attestée à l’article 5 de la Constitution de 1987. En rédigeant simultanément en créole et en français la Constitution de 1987, les constituants ont explicitement reconnu et formalisé le caractère historique bilingue de notre patrimoine linguistique.
La co-officialité non hiérarchisée du créole et du français consignée à l’article 5 de la Constitution de 1987 est conforme à l’esprit de la Déclaration universelle des droits linguistiques. Elle induit et exige la mise en œuvre des droits linguistiques de toute la population, au premier chef le « droit à la langue » et le « droit à la langue maternelle » créole au titre de droits universels applicables devant être explicitement formulés dans la future politique linguistique de l’État haïtien. C’est en cela qu’il faut voir l’aménagement linguistique comme une entreprise non discriminante à l’égard d’une langue, le français, et non stigmatisante à l’égard d’une autre langue, le créole, car « Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et le français sont les langues officielles de la République. » (article 5 de la Constitution de 1987).
Le texte « Les grands chantiers de l’aménagement linguistique d’Haïti (2017 – 2021) » (7 février 2017) comprend une section relative aux caractéristiques de l’énoncé de politique linguistique de l’État qui doit fonder la future entreprise d’aménagement linguistique du pays. Dans ce texte, il est précisé que le linguiste québécois Louis-Jean Rousseau, réputé spécialiste de l’aménagement linguistique, expose en ces termes de la notion centrale de « politique linguistique » : « Une politique linguistique peut comprendre des éléments relatifs au statut des langues visées, c’est-à-dire à leur reconnaissance comme langues officielles, langues nationales, etc., et à leur usage respectif dans différents champs (Administration publique, commerce, affaires, travail, enseignement), ou, de manière plus large, aux droits linguistiques fondamentaux des citoyens ou des communautés de locuteurs (droits collectifs d’une minorité de locuteurs, par exemple). Une politique linguistique peut également comprendre des éléments touchant le code de la langue, c’est-à-dire son développement interne (norme, modernisation du vocabulaire, ou réforme de l’orthographe par exemple). Dans de nombreux cas, il peut y avoir interdépendance entre le statut et le code d’une langue. Pour atteindre un statut déterminé, une langue doit être outillée afin d’être apte à remplir les fonctions que l’on souhaite lui assigner. C’est la raison pour laquelle il existe de nombreux cas de politiques linguistiques incluant les deux volets. » (« Élaboration et mise en œuvre des politiques linguistiques », 2005.)
Dans le cas d’Haïti, nous avons donc institué le 20 avril 2017 un « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti » (voir sur ce site) qui pourra à l’avenir centraliser et mettre en œuvre toutes les interventions de l’État dans le domaine linguistique.
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En ce qui a trait à l’incontournable aménagement du créole, nos propositions –déjà consignées dans le livre « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions »–, sont explicitement résumées dans le texte paru dans Le National du 3 septembre 2017, « Nouvel éclairage sur l’aménagement du créole en Haïti ». Ainsi, à bien prendre toute la mesure que les droits linguistiques de l’ensemble de la population haïtienne font partie du grand ensemble des droits humains fondamentaux dans la construction d’un État de droit post duvaliériste, il est logique et conséquent de poser que L’AMÉNAGEMENT DU CRÉOLE DOIT ÊTRE AU CŒUR DE TOUTE ENTREPRISE D’AMÉNAGEMENT LINGUISTIQUE EN HAÏTI. Dans le droit fil de la réalité historique de notre patrimoine linguistique bilingue et en conformité avec les articles 5 et 40 de la Constitution de 1987, l’énoncé de politique linguistique nationale que l’État aura à adopter, en ce qui a trait au créole, devra notamment :
1) définir explicitement le « droit à la langue » et le « droit à la langue maternelle créole » à parité statutaire avec le français aux côtés duquel le créole sera aménagé ;
2) consigner et expliciter le statut ainsi que le rôle du créole dans l’Administration publique, dans les rapports entre l’État et ses administrés, dans les médias et dans le système éducatif national ;
3) consigner et expliciter les fonctions institutionnelles du créole : fonctions de communication dans l’Administration publique, le secteur privé et les médias, signalétique publique, affichage publicitaire, droit d’être servi en créole partout dans l’Administration publique, droit de disposer de tous les documents personnels et administratifs en créole (acte de naissance, passeport, carte d’identité nationale, contrats, documents de biens immobiliers et terriens, etc.) –notamment et explicitement, le droit pour tout citoyen de se faire servir en créole, à l’oral et à l’écrit, dans tous les services publics et privés ;
4) édicter les balises de production et de diffusion en créole de tous les documents émanant de l’État et traduire en créole les textes fondamentaux de la République d’Haïti (lois, chartes ministérielles, ordonnances, règlements, décrets, arrêtés, conventions internationales, code civil, code rural, code du travail, etc.) ;
5) consigner les balises du cadre légal de la généralisation obligatoire de l’utilisation du créole dans la totalité du système éducatif à titre de langue d’enseignement et de langue enseignée, de la maternelle à l’enseignement fondamental, du secondaire à l’université. Ceci impliquera l’obligation pour le ministère de l’Éducation de mettre à la disposition des écoles le curriculum national en langue créole pour l’enseignement du créole à tous les niveaux du cursus de l’École haïtienne ; l’obligation pour ce ministère de garantir la possibilité pour tout écolier et étudiant haïtien d’être évalué dans la langue de son choix, particulièrement au niveau des épreuves officielles de l’École fondamentale et du secondaire ;
6) édicter les balises de formation et de certification obligatoire des enseignants du créole, ainsi que celles relatives à la production de matériel didactique de qualité en créole pour les écoles et l’université ; cela impliquera que le ministère de l’Éducation donnera –par règlement d’application obligatoire–, la priorité à la production et la mise à disposition du matériel d’enseignement et de formation en créole et/ou bilingue à tous les niveaux du système d’enseignement et de formation.
Montréal, octobre 2017
par Robert Berrouët-Oriol , linguiste-terminologue, publié dans Le National
Paru dans Le National, à Port-au-Prince, le 5 octobre 2017, le texte « Système éducatif haïtien : retour sur l’aménagement linguistique en salle de classe » consigne la conclusion suivante : « L’aménagement linguistique étant une question hautement politique, l’une des pistes à envisager serait la mobilisation concertée des organisations des droits humains appelées à s’emparer de la question linguistique et à intégrer effectivement les droits linguistiques au titre d’un droit humain fondamental. »
Pareille conclusion pose la nécessité de bien comprendre la notion centrale de « droits linguistiques », de bien la situer dans le dispositif des droits humains fondamentaux en Haïti et montrer qu’il s’agit là d’une vision nouvelle, porteuse et rassembleuse dans la mise en place d’une future politique nationale d’aménagement linguistique du pays. Car, à ne pas savoir véritablement en quoi consiste l’aménagement linguistique, méconnaître ou ignorer la nature et la portée de la notion centrale de « droits linguistiques », on s’expose à une dommageable mal-vision sociolinguistique, à des choix programmatiques contre-productifs et à des errements dogmatiques comme on l’a vu lors de l’apparition, sous la plume de l’ONG Académie créole, de pseudo « droits linguistiques » spécifiques aux enfants (voir Robert Berrouët- Oriol : « Les “droits linguistiques des enfants” en Haïti : mal-vision et aberration conceptuelle », Le National, 18 septembre 2016).
Hormis les langagiers, peu de gens savent qu’il existe, à l’échelle internationale, une « Déclaration universelle des droits linguistiques ». Cette déclaration a été proclamée à Barcelone en juin 1996 durant la conférence Mondiale des Droits linguistiques. Elle stipule que « Tous les peuples ont (…) le droit d’exprimer et de développer leur culture, leur langue et leurs normes d’organisation, se dotant pour cela de leurs propres structures politiques, éducatives, de communication et d’administration publique ».
En proclamant l’universalité des « droits linguistiques », la « Déclaration universelle des droits linguistiques » de 1996 établit les fondements de cette notion juridico-linguistique majeure. On entend par « droits linguistiques » l’« ensemble des droits fondamentaux dont disposent les membres d’une communauté linguistique tels que le droit à l’usage privé et public de leur langue, le droit à une présence équitable de leur langue dans les moyens de communication et le droit d’être accueilli dans leur langue dans les organismes officiels » (Gouvernement du Québec, Thésaurus de l’action gouvernementale, 2017). (Sur la notion de « droits linguistiques » et sur celle de « droit à la langue », voir Berrouët-Oriol, R., D., Cothière, R., Fournier, H., Saint-Fort : L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions, Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011).
L’universalité des « droits linguistiques » s’entend donc au sens du « droit à la langue », du « droit à la langue maternelle » et de « l’équité des droits linguistiques ». En fonction du principe que les droits linguistiques sont à la fois individuels et collectifs, l’universalité des « droits linguistiques » pose : 1) le droit d’une communauté linguistique à l’enseignement de sa langue maternelle et de sa culture ; 2) le droit d’une communauté de locuteurs à une présence équitable de sa langue maternelle et de sa culture dans les médias ; 3) le droit pour chaque membre d’une communauté linguistique de se voir répondre dans sa propre langue dans ses relations avec les pouvoirs publics et dans les institutions socioéconomiques.
Alors même que la Constitution de 1987 ne fournit pas de provisions juridico-linguistiques exhaustives et explicites quant aux « droits linguistiques » de l’ensemble de la population, elle consigne pourtant les balises générales permettant de les formaliser et de les articuler dans un futur énoncé de politique linguistique d’État et dans la future et première législation d’aménagement linguistique que le Parlement haïtien devra voter un jour prochain. Tandis qu’elle expose le dispositif d’un ensemble de « droits fondamentaux » — « droit à l’information », « droit à la sécurité », « droit à la vie et à la santé », droit à la « liberté de réunion et d’association », droit à « la liberté individuelle », droit à « la liberté d’expression » —, c’est plutôt dans ses articles 5 et 40 que cette Constitution fournit les paramètres généraux en lien avec les « droits linguistiques ». L’orientation d’ensemble quant aux droits du citoyen est donnée en préambule de la loi-mère dans les termes suivants : « Pour fortifier l’unité nationale, en éliminant toute discrimination entre les populations des villes et des campagnes, par l’acceptation de la communauté de langues et de culture et par la reconnaissance du droit au progrès, à l’information, à l’éducation, à la santé, au travail et au loisir pour tous les citoyens. »
Aussi, c’est « par l’acceptation de LA COMMUNAUTÉ DE LANGUES et de culture » que le lien constitutionnel est établi entre la notion de « droits linguistiques » et les droits humains fondamentaux en Haïti. On notera à dessein que le préambule de la Constitution de 1987 est en cohérence avec l’article 5 de cette loi-mère qui atteste l’existence, sur le plan historique, du patrimoine linguistique bilingue d’Haïti en établissant la co-officialité du créole et du français. On notera également qu’un tel dispositif constitutionnel invalide les prétentions idéologiques des promoteurs de l’enfermement catéchétique cher à certains prédicateurs créolistes, membres ou proches de l’Académie créole, qui prônent le « tout en créole tout de suite » au motif que « Fransé sé danjé » et qu’« Haïti est un pays essentiellement monolingue (…) Haïti est des plus monolingues des pays monolingues » (Yves Dejean : « Rebati », 12 juin 2010).
Comme nous l’avons précisé dans différents textes et dans le livre que nous avons coécrit avec le linguiste Hugues Saint-Fort, La question linguistique haïtienne / Textes choisis, (Cidihca et Éditions Zémès, juin 2017), la notion de « droits linguistiques » est relativement nouvelle dans le paysage sociolinguistique haïtien. Elle met en cohérence une vision de la problématique linguistique au pays qui s’articule aux notions de « patrimoine linguistique bilingue », de « droit à la langue », de « droit à la langue maternelle » créole, « d’équité des droits linguistiques », de future « parité statutaire entre les deux langues officielles », de « didactique convergente créole-français », de « politique linguistique d’État » et de « législation linguistique contraignante ». Et c’est bien en conformité avec cette vision de la problématique linguistique haïtienne que nous avons institué, en avril 2017, le « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti » dans le droit fil des perspectives inscrites dans notre texte « Les grands chantiers de l’aménagement linguistique d’Haïti (2017 – 2021) » daté de février 2017.
En l’absence avérée de leadership de l’État haïtien dans le domaine linguistique, c’est précisément cette vision de la problématique linguistique d’Haïti qui doit être inscrite et débattue au creux des priorités des organisations haïtiennes des droits humains. Nous en avons dénombré une trentaine, parmi lesquelles la Plateforme des organisations haïtiennes des droits humains (POHDH), le Centre œcuménique des Droits humains (CEDH), le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux réfugiés (GARR), la Commission épiscopale nationale justice et paix (CE-JILAP), Kay fanm, etc. Pour l’établissement d’un État de droit post dictature duvaliériste en Haïti, ces organisations font un travail remarquable dans des conditions difficiles et elles entendent au quotidien dire le droit tout en menant un combat citoyen de premier plan : ce combat est conduit et se dit pour l’essentiel dans la langue maternelle des sujets parlants, le créole. Il y a donc à la fois parenté linguistique et perspective historique commune entre les « droits linguistiques » et les droits citoyens. L’exercice comme l’efficience des droits humains fondamentaux en Haïti, s’ils s’exercent sur un continuum sociopolitique et économique et dans le champ appelé « droit », se nomment en amont et en aval dans la langue et par la langue – au premier chef dans la langue maternelle créole –, malgré le fait que nos séculaires lois régaliennes soient rédigées uniquement en français, ce qui renvoie d’ailleurs à la problématique de la nécessaire production/traduction de toutes les lois du pays en créole (voir Alain Guillaume : « L’expression créole du droit : une voie pour la réduction de la fracture juridique en Haïti », Revue française de linguistique appliquée, 2011/1 (Vol. XVI).
Pour accompagner l’État haïtien et obliger l’exécutif à intervenir au plan législatif dans l’entreprise des « droits linguistiques » au pays, il est donc urgent, nécessaire et incontournable, que les organisations haïtiennes des droits humains – en liaison avec d’autres institutions de la société civile — instituent une concertation linguistique prioritaire. L’inclusion des « droits linguistiques » dans le dispositif des droits humains fondamentaux au pays est une perspective historique rassembleuse d’autant que les « droits linguistiques » constituent, dans toute société, un droit premier incontournable qui assure l’expression de tous les droits citoyens. Les « droits linguistiques », sujet majeur de société, sont inséparables des droits citoyens consignés dans la Constitution de 1987 et c’est dans cette perspective que devrait être conduite l’éducation à la citoyenneté à l’échelle du pays tout entier. Dans un premier temps, l’action conjointe des organisations haïtiennes des droits humains pourrait cibler leur contribution à l’élaboration d’une politique linguistique d’État et d’une législation contraignante d’aménagement simultané des deux langues officielles d’Haïti.
Nous reproduisons ici l’article publié par Robert Berrouët-Oriol sur son site www.berrouet-oriol.com, et dans Le National . En mettant l’accent sur le problème réel de la cohabitation des deux langues, créole et français, l’auteur rappelle l’influence pernicieuse que les USA tentent d’exercer à Haïti à travers certains "scientifiques" et diverses ONG opportunistes (pour ne parler que de ceux-ci).
Montréal, 31 Juillet 2017
Robert Berrouët-Oriol
« Le monolinguisme du ridicule » (Verly Sylvestre, Le National, Port-au-Prince, 26 juillet 2017) expose un corps d’idées intéressantes notamment en ce qu’il pointe du doigt le refoulement discriminant de la langue créole dans nombre d’écoles en Haïti où des enfants sont encore punis lorsqu’ils s’expriment de façon tout à fait légitime en créole. Avec justesse, l’auteur de l’article rappelle que la minorisation institutionnelle du créole est une pratique anti-pédagogique encore largement assumée en Haïti dans le corps professoral en dépit des aspects positifs de la réforme Bernard des années 1980. Cela étant, il y a lieu toutefois d’apporter un certain éclairage sur l’un ou l’autre volet de l’article de Verly Sylvestre.
Il est conforme à la réalité historique de qualifier Haïti de pays FRANCOCRÉOLOPHONE au sens où deux langues, le français et le créole, coexistent dans les appareils d’État, dans le système éducatif et dans la population selon un usage différencié. La réalité du patrimoine linguistique bilingue et bi-séculaire haïtien –qu’il est illusoire et vain de nier au prétexte réducteur de « l’exclusion de la majorité créolophone unilingue »–, est attestée à travers l’histoire du pays dans différents champs de la vie nationale comme nous l’avons montré dans le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2011). Alors même que le créole demeure « la langue qui unit tous les Haïtiens » (article 5 de la Constitution de 1987), qu’il est la langue usuelle des sujets parlants nés et élevés au pays, il est contre-productif sinon aberrant –comme veulent le faire croire certains linguistes haïtiens formés aux États-Unis–, que le français serait une langue étrangère en Haïti au même titre que le finlandais ou le japonais. Et accréditer la ritournelle selon laquelle « ceux qui ont le français comme langue maternelle, ils sont en nombre insignifiant selon Yves Dejean » revient à poser faussement la question de la coexistence de nos deux langues officielles. Prendre appui sur certains errements idéologiques du linguiste Yves Dejean dont la langue maternelle est le français, s’avère, encore une fois, improductif, car ces errements conduisent à enfermer la question linguistique haïtienne au périmètre d’une borgne comptabilité et à l’y réduire. En effet, il faut savoir qu’aujourd’hui, aucune enquête sociolinguistique d’envergure nationale menée par une institution haïtienne n’a apporté de données crédibles et vérifiables sur le nombre de locuteurs du français en Haïti : représentent-ils 5 %, 10 %, 15 %, 25 % de la population ? De son côté, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) –citant le Rapport sur le développement humain (PNUD, 2010) et World Population Prospects The 2008 Revision (Division des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2008)–, estimait en 2010 le nombre de locuteurs de français en Haïti à 4 279 000 personnes sur un total de 10 188 000 habitants. Une fois de plus, il faut prendre toute la mesure qu’au-delà du nombre de locuteurs du français parlé en Haïti, l’aspect central de la question demeure le statut réel des deux langues officielles dans le corps social, leur mode de fonctionnement institutionnel en cohabitation inégalitaire et le fait, discriminant, que le créole n’est toujours pas une langue d’emploi obligatoire dans la totalité du système national d’éducation.
De même, aucune recherche à l’échelle nationale n’a jusqu’ici permis de mesurer la compétence linguistique des sujets parlant français chez les enseignants comme parmi les étudiants. En revanche, ce qu’il importe de bien comprendre, ce sont les conditions réelles de la coexistence inégale de nos deux langues officielles dans un dispositif qui alimente ce qu’il faut bien nommer, en particulier dans le système éducatif national, un aveugle apartheid linguistique dans le contexte de l’inexistence d’une politique d’État d’aménagement linguistique (voir Robert Berrouët-Oriol : « Les grands chantiers de l’aménagement linguistique d’Haïti (2017 – 2021) » ; voir aussi Robert Berrouët-Oriol et Hugues Saint-Fort : La question linguistique haïtienne / Textes choisis, Éditions Zémès, juin 2017).
Le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRS, France), définit comme suit le « monolinguisme » : « État d’une personne qui ne parle qu’une langue, d’un pays où l’on ne parle qu’une seule langue ». Si l’observation empirique de la réalité linguistique du pays permet de poser que les unilingues créolophones constituent la majorité des sujets parlants, on ne saurait rigoureusement soutenir qu’Haïti est « un pays où l’on ne parle qu’une seule langue ». Haïti est un pays de langues en contact au sens où il existe bien une dynamique inégalitaire des usages du français et du créole, mais il serait tout aussi vain de nier qu’en raison des flux migratoires des 20e et 21e siècles et des échanges économiques entre Haïti et ses voisins, les langues sœurs anglaise et espagnole sont également parlées au pays par un nombre indéterminé de locuteurs.
Ainsi, soutenir l’idée qu’« Il faut tirer les conséquences du fait qu’Haïti est un pays essentiellement monolingue (…) Haïti est des plus monolingues des pays monolingues » (Yves Dejean : « Rebati, 12 juin 2010) revient à s’enfermer dans une dommageable myopie idéologique et linguistique qui pourrait faire obstacle à l’aménagement simultané des deux langues officielles du pays ainsi qu’à l’ouverture assumée au multilinguisme de notre modernité de sujets parlants.
À répéter hors de toute analyse crédible et de manière habitudinaire le cliché selon lequel « le français est un butin de guerre » en Haïti, et qu’il y a au pays « des francolâtres (…) des francoaphones, il s’agit alors des 95 % qui ne connaissent pas le français, eux qui vivent dans un territoire dit francophone tout en étant privés des bienfaits présumés d’une telle francophonie » revient à enfermer la question linguistique haïtienne au périmètre des approximations idéologiques. Il en résulte la négation complaisante du « droit à la langue », du droit constitutionnel de tous les locuteurs haïtiens à la possession de la langue française par une scolarisation de qualité en phase avec les droits linguistiques de toute la population. Quel en est l’enjeu ?
Le combat multiforme pour la langue créole est une tâche historique –j’en fais le plaidoyer depuis plusieurs années dans mes livres et articles. Mais, ce combat ne doit pas être opposé au français ni être réduit à une obtuse et une rituelle folklorisation de la langue créole elle-même. À contre-courant des approximations et des errements idéologiques, il s’agit aujourd’hui de porter sur les fronts institutionnels, et notamment à l’École de la République, LA VISION DE L’AMÉNAGEMENT CONCOMITANT DES DEUX LANGUES OFFICIELLES DU PAYS (voir à ce sujet, Robert Berrouët- Oriol, « Plaidoyer pour la création d’une Secrétairerie d’État aux droits linguistiques en Haïti », Le National 18 et 19 avril 2017, et http://www.ameriquelatine.msh-paris.fr/spip.php ?article895. On mesurera l’impact du futur aménagement simultané de nos deux langues officielles à l’École de la République en rappelant que « Selon l’Unicef, « Le système éducatif haïtien accueille 2 691 759 élèves dans 15 682 écoles. Alors que le secteur public reçoit 20% des élèves (538 963) dans 9% des écoles (1 420 écoles publiques), le secteur non public accueille 80% des élèves (2 152 796) dans 91% des écoles (14 262 écoles non publiques » (Unicef : « L’éducation fondamentale pour tous »).
De manière judicieuse, Verly Sylvestre pointe du doigt « Ce monolinguisme [créole] excommunié de l’incapacité de l’État à lui faire jouer son rôle dans le développement du pays. » Mais il faut aller plus loin dans le diagnostic et en tirer les conséquences : « Ce monolinguisme [créole] excommunié » se nourrit de préjugés sociaux tenaces et aveugles ; également, il est alimenté par l’absence quasi totale de leadership de l’État haïtien en matière d’aménagement linguistique, l’absence de vision articulée de la question linguistique nationale ainsi que le déni des droits linguistiques de la totalité de la population.
Le combat multiforme pour la langue créole, une tâche historique : il faut le mener sur le terrain institutionnel selon la vision des droits linguistiques. En clair, c’est précisément cette vision nouvelle et rassembleuse qu’il s’agit de promouvoir dans le corps social haïtien, dans nos institutions et parmi les décideurs politiques du pays.
Cette vision nouvelle ainsi que la configuration des droits linguistiques au pays figurent dans le livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » ; elles sont rigoureusement conformes à la « Déclaration universelle des droits linguistiques » de 1996. Partant du principe que les droits linguistiques sont à la fois individuels et collectifs, qu’ils constituent des droits personnels inaliénables, nous les avons identifiés au titre des droits humains fondamentaux. Cette neuve manière de problématiser la question linguistique haïtienne, à contre-courant de l’approche « militantiste » et de l’enfermement identitaire/essentialiste, permet de circonscrire l’aménagement des deux langues officielles du pays sur le terrain des droits citoyens et des obligations de l’État car l’aménagement linguistique est en amont une question politique, une intervention planifiée de l’État dans le domaine linguistique (Jacques Maurais : « Politique et aménagement linguistiques », 1987). Les notions qui sont au fondement de cette vision sont celles de « patrimoine linguistique bilingue », de « droits linguistiques », de « droit à la langue », de « droit à la langue maternelle » créole, « d’équité des droits linguistiques », de future « parité statutaire entre les deux langues officielles », de « didactique convergente créole-français », de « politique linguistique d’État » et de « législation linguistique contraignante ». Elles doivent régir toute entreprise d’État d’aménagement simultané des deux langues officielles d’Haïti.
Avril 2017
On parle finalement assez peu d’un événement majeur pour la République d’Haïti : la fin programmée de la présence de la Minustah de l’ONU après treize ans de services pas toujours bons ni absolument loyaux.
Il reviendra bien sûr au pays d’assurer ensuite pleinement les missions de sécurité qui incombaient à la Minustah. Les forces de police locales de la PNH (un peu moins de 13,000 agents aujourd’hui) participeront donc à des exercices de formation d’ici deux ans. La résolution du Conseil de sécurité de l’ONU prévoit que 2,360 soldats auront quitté le pays au 15 octobre de cette année, après la fin de la prorogation du mandat pour la stabilisation. Prendront le relais pour six mois initiaux sept unités de police constituées (980 hommes), ainsi que 295 policiers hors unités constituées, qui formeront la Minujusth. En plus de sa mission de formation, celle-ci sera également chargée de veiller à la mise en place edes mesures adéquates en matière de droits humains, d’en rendre compte et de les analyser.
Vu de l’extérieur, on craint l’éventualité d’un retour d’une police politisée, mon redoute une recrudescence de la contrebande d’armes et du trafic de drogues. Mais, finalement, n’est-ce pas une occasion pour le pays de se prendre en mains en ces matières aussi ?
Vraiment ? On finit par se le demander, car la décision de l’ONU vient en partie de la volonté de l’administration Trump de réduire officiellement les sommes transitant par l’ONU pour les opérations de sécurité de celle-ci. De toute façon, l’influence des USA à Haïti reste assurée politiquement et économiquement, directement ou à travers des actions menées par certaines ONG ou des groupes religieux de type pentecôtiste. Pourquoi, en avançant des arguments confortables, payer davantage lorsque ce n’est plus tout à fait nécessaire ?
3 janvier 2017
Les résultats définitifs de l’élection présidentielle confirment les estimations premières ; ils donnent Jovenel Moïse gagnant avec 55,60% des voix, devant Jude Célestin (parti Lapeh) avec 19,57 %. Il faudra à présent que le vainqueur, apparemment éloigné jusqu’alors de la politique, gagne une légitimité que la minceur du nombre des votants ne semble pas lui accorder d’emblée.
Paris, 28 novembre 2016
Laënnec Hurbon nous a accordé un entretien à l’occasion d’un passage à Paris au cours duquel il expose la situation, toujours incertaine, qui règne dans le pays à la suite des élections présidentielles qui viennent d’avoir lieu. Et c’est évidemment l’occasion de revenir sur les derniers malheurs qui ont frappé Haïti, avec des conséquences dues autant au manque d’infrastructures solides (par la faute d’un pouvoir local largement défaillant) qu’à la responsabilité d’une partie de la communauté internationale. Et bien sûr, on ne saurait oublier à cet instant exceptionnel l’appartenance du pays aux Caraïbes, et les effets de la proximité de Cuba sur la politique interne.
Aux dernières nouvelles, Jovenel Moïse, le candidat choisi par l’ancien président Michel Martelly, lui-même téléguidé par les États-Unis et Hillary Clinton, aurait été élu dès le premier tour devant Jude Célestin, du parti Lapeh. "A quoi bon tout ça ?" ont dû s’interroger les électeurs confrontés à un trop-plein de candidatures et à la vacuité des programmes, puisque le taux de participation n’aurait atteint que... 21,69%. L’annonce officielle des résultats définitifs est prévue pour la fin décembre.
Port-au-Prince, 1er août 2016
Voici un texte d’humeur, pas foncièrement optimiste sur l’avenir immédiat du pays, qui nous a été transmis par notre ami Laënnec Hurbon, et qui a été initialement présenté à l’émission Point du Jour sur Radio IBO le lundi 25 juillet 2016
Hérold Jean-François
Nous nous acheminons vers une dévaluation conséquente de notre Gourde qui dégringole de jour en jour à chaque nouvelle transaction et dans les super marchés, l’ajustement des prix est déjà effectif. On paie déjà de 10 à 26% plus cher pour certains produits, comparée à la mi-juillet 2016.
La zone métropolitaine de la capitale augmente en laideur tous les jours et l’hygiène publique est devenue un véritable défi. Il faut peut-être revenir à 1989 où nous avions un sérieux déficit dans le ramassage des ordures pour trouver une situation d’insalubrité aussi préoccupante. L’État est dépourvu de moyens, l’économie est exsangue, les difficultés des uns et des autres pour faire face aux obligations renvoient à une situation de pré-faillite. L’économie est en mode décroissant, les prévisions de croissance sont revues à la baisse suivant les données des autorités monétaires, le défaut d’investissements, l’arrêt des chantiers publics, l’assèchement des fonds du Petro Caribe, le désengagement du financement international, le gel de la coopération bilatérale sont autant d’aspects qui font que l’étouffement d’Haïti est garanti.
Or nous prétendons nous assumer pleinement en ignorant l’argent de l’étranger que l’on avait à tort comptabilisé dans notre Budget national, pour financer nos élections et faire comme si les choses allaient bien en affichant un train de vie insolent pendant les cinq dernières années d’un pouvoir aussi bambocheur que prédateur.
En octobre 2016 nous prévoyons d’aller aux élections pour mettre fin à la déconstruction démocratique planifiée sciemment par l’administration Martelly. Tout le monde est d’accord pour qu’Haïti relève la tête et initie le rapatriement de ses prérogatives de souveraineté en garantissant le financement du processus électoral à partir des ressources internes. Il va falloir être ingénieux pour trouver l’argent nécessaire en détournant des rubriques dans l’ancien Budget, car le Parlement insouciant que nous avons avait boudé la convocation du Président provisoire au menu duquel figurait le vote d’un Budget rectificatif. Ou il faudra aller sur le marché emprunter de l’argent dans les réserves disponibles, ou souscrire un emprunt public en utilisant les mécanismes du système.
Ce sont là autant d’hypothèques sur le prochain mandat régulier. Le Président qui sortira des prochaines élections devra avoir des reins solides, une détermination de fer et de l’imagination pour nettoyer les écuries d’Augias et mettre de l’ordre en imposant des sacrifices chez un peuple habitué certes à la souffrance, aux privations et à des conditions de vie extrêmes, mais peu enclin à se conformer à des cures amaigrissantes suivant le modèle de ce que l’on a vu à Cuba de 1959 à nos jours. Et dans notre cas, n’est-il pas difficile d’imaginer imposer plus de restrictions encore à un peuple dont les données des institutions financières indiquent que sa grande majorité survit avec moins de 2 dollars américain par jour, soit 128.80 gourdes au taux de 64.40 gourdes pour 1 dollar, le 25 juillet 2016 ?
Mais qui se soucie en Haïti des données statistiques, des chiffres indiquant toutes sortes de malaises et de déséquilibres macro-économiques ? Nos politiciens ? Nous savons tous déjà qu’Haïti est une République d’individus où les intérêts personnels des uns ne leur laissent pas le temps de se lamenter sur les difficultés du reste de la population. Si vous aviez besoin d’un exemple, tournez le regard sur le Parlement en auto-veilleuse depuis des mois et où de façon miraculeuse on a pu tenir une séance le 20 juillet dernier, le temps d’accorder décharge de leur gestion à deux Sénateurs, un Questeur et un ancien Président du Grand Corps. En d’autre temps, il faudra revenir et questionner certaines pratiques qui se donnent libre cours au Parlement en matière de reddition de comptes... Ici, on n’est dans un monde non-orthodoxe... Les normes qui s’appliquent ailleurs en matière de contrôle des actes et de la gestion des deniers publics se règlent de manière débonnaire, à la bonne franquette. Le temps de dire pour assis contre debout comme cela se faisait à la Chambre unique des Duvalier, le rapport de gestion des comptables des Chambres législatives est libéré, et le parlementaire en question a les coudées franches pour se porter candidat et revenir à la charge, avec la plus grande complicité de ses pairs... Pauvre peuple, cadet des soucis de ses mandataires !...
DE LA CLASSE POLITIQUE HAÏTIENNE...
Bizarroïde serait le mot qui conviendrait pour qualifier nos femmes et nos hommes politiques. Elles et ils agissent à l’opposé de ce qu’elles ou ils disent. Ils combattent les élections, mais ils se portent candidats aux mêmes élections. Le premier qui dénonce la convocation par le Président provisoire du peuple dans ses comices est celui-là même qui, à l’encontre de ses convictions et positions tapageuses dans les médias quant à la réalité au Grand Corps, se compromet en faisant toutes les contorsions pour que séance se tienne afin d’obtenir décharge de sa gestion et s’inscrire en bonne et due forme pour participer aux élections dont il vient juste de condamner la convocation par le chef de l’État ! Hypocrisie !
Et par rapport aux autres qui condamnent le fait que Jocelerme Privert convoque le peuple pour aller voter aux élections en invoquant par ailleurs son défaut de qualité pour le faire, que comprendre de cette attitude ?
Depuis le 14 février 2016, nous sommes dans une situation de fait. Nous avons un Président hors-norme sorti des artifices de l’interprétation de l’article 149 de la Constitution amendée. Or nous savons tous que si ce n’est simplement l’esprit dudit article, il n’y a rien dans sa lettre qui correspondait à la réalité politique d’Haïti au 7 février 2016. Nous soumettons à votre attention, pour rappel, les prescrits de l’article 149 de la Constitution de 1987 amendée.
"En cas de vacance de la Présidence de la République soit par démission, destitution, décès ou en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée, le Conseil des Ministres, sous la présidence du Premier Ministre, exerce le Pouvoir Exécutif jusqu’à l’élection d’un autre Président.
Dans ce cas, le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République pour le temps qui reste à courir a lieu soixante (60) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la loi électorale.
Dans le cas où la vacance se produit à partir de la quatrième année du mandat présidentiel, l’Assemblée Nationale se réunit d’office dans les soixante (60) jours qui suivent la vacance pour élire un nouveau Président Provisoire de la République pour le temps qui reste à courir."
Vous êtes d’accord que rien de ce qui précède ne correspondait à la situation de Michel Martelly qui a épuisé les dernières secondes de son mandat de cinq ans dont il a JOUI pleinement... Dans ce cas, l’élection de Jocelerme Privert au second degré est plus le résultat de l’acceptation d’un fait accompli, à la lumière de l’esprit de l’article 149 de la Constitution. L’épuisement des 120 jours alloués sans que les tâches à accomplir l’aient été effectivement, fait-il de Privert un Président avec moins de légitimité qu’avant ? Nous ne le pensons pas. Et si nous étions dans une situation où la classe politique se souciait uniquement du bien de la nation, sans à priori idéologique basé sur des objectifs peu nobles comme prendre le contrôle du pays par l’intermédiaire d’un nouveau Président "pope twal", depuis le 14 juin dernier, l’Assemblée Nationale se serait réunie sans idée préconçue pour constater les faits et convenir de la poursuite de l’expérience, sans interruption, jusqu’à la passation de pouvoir, le 7 février 2017.
Mais il y a ceux qui ont d’autres agendas, ceux qui rêvent d’une transition sans fin conformément à leurs plans et projets qui ne sont pas toujours avouables... Les adversaires de Jocelerme Privert semblent avoir perdu la raison à un point tel qu’ils sont tout à fait déconnectés d’avec la réalité. Nous avons un train électoral en marche, jusqu’à présent, le processus est à jour et à l’heure ; nos donneurs de leçons de la communauté internationale semblent vouloir réajuster leur attitude ; le gouvernement gère tant bien que mal les affaires courantes ; le pays est dans un statu quo déprimant mais fonctionnel. Qui, dans le pays, est gêné par la présence de Jocelerme Privert ? Qui a véritablement aujourd’hui, comme priorité, un changement de Président provisoire ? Qui est incapable de comprendre que tout coup de frein à la marche actuelle des choses sera fatal pour le calendrier électoral tel que déployé ?
Les artisans de l’ombre et les forces des ténèbres guidant la main de l’insécurité qui frappe avec la dernière méchanceté n’ont pas encore réussi à retourner la vapeur en leur faveur en comptabilisant les morts issues de la violence planifiée en défaveur du pouvoir en place. Les actes spectaculaires pour créer la dynamique du chaos, on ne saurait les imputer à l’administration Privert/Jean-Charles. Au contraire, on serait plus enclin à les mettre au compte de ceux-là qui regrettent d’être partis trop tôt du pouvoir et qui rêvaient hier encore de permanence dans les meubles de l’État. Rêve contrarié par le rapport de la Commission d’Évaluation et de Vérification Électorale qui a poussé à l’annulation des présidentielles. Ceux qui ont la nostalgie du pouvoir sont en train de mal faire et de jouer mal. Ils n’ont pas les suffrages de l’opinion publique et leurs faux pas peuvent vite les mettre dans une posture de délinquants auxquels on créditera tous les forfaits récents. Les enquêtes du FBI sur les tirs sur les façades d’édifices appartenant au capital étranger ; les investigations en cours au niveau des institutions locales sur les mêmes agressions n’emprunteront-elles pas les mêmes canaux pour couler vers la même embouchure ? La faiblesse du pouvoir, son incapacité à traîner devant la justice des citoyens jusque-là intouchables, son laxisme qui a permis à des forces occultes d’agir en toute impunité en semant le deuil ici et là, ne sont-ce pas là un ensemble de reflets rejaillissant sur une certaine opposition et sur sa capacité à créer des situations dont elle pense pouvoir en être en même temps l’auteure et la dénonciatrice ?
Coup double, jeu malin, mais jeu dangereux. Parce que si l’on attaque ça-et-là, l’on tire sur des édifices, l’on active la main de l’insécurité qui frappe de manière aveugle et qu’en face le pouvoir est comme tétanisé et incapable de réagir, faut-il bien que quelque part, quelqu’un, un groupe ou une association de personnes soit derrière tout cela ? Alors, les observateurs tout comme l’opinion publique doivent se tarauder les méninges pour identifier les agresseurs. L’opposition frontale à Jocelerme Privert ne saurait sortir vierge de l’esprit ou de la perception de chacun quant à l’actuelle réalité taillée sur mesure pour les besoins d’une cause pour le moins perdue, nous semble-t-il...
Port-au-Prince, 11 juillet 2016 Après quelques hésitations, nous avons choisi de reprendre ces articles parus très récemment dans Le National parce qu’ils traitent de sujets, le système éducatif et la langue française, d’un intérêt supérieur pour le pays, à divers titres. Le National, lundi 11 juillet 2016, n°280
TRIBUNE
Ceteris paribus, l’histoire du système éducatif haïtien peut se caractériser par deux points fondamentaux : 1- Le refus des élites haïtiennes de construire un système éducatif dynamique et performant en faveur du peuple ; 2- Le non-accès généralisé du peuple haïtien à une éducation de base. C’est à travers ce carrefour perplexe que les demandes scolaires se prononçaient et allaient être un instigateur principal dans la constitution du système éducatif haïtien au lendemain de la révolution de 1843.
L’éducation scolaire dans notre article prend le sens de socialisation – en termes de valeurs véhiculées dans le système scolaire de manière euphémique – elle s’apparente aussi à l’instruction scolaire dans le contexte de l’enseignement — apprentissage que celle-ci a pour première mission. Ainsi, le concept d’éducation scolaire recouvre ces deux versants.
L’entrée à l’école en Haïti se vit comme un « choc culturel » par le jeune écolier : de prime abord, causé par la langue française, c’est le premier contact direct de l’élève avec celle-ci. La langue française est le langage d’une minorité d’individus dans la société haïtienne et elle est généralement l’apanage des classes bourgeoises et moyennes. Les codes sociolinguistiques révèlent l’inégale distribution du pouvoir sur le marché des échanges linguistiques : le code élaboré, formel et universaliste est la langue française adoptée à l’école. Par conséquent, les élèves des milieux sociaux défavorisés doivent « changer de code », comme on dit souvent, ils doivent « s’exprimer ».
Par ailleurs, les bagages axiologiques qui structurent le milieu scolaire haïtien sont généralement contradictoires – par rapport à celles qui sont véhiculées dans les familles haïtiennes, notamment paysannes, les valeurs communautaires [Gemeinschaft] de type volonté organique se trouvaient confrontées à des valeurs sociétales [Gesellschaft] à volonté réfléchie. L’éthos des classes dominantes, basé sur la distinction, le dégoût des goûts des classes populaires, sont les principales orientations véhiculées à l’école.
Les écarts socioculturels entre l’écolier et son milieu socioenvironnemental croissent à mesure que le jeune Haïtien atteint un niveau graduel dans les cycles scolaires du système éducatif : l’école, qui devrait être un moyen méthodique et interactif de la jeune génération avec la société, produit des Haïtiens dotés d’un habitus bourgeois qui les conduit le plus souvent à une dissonance culturelle, frisant dans la pratique une dyssocialisation, en l’occurrence l’étudiant prince auto-dominé selon les analyses du professeur Anil Louis-Juste est un idéal type. La culture scolaire est un enjeu social – arbitraire culturel –, elle renforce les inégalités sociales et scolaires dans la société haïtienne comme l’a si bien analysé Louis Auguste Joint dans son livre Système éducatif et inégalités sociales en Haïti (2006).
Le système éducatif haïtien tend à reproduire les antagonismes bi-catégoriaux classiques entre les créoles et les bossales dans la société haïtienne : les pratiques éducatives et les formes scolaires qui s’y développent révèlent, entre autres, la relation que ces dernières entretiennent avec les structures politiques et sociales. Le système scolaire haïtien forme des désubstantialisés, des homo-sapientissistes ; à cet effet, Bird M.B. avance ceci : « L’éducation reçue par le petit nombre en Haïti et ailleurs n’a pas été de nature à inspirer chez ces personnes de la sympathie pour les masses ignorantes (…), l’éducation du petit nombre en Haïti a produit le sentiment d’une certaine supériorité qui, à son tour, a engendré un grand orgueil. » Le non-accès généralisé à l’éducation scolaire des enfants en âge de scolarisation, les problèmes de l’alphabétisation des masses paysannes et urbaines, l’école à deux vitesses avec des effets socio-éducatifs non moins importants comme l’effet établissement, l’effet maître, l’effet classe, restent des défis importants à relever en dépit de quelques efforts réalisés ces dernières années.
Une autre problématique essentielle et légitime à poser si on veut comprendre le système éducatif haïtien relativement à ses fins est la suivante : le système éducatif haïtien a-t-il comme finalité de produire des êtres dotés d’une conscience critique ? Est-il porteur d’une civilisation adaptée aux contextes nationaux et internationaux ? Est-ce une éducation pour le développement durable ? Une telle éducation est-elle apte à émanciper l’Homo haitianus ? D’aucuns soutiennent que ce système éducatif s’avérerait inadapté aux contextes local et global – en dehors des problèmes administratifs et organisationnels auxquels il fait face – ce qui nous intéresse ici, c’est le projet d’homme qu’il forme, cristallisé dans le cursus pédagogique du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP). À priori, la structure d’un programme académique est montée selon une philosophie de l’homme et de la société, elle découle d’une certaine chronosophie futurocentrique, c’est-à-dire d’une vision globale de l’homme qui tient compte de son passé afin de viser un avenir investi d’un contenu rêvé, attendu ou souhaité, donc d’une idéologie. Elle tient compte des défis socio-économiques nationaux et de la mondialisation : in fine, comme le dit Gérard Boutin (2004), ce sont les postures philosophiques, psychologiques et politiques qui infléchissent les actions éducatives. Mutatis mutandis, des pays comme la France, les États-Unis, le Canada et la Chine incorporent des filières technologiques et professionnelles dans leurs cursus scolaires. Ainsi, les écoles secondaires en Chine comprennent des sections d’études agricoles et professionnelles ; celles du Québec incluent une formation professionnelle axée sur l’emploi dans leurs filières à partir de la classe de cinquième de l’enseignement secondaire, de même en France après le Diplôme national du Brevet (DNB), la classe de seconde s’ouvre sur trois orientations : professionnelle, technique et générale. Grosso modo, la structuration des cycles du système scolaire haïtien en vigueur révèle une inadéquation avec les grands enjeux de développement économique, social, politique, culturel auxquels fait face la société dans son ensemble. Les secteurs professionnel et technologique ne sont pas pris en considération – sur le plan pratique – dans le système éducatif haïtien : celui-ci forme majoritairement des élèves à orientation générale, ce qui cause en partie l’échec scolaire.
Le curriculum formel du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle est inadapté, les matières et les contenus ne sont pas contextualités : en l’occurrence, l’enseignement-apprentissage des sciences sociales et de la littérature se confinent à la moitié du XXe siècle. Le curriculum formel n’est pas mis en œuvre (tel que prévu par le MENFP) par les enseignants – catégories sociales qui sont en général peu qualifiées et sous-payées. Aucune matière ne traite des rapports haïtiano-dominicains ; l’éducation civique, politique et environnementale est pratiquement absente ; les NTICs ne sont pas intégrées de manière effective dans les salles de classe ; le problème pédagogique de l’enseignement des langues étrangères : l’anglais et l’espagnol sont à repenser. Quant aux sciences dures : la biologie, la chimie et les mathématiques, elles restent purement confinées à un stade intellectuel. Les pratiques scolaires sont inadaptées : le système éducatif haïtien est basé sur une approche comportementaliste de l’enseignement-apprentissage selon lequel l’élève est un sujet réceptif. En conséquence, l’élève haïtien est récalcitrant au travail de groupe et il devient totalement dépendant du professeur. Les fautes ne sont pas tolérées et sont ridiculisées dans les salles de classe ; l’élève est peu développé intellectuellement et son sens critique est rachitique : le produit de ce modèle est « l’élève-perroquet » avec une tête bien pleine plutôt que bien faite.
Les postures idéologiques et les représentations sociales transmises à travers l’organisation scolaire et au cours des interactions pédagogiques entre élèves ∕ professeurs ∕ administrateurs scolaires sont discriminatoires, ségrégationnistes et foncièrement individualistes : les rapports sociaux sont reproduits sans aucune censure dans les milieux scolaires haïtiens : la violence, l’asymétrie des sexes, les clivages de couleur, de région, de religion, de résidence. En fait, c’est une école qui ne permet pas la mixité sociale et elle s’assure "que ceux qui se ressemblent, s’assemblent". Les habitus des élèves en tant que dispositions permanentes et du fait de leur caractère de transposabilité, génèrent des pratiques similaires quand ils sont à l’université – institution qui reflète elle-même les différents problèmes sociétaux haïtiens. Ainsi, par une sélection sociale s’apparentant à un darwinisme social pour leur entrée à l’université, notamment l’Université d’État d’Haïti, certains d’entre eux incorporent le « sens pratique » des travaux universitaires jusqu’à l’obtention de leur diplôme : ce qui leur confère une certaine compétence culturelle ?
Feland Jean felandjean@yahoo.fr
— Fanon, Frantz, (1995). Peau noire, masques blancs, Paris, éd. du Seuil.
— Bird, M.B., cité par Toussaint, Hérold, (2004). Communication et État de droit selon Jürgen Habermas, patriotisme constitutionnel et reconnaissance de l’autre en Haïti, Port-au-Prince, éd. Deschamps,
Le dimanche 10 juillet a pris fin à l’Université de Montréal, dans la ville éponyme, le forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques, qui a débuté le 3 Juillet dernier. À ce forum, prennent part de nombreuses personnalités distinguées de l’univers francophone, dont Christiane Taubira, l’ancienne garde des sceaux de la République française.
Cette année, 55 futurs jeunes ambassadeurs de 20 pays différents des Amériques, dont Haïti, prennent part à la 5e édition de l’événement. Ces ambassadeurs, âgés de 18 à 35 ans, suivront une formation à la fois théorique et pratique qui a pour objectif de les outiller pour devenir des citoyens engagés dans leur milieu. L’édition de cette année a aussi vu le lancement du livre Le seul passager noir du Titanic de Serge Bilé. Le livre traite de la présence de Joseph Philippe Lemercier Laroche, citoyen Haïtien et seul passager noir à avoir été à bord du célèbre paquebot.
Le bureau Montréal du Journal, dont la directrice, Sandrellie Séraphin, figure parmi les jeunes ambassadeurs du forum, a conçu ce supplément pour permettre aux lecteurs de saisir la portée de cet événement majeur, à travers les témoignages de certains participants.
Claire Falonne Barbara Francoeur, secrétaire au conseil d’administration de la Jeune chambre de commerce haïtienne (JCCH)
Le National : qu’est-ce que cela veut dire pour vous de participer au FJAF2016 ?
Claire Falonne Barbara Francoeur : Les langues sont une façon de voir le monde, de nommer les choses et les langues sont fécondes. (Christiane Taubira) Partageant cette même vision que madame Taubira, participer à la 5e édition du Forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie est une occasion pour moi de m’ouvrir au monde, de pouvoir nommer les choses telles qu’elles sont, d’aller à la rencontre de tous ceux qui partagent les mêmes valeurs que moi, d’aller vers ceux qui sont aux prises à cette crise identitaire, de partager nos expériences, proposer dans cette optique surtout de créer, d’innover et de reproduire.
C’est une occasion unique de me joindre à cette lutte de protection de la langue française, symbole de notre façon d’être, de penser, d’agir, de percevoir, et ce, tant dans nos relations avec les autres qu’avec l’environnement dans lequel nous, les francophiles, évoluons.
LN : quel est votre regard sur le fait français en Haïti ?
CFBF : En Haïti, la langue française a toujours été et est encore une question qui divise. Souvent considérée comme la langue de l’élite intellectuelle et économique, elle est minoritairement parlée par le peuple qui est majoritairement analphabète. Étant la langue d’enseignement, elle est vue comme le vecteur de préjugés des personnes pleinement accomplies. Or en Haïti, la chance n’est pas donnée à tous d’aboutir à cet accomplissement. Donc, chez nous, la langue n’est pas juste un moyen de communication, de penser et d’agir, mais c’est aussi un outil de classement social au détriment du créole qui est la langue maternelle parlée par la classe défavorisée. Dans cette quête de protection, de sauvegarde et de cohabitation de la langue française au côté du créole, langue maternelle, il s’avère judicieux, en Haïti, de se pencher sur l’enseignement des deux langues dès la maternelle. Dans cette optique, la Francophonie pourrait jouer un rôle clef dans ce renouement de la situation, ci-haut décrite comme le « fait français », en prônant les valeurs de solidarité et de justice sociale, de partage et du vivre ensemble. Surtout qu’Haïti n’est pas seul dans cette lutte où deux langues se confrontent incessamment au profit d’une classe élitiste.
LN : quels bénéfices vous pensez tirer de ce FJAF2016 ?
CFBF : D’éveiller cette conscience de l’urgence, de pouvoir discuter sur les grands enjeux sociaux, économiques et culturels similaires à une multitude de pays qui ont en commun un point vital : le FRANÇAIS, effigie de leur histoire coloniale, c’est pour moi plus qu’une opportunité, mais un engagement vers cette réconciliation pour l’avenir d’un monde juste et équitable. En tant qu’ambassadrice, je fais don de moi pour ainsi peu, à mon tour, changer ce monde tant rêvé. Je ne puis le décrire comme étant des bénéfices, mais bien le moment tant désiré pour passer à l’action.
Marc-Edwens Thélusma, originaire de Ouanaminthe, enseignant
Le National : qu’ est-ce que cela veut dire pour vous de participer au FJAF2016 ?
Marc-Edwens Thélusma : Depuis sa création en 2008, le centre de la Francophonie des Amériques a mis sur pied divers programmes qui reflètent sa mission. Ainsi, presque tous les deux ans le centre organise le forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques dans le souci de permettre aux jeunes du continent américain de se rassembler, rencontrer des acteurs engagés en vue de la promotion d’une francophonie plus enrichissante. Autrement dit, l’objectif central du forum des Jeunes Ambassadeurs est d’offrir aux jeunes une formation de haut niveau axée sur le leadership et l’identité culturelle.
En effet, participer à cette 5e édition du forum des Jeunes Ambassadeurs de la Francophonie des Amériques représente pour nous une opportunité importante. Tout d’abord, ce sera pour nous l’occasion d’approfondir nos connaissances sur la Francophonie en tissant des liens durables avec d’autres jeunes leaders francophones de la région des Amériques dans le partage et le respect de la diversité culturelle.
Ensuite, la Francophonie dans les Amériques, c’est plus de 33 millions de francophones avec près de neuf millions pour Haïti, soit à peu près le tiers du nombre total de francophones dans la région. Donc, conscient de cette force que peut représenter Haïti dans le monde francophone ; des multiples enjeux de la Francophonie pour Haïti, ce sera également pour nous l’occasion ultime de faire un plaidoyer pour qu’Haïti puisse occuper valablement sa place, jouer son rôle de manière efficace au sein de la communauté francophone et, par conséquent, tirer des bénéfices des différents atouts de la francophonie, car selon notre vision, la francophonie c’est s’engager dans la construction d’un monde plus juste et plus égalitaire. La Francophonie est un atout pour Haïti. Quand nous parlons d’atouts, nous n’évoquons pas uniquement une Francophonie sur le plan linguistique, c’est-à-dire une francophonie promotrice uniquement de la langue française, mais nous voulons parler d’une Francophonie inclusive, mais pas dominatrice, une Francophonie qui valorisera aussi bien le français que le créole en Haïti.
Nous voulons parler également d’une Francophonie qui est facteur de développement économique pour Haïti, une francophonie qui permettra la valorisation et la promotion de la culture haïtienne, du tourisme haïtien, du savoir-faire et du savoir-être haïtiens. Cette Francophonie économique à laquelle nous faisons allusion trouvera sa matérialisation par la réalisation en Haïti de grands événements francophones comme une édition du forum des Jeunes Ambassadeurs, un festival de musique francophone et créolophone, les jeux de la francophonie, etc., ce qui constituera une rentrée économique pour Haïti.
En fin de compte, promouvoir la culture haïtienne, faire le plaidoyer pour un leadership haïtien au niveau de la francophonie dans la région des Amériques, c’est ce qui explique notre présence et notre mission dans le cadre de cette 5e édition du forum des jeunes ambassadeurs de la Francophonie des Amériques.
LN : quel est votre regard sur le français en Haïti ?
MET : Depuis la signature du concordat en 1860, les politiques publiques haïtiennes ont institué le français comme langue officielle. Ceci dit, il est non seulement la langue de scolarisation, mais également la langue utilisée au niveau de l’administration publique. D’un point de vue anthropologique, au regard du soi-disant bilinguisme haïtien, parler français est vu comme un signe de distinction sociale, un moyen d’affirmer son appartenance à une élite économique ou intellectuelle. C’est une stratégie politique de l’État de toujours maintenir la masse à l’écart de la sphère politique.
Cependant, tenant compte des réalités actuelles, de la proximité historique d’Haïti avec la France et avec pas mal de pays, de la réalité sociétale avec le français comme langue de scolarisation, de mon point de vue, le français peut constituer pour Haïti un vecteur d’ouverture sur le monde.
Alors, cette proximité du français avec le créole devrait contribuer à plus forte raison à la vitalité et à la promotion du créole en Haïti pour un bilinguisme efficace et efficient. Ce bilinguisme au niveau de la scolarisation facilitera non seulement « intégration effective des couches les plus défavorisées, mais également le rehaussement de l’éducation et de la culture haïtiennes.
LN : quels bénéfices pensez-vous tirer de ce FJAF2016 ?
MET : Comme nous l’avons si bien dit, cette 5e édition du forum des Jeunes Ambassadeurs de la Francophonie des Amériques, comme jeunes leaders du continent, nous permettra de nous rencontrer, d’échanger sur nos expériences et tisser des liens durables, d’être sensibilisés aux enjeux de la francophonie, mais surtout de nous outiller pour devenir citoyens engagés au sein de notre communauté.
Autrement dit, à la fin de ce forum nous aurons le titre de jeunes ambassadeurs de la Francophonie. Lequel titre nous permettra de contribuer à la vitalité de la francophonie au sein de la société haïtienne, de développer et consolider des liens durables avec d’autres partenaires de la francophonie des Amériques, ce qui peut constituer un atout pour Haïti. De surcroît, à la fin de ce forum, nous serons en mesure de contribuer à la création d’un sentiment d’appartenance d’Haïti à la francophonie. Également, nous contribuerons à donner accès à la francophonie en Haïti en mettant en valeur des personnalités, des artistes et spectacles francophones et créolophones. Déjà fort de cette belle expérience de leadership, de promotion de la diversité culturelle, de l’intensification du dialogue des cultures et des civilisations francophones des Amériques, ainsi, à la fin de ce forum, comme, jeunes ambassadeurs, Haïti peut compter sur nous, sur notre engagement citoyen, en ce sens que nous serons en mesure de contribuer efficacement à la promotion et à l’épanouissement de la francophonie en Haïti. En somme, nous nous engageons à servir la patrie, car nous croyons en une Haïti meilleure, nous croyons en une autre société plus égalitaire. Alors, nous engager dans la promotion de la francophonie et de la créolophonie, c’est nous engager dans la construction d’une Haïti plus juste et plus prospère, c’est nous engager dans l’épanouissement de la culture haïtienne, c’est nous engager dans la promotion d’une Haïti où la jeunesse aura vraiment sa place.
Le National : Qu’est-ce que cela veut dire pour vous de participer au FJAF2016 ?
Widlyn Dornevil : Les individus à travers le monde sont devenus humainement plus loin les uns des autres. Ce repli sur soi ne facilite pas le vivre ensemble capable d’apporter des solutions plus efficaces aux grands enjeux actuels du monde. Les forums internationaux comme celui-ci, offre un cadre idéal pour que les jeunes de plus de 20 pays de l’espace francophone de pouvoir se rencontrer, partager les expériences. Ce forum est pour moi l’occasion de faire partie de ce grand réseau pour aborder les problématiques communes de l’espace francophone notamment la valorisation de la diversité culturelle, la promotion de la paix et la solidarité entre les peuples.
LN : quel est votre regard sur le français en Haïti ?
WD : Le français en Haïti est institutionnalisé d’une façon à créer de l’exclusion sociale dans un pays encore déchiré par des clivages et de l’injustice sociale. Il est une nécessité de travailler à favoriser un climat de cohabitation entre les deux langues. La langue en tant qu’outil d’expression de la réalité peut aussi servir d’outil pour changer la réalité. Une cohabitation des deux peut faciliter l’inclusion sociale en Haïti. Le fait français fait partie de la mémoire collective haïtienne autant que le créole, donc il est du devoir de chaque haïtien et particulièrement de ceux qui maîtrisent le français de contribuer à ce que le français soit approprié par tous les Haïtiens et ne soit pas utilisé comme une langue d’élite. Démocratisons le français (le rendre accessible à tout le monde) et valorisons le créole : deux éléments majeurs de notre identité et mémoire collectives
LN : quels bénéfices pensez- vous tirer de ce FJAF2016 ?
WD : Ce forum peut m’apporter des outils nécessaires pour continuer mon engagement citoyen en faveur d’une Haïti meilleure. Les expériences de chacun des 50 délégués des 20 autres pays devront renforcer mes forces et mes capacités à apporter le changement. L’espace francophone est également un espace diversifie. Les pays francophones parlent tous différentes langues en plus du français et ont tous une culture identitaire différente, ce forum devra permettre de découvrir cette diversité et participer à la promotion d’un espace francophone plus diversifié où chaque culture incluant la langue peut être valorisée. Donc, c’est aussi un espace de valorisation de la langue et de la culture haïtienne donc du créole.
Question facultative : le débat français et créole, français ou créole comme langue en Haïti renvoie à un butin de guerre, quelle est l’importance du français en Haïti d’après vous ?
Port-au-Prince, 28 juin 216 Le National du 28 juin 2016 a livré un certain nombre d’articles que nous nous faisons un devoir de reprendre dans le cadre de cette page, car ils illustrent parfaitement les sentiments que nous partageons depuis Haïti et de ce côté de l’Atlantique. L’impressionnant édito du grand écrivain Gary Victor représente une manière particulièrement subtile de gloser sur la violence qui tend à s’installer sur le pays. Des articles évoquent déjà ce que l’après 28 juin faisait craindre, c’est-à-dire le refus du Parlement (et bien sûr de plusieurs de ses membres mal élus) de répondre sur l’avenir de Jocelerme Privert, et l’incertitude entretenue sur la manière d’assurer un processus électoral serein alors que les Usa viennent d’informer de leur décision de suspendre leur aide sur ce point. Enfin, le point de vue exprimé ici sur l’inconséquence de l’État à propos de la politique linguistique ne peut que retenir notre attention.
Elle court les rues. Elle peut exploser au petit matin comme ce vendredi où des individus qu’on dit non identifiés ont ouvert le feu sur des immeubles de grandes compagnies fonctionnant dans l’aire métropolitaine.
Elle s’installe dans les rues avec agressivité même à chaque période électorale comme si elle voulait rappeler à l’ensemble des citoyens que le jeu se joue entre des initiés qui défendent des intérêts que la nation doit ignorer.
Elle s’attelle à terroriser les esprits pour qu’ils puissent soit rester éloignés des lieux de décision, soit être dans l’impossibilité de distinguer le réel du mirage, le vrai du faux.
Elle ne se préoccupe pas de cette réalité qui est celle de ce chômage aigu qui frappe une grande partie de notre population, du spectre de la famine qui erre déjà dans les rues de la cité. Au moment où la priorité devrait être d’accorder la priorité aux investissements afin de créer des emplois, la folie frappe au cœur même de notre souffrance, au cœur même de notre désespoir. Comme le citoyen Jean Éric Fouché l’a si bien souligné dans son texte : Nos Java des cavernes, dans la rubrique Tribune, il y a quelque chose qui pue dans cette folie. C’est une « java ». Même l’homme des cavernes était à la recherche du feu pour se réchauffer, du feu pour voir dans les ténèbres, du feu pour s’éloigner de l’animalité. Cette folie quelque part fait honte même à l’homme des cavernes.
Ce qui s’est passé cette fin de semaine devrait alerter tout ce qui reste de sain dans notre société. Nous savions déjà que, pour beaucoup de nos compatriotes, les intérêts particuliers passent avant l’intérêt de la nation. Maintenant cela menace d’aller plus loin. Certains sont décidés à saborder la nation, à l’assassiner économiquement, à faire exploser le chômage et la famine, bref à propulser ce pays aux heures les plus sombres de l’aventure somalienne.
Nous ne pouvons pas l’accepter. Nous ne devons pas l’accepter. Aucun secteur ne doit nous faire sombrer dans la violence, dans l’anarchie, dans l’ignorance, dans la préhistoire de l’humanité au nom d’une espèce d’ayant droit sur le pouvoir politique, un pouvoir politique réduit au comportement de ces bandes de hors-la-loi qui rançonnaient les villes du Far West et que les westerns spaghettis ont à la fois immortalisés pour notre information et surtout ridiculisés.
Plein de politiques sur la scène encore aujourd’hui refusent de mesurer leur action à l’aune du délabrement d’une société dont tous les paramètres sont au rouge. Ils ont certes souvent voyagé à l’étranger, mais nous préférons dire qu’ils ont erré en aveugle, incapables qu’ils ont été même de manifester la moindre honte face à l’état de leur patrie, une honte qui aurait pu être salvatrice. Bien au contraire. Ils adoptent la posture de ces fascistes des ténèbres pour qui l’arrêt de l’histoire, l’immobilisme dans la crasse et l’ignorance seraient du nationalisme. L’heure est certainement grave. Au lieu de la prise de conscience, on veut nous proposer l’affrontement. Au lieu de revenir à l’intelligence, on veut nous proposer la sottise armée, intolérante et meurtrière. Citoyens de l’intérieur et de la diaspora, l’instant approche où nous allons devoir faire ce choix que nous avons constamment différé en croyant constamment pouvoir tirer nos marrons du feu de cette solide tradition antinationale.
Le choix entre le suicide de notre pays et la modernité démocratique.
Gary Victor
Selon l’avis de la CIDH, il y a une absence du pouvoir exécutif en Haïti depuis le 14 juin dernier, date de la fin du mandat du président provisoire, Jocelerme Privert. Ce vide institutionnel, d’après l’institution en question, représente une menace pour l’état de droit en Haïti dont le niveau a plutôt tendance à baisser jour après jour.
Face à cette situation d’instabilité, la commission exhorte les parlementaires haïtiens à trouver une solution viable lors de l’Assemblée nationale afin d’assurer l’équilibre des pouvoirs, le respect des principes de l’État de droit et la continuité démocratique en Haïti. Car, indique l’institution internationale, le vide qui apparaît dans l’exercice du pouvoir exécutif et l’absence actuelle d’un gouvernement démocratiquement élu vont à l’encontre de la charte démocratique américaine.
La CIDH a donc renvoyé la balle dans le camp des parlementaires qui, le mardi 28 juin, doivent se réunir en assemblée pour statuer sur le cas du chef de l’État. Une Assemblée nationale, on se le rappelle, qui devait se tenir le jour même de la fin du mandat du président provisoire et qui a été avortée à deux reprises, pour des raisons d’infirmation de quorum par certains parlementaires et d’insécurité suite aux menaces des manifestants lors de la manifestation du 21 juin dernier.
À titre de rappel, la CIDH a fait remarquer que les peuples des Amériques ont un droit à la démocratie et leur gouvernement une obligation de la promouvoir et de la défendre. Très préoccupée par le triomphe de l’État de droit, cette structure de l’Organisation des États américains (OEA) a déclaré que le véritable exercice de la démocratie représentative n’est autre que la base de l’État de droit et des régimes constitutionnels des États membres de l’Organisation des États américains (OEA).
Ce n’est pas une première, cette institution qui signale que l’absence de continuité institutionnelle ne peut que compromettre la jouissance des droits des citoyens en Haïti, a souvent l’habitude d’exprimer sa préoccupation sur les conjonctures difficiles que traverse le pays, comme c’était le cas en 2015 lors de la décision prise par la cour constitutionnelle dominicaine contre les ressortissants haïtiens notamment.
À rappeler que la CIDH est un organe de l’OEA qui travaille de manière indépendante sur le continent américain. Selon la charte de l’OEA, sa mission principale est de promouvoir aux respects des droits humains dans l’Amérique. Celle-ci agit également comme organe consultatif auprès de l’OEA en la matière. L’organisation est composée de sept membres nommés à titre personnel, sans le sentiment de représentation des pays de résidence ou d’origine.
Evens Régis
Il s’agit d’organisations de défense de droits de l’homme qui furent impliquées dans l’observation électorale lors du fiasco des 9 août et 25 octobre 2015 : la SOFA, le CNO, le CONHANE, la JILAP, le CARDH, la POHDH et le RNDDH.
Ces organisations de défense des droits humains, dans une lettre ouverte au CEP, croient qu’il est nécessaire de savoir si les vingt-sept (27) candidats qui ont confirmé leur présence à la présidentielle prévue pour le 9 octobre 2016, sont aptes à se porter candidats. Aussi ont-elles énuméré des critères pour que ces personnalités demeurent dans la course au Palais national.
Parmi lesquels, les signataires de cette lettre citent : « le candidat à la présidence doit être une personnalité respectueuse des lois et des principes, et placée au-dessus de tout soupçon ».
Ces conditions d’acceptabilité d’une candidature ne seraient pas négociables pour ces militants qui soutiennent que c’est sur la base de ces critères que « les électeurs auront à voter pour celui qui sera investi du pouvoir de décider du sort du pays pour les cinq (5) années à venir. » Une démarche qui vient faire obstacle à la velléité de certains politiques de briguer la présidence, également qui vient mettre de l’huile sur le feu, alors que le climat est déjà très tendu avec le bras de fer ininterrompu entre parlement et Exécutif pour le contrôle de la transition.
Si le CEP s’investit dans l’épuration de la liste des candidats, ces organismes de défense de droits humains pensent qu’il apportera une aide importante à la population haïtienne pour qu’elle fasse un choix judicieux. Dans cette optique, les défenseurs de droits humains appellent à l’application de l’article 128 du Décret électoral de 2015, au moment d’analyser les dossiers, une manière de vérifier si la remise ou non des rapports narratif et financier relatifs à la subvention électorale qui a été attribuée lors des joutes de 2015, aux partis et regroupements de partis politiques, a été faite.
Les partis disposaient, en effet, d’après cet article du décret, d’un délai de « Trente (30) jours après la publication des résultats officiels… pour faire parvenir au Conseil Électoral Provisoire (CEP) et au ministère de l’Économie et des Finances (MEF), le bilan financier détaillé, signé d’un comptable agréé, accompagné des pièces justificatives des dépenses se rapportant à ladite subvention dans le cadre des joutes électorales. Ces organismes de défense des droits humains ont également souligné dans cette correspondance au CEP que certains candidats avaient fraudé et usé de la violence pour accéder au parlement. L’élection desquels avait été remise en question par le rapport de la Commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale.
Conséquemment, ils font remarquer que ces cas conformément au décret électoral, en son article 239 alinéa 1, doivent être remis en question et soumis à une autre analyse du BCEN afin que toute la lumière soit faite. « La chose souverainement jugée », conclut-il, ne peut être utilisée en tant que bouclier pour faire obstacle à la manifestation de la vérité.
Lionel Édouard
La 41e conférence annuelle de l’Association des études de la Caraïbe (Caribbean Studies Association) a eu lieu du 6 au 11 juin 2016 à Port-au-Prince. Elle a rassemblé au fil de 300 thématiques des universitaires « de haut calibre [venus] discuter (…) des questions relatives aux mouvements globaux caribéens, peuples, idées, culture, arts et développement durable » (Le Nouvelliste, 9 juin 2016).
Plusieurs observateurs, étonnés sinon dubitatifs, ont noté que cette conférence – à laquelle ont participé trop peu d’universitaires haïtiens travaillant en Haïti -, a donné lieu à un curieux concert d’instruments à vent au motif qu’Haïti, drapée dans sa glorieuse histoire et forgeron d’un improbable « exceptionnalisme » culturel, aurait de singulières lumières à apporter à l’ensemble de la Caraïbe au parvis convulsif du 21e siècle… Ainsi, pour Carole Boyce Davies, présidente de la Caribbean Studies Association, « nous considérons le travail universitaire et intellectuel haïtien comme la clé pour comprendre la Caraïbe tout entière, la diaspora africaine, les Amériques et le reste du monde » (Le Nouvelliste, 8 juin 2016).
Pourtant la configuration positive et constructive de la rencontre avait dès le départ été mise en perspective par Carole Boyce Davies : « Cette conférence jettera les bases d’une rencontre transdisciplinaire et translinguistique qui renforcera l’intégration intellectuelle des différentes zones linguistiques et spatiales des Caraïbes » (Le National, 2 juin 2016).
Tous ceux qui s’intéressent à la fameuse « question linguistique » en Haïti devraient se réjouir qu’une si importante conférence universitaire puisse vouloir contribuer à jeter « (…) les bases d’une rencontre transdisciplinaire et translinguistique » (« translinguistique », c’est moi qui souligne ce terme). Cette perspective se veut inclusive, mais « l’intégration intellectuelle des différentes zones linguistiques et spatiales des Caraïbes » implique, en amont, de la situer dans l’éclairage du « droit à la langue » pour modéliser les communications institutionnelles en Haïti et assurer l’efficience de la transmission et de la reproduction des savoirs.
La réalité des faits nous enseigne toutefois que si la 41e conférence annuelle de l’Association des études de la Caraïbe a été un succès « transdisciplinaire » dont on saura, si nécessaire, mesurer les retombées, elle n’a nullement été « translinguistique ». Car elle ne visait pas « l’intégration intellectuelle » des jeunes francocréolophones qui aujourd’hui effectuent des études universitaires en Haïti. Au bilan, cette grande rencontre internationale, dont la langue principale de communication était l’anglais, a laissé très peu de place aux deux langues officielles du pays comme l’a précisé la sociologue Myrlande Pierre .
Myrlande Pierre a [interpellé] l’accessibilité de la communication. Elle critique le fait que les deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français, ont été négligées dans les diverses présentations des ateliers notamment. (…) un effort additionnel aurait dû être fait (…) pour respecter les langues officielles du pays hôte de la conférence(…). Il est donc impératif, à ses yeux, que les langues d’usage du pays soient davantage prises en compte en mettant à contribution, par exemple, tous les moyens technologiques de traduction simultanée. « Cela aurait facilité une participation plus équitable en créole et en français, car l’anglais a nettement prédominé et occupé les espaces de discussion dans le cadre de la conférence », a-t-elle déploré. » (Le Nouvelliste, 13 juin 2016)
Plusieurs enseignements peuvent être tirés des remarques pertinentes de Myrlande Pierre, sociologue, chercheuse associée au Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté de l’Université du Québec à Montréal. En tout premier lieu, l’État haïtien, démissionnaire, n’a aucun contrôle sur l’espace des transactions linguistiques publiques au pays. Depuis la promulgation de la Constitution de 1987, il a créé une Secrétairerie d’État à l’alphabétisation dont le bilan, très maigre aux plans qualitatif, méthodologique et quantitatif, accompagne le délitement de sa mission. Récemment, l’État s’est vu imposer, dans ses marges ensablées sinon dans son dos, l’établissement d’une petite ONG dénommée Académie créole dépourvue des attributions, des provisions légales contraignantes et du pouvoir d’aménagement concomitant de nos deux langues officielles. Claustrale et aphone, cette petite ONG paraétatique n’a aucun impact mesurable sur la vie des langues en Haïti, comme d’ailleurs c’est le cas de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État qui, de 1978 à nos jours, n’a pas su conceptualiser un seul énoncé de politique linguistique nationale et encore moins produire des instruments scientifiques de modélisation en didactique du créole.
En deuxième lieu, l’État haïtien – à nier les droits linguistiques de la population - ne valorise pas les langues de communication institutionnelle au pays. Dans un pays où la souveraineté nationale s’apparente souvent aux mimiques d’un ventriloque, n’importe quelle institution, nationale ou internationale, peut organiser un colloque en Haïti et imposer l’usage de l’arabe ou du japonais comme langue principale de communication au détriment du créole et du français sans que cela ne soulève l’ombre d’un questionnement… S’il est avéré que les membres de la Caribbean Studies Association utilisent couramment l’anglais comme langue de travail dans leurs pays respectifs, il est aussi attesté que plusieurs conférenciers d’origine haïtienne de ce regroupement sont créolophones et ont une relative compétence en français. En contexte, le problème de fond est celui du respect des droits linguistiques des locuteurs vivant en Haïti ; celui aussi du respect et de l’opérationnalité des deux langues officielles d’Haïti lors d’une conférence institutionnelle ayant lieu sur le territoire national.
Mais ce problème de fond n’a pas causé d’insomnie au nouveau recteur de l’Université d’État d’Haïti, Fritz Deshommes, membre fondateur de l’Académie créole, qui, le cœur léger, « a précisé [au Nouvelliste] que l’UEH était au cœur de l’organisation de la conférence. L’UEH était la seule université haïtienne membre du comité d’organisation » (Le Nouvelliste, 13 juin 2016). L’accessibilité de la communication dans les deux langues officielles du pays n’a pas constitué une obligation pour les organisateurs de la 41e conférence annuelle de l’Association des études de la Caraïbe, jusques et y compris à l’Université d’État d’Haïti qui est une institution fondatrice de l’Académie créole.
En troisième lieu, dans l’espace des transactions linguistiques interinstitutionnelles, il est possible de mettre en œuvre un cadre réglementaire de fonctionnement linguistique guidé par les exigences du « droit à la langue », du « droit à la langue maternelle1 » et de l’« équité des droits linguistiques ». Sans perdre de vue qu’il devra être arrimé à une future loi d’aménagement de nos deux langues officielles, ce cadre réglementaire prendrait en compte les paramètres de la communication interne entre les institutions et les locuteurs participant à une même activité en donnant la priorité à l’emploi obligatoire de nos deux langues officielles ; ce cadre fixerait aussi les modalités de l’emploi des langues sœurs régionales, en particulier l’anglais et l’espagnol.
L’Université du Québec à Montréal a bien compris l’importance d’un tel cadre réglementaire lorsqu’elle a édicté sa politique linguistique interne : Article 12 : Diffusion de la recherche et de la création L’UQÀM encourage fortement les (…) professeurs et les (…) chercheurs qui communiquent leur expertise sur la scène publique, soit oralement, soit par écrit, à diffuser les résultats de leurs travaux prioritairement en français et, lorsqu’ils publient ou communiquent dans une langue autre que le français, à accompagner leur texte d’un résumé substantiel en français. L’Université offre un soutien spécifique à la diffusion du savoir en langue française. (Source : UQÀM, Secrétariat des instances –Politique linguistique)
Qu’en conclure ? Il est impératif que l’État, l’Université et la société civile s’approprient une vision rassembleuse des droits linguistiques en Haïti. Ces droits sont assortis d’obligations et de responsabilités au cœur de l’aménagement futur des deux langues officielles d’Haïti. Les obligations s’appliquent aussi à l’organisation et au fonctionnement de colloques nationaux et internationaux devant respecter les droits linguistiques des locuteurs unilingues créolophones et des locuteurs bilingues créoles/français vivant au pays. Seule l’effectivité des droits linguistiques de tous les locuteurs haïtiens peut garantir l’accessibilité de la communication dans les deux langues officielles du pays. Unificatrice, cette vision permettra de modéliser les communications institutionnelles en Haïti et d’assurer l’efficience de la transmission et de la reproduction des savoirs. C’est pour cela que les linguistes, en haute clarté, accompagnent l’État qui a l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre la première politique nationale d’aménagement linguistique issue de la Constitution de 1987.
Robert Berrouët-Oriol
Linguiste-terminologue
NOTES
Sur les notions de « droits linguistiques », de « droit à la langue », de « droit à la langue maternelle » et d’« équité des droits linguistiques », consulter notre livre de référence : Berrouët-Oriol, R., D., Cothière, R., Fournier, H., Saint-Fort (2011). L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions. Éditions du Cidihca et Éditions de l’Université d’État d’Haïti.
Texte lié : Robert Berrouët-Oriol (2014) : Plaidoyer pour une éthique et une culture des droits linguistiques en Haïti. Éditions du Cidihca, Montréal, et Centre œcuménique des droits humains, Port-au-Prince ; voir aussi Lyonel Trouillot : « On peut habiter le bilinguisme sans tragédie », SwissInfo.ch, 16 juin 2010.
Port-au-Prince, 27 avril 2016
Notre ami Laënnec Hurbon nous adresse ce témoignage mis en forme par Le Nouvelliste et qui porte sur le traumatisme profond engendré par la folie destructrice et la violence de la famille Duvalier. Haïti a souffert de façon indicible du fait des exactions entreprises déjà avant le 26 avril 1963, mais nous comprenons évidemment par ces témoignages pleins d’émotion et de dignité que c’est l’Homme tout entier, chair, esprit, identité, citoyen, qui peut souffrir d’une dictature sanglante prête à tout pour mettre en place et préserver son pouvoir.
Centre Oecuménique des Droits Humains <cedh@cedh-haiti.org>
Sont réunis ici, en public, l’historien Pierre Buteau, l’ancien militaire François Benoît et le sociologue Laënnec Hurbon
Ils ont voulu prendre appui sur ce passé triste, barbare pour pouvoir se « projeter vers l’avenir avec courage ». Ils ont voulu que ce jour, 26 avril 1963, jour fatidique dans l’histoire de la violence politique duvaliérienne, ne soit jamais couvert des ombres de l’oubli. Et que parce que les générations actuelles doivent comprendre ce qu’était le duvaliérisme, dans son essence, dans sa terreur, Pierre Buteau, historien, croit que nous « devons pouvoir faire face à ce passé », si douloureux soit-il. « Dans l’histoire de la violence politique en Haïti, on n’a jamais connu une dimension d’une telle intensité », soutient Pierre Buteau, les yeux rougis, au cours de ce débat, organisé par la Fondation Devoir de Mémoire-Haïti, mue par la lutte contre l’oubli, contre l’amnésie…
Avec beaucoup de passion, de sensibilité, d’altruisme, Pierre Buteau a effleuré ce vingt-six avril 1963, quoiqu’il soit persuadé que cette date n’est pas unique dans l’histoire de la violence duvaliérienne en Haïti. Mais il croit que c’est à partir de ce moment que l’horreur des Duvalier, au niveau de l’exercice de la violence, a atteint « une dimension extrême ». Il parle d’ « une violence extrême », de l’exécution de toute la famille Edeline, de la « boucherie de Jérémie qui s’en suivit. François Duvalier, qui a dirigé le pays d’une main de fer, d’une main couverte de sang, a voulu coûte que coûte retrouver ceux qui ont ourdi ce complot et osé s’attaquer au véhicule qui emmena ses enfants à l’école ce jour-là.
« Quand ce n’est pas en face de leur père, on poignardait les bébés parfois dans les mains de leur mère. C’est impensable », relate Pierre Buteau, rappelant que les troupes des Duvalier, durant la campagne électorale, agressaient déjà leurs adversaires, comme pour mieux rendre compte de la violence qu’incarnait le personnage. La violence duvaliérienne, d’où ça sort ? Y a-t-il une raison à la folie ? « Aucune de ces horreurs de pouvoir dans toute l’histoire d’Haïti n’est comparable à celle des Duvalier qui était innommable », tranche-t-il. Salomon, Tonton Nord, très rétifs, eux aussi, à la défense de leur pouvoir. « On ne peut pas comprendre l’Haïti d’aujourd’hui si on ne comprend pas le duvaliérisme, dit-il. On ne peut pas comprendre le duvaliérisme si on ne comprend pas d’où ça est sorti. Parce que si Duvalier a concocté dans sa tête cette violence, il y avait des bras qui abattaient les gens. D’où sont sortis ces bras qui acceptaient d’être dirigés par un monstre et qui, eux-mêmes, se comportaient en monstres ? »
Si Pierre Buteau a parlé d’une « violence extrême », Laënnec Hurbon, professeur de sociologie des religions à la FASCH, chercheur au CNRS, parle d’ « excès de violence », c’est-à-dire que les macoutes, les sbires du régime, interviennent dans tous les éléments de la vie quotidienne, jusque dans l’imaginaire de l’individu de telle sorte « qu’il ne puisse pas exister de protestation possible contre les crimes et qu’il puisse y avoir chez ceux qui ont subi ces crimes-là, ce qu’on appelle une amnésie totale ». « La raison ne doit pas abdiquer. Il faut la lutte contre l’oubli », plaide Laënnec Hurbon, incisif, à l’Université Quisqueya, sous les yeux d’une bonne centaine de personnes, pour la plupart apparentées avec les familles assassinées à Jérémie.
Académique, méticuleux, Laënnec Hurbon parle d’une dictature dont il semble maîtriser les contours. « Le duvaliérisme, dans ses mécanismes de produire des morts sans sépulture, a produit une seconde mort sur les victimes », avance le sociologue, qui souligne que le régime, dans cette démarche, cherche à marquer obligatoirement le déni de l’identité d’être humain de la victime et en même temps, relativement, la suppression de la citoyenneté des victimes. Laënnec Hurbon croit que le « devoir de mémoire et la lutte contre l’impunité, en mettant l’accent sur la justice pour les victimes, contribueront à la réintégration de la victime dans la communauté des citoyens ».
Haïti, dans son rapport à la mémoire, a un problème particulier. « Duvalier représente un sommet dans l’histoire des crimes perpétrés par les pouvoirs politiques en Haïti, mais il faut rappeler qu’il y a dans l’histoire d’Haïti une pratique de l’impunité, de l’amnésie », selon Laënnec Hurbon. Avec moult détails et son calme habituel, il cite, exemple oblige, le procès de consolidation avec le fait étrange que deux des jugés sont devenus président de la République. Il parle aussi de l’affaire des frères Coicou exécutés. Sur ce registre, la question de la politique de l’oubli qui s’incruste dans notre histoire, le petit portrait qu’il a dépeint est pour le moins sombre. « Des présidents sont partis sous la pression populaire. Leurs biens sont confisqués. Et une fois revenus au pays, ils leur sont remis. »
« Les conséquences de l’impunité sont catastrophiques et nous vivons ces catastrophes depuis une trentaine d’années », explique Laënnec Hurbon, pour qui Fort-Dimanche, l’un des symboles forts du duvaliérisme, n’a pas été une prison mais plutôt un lieu de dégradation de la condition d’être humain, de la personne qui est conduite comme prisonnier ». Il pense qu’il n’y a pas de possibilité de réconciliation nationale tant que les faits ne sont pas reconnus. « Il faut dire la vérité sur les crimes car cela est de nature à nous empêcher de nous laisser aller aux pulsions de la vengeance. » Laënnec Hurbon, convaincu que la lutte contre l’impunité a un effet émancipateur, a plaidé pour une véritable ritualisation de la mémoire. « La mémoire abstraite n’existe pas. Il faut des cadres matériels, des repères matériels qui permettent de réintégrer les victimes dans le monde des vivants ».
Le duvaliérisme reste encore un mystère dans son amour pour le crime, pour la violence. Pierre Buteau, lui, dans sa tentative d’explication, a parodié Juan Bosch, ancien président dominicain et accessoirement intellectuel raffiné : « Psychologiquement, Duvalier est un type d’homme qu’on rencontre dans les sociétés primitives. Plus il acquiert la puissance, plus il affiche de morgue sous l’effet de celle-ci, il se transforme physiquement, jour après jour, et tend à devenir parfaitement insensible. En fin de compte, il n’est plus qu’une poupée gonflable jusqu’au moment où elle perd l’équilibre et explose. Chez de tels êtres, le pouvoir qu’ils détiennent n’a pas seulement des répercussions sur leur physique, leur âme se transforme également dans le sens d’une déshumanisation progressive pour ne plus être enfin que le siège des passions effrénées. De tels hommes sont dangereux […]. À les en croire, ils ne sont plus des êtres ordinaires, mortels et faillibles mais l’incarnation en ce monde des forces obscures qui bouleversent l’univers […]. »
François Benoît, ancien instructeur à l’académie militaire, officier et premier lieutenant, qui a quitté l’armée bien avant que les choses dégénèrent, parle d’un régime dont le moteur était le crime. « Les évènements du 26 avril n’ont pas commencé le 26. Car dès le 24 avril, tous ceux qui avaient été révoqués ce jour-là de l’armée ont été recherchés. Ceux qui ont été trouvés ont été immédiatement amenés au Fort-Dimanche et fusillés. » Dans son récit-témoignage, Benoît ne s’est pas masqué pour dire, ou tout au moins confirmer, que la répression avait commencé avant le 26 avril. Ayant vécu aux premières loges la métamorphose des militaires en des escadrons de la mort, il a admis que c’est à partir de ce moment que les macoutes ont reçu un blanc-seing pour assassiner à visage découvert tous ceux qui sont soupçonnés de s’opposer au régime.
Dans le bric-à-brac du débat, des interventions pour la plupart pleines d’émotions – comme souvent chaque fois qu’on évoque les Duvalier –, des voix se sont élevées pour rappeler la possibilité qu’il y a encore de poursuivre le régime. Comme un veilleur du temple, François Benoît, lui, n’y est pas allé par quatre chemins. « L’eau qui a permis la survie des Duvalier est encore là. On ne se reconnaît pas en tant qu’Haïtien, quelle est notre responsabilité vis-à-vis des autres ? Il faut refaire l’âme haïtienne, ce par l’instruction civique », soutient-il sous une salve d’applaudissements. Dans cette plongée toute ouverte dans les plaies commises par le duvaliérisme que les écoliers haïtiens n’étudient pas encore, personne ne perd de vue que les bourreaux circulent encore.
AUTEUR
Juno Jean Baptiste
jjeanbaptiste@lenouvelliste.com
Port-au-Prince, le 9 mars 2016
Revue de presse du Groupe C3
Politique/ Elections
La plate-forme « rel patriyotik dénonce un plan des parlementaires membres des partis de l’ancien régime visant à paralyser l’action du président provisoire
Le porte -parole de la plate-forme « Rel patriyotik » (cri patriotique), Dextra Fritz Gerald a accusé vendredi des parlementaires du PHTK et alliés de constituer l’élément de blocage du processus de ratification de la politique générale du premier ministre désigné Fritz Alphonse Jean. Dextra Fritz Gerald a indiqué que le refus affirmé de députés et sénateurs du parti de l’ancien régime PHTK de voter en faveur M.Fritz Jean s ‘inscrit dans le cadre d’ un plan qui viserait à faire passer le temps, dans l’espoir de le voir arriver au terme de son mandat de 120 jours, sans former un gouvernement et sans avoir pu organiser des élections. Source : ahphaiti.org
Le pays sera bientôt doté d’un nouveau gouvernement
Le gouvernement provisoire sera incessamment constitué. L’annonce a été faite par le Président de la République. Jocelerme Privert tout en affirmant que les négociations avancent bien avec les secteurs concernés. Entretemps, le conseil électoral provisoire compte enfin 9 membres. Les noms seront soumis à l’appréciation du grand public indique le chef de l’état lors d’une conférence, ce vendredi. Par ailleurs, Jocelerme Privert a réaffirmé son optimisme quant à la possibilité que Fritz Jean d’obtienne un vote favorable à la déclaration de sa politique générale. Source : metropolehaiti.com
Le Sénat ne tient toujours pas séance pour élire son président
Faute de quorum, la séance plénière, qui devait se tenir au Grand Corps pour élire un nouveau président à la tête du Sénat de la République n’a pas pu avoir lieu. Elle est reportée au mardi 8 mars. L’appel nominal a constaté seulement la présence des 13 sénateurs du groupe majoritaire. Que le successeur de Jocelerme Privert au Grand Corps ne soit pas issu du groupe majoritaire qui a raflé la Présidence et la Primature, telle est l’exigence du groupe minoritaire pour permettre la tenue de séance. Source : signalfmhaiti.com
Jovenel Moise ne participerait pas au second tour de la présidentielle
C’est la panique dans le camp du PHTK depuis la rencontre de cette formation politique avec le Président Provisoire Jocelerme Privert le 19 février dernier. Selon Jovenel Moise qui faisait le compte-rendu de cette réunion jeudi à l’émission Haïti Débat sur Scoop FM, le président Privert aurait déclaré aux représentants du Parti Haïtien Tèt Kale qu’il n’était pas au courant que Jovenel Moise était qualifié pour le second de la présidentielle. Selon le président provisoire, Jovenel Moise serait classé en 5eme position suivant les résultats dont il dispose, résultats contraires à ceux publiés par le CEP de Pierre Louis Opont. Source : scoopfmhaiti.com
Haïti-Politique : Les pièces originales de Fritz Jean attendues à la chambre basse
Le premier ministre nommé Fritz-Alphonse Jean a promis d’acheminer ses pièces originales à la chambre basse, en vue de la poursuite de l’étude de son dossier, fait savoir le premier secrétaire à la chambre des députés, Abel Descollines, joint au téléphone par AlterPresse. Une séance plénière devrait avoir lieu le jeudi 3 mars 2016 à la chambre des députés en vue de constituer une commission chargée de déterminer la recevabilité ou l’irrecevabilité des pièces du premier ministre nommé. Source : alterpresse.org
Des organismes féminins rejettent l’auto désignation de Marie Frantz Joachim au CEP
Plusieurs organismes féminins (OFAVMA, COFEDNO, REFKAD, Association nationale des femmes victimes coopératives, etc.) se sont réunis, vendredi 4 mars, pour alerter l’opinion nationale et internationale sur le choix anti-démocratique de la coordonnatrice de solidarité Fanm Ayisyen (SOFA), Marie Frantz Joachim comme représentante du secteur féminin au sein du conseil électoral provisoire (CEP). Source : hpnhaiti.com Société
Haïti-Cartographie : La Carte géographique d’Haïti doit être bientôt modifiée A cause de la précision des nouvelles données géo-spatiales que l’étude sur la cartographie a permis à l’État haïtien de disposer, le contenu de la Carte géographique d’Haïti doit être et sera modifié, a indiqué Boby Emmanuel Piard, directeur du Centre National de l’Information Géo-Spatiale (CNIGS). Cette information a été communiquée lors d’un atelier de travail tenu à l’initiative du ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT), dans le cadre du Projet de reconstruction et de gestion des risques et des désastres (PRGRD), autour du thème : « Compréhension des risques naturels à travers les Nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Source : hpnhaiti.com
Haïti- Politique : Le président provisoire, Jocelerme Privert annonce des dispositions pour renforcer la sécurité
Un ensemble de dispositions a été adopté en vue de lutter contre la remontée du banditisme et garantir la sécurité dans le pays, indique le président provisoire Jocelerme Privert lors d’une conférence de presse, au palais national, ce 4 mars 2016. Ces actions viseraient à contribuer à créer des conditions maximales de sécurité en mettant hors d’état de nuire les bandits. En ce sens, il appelle la population à collaborer avec la police pour faciliter leur capture. Source : alterpresse.org
Port-au-Prince croule sous le poids des immondices
Depuis tantôt deux semaines, la région métropolitaine de Port-au-Prince est devenue un véritable dépotoir avec des tonnes d’immondices remarquées à chaque coin de rue. Au niveau du Boulevard Jean Jacques Dessalines communément appelé Grand Rue, la circulation automobile est devenue plus difficile en raison de la présence de montagnes d’immondices jonchant la chaussée. La commune Pétion-Ville considérée comme une zone huppée avec ses grands magasins n’est pas exempte. Non loin du marché, les immondices règnent en maître. Source : infohaiti.net Culture
Éric Charles a rassemblé le monde culturel derrière lui
La plate-forme « Mardi alternative » et Radio Galaxie se font complices pour rendre un hommage mérité au chanteur Éric Charles, décédé le 25 février dernier des suites d’un ACV. Une soirée émouvante, empreinte de solidarité en dépit d’une météo peu clémente, a été organisée à sa mémoire. Source : radiotelevisioncaraibes.com
Sport
Haïti-Foot-U17 : Les Haïtiennes en tête de classement
Après avoir battu en amical (1-0) la Costa-Rica, la sélection haïtienne très convaincante a dominé (13-0) le pays hôte la Grenade, mercredi soir à Cricket National Stadium lors de la 1ère journée du groupe A dans le cadre de la dernière phase des éliminatoires de la coupe du monde Jordanie 2016. Source : radiotelevisoncaraibes.com
L’ONU appelle Haïti à agir contre la surpopulation carcérale et les détentions provisoires prolongées
Malgré les avancées importantes d’Haïti en matière de protection des droits de l’Homme, un nouveau rapport de l’ONU, publié vendredi, met en lumière les manquements du système judiciaire du pays, l’usage illégal de la force par des agents de l’État, ainsi que la situation humanitaire préoccupante des milliers de personnes d’origine haïtienne déportées en Haïti par la République dominicaine. Publié par le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme (HCDH), ce rapport annuel analyse la situation des droits de l’Homme en Haïti entre juillet 2014 et juin 2015. Il met en évidence des avancées en matière de droits de l’Homme, s’agissant notamment de la protection des enfants contre le trafic, la prostitution et la pornographie. Source : french.xinhuanet.com
Le sénateur Edwin Zenny, membre du bloc minoritaire : « Le président Privert est en train de commettre la même erreur que son prédécesseur Michel Martelly qui avait échoué dans ses tentatives d’imposer le juriste Bernard Gousse comme chef de gouvernement. » Source : ahphaiti.org
Le Président de la République, Jocelerme Privert : « Les discussions vont bon train avec les parlementaires et il y a de l’espoir. » Source : metropolehaiti.com
Le chef de file du groupe minoritaire au Sénat de la République, Yourie Latortue : « Le Président Privert n’a d’autre choix que de nommer un autre Premier Ministre. Un gouvernement qui n’est pas issu d’un consensus mènera inévitablement le pays vers le chaos et le trouble avec des élections qui seront à coup sûr orientées”. Source : infohaiti.net
Le linguiste Lemète Zéphyr : « La mise en place d’une commission de vérification électorale s’avère « fondamentale » dans la conjoncture actuelle. C’est la première chose à faire après l’installation du gouvernement » Source : alterpresse.org
Amnesty International, Human Rights Watch, la FIDH et Avocats sans frontières Canada (ASFC) : « La crise politique que traverse actuellement Haïti ne doit pas servir de prétexte pour priver de justice les victimes de violations des droits humains commises sous le régime de Jean-Claude Duvalier. » Source : rfmhaiti.com
Démocratie, gouvernance et réforme universitaire : l’expérience haïtienne
Par Fritz Deshommes*
dimanche 28 février 2016
Source : alterpresse.org
La communauté universitaire constitue l’un des secteurs les plus concernés par les transitions démocratiques. Souvent l’Université se situe à la pointe des revendications et des actions pour le changement de régime politique et demeure parmi les plus proactifs dans la période post-ancien régime. L’Université haïtienne n’y échappe pas. [1] Le présent texte part de la chute de la dictature des Duvalier et relate l’expérience de l’Université d’État d’Haïti, le plus important établissement d’enseignement supérieur d’Haïti. Il met surtout l’accent sur les écueils à éviter dans la mise en place de la démocratie universitaire et rend compte des tentatives de correction de certaines dérives constatées 30 ans après.
1- A la chute de la dictature des Duvalier en février 1986, les revendications fusent de toutes parts. Le leitmotiv à l’époque : « Changer l’État ». Sortir de l’État prédateur, patrimonial, autoritaire, centralisateur et instaurer une gouvernance démocratique, participative, décentralisée et efficace. Changer l’État, le transformer et le mettre véritablement au service de la nation.
2- Pour l’Université d’État d’Haïti, la nouvelle situation se traduit par des changements majeurs dans la composition et le fonctionnement de ses organes dirigeants et les relations avec les Pouvoirs Publics. L’élection des dirigeants à tous les niveaux, la participation des composantes fondamentales de la communauté a la gestion de l’institution (étudiants, professeurs, notamment), l’introduction de nouveaux rapports avec l’État, la dynamisation de l’Administration Centrale de l’UEH, la redéfinition de la mission de l’institution constituent autant de jalons marques sur le chemin d’une université en quête d’un fonctionnement plus efficace et plus en rapport avec sa nature.
3- Trente ans après, le bilan de ce nouveau régime fait apparaitre des points forts et des points faibles.
D’un côté, l’université devient plus capable de jouer son rôle naturel dans la société dans la formation de cadres et de dirigeants dans la production de savoirs, le développement d’une pensée critique, l’animation de la vie intellectuelle et scientifique. La nouvelle Constitution affirme son autonomie et confirme son statut d’institution indépendante. Désormais ses professeurs, dirigeants et cadres ne sont plus nommés par le Président de la République. Les Dispositions Transitoires relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’Administration Centrale de l’UEH lui reconnaissent notamment la liberté d’expression, la liberté académique, la liberté de gestion, la liberté financière et l’inviolabilité de son espace.
D’un autre côté, le mode de mise en œuvre de ces acquis démocratiques dans un contexte d’approfondissement de la crise nationale au triple niveau politique, économique et social met en lumière les lacunes suivantes :
Mauvaise qualité des relations avec les pouvoirs publics ;
Le système est fermé sur lui-même, sans beaucoup d’interactions avec les secteurs vitaux de la société et de l’État ;
Le mode de désignation des dirigeants ne garantit que les meilleurs seront choisis ;
Le système fait montre d’un déficit flagrant d’organes de gouvernance et de régulation ;
L’organe suprême de l’institution, le Conseil de l’Université comporte de graves lacunes nuisibles à son fonctionnement harmonieux et à son développement. Citons notamment : sa composition, entre les incompatibilités des fonctions de ses membres et son caractère ferme, tourne sur lui-même ; sa nature et ses attributions réelles qui font qu’elle joue à la fois le rôle de Conseil d’Administration, de Conseil Académique, de Conseil d’Arbitrage, de Conseil Consultatif, etc. ; L’excès de démocratisme qui : a) conduit à élire au sein d’un Conseil Exécutif ou du Conseil Décanal des dirigeants sur des programmes séparés de telle sorte que l’entente devient très difficile au moment de la mise en œuvre ; b) dote les étudiants d’un poids excessif que le clientélisme des uns, la précarité des autres transformeront en une force de pression susceptible d’être préjudiciable au bon fonctionnement du système.
4- Pour pallier ces difficultés, la Commission de Réforme créée par les Dispositions Transitoires susmentionnées a fait les propositions suivantes :
Augmentation du nombre d’organes de gouvernance et de régulation à l’UEH et clarification de leur mission ;
Création d’un Conseil d’Administration, d’un Conseil Académique et Scientifique, d’un bureau du Protecteur Universitaire, d’un bureau d’Audit Interne ;
Révision de la composition de l’organe suprême dans la perspective de l’élimination des incompatibilités de fonctions occupées par la même personne ;
Option claire pour l’établissement de nouvelles relations avec les Pouvoirs Publics qui sont désormais représentes au Conseil d’Administration au triple niveau du Pouvoir Exécutif, du Pouvoir Législatif et des Collectivités Territoriales ;
Ouverture vers la Société Civile qui dispose de représentants au Conseil d’administration a travers ses Associations Professionnelles et Civiques ;
Introduction de nouvelles modalités de désignation des dirigeants dans la perspective de favoriser l’émergence des candidats les plus capables, dans un cadre de gouvernance rationnelle et de sauvegarde des acquis démocratiques. Dans cette perspective, l’élection est précédée d’un processus de screening. De même, il reviendra au Recteur, au Chancelier et au Doyen de désigner leurs collaborateurs les plus directs (comme vice-recteurs, vice-chanceliers et vice-doyens), histoire de promouvoir l’unité de commandement, de vue et d’action au sein des Conseils a attributions exécutives ;
Intégration pleine et entière des entités de province au système de l’UEH. Désormais elles ont le même statut, le même mode de fonctionnement et de gouvernance que les autres entités de la capitale. Ils sont également représentés au Conseil d ’Administration. En outre, ils sont dotés d’un Conseil Consultatif local regroupant la société civile et les pouvoirs locaux.
Désormais, l’UEH est constituée d’un réseau de campus, décentralisés, dotés d’une large autonomie, lesquels mutualisent leurs ressources et leurs capacités. Ce réseau fonctionnerait sous le contrôle d’un Conseil d’Administration compose de représentants de tous les campus, à côté de ceux de l’État, des Collectivités Territoriales et de la société civile. Bien entendu, la proposition de la Commission de Réforme peut être améliorée en prévoyant une représentation appropriée du personnel administratif ainsi qu’une majorité de sièges en faveur des membres en provenance des structures internes de l’Université, dont les professeurs, les étudiants, les membres de direction et le personnel administratif. On peut même prévoir que les membres externes doivent nécessairement être des anciens de l’UEH.
5-Comme on peut s’en rendre compte, la Commission de Réforme s’est gardée de trop se prononcer sur les aspects académiques. Ils sont plus compliqués, demandent plus d’enquêtes, plus d’études, plus de temps. En outre, ils requièrent de sérieuses négociations avec les entités composant l’UEH.
Par exemple, doit-on encore consacrer la proximité thématique Droit et Sciences Économiques, dont se prévaut la Faculté du même nom ? Ne serait-il pas plus approprié de placer le Département d’Économie à côté de ceux de Comptabilité et de Gestion des Affaires logés à l’INAGHEI ? Existe-t-il des raisons majeures pour que deux Facultés différentes développent des programmes de licence en Psychologie et en Sociologie, comme c’est le cas à la FASCH et à la FE ou de sciences politiques comme c’est le cas à l’IERAH et à l’INAGHEI ? Le Décret de 1985 créant une vaste Faculté des Sciences humaines et sociales regroupant la FASCH, la FLA, la FE est-il encore d’actualité ?
Comment apprécier les propositions selon lesquelles l’ENS devrait se transformer en une vraie Faculté des Sciences de l’Éducation capable de conduire de sérieuses réflexions sur le système éducatif national et de former les enseignants à tous les niveaux, de la maternelle à l’Université, en passant par le fondamental et le secondaire ? Quand on se rappelle l’état lamentable de notre système éducatif, ses lacunes criantes en termes de disponibilités de maitres, de professeurs et de gestionnaires qualifiés, de matériel didactique et pédagogique, il est opportun de se demander si l’UEH ne serait pas plus utile à la nation si elle pouvait disposer d’une faculté appelée à devenir la référence nationale sur toutes ces questions.
L’UEH ne devrait-elle pas s’évertuer à renforcer et à valoriser les immenses capacités nationales en matière artistique et culturelle. La musique, la peinture, l’artisanat, les arts, les chants et danses demeurent des domaines trop négligés et pour lesquels notre pays dispose d’un avantage comparatif certain. On pourrait dire autant de l’Histoire, des savoirs locaux en matière de médecine traditionnelle, d’agriculture, de construction, de gestion de l’environnement, de météorologie, etc. ?
Ne devrions-nous pas créer une véritable faculté des sciences. Et par la même occasion établir la différence entre une faculté des sciences et une faculté de génie ?
Avons-nous un nombre trop élevé de facultés ? Des regroupements seraient-ils nécessaires ?
Bien entendu la plupart des propositions de la Commission de Réforme risquent de faire l’objet de fortes résistances au sein de la Communauté universitaire. Aujourd’hui en 2014, comment faire prendre conscience des lacunes, des déficits, des erreurs, des contradictions ? Comment convaincre de la nécessité d’apporter des corrections appropriées ? Comment amener à comprendre que ce qui peut paraitre comme une perte de pouvoir pour certains secteurs constituent plutôt une occasion de renforcement de l’institution et par ainsi de ces mêmes secteurs ? Comment amener le Conseil de l’Université à faire siennes ces réformes ? Dans cette conjoncture de crise multiforme, comment alerter la communauté universitaire sans dévoyer la démocratie ? Comment prendre à témoin la société civile et l’État sans mettre en danger l’autonomie universitaire ? Comment porter le reste de la société à prendre ses responsabilités vis-à-vis de sa plus grande université, financée essentiellement par les taxes et impôts des citoyens ?
* Vice-recteur à la recherche de l’Université d’État d’Haïti
Le choix du président provisoire, le sénateur Jocelerme Privert, résoudra-t-il une partie des problèmes du pays et de son personnel politique, ou sera-t-il finalement le moyen suffisant, faute de mieux, pour s’organiser vers la véritable démocratie réclamée par la plus grande partie du peuple ? Voici déjà la revue de presse et le billet d’humeur qui ont précédé la décision des parlementaires.
Port-au-Prince, le 13 février 2016
Politique/ Elections
Wesner Polycarpe justifie le processus pour l’élection d’un président
Les personnalités politiques intéressées par la présidence provisoire attendent le dernier jour pour soumettre leurs dossiers. Seuls trois dirigeants de partis politiques, inconnus du grand public, ont rempli les formalités de la commission bicamérale spéciale. Le président de la commission, Wesner Polycarpe, a justifié la poursuite du processus en estimant qu’il bénéficie de l’appui d’un secteur de l’Opposition. Il se dit prêt à expliquer aux manifestants l’importance du processus d’élection d’un président provisoire. Il n’est jamais trop tard pour fournir des précisions sur le bien-fondé de la démarche du Parlement, dit-il. Source : metropolehaiti.com
Faible affluence à l’inscription des candidats à la Présidence provisoire
De plus en plus de voix s’élèvent au Parlement et ailleurs contre l’éventualité que l’Assemblée Nationale soit juge et partie en tentant d’élire un parlementaire à la présidence provisoire. Des organisations politiques et le G-8 manifestent à partir de ce vendredi 12 février 2016 contre l’accord du 5 février et contre l’élection d’un parlementaire à la présidence provisoire. Source : radiokiskeya.com
Les responsables du secteur populaire et du MONOP apportent leur soutien à Jocelerme Privert comme président provisoire
Selon Roody Pierre Paul et André Fadot, M. Privert est à même de répondre aux desiderata de la population. Ils annoncent trois journées de manifestation, demain, samedi et dimanche pour forcer les présidents des deux branches du Parlement d’assumer leurs responsabilités en dotant le pays d’un président provisoire dans le meilleur délai. Source : radiotelevision2000.com
Les syndicalistes accordent un délai de 24 heures aux parlementaires
En conférence de presse, jeudi 11 février, à l’hôtel Le Plaza, des syndicalistes, fixant leur position sur la crise que connaît le pays, expriment leur désaccord au procédé des parlementaires en vue d’élire un président provisoire dans le pays. Ils disent ne pas comprendre l’attitude du Parlement haïtien dans cette aventure inconstitutionnelle d’inscription de candidats à la présidence pour la transition, a constaté Haiti Press Network. Montès Joseph, Méhu Changeux et Hary Antony, responsables du Regroupement du secteur syndical haïtien, concentrant le Front national des syndicats haïtiens (FNSH), le Secteur transporteur terrestre haïtien (STTH) et la Coalition nationale des transporteurs haïtiens (CNSTH) demandent aux parlementaires de revenir sur terre et prendre le chemin d’un consensus politique large. Source : radiotelevisioncaraibes.com
3 personnes se sont déjà fait inscrire au poste de président provisoire de la République
Parmi elles figurent, Mackenson Cangé et Jean Fritz Duvernat, a indiqué le président de la commission bicamérale spéciale, le sénateur Wetsner Polycarpe précisant que les postulants n’ont pas encore versé la quittance de 500.000 gourdes à la DGI. Source : radiotelevision2000.com
Le Forum Économique satisfait de l’accord signé entre Martelly et le Parlement
Si certains secteurs dénoncent cet accord trouvé le 6 février dernier entre Michel Martelly et les parlementaires, le Forum Économique du secteur privé, à travers une note, se montre heureux de constater la signature de cet accord de sortie de crise. « Le Forum est aussi heureux de constater une nette amélioration du climat sociopolitique enregistré depuis la signature de cet accord et la tenue de l’Assemblée nationale. Ceci augure indubitablement des lendemains meilleurs pour notre chère Haïti », lit-on dans la note. Source : signalfmhaiti.com
Arnel Bélizaire veut prendre d’assaut le Palais national avec cent-vingt hommes
L’ancien député, Arnel Bélizaire, lors d’une conférence de presse tenue mercredi 10 février, attend 120 hommes de courage et de bonne volonté pour s’accaparer du Palais national. L’ancien parlementaire n’a pas ménagé ses mots pour fustiger les sénateurs et les députés de la 50e législature qui, dit-il, prennent des décisions contre un lendemain meilleur de la population. Dans la même veine, Arnel Beliaire lance deux (2) journées de mobilisation populaire les 11 et 12 février 2016, pour dénoncer, dit-il, un coup d’État parlementaire. Source : scoopfmhaiti.com
Société
Des anciens boursiers haïtiens du Japon s’engagent à servir la communauté
Dans le cadre du transfert de connaissances entre les bousiers du Japon en Haïti en vue de promouvoir l’éducation sanitaire dans les écoles, ainsi que le management et le leadership en soins infirmiers, l’Association des ex-boursiers haïtiens du Japon (ABHJA) a organisé le week-end écoulé un atelier de formation sur la question sanitaire en Haïti. L’objectif est de contribuer à faire du droit de la santé une réalité en Haïti, et aussi créer une dynamique convergente entre les producteurs de la connaissance scientifique, les utilisateurs et les bénéficiaires. Source : lenouvelliste.com
Haïti-RD : Premier anniversaire de l’assassinat par pendaison de l’Haïtien Jean Claude Jean Harry à Santiago
Cela fait un an que Jean-Claude Jean Harry, un cireur de chaussures haïtien, a été retrouvé pendu, le 11 février 2015, sur une place publique à Santiago en République Dominicaine. Plusieurs organisations nationales et internationales ont été révoltées par cet assassinat résultant, selon elles, du racisme et de la vague de rapatriements massifs effectués par les autorités dominicaines contre les ressortissants haïtiens en territoire voisin. Ce crime, qui n’a toujours pas été éclairci par la justice dominicaine, a eu lieu dans un contexte où un processus de régularisation de migrants haïtiens en territoire voisin était en cours. Source : alterpresse.org
Coopération internationale
Le chef de la Délégation de l’Union Européenne en Haïti, Vincent Degert, a effectué une visite de courtoisie ce jeudi à la Chambre des députés
Il s’est entretenu avec son président Cholzer Chancy autour de la crise. Les deux hommes ont également abordé le dossier relatif à l’aide de l’UE en Haiti. M. Chancy affirme, par ailleurs, que certains députés et sénateurs ne seraient pas favorables à la candidature de parlementaires au poste de président provisoire. Source : radiotelevision2000.com
Education
UEH-Protestations : Des étudiants en guerre contre le Rectorat de l’université d’État
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Des étudiants se réclamant de l’université d’État d’Haïti (UEH) ont pris pour cible l’immeuble du Rectorat de l’université d’État en semant la panique lors d’un mouvement de protestation le jeudi 11 février 2016, pour exiger, entre autres revendications, la démission du conseil d’administration dirigeant l’université d’État, a constaté Haïti Press Network. Jets de pierre, tessons de bouteille, tableaux d’affichages déchirés, pare-brise de deux véhicules cassés dans la cour intérieure, pneus enflammés au niveau des rues du Canapé vert et Rivière, le bâtiment du rectorat de l’UEH qui offre l’image d’une institution abandonnée est pourtant occupé de force, depuis 8 jours, par un groupe d’étudiants de l’Université d’État d’Haïti. Source : hpnhaiti.com
Le MENFP dénonce l’agression contre ses employés
Le ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) condamne l’attaque à coups de pierre contre le siège central du ministère perpétrée le vendredi 5 février 2016 par des individus s’identifiant comme des directeurs d’écoles privées faisant partie du PSUGO. Selon un communiqué du ministère, cette agression gratuite a failli coûter la vie à une employée du MENFP qui a reçu des jets de pierre presqu’en plein visage. Elle a dû être transportée d’urgence à l’hôpital en vue de recevoir les premiers soins. De plus, les vitres de plusieurs véhicules ont été brisées, sans compter le traumatisme causé chez les employés par de tels actes. En tout état de cause, le MENFP estime inacceptable ce genre d’agressions physiques par certains individus se réclamant du monde de l’éducation. Source ; metropolehaiti.com
Santé
Rebondissement du choléra
6 personnes sont mortes de choléra, jeudi, à Molar, 5eme section communale de Borgne, selon le vice-délégué de l’arrondissement de Borgne/Port Margot Francisque Fortuné. Ce net rebondissement du choléra est intervenu suite aux pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région Nord. Source : radiotelevision2000.com
Epidémie de Zika : déjà 329 cas en Haïti
La direction d’épidémiologie de laboratoire et de recherche (DELR) du ministère de la Santé publique a annoncé que le nombre de victimes de l’épidémie de Zika a considérablement augmenté en Haïti. Du 24 au 30 janvier 2016, 204 malades ont été recensés, dont 42% d’hommes et 52% de femmes. Dans le département de l’Ouest 56 cas, dont 31 à Pétion-ville, ont été détectés soit 27,45%, 53 dans l’Artibonite soit 25,98% dont 42 seulement à Verrettes et 32 infectés dans le centre soit 15,69%, tous se trouvant dans la ville de Mirebalais. La DELR a souligné que depuis la confirmation de l’épidémie Zika en Haïti, 329 personnes dans tout le pays ont contracté le Virus. Source : signalfmhaiti.com
Culture
Haïti-Carnaval : 175 personnes blessées, aucun décès, selon la Police
175 personnes ont été victimes de blessures plus ou moins légères durant les festivités carnavalesques qui se sont tenues les lundi 8 et mardi 9 février 2016, selon un bilan communiqué par la police sur sa page Facebook consultée par l’agence en ligne AlterPresse. Aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée. Durant les deux jours, la Pnh a dénombré respectivement 47 et 128 victimes par balle, à l’arme blanche et au bâton. Source : alterpresse.org
La crisis de Haití incide en la migración hacia República Dominicana
De agudizarse la crisis política y aumentar la violencia en Haití tras la salida de la presidencia de Michel Martelly, decenas de nacionales de ese Estado podrían cruzar la frontera en busca de refugio en la República Dominicana. El sociólogo Wilfredo Lozana explicó que si el conflicto se prolonga mucho, algún efecto tendrá en la dinámica comercial inter y trans fronteriza, y podría estimular el aumento del flujo migratorio de grupos poblacionales vulnerables y temerosos de la violencia hacia la RD. Dijo que las autoridades dominicanas deben, como lo están haciendo, fortalecer su vigilancia de la región fronteriza, pero “sin agitación ni alharaca”. Source : diariolibre.com
René Depestre : « La situation en Haïti est carnavalesque »
Le poète, essayiste et romancier d’origine haïtienne René Depestre nous a reçus à l’occasion de son grand retour en librairie. L’auteur de Hadriana dans tous mes rêves (Gallimard, Folio), prix Renaudot 1988, publie un nouveau roman, Popa Singer (éd. Zulma), en hommage à sa mère. Un événement dans « son vieil âge d’homme », comme il qualifie joliment ses presque 90 ans. Depuis son exil qu’il n’a jamais vécu comme tel, tant son pays vibre dans son œuvre, il évoque la situation politique en Haïti, marquée aujourd’hui par une « crise de la société civile ». En cette période de carnaval, c’est ce mot même qui qualifie le mieux la vie politique haïtienne. « Je me considère comme un vaincu total en ce qui concerne Haïti. » Source : lepoint.fr
Haiti Transitional President to Be Elected Feb. 14
The Haitian National Assembly will elect a transitional president on Sunday, exactly one week after former President Michel Martelly officially stepped down from office, local legislative sources announced Wednesday. Political leaders who aspire to become presidents have until Thursday afternoon to register their candidates, the Spanish news agency EFE said. Source : telesurtv.net
Sénateur Wesner Polycarpe, président de la commission bicamérale spéciale : « Les consultations avec les divers acteurs politiques et les leaders de la société civile se poursuivent durant le processus électoral. Nous sommes à la recherche d’un consensus entre les acteurs politiques, les organisations populaires et les organisations de la société civile mais nous n’avons pas la prétention de trouver un consensus total. » Source : metropolehaiti.com
Le Sénateur Steven Benoit annonce avoir déserté le parlement pour ne pas avoir à voter dans les conditions actuelles. Il appelle ses pairs à : « ne pas se substituer à l’Exécutif et surtout à ne pas contraindre le pays à faire marche-arrière avec des élections au second degré. » Source : radiokiskeya.com
Assad Volcy, coordonnateur adjoint de la plateforme Pitit Desalin : « L’heure est à la recherche d’une large concertation. Toute solution qui ne reposerait pas sur de nouvelles négociations est vouée à l’échec : « Pitit Desalin » ne fera pas partie d’un gouvernement de transition. » Source : lenational.ht
L’ancien député, Arnel Bélizaire, lors d’une conférence de presse tenue mercredi 10 février : « Aujourd’hui, s’il existe des hommes de ma trempe, je prendrai d’assaut le Palais national. Le palais national ne peut pas rester vide aussi longtemps ». Source : scoopfmhaiti.com
Les leaders, loin derrière le peuple
Par Robert Benodin
11 février 2016
On est en train d’assister au combat intense d’un peuple appauvri et exploité qui exige avec fracas le respect de sa dignité, de sa souveraineté et de son droit à l’autodétermination. Il est en train de se battre contre les forces rétrogrades des puissances hégémoniques, ces instances et ces proxys qui gouvernent son pays. Dans un premier temps, il vient paradoxalement d’infliger à ces forces rétrogrades une humiliation qui n’est pas des moindres. Malgré le fait que les puissances hégémoniques ont protégé du bec et des ongles le quinquennat de leur proxy, catapulté au pouvoir par leurs entremises. Ce peuple a pu empêcher que les résultats des deux élections irréfutablement frauduleux puissent catapulter une fois de trop au pouvoir un autre proxy. Ce peuple a refusé à Michel Martelly le proxy de ces puissances hégémoniques, l’honneur d’introniser son successeur. Une humiliation inédite dans l’histoire électorale récente d’Haïti.
Confronté maintenant à une situation d’exception, ce peuple doit, dans un second temps, se battre avec autant d’ardeur que possible pour empêcher que ces forces rétrogrades et répressives ne reprennent les rênes du pouvoir et le contrôle de la situation d’exception. De fait, il y va de son émancipation de ce continuum qui l’a mis et le retient jusqu’à présent dans cet état de pauvreté et de misère dans lequel il gît. Puisqu’on a déjà, de manière rocambolesque, validé les pouvoirs de ces parlementaires mal-élus en Assemblée Nationale. Ces mal-élus se sont déjà engagés dans un accord avec Michel Martelly pour établir le type de gouvernement de transition, son mandat, sa mission et usurper le rôle de grand-électeur ayant l’exclusivité du droit d’élire son prochain président. Élire un président provisoire (sic).
Toute reprise du second tour des présidentielles, même après une réévaluation des résultats des élections du 25 octobre, qui ne sera qu’un tri, expose aux risques d’entérinement partiel ou total des forfaits commis intentionnellement au cours de ces deux élections du 9 août et du 25 octobre 2015 et de leurs conséquences. L’annulation de ces élections est le seul moyen certain qui soit capable de réduire au minimum presque toutes les chances de noyautage par l’Internationale et par cette caste qui peut enrayer toute tentative de récupération de souveraineté et du droit à l’autodétermination.
Alors que la contestation électorale exige clairement l’annulation des élections du 9 août et du 25 octobre 2015, la totalité de la chambre des députés et les deux tiers du Sénat issus précisément de ces élections contestées, considérés comme des mal-élus, ont assumé au nom de la nation de cosigner un accord avec le président sortant, Michel Martelly, le 5 février 2016, qui leur permet d’usurper l’exclusivité du droit de choisir le chef d’État du gouvernement de transition, dont le mandat sera de 120 jours, avec l’unique mission d’organiser le second tour des présidentielles avec le même système électoral vicié.
Peut-on douter du fait que cette solution venant de ces mal-élus, supportée naturellement par l’Internationale, ne fera que maintenir le pays dans la pérennisation de ce continuum au profit de ce leadership sauvage qui a confisqué et exercé le pouvoir pendant ces derniers 59 ans. Alors qu’aujourd’hui la volonté politique majoritaire est de s’émanciper de la domination de cette caste et des contraintes de ce continuum. La contestation électorale massifiée et irréversible devra redoubler d’effort et s’intensifier pour persister sans relâche à combattre ces imposteurs qui veulent agir comme s’ils avaient la légitimité nécessaire pour prendre des décisions aussi importantes au nom de la nation haïtienne tout entière, en engageant son destin. Ils ne veulent et ne font que continuer à prendre avantage d’un peuple à bout de souffle et aux abois. Ce peuple qui aujourd’hui veut rompre avec ce continuum est en train de se chercher obstinément une nouvelle voie progressiste pour améliorer son sort et aspirer à un meilleur avenir. C’est ce pourquoi il a pris les rues pour exprimer à haute et intelligible voix sa frustration et son rejet des résultats de ces deux élections frauduleuses qui ont charrié au Parlement ces mal-élus, qui l’en empêchent !
Cette solution émanant de l’accord signé entre Martelly et les présidents des deux chambres du Parlement ne permettra pas au pays à sortir de l’impasse, en créant une nouvelle dynamique parallèle au mouvement qui a forcé la nécessité d’avoir recours à un gouvernement de transition. Cette nouvelle dynamique émanant de cet accord entre Martelly et le Parlement a par compte exclu d’un revers de la main tous ceux qui directement ont œuvré pour aboutir à cette situation d’exception. Cette solution va causer plus d’affrontement entre ces mal-élus et les forces d’opposition. Parce qu’elle ne tient pas compte, circonvient et ignore intentionnellement les revendications des masses. Alors que ceux qui veulent imposer cette solution sont de fait des imposteurs, des mal-élus, issus d’élections frauduleuses, dont la contestation électorale massifiée exige précisément leur annulation et qui sont les causes directes de la nécessité d’avoir besoin aujourd’hui d’un gouvernement de transition et d’un chef d’État provisoire. Cette solution est logiquement en conflit avec la conjoncture de contestation électorale, qui est absolument insoluble, en excluant les forces contestataires. Puisque la fraude électorale est le moyen préférentiel que l’Internationale et ses proxys ont toujours utilisé pour continuer à confisquer et exercer le pouvoir en maintenant le statu quo. La contestation électorale massifiée devenue irréversible, en provoquant l’interruption du processus électoral, a causé ce vide à la présidence que ces parlementaires issus de ces élections frauduleuses contestées essaient de combler en excluant intentionnellement la pertinence de ces acteurs politiques qui ont assumé la responsabilité de la gestion de ces actions politiques, aux fins d’aboutir à cette situation d’exception. Peut-on croire que ceux qui ont fait cet effort pour arriver à cette fin vont passivement se soumettre à la volonté de ceux contre qui ils sont en train de se battre, pour s’émanciper de ce continuum ?
On vient d’assister avec stupéfaction à un scandale inédit au lendemain des élections du 25 octobre 2015. Des candidats aux postes de parlementaire sont venus sur les ondes témoigner publiquement du fait d’avoir versé des sommes importantes à des conseillers du CEP pour s’assurer du fait qu’ils seront élus aux sièges parlementaires. Ces dénonciations n’ont pas été vagues et anonymes. Ces conseillers du CEP ont été dénoncés nommément par ces candidats. Il est évident que ces sièges parlementaires ont été mis aux enchères, aux plus offrants et derniers enchérisseurs par les conseillers du CEP. Les candidats malheureux venant, après la publication des résultats électoraux, réclamer de ces conseillers du CEP le remboursement de l’argent qu’ils leur ont versé vainement. Leurs compétiteurs ayant gagné à leur place à ces élections, parce qu’ils ont surenchéri avec des offres plus alléchantes. Ce sont ces aveux publics de candidats malheureux qui ont permis de voir au grand jour et de comprendre à quel point les conseillers de ce CEP sont corrompus et l’effet négatif que cette corruption doit avoir sur les résultats de ces deux élections. Ce scandale, à lui seul, ne suffit-il pas pour questionner la validité des résultats de ces deux élections ? Ce n’est pas à tort que la contestation électorale massifiée exige formellement l’annulation des deux élections frauduleuses.
Puisque les parlementaires issus de ces élections frauduleuses ont assumé le rôle de grand-électeur pour élire le prochain président provisoire. Ayant acheté leurs cocardes de député et de sénateur, ne vont-ils pas à leur tour mettre aux enchères le poste de président provisoire, pour lequel ils ont usurpé l’exclusivité du droit d’élire ? L’opposition progressiste ne peut pas laisser cet accord fallacieux entre Martelly et des parlementaires mafieux décider de l’avenir du pays. Après 59 ans de ce leadership sauvage qui a ravagé le pays pour en faire le plus pauvre de l’hémisphère et le classer parmi les quatre pays les plus corrompus du monde, avec naturellement l’aide et la complicité de l’Internationale et de ses instances, il est temps qu’on s’émancipe de ce continuum, pour récupérer notre souveraineté nationale et exercer notre droit à l’autodétermination. A la fin du mandat du chef d’État, le dernier en date de ces gouvernements proxys issus de la fraude électorale et de l’immixtion internationale, les masses haïtiennes ont collectivement interrompu le processus électoral par une contestation irréversible, pour ne plus permettre qu’il y ait à nouveau une passation de pouvoir de proxy à proxy dans ce pays.
Les masses haïtiennes par le biais de cet effort exceptionnel, sont sur le point de mettre fin à ces pratiques mafieuses qui permettent à ce leadership sauvage de confisquer continuellement le pouvoir depuis 59 ans. Vont-elles, étant sur le point de franchir ce seuil, permettre à ces parlementaires issus de ces deux élections frauduleuses, dont elles exigent l’annulation, de faire usage d’un accord fallacieux émanant d’une entente mafieuse avec Martelly, supportée par l’Internationale, de fouler aux pieds leurs revendications et de les jeter au rancart, pour maintenir le cap au sein du continuum ?
Le moment est venu de faire cette réflexion profonde sur la refondation de l’État, la reconstruction, la restructuration de toutes les institutions sans exception et particulièrement l’institutionnalisation du système électoral. Cette opportunité s’offre aujourd’hui à ceux qui auront le courage de mener le combat progressiste jusqu’au bout contre les forces rétrogrades qui poursuivent le maintien du statu quo. L’argumentum ad populum vient irréfutablement de faire ses preuves, en interrompant de manière irréversible le processus électoral vicié, pour empêcher que la passation traditionnelle du pouvoir puisse se faire d’un proxy à un autre. Ne permettez pas à ces mal-élus de reprendre le haut du pavé, en réimposant cette tradition d’élections frauduleuses et d’immixtion internationale catapultant au pouvoir les chefs d’État de son choix ! Que Martelly soit le dernier de cette caste de chefs d’État proxys !
L’actualité va vite en ce moment. Nous savons désormais que la solution choisie par le pays pour régler le problème tend vers la constitution d’un gouvernement de transition et qu’un nouveau scrutin présidentiel sera organisé. Tout ceci a été accepté par l’ensemble des acteurs concernés, dont l’ancien président Martelly qui devrait quitter le pouvoir au jour-dit (suspense ?). Nous incluons cependant le bulletin hebdomadaire du C3GROUP, pour information fort légitime.
Port-au-Prince, 5 février 2016
Dans la presse nationale
Politique/ Elections
Haïti-Crise : Martelly lève le doute sur son départ le 7 février
Le président Michel Martelly a confirmé ce 4 février qu’il quittera son poste à la fin de son mandat le 7 février prochain. « Je ne veux pas garder le pouvoir un jour supplémentaire », a déclaré Martelly dans un discours prononcé lors de l’inauguration du nouvel immeuble du ministère de l’Intérieur, détruit lors du terrible séisme de 2010. Martelly a affirmé qu’il partait « sans regret, sans envie, sans attache », à l’issue de 5 ans passés à la tête du pays, dont 4 sans organiser d’élections, tandis que des scrutins fortement controversés et inachevés se sont déroulés au cours de la dernière année (en août et novembre 2015). Source : alterpresse.org
Les membres de l’opposition à nouveau dans les rues, ce Jeudi
Les membres de l’opposition étaient à nouveau dans les rues, ce jeudi, pour continuer d’exiger le départ du président Michel Martelly et la mise en place d’un gouvernement de transition. La manifestation a pris fin devant le Parlement. Les protestataires en ont profité pour dénoncer la tenue de la séance en assemblée nationale. Source : radiotelevision2000.com
Nouvelle manifestation des partisans de Jovenel Moïse
Pour la deuxième journée consécutive, plusieurs milliers de partisans du PHTK ont manifesté cette fois-ci dans la commune de Carrefour afin d’exiger la tenue au plus vite du second tour de la présidentielle. Les protestataires annoncent qu’ils sont contre la mise en place dans le pays d’un gouvernement de transition au départ de Michel Martelly. La manifestation s’est déroulée sans incident majeur. Parallèlement, des milliers de partisans du PHTK ont gagné les rues du Cap-Haïtien mercredi, pour exiger la tenue rapide du second tour des élections et le maintien en place du président Martelly jusqu’à ce qu’un nouveau chef de l’État soit élu. Source : metropolehaiti.com
Haïti-Parlement : la 50e législature rentre en fonction, les députés sont aux anges
La séance en Assemblée nationale s’est tenue le jeudi 4 février, soit près d’un mois après la prestation de serment et la validation du pouvoir des députés. Désormais, les travaux parlementaires peuvent démarrer à la chambre basse. 22 sénateurs et 92 députés ont répondu à l’appel, donnant lieu définitivement à l’ouverture de la séance en Assemblée nationale. Dans son discours de circonstance, le président du Sénat Jocelerme Privert a rappelé, d’entrée de jeu, que 2016 marque la 30e année de la rupture du peuple haïtien avec la dictature des Duvalier et du virage vers la démocratie. Source : hpnhaiti.com
Société
Vicky Jeudy dévoile un sein sur le tapis rouge du SAG Awards au côté de Leonardo Di Caprio
L’actrice d’origine haïtienne Vicky Jeudy a remporté son deuxième SAG Award pour sa performance avec l’équipe de la série de Netflix « Orange is the New Black » le week-end écoulé lors de la 22e édition du Screen Actors Guild Awards à Los Angeles (Californie, Etats-Unis). Au cours de son entrée sur le tapis rouge, en posant avec l’acteur Léonardo Dicaprio, la star a laissé apparaître par accident son sein droit, un moment que les photographes n’ont pas raté pour immortaliser. Source : hpnhaiti.com
Santé
Zika : l’OMS recommande de restreindre les dons de sang
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Face au virus Zika, le monde s’organise. Et l’Organisation mondiale de la santé commence à prendre ses précautions. « Avec le risque de nouvelles infections du virus Zika dans de nombreux pays, et le lien possible entre (…) le virus et la microcéphalie et d’autres conséquences cliniques, restreindre les dons de sang de ceux revenant de régions où sévit l’épidémie de Zika, est jugé comme une mesure de précaution appropriée », a indiqué l’OMS ce jeudi. Le Canada et la Grande-Bretagne ont d’ailleurs déjà pris les devants. Source : lenational.ht
Culture
Le carnaval de 2016 aura bel et bien lieu
Le défilé traditionnel du carnaval aura lieu cette année aux Champs de mars, malgré le retard enregistré dans la construction des stands. Le responsable de communication du comité a indique qu’un budget de 45 millions de gourdes a été élaboré en prévision des festivités qui doivent se dérouler les 7, 8 et 9 février prochain. Carel Pèdre a aussi précisé qu’un nombre réduit de stands et de chars seront sur le parcours, en raison de la réticence de certains sponsors. Source : metropolehaiti.com
Haïti-Culture : L’utilisation du cinéma Triomphe à des fins politiques et non pour le cinéma, dénoncent des réalisateurs haïtiens
Le Ciné théâtre « Triomphe » serait utilisé à des fins politiques et non pour le cinéma, déplore la « Haitian American Association of Filmmakers », dans une note de presse, en date du 27 janvier 2016, transmise à l’agence en ligne AlterPresse. La Haitian American Association of Filmmakers explique qu’elle s’était portée partenaire, au Triomphe, dans la promotion et l’exploitation du cinéma haïtien, parce qu’elle croyait que ce complexe – inauguré par le président Joseph Michel Martelly – était au service de la culture haïtienne et non à des fins politiques. « Si la grande joie des cinéphiles haïtiens de la capitale de retrouver le cinéma haïtien en salle, a été interrompue, elle est due (c’est la faute de) au ministère de la culture, qui a ordonné la fermeture du Triomphe, le 4 janvier 2016, en plein contrat d’exploitation », dénonce l’association, dans cette note portant la signature de son président, Raynald Delerme. Source : hpnhaiti.com
Dans la presse internationale
EEUU pide un acuerdo de gobernabilidad en Haití antes del domingo
Estados Unidos urgió ayer a las autoridades ejecutivas y legislativas de Haití a alcanzar un acuerdo sobre cómo gobernar el país antes de que el actual presidente, Michel Martelly, abandone el poder este domingo, además de avanzar hacia la elección democrática de un nuevo mandatario. « Estados Unidos urge al Ejecutivo y el Parlamento, las autoridades constitucionales de Haití, a llegar a un acuerdo sobre una hoja de ruta para gobernar el país hasta que se elija a un nuevo presidente », dijo a Efe un portavoz del Departamento de Estado estadounidense. Source : listindiario.com
Haïti risque de ne plus avoir de président dès dimanche
La constitution haïtienne prévoit le départ de Michel Martelly de son poste de chef de l’État le 7 février mais son successeur n’ayant pas pu être élu, le pouvoir présidentiel sera de facto vacant à compter de ce dimanche matin. Haïti risque de sombrer une nouvelle fois dans un vide de pouvoir. Source : la1ere.fr
Rechazan canción del presidente de Haití en la que ataca a periodista
Decenas de personalidades y organizaciones de derechos humanos de Haití condenaron hoy la polémica canción que el presidente del país, Michel Martelly, lanzó con motivo de la celebración del carnaval, que comienza el domingo 7 de febrero, el mismo día que termina su mandato. En la canción, Martelly ataca personalmente a la periodista Liliane Pierre Paul, una de las figuras más respetadas en la prensa haitiana con más de 30 años de carrera profesional. En un comunicado conjunto, organizaciones y personalidades locales criticaron “enérgicamente” el tema, que consideran sexista y ofensivo. Source : diariolibre.com
OAS : Talks to end Haiti crisis at delicate stage
The mission from the Organisation of American States (OAS) seeking to broker an agreement to end the political and constitutional crisis in Haiti says the discussions are now at a “very delicate and urgent stage”. The mission, which arrived here last Sunday and is headed by Antigua and Barbuda diplomat Sir Ronald Sanders, is trying to broker the accord ahead of the planned February 7 departure from office of President Michel Martelly. Opposition parties forced the indefinite cancellation of the January 24 second round of balloting to choose a successor to Martelly and have been calling instead for the establishment of an interim government to oversee fresh elections in the French-speaking Caribbean Community (Caricom) country. Source : jamaicaobserver.com
Ils ont dit
Le président Michel Martelly ce 4 février : « Je ne veux pas garder le pouvoir un jour supplémentaire ». Source : alterpresse.org
Le coordonateur de Ligue Alternative pour le Progrès et l’Emancipation Haïtienne (Lapeh), Anacacis Jean Hector : « Il serait préférable que le Premier Ministre Evans Paul reste en poste après le départ du président Martelly. Le chef du gouvernement doit assumer sa charge comme l’avait fait le Premier Ministre Yvon Neptune après le départ du président Aristide en 2004. » Source : metropolehaiti.com
Me Monferrier Dorval : « Le Premier ministre actuel est quasi inopérant. Il n’a pas eu l’onction du Parlement. Le contexte « n’est pas favorable à la reconduction d’Evans Paul qui pourra présenter sa démission au président provisoire, sitôt installé dans ses fonctions. » Source : lenouvelliste.com
Texte du jour
Hommage à Liliane Pierre-Paul : 5 Février 2016 @ Karibe Convention Center
Source : radiotelevisioncaraibes.com
Bonè-bonè nan vi li, nan lane 1970 yo, Liliane Pierre-Paul te montre jan li kwè bon jan enfòmasyon se bon zanmi libète. Bon travay li nan sans sa a, pawòl li ak aksyon li, tou fèl vin pòtèz labanyè pou fanm grandèt granmoun, libète lib e libè, dwadelòm, demokrasi nèt alkole, epitou pou pi fò moun nan peyi a ke sistèm sosyal la mete akote, ki pa ka souse yon zo, kip a ka jwenn jistis devan jij. Ansanm ak 2 zanmi, Sony Bastien ak Marvel Dandin, ki sakrifye yo tou pou Ayisyen gen lwa djòl yo, san li pa mache di sa nou pral di la a, li vin yon antreprenèz, ki di donk li kwè ke chak moun gen dwa travay pou tèt yo pandan y ap respekte lwa lavi a kif è lòm pa janm viv grenn senk, se nan solidarite youn pou tout, tout pou youn la vi ka bèl. Nan koze sa a, Liliane Pierre-Paul toujou montre l pa nan tchans avèk moun k ap betize ak demokrasi a. Depi lè mou nap tande Madanm sa a, nou fin pa wè sa ki ekri kòm manman prensip nan konstitisyon an se degouden ak 50 kòb y oye avèk sa l kwè : « fò noutout fè youn, fò nou derasinen afè nèg mòn-nèg lavil, moun wouj-moun nwa, nèg sòt, nèg lespri, fò nou aksepte nou gen 2 lang ak yon kilti ki pou noutout, pou nou travay pou pwogrè, enfòmasyon, edikasyon, sante, travay, amizman pou tout sitwayen ayisyen. Liliane Pierre-Paul se tout sa yo ankè.
Nan defann tout prensip sa yo tankou Dessalines t ap defann libète nou, gran fanm sa a ki rele Liliane nan resevwa move kou : an 1986, gouvènman avi Duvalier mete l nan prizon, pimpe l annekzil ; an 2016, prezidan peyi a sal pwòch bouch pa li pou l eseye fè Liliane kriye.
Monte-desann, nad marinad, Liliane Pierre-Paul menm jan ak Penelope nan mitoloji peyi la Grèce ki te kenbe kin alaganach pou l pa reponn okenn gason pandan mari l te pati nan bato, Liliane Pierre-Paul toujou rete doubout , anyen, ni trayizon, ni move pawòl pa rive fèl bese tèt li. Doubout pou l di « li fè 4 è nan Radyo Kiskeya », epi se defans tout gwo lide li kwè kif è yon moun, doubout pou repitasyon peyi a, doubout pou lajistis, doubout pou travay leta fèt, doubout pou bèl prensip viv ansanm.
Lilianne pa bay pèp ayisyen an manti. Se kòmsi Maurice Sixto se Liliane li te gade pou l te kree pèsonaj Sandrine nan, mod fanm sa a san repròch, ki pa janm pè, ki konnen bonsans, larezone ak lajistis se bon gid lavi. Fanm pa kite pèsonn pran chans fòse l fèmen bouch li. Li gen rezon paske vwa Liliane se yon bon ti sèvyèt cho pou pwoteje ti bebe kont move zè e ki pèmèt tout moun konnen ladousè mo yo rele libète a. Liliane konnen se sa k pou fè lavi miyò. Li konnen depi l fèmen je l yon ti moman, li konnen depi l pa pale 2-3 jou, tiran yo pral crache dife lanfè sou pèp la ki ka fè moun tounen bèt, li konnen depi l pa pale 2-3 jou, ti moun pral rekòmanse pè pou fiyèt lalo pa manje yo, depi l pa pale 2-3 jou, li konnen depite pap menm ka plenyen difèt yo fè kostim yo tounen tòchon, depi li pa pale 2-3 jou li konnen etidyan pap menm ka plenyen zanzave ba yo kalòt, depi li pa pale 2-3 jou li konnen prezidan ap toujou di betiz fè betiz kòmsi lang sal ta kab sèvi kòz pèp… Sa ki dwòl la zèfè ti voryen yo se luil nan motè machin Liliane pou l defann demockrasi ak tout limanite, noumenm ki nan bon bò a nou konnen se yon devwa pou nou ede ti voryen sa yo pou yo pa tounen zannimo nèt. Nou gen devwa sa a , jan Madan Pierre-Paul fè l chak jou a, pou nous sove ti kras imanite sa a ki rete kay ti vagabon sa yo.
Tout verite sa yo se rezon ki pouse komite sitwayen sa a deside òganize yon seremoni omaj pou Liliane Pierre-Paul, yon ti ankourajman pou nou raple l pawòl li gen sans pou Ayisyen. Annavan Liliane, « li fè 4 è nan radyo Kiskeya », lè sa a se lè w pou pasyans Penelope la ak detèminasyon Sandrine nan pou toujou rekòmanse, toujou kenbe, kontinye, peze sou devwa sa a : pou nou toujou chèche pou chak jou nou vin plis moun ke jan nou moun nan, pou nou fè sa ki konprann ke bay moun kou, joure, vòlè pa kapab tounen byen. Manzè Liliane, travay pou fè Ayisyen fè pwogrè kòm imen, nan Karibe a demen vandredi 5 fevriye a, fanm kou gason ki ta renmen Ayiti sanble ak lide ou yo ap rann ou omaj ki pap janm genyen tout fòs ke entegrite w ak lanmou w pou Ayiti merite
Pou Komite sitwayen an :
Patrice Dumont : Sitwayen angaje
Yves Lafortune : MAP, Avocat (Consultations et Résultats)
Ralph Jean-Baptiste : Association Culturelle Café Philo Haïti (ACCPH)
Marie Yolène Gilles (RNDDH)
Port-au-Prince, le 18 janvier 2016
Revue de presse C3GROUP SA
Dans la presse nationale
Politique/ Elections
Elections : L’opposition politique annonce des plaintes contre l’ingérence d’ambassadeurs étrangers dans les affaires internes d’Haïti L’opposition politique en Haïti annonce des plaintes formelles contre l’ingérence d’ambassadeurs étrangers dans les affaires internes du pays, dans une note en date du jeudi 14 janvier 2016, transmise à AlterPresse. « Au cas où ces ambassadeurs persistent dans leur ingérence, pour supporter, à leur profit, l’inacceptable et la corruption, à travers un processus électoral frauduleux, illégal et inconstitutionnel, des plaintes formelles seront portées contre eux par devant les Parlements de leurs États respectifs », soutient-elle. La note fait injonction au Core Group (qui comprend plusieurs représentants de pays dits amis d’Haïti) de respecter l’article 41-1 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961. Source ; alterpresse.org
Fanmi Lavalas salue la décision de Jude Célestin
Le parti Fanmi Lavalas dit appuyer la décision du candidat de LAPEH Jude Célestin de ne pas participer au second tour de l’élection présidentielle prévu le 24 janvier prochain. Lors d’une interview accordée à Radio Métropole ce vendredi, l’avocat du parti Me Gervais Charles a réaffirmé que le conseil électoral ne possédait plus la légitimité pour organiser de bonne élection dans le pays. Source : metropolehaiti.com
La CPH semble divisée sur le choix de Métédieu Lucien en remplacement de Vijonet Déméro
A peine désigné par la Communauté Protestante d’Haiti (CPH) pour remplacer le pasteur Vijonet Déméro au Conseil Electoral Provisoire (CEP), Métédieu Lucien n’aurait pas eu la bénédiction de Jacques N. Janvier, ce dernier qui dénonce sa signature apposée au bas de la correspondance adressée au Président de la République faisant mention de cette proposition. « Je réponds au nom de Pasteur Jacques N. Janvier, sain de corps et d’esprit… La lettre de la communauté protestante n’engage pas le Président de la Fédération des Pasteurs du Grand Nord d’Haïti. « Je n’ai signé aucun document en ce sens, on a signé pour moi… » Source : scoopfmhaiti.com
Haïti-Elections : Le Collectif décline l’invitation du CEP
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Dans une lettre adressée à Pierre Louis Opont, président du Conseil Electoral Provisoire (CEP),le Collectif du 4 Décembre annonce son refus de participer comme observateur aux élections du dimanche 24 janvier , apprend HPN. Relatant que c’est par voie de presse qu’il a appris que le nom du Collectif figure sur la liste des organisations nationales habilitées à observer les élections, l’organisation dit décliner cette invitation. Source : hpnhaiti.com
Société
Deux nouvelles journées de manifestation
En conférence de presse ce vendredi 15 janvier 2016, la table de la mobilisation du G8 annonce la tenue de deux journées de protestation dans les rues de la capitale pour le lundi 18 et le mardi 19 janvier 2016, pour dénoncer une fois de plus les exactions du pouvoir en place dans la vassalisation des institutions prestigieuses du pays, particulièrement la justice et le parlement. La question des élections vient empirer la crise qui sévissait déjà dans le pays, ont fait savoir les représentants de cinq des huit candidats formant le G8, lors de cette conférence de presse. Source : radiotelevisioncaraibes.com
Aucune date pour la tenue de l’Assemblée nationale
Alors que la date du 11 janvier a été considérée comme une date non-négociable pour la rentrée de la 50e législature, une semaine après cette date « butoir », l’Assemblée nationale devant ouvrir officiellement l’année législative n’a toujours pas siégé. Et jusqu’ici, aucune date n’est retenue pour la tenue de cette Assemblée nationale. Source : lenational.ht
Education
Haïti-Année Gouverneurs de la rosée : Les élèves de philo s’engagent pour sa réussite
Samedi 16 janvier 2016, à l’hôtel Marriott, le ministre de l’Éducation nationale, M. Nesmy Manigat a rencontré 23 comités centraux de classe terminale, venus essentiellement de lycées dans le département de l’Ouest, ainsi que deux invités spéciaux en provenance du Sud-est (lycées Pinchinat et Célie Lamour). Une rencontre qui s’inscrit dans le cadre de « l’Année Gouverneurs de la rosée » et de la « Campagne d’éducation civique », a constaté Haiti Press Network. Source : hpnhaiti.com
Dans la presse internationale
Adriana Lima is working to help Haiti
Haiti is so poor, Brazilian beauty Adriana Lima has dedicated herself to helping out the earthquake-ravaged hellhole. Lima has visited Haiti twice in the past year, she told the crowd at the Garage on 11th Avenue, where fellow Brazilian Jayma Cardoso and designer Kenneth Cole were helping to raise money Thursday night to support a hospital there. Also on hand was Marek Paliwoda, a dermatology physician assistant who goes to Haiti three times a year to provide skin cancer screenings. Source : pagesix.com
Celestin advierte contra elecciones
El candidato opositor a la presidencia de Haití afirmó que si se lleva a cabo la segunda vuelta electoral el próximo fin de semana como está programado, será un revés para la frágil democracia del país. Jude Celestin dijo que teme que habrá fraude electoral y una gran falta de transparencia por parte de las autoridades electorales, y que por eso está boicoteando la segunda vuelta del 24 de enero en que debía competir contra el sucesor elegido por el presidente saliente. Celestin declaró a The Associated Press que Haití está “avanzando hacia una selección, no una elección”. El candidato está haciendo caso omiso de los llamados de Estados Unidos y otros países de que haya una competencia real en las elecciones que están financiando. Source : listindiario.com
Prise de position concernant l’attitude de la communauté internationale
Par le Groupe de la société civile et de partis politiques réclamant l’annulation des élections et des poursuites à l’encontre des responsables de fraude
Document transmis à AlterPresse le 16 janvier 2015
La communauté internationale dominée en Haïti par le Core Groupe −réunissant le Brésil, le Canada, l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, la France, l’OÉA (Organisation des États américains) et l’Union européenne− s’est systématiquement engagée, depuis des décennies, à contrecarrer les processus nationaux visant à concrétiser les aspirations exprimées par les populations à la chute de la dictature duvaliériste, à savoir : permettre la transition qui assurerait le démantèlement des structures de pouvoir autoritaire et despotique et la construction d’un État de droit démocratique.
En particulier, le positionnement relatif au processus électoral actuel traduit le profond mépris dans lequel cette communauté internationale tient Haïti. En dépit des faits tenaces, qui prouvent le caractère incohérent et frauduleux des scrutins des 9 août et 25 octobre 2015, elle insiste, fait pression pour que ce processus vicié suive inexorablement son cours, au détriment de la dignité nationale et des principes démocratiques, afin d’imposer des résultats électoraux en tous points irrecevables. Dans son arrogance, cette communauté internationale croit que son statut de conglomérat de grandes puissances, de bailleur de fonds, lui confère tous les droits en Haïti, incluant celui de décider qui doit être aux commandes de l’État. En intervenant systématiquement et ouvertement dans les affaires internes du pays, pour conforter le gouvernement en poste dans ses dérives et justifier des manigances électorales qui, en aucun cas, ne seraient acceptables dans leurs pays, cette communauté internationale alimente continuellement les crises à répétition qui saccagent le pays. Elle empêche le peuple haïtien de réaliser son propre cheminement pour l’instauration d’un État souverain, démocratique, guidé par l’intérêt collectif.
La société civile et la société politique, qui s’associent pour exiger l’annulation des élections et des poursuites judiciaires à l’encontre des responsables de la gabegie, considèrent que la surdité et la cécité affichées par le Core Groupe est l’expression de la volonté d’imposer des choix politiques à Haïti, de la maintenir sous une occupation qui ne dit pas son nom, afin de préserver des intérêts en parfaite opposition avec les désidératas du peuple haïtien. A chaque nouvelle étape le Core group s’engage à corriger les « erreurs » de la phase antérieure, comme si celles-ci n’avaient aucune conséquence sur les élections, sur les élus, mais surtout sur la vie des Haïtiens et des Haïtiennes. Il s’enkyste par ailleurs dans une logique mercantile à prétendre justifier son attitude par les dépenses qu’il a déjà consenties. Rien ne saurait être plus léger.
• Les élections contestées ou frauduleuses, en aucune façon ne sauraient garantir la légitimité la stabilité et la gouvernabilité. Par conséquent elles auront un impact négatif sur la gouvernance économique et politique. En témoigne le maigre taux moyen de croissance de 1,5% dans lequel pataugeait notre pays entre 2000 et 2014.
Elles fragilisent les soi-disant élus en les transformant ainsi en des proies faciles entre les mains des acteurs tant nationaux qu’internationaux.
Les citoyennes et citoyens mobilisés pour le refus de l’inacceptable, n’entendent pas se plier au diktat du Core Groupe et continueront à lutter pour l’avènement d’une Haïti souveraine, solidaire, respectueuse des droits et libertés.
Signataires : : Marie Frantz JOACHIM, Edmonde S. BEAUZILE, Pierre BUTEAU, Freud JEAN, Jean Baptiste BIEN AIME, Jean William JEANTY, Junot FELIX, Wesner POLYCARPE, Jean Henold BUTEAU, Yolette Andrée JEANTY
Port-au-Prince, le 15 janvier 2016
Pour authentification
Marie-Frantz JOACHIM
Coordonnatrice générale de la SOFA
Jean-William JEANTY
Coordonnateur général du parti Kontra Pèp la
Port-au-Prince, le 8 janvier 2016
Voici la livraison du 8 janvier 2016 de la revue de presse du C3 Group. On y trouve une forme officielle de version des faits, et une note de Robert Benodin insistant de façon circonstanciée sur le rôle joué par les intérêts étrangers, et en particulier nord-américains, dans ce qui apparaît bien comme une volonté de reproduire indéfiniment un système de soumission dont ne profiterait qu’un nombre très restreint de Haïtiens.
Politique/ Elections
Martelly offense-t-il l’Église catholique ?
En décidant d’avancer avec le processus électoral sans tenir compte des recommandations de la Commission d’évaluation électorale, le chef de l’État offense l’Église catholique et le cardinal Chibly Langlois qui s’était impliqué personnellement dans la formation de cette structure, a déclaré au Nouvelliste une source proche de l’Église catholique. Pour sa part, Rosny Desroches, membre de la Commission, estime que Michel Martelly a commis une erreur en ce sens. Source : lenouvelliste.com
Haïti : La campagne électorale pour les scrutins du 24 janvier s’étendra du 8 au 22 janvier 2016
La campagne électorale pour le second tour des élections, prévu pour le 24 janvier 2016, s’étendra du vendredi 8 au vendredi 22 janvier 2016, a indiqué à Haïti Press Network le porte-parole du Conseil Electoral Provisoire (CEP), Roudy Stanley Penn. Il s’agit, selon le porte-parole du CEP, d’une période additionnelle puisque l’institution électorale avait déjà fixé la date de la campagne pour le second tour. Source : hpnhaiti.com
Le président Michel Martelly lance des flèches contre l’opposition qu’il accuse d’utiliser la violence pour arriver au pouvoir
Le président Michel Martelly, dans un arrêté daté du 6 janvier, a invité la population à aller voter dans le cadre du second tour de la présidentielle et des législatives complémentaires, le 24 janvier prochain. Parallèlement, dans une adresse à la nation, Michel Martelly a tenté de justifier cette décision intervenue avant même le début des recommandations de la commission d’évaluation qu’il a lui-même formée, se disant totalement contre l’idée de la mise en place d’un gouvernement de transition, une option qui, selon lui, serait désavantageuse pour la nation. Il a lancé du coup des critiques acerbes à l’encontre de l’opposition qu’il accuse de vouloir arriver au pouvoir par la violence… Source : ahphaiti.org
Youri Latortue appelle les sénateurs à préparer l’entrée en fonction des nouveaux élus
Le sénat dans sa configuration actuelle à dix membres ne dispose pas des provisions pour poser un acte parlementaire selon Youri Latortue. Le sénateur élu de l’Artibonite, appelle les sénateurs actuellement en fonction à préparer l’entrée en fonction des nouveaux élus le 11 janvier prochain avant de se préoccuper d’un éventuel vide au niveau du pouvoir exécutif le 07 février prochain. Source : metropolehaiti.com
La CEEI n’a constaté aucune trace de fraude, selon Michel Martelly
Environ trois jours après avoir reçu au palais national le rapport de la Commission d’évaluation électorale indépendante, le président de la République se prononce enfin sur ce document. De ce document, le chef de l’État ne retient qu’une chose. « Le rapport recommande la poursuite du processus électoral puisque la Commission dit n’avoir constaté aucune trace de fraudes lors des élections du 25 octobre ». Source : lenouvelliste.com
Les sénateurs ne peuvent pas bloquer l’entrée en fonction des nouveaux élus
Les sénateurs en place n’ont aucun motif pour bloquer les nouveaux élus assure pour sa part le sénateur François Anick Joseph. Il insiste toutefois sur la nécessité de respecter les règlements intérieurs du sénat qui stipulent que les nouveaux sénateurs doivent s’inscrire auprès de leur chambre 72 heures après la proclamation des résultats par le conseil électoral ce qui n’a pas été fait jusqu’ici. Par ailleurs il explique que la date et les modalités de leur entrée en fonction doivent être définies par le sénat lui-même. Source : metropolehaiti.com
Communiqué de l’OEA (Extrait)
La Mission d’observation électorale (MOE) de l’Organisation des États Américains (OEA) en Haïti salue l’établissement d’une date pour le second tour des élections présidentielles comme un « pas dans la bonne direction ». Elle appelle l’ensemble des acteurs à travailler à l’amélioration des conditions en vue du vote annoncé pour le 24 janvier. La conclusion du processus électoral permettra un transfert de pouvoir constitutionnel à un nouveau Président élu. La Mission considère comme une mesure positive la dissociation des élections locales du second tour des présidentielles limitant le nombre de mandataires dans les bureaux de vote et permettant ainsi d’éviter une répétition des problèmes survenus le 25 octobre (…). Source : alterpresse.org
Société Le relogement des déplacés se poursuit
Le processus de relogement des déplacés et la réhabilitation des quartiers se poursuit a Port-au-Prince, 6 ans après le tremblement de terre du 12 janvier. A Fort national, Morne Lazard et dans quelques localités de la commune de Delmas des maisons d’habitations sont en cours de construction alors que d’autres ont déjà été remises à leurs nouveaux occupants. Les habitants de ces quartiers reconnaissaient l’importance de ces travaux même s’ils continuent à réclamer plus d’assistance de la part des responsables. Source : metropolehaiti.com
La liste des déportés s’amplifie
Les autorités de la République dominicaine ne cessent pas avec les déportations des migrants. Alors que le dossier est jeté aux oubliettes, et que tous les esprits sont occupés, la crise électorale actuelle, le nombre des déportés augmente exponentiellement. Le bilan est passé de 45 588 au mois de novembre à 47 935, selon les données fournies par le service Jésuite aux migrants (SJM). Source : lenational.ht
Haïti-Séisme : Six ans après, le problème du logement demeure un défi, selon Kayla
Le Konbit (groupe) haïtien pour le logement alternatif (Kayla) propose la « coopérative de logement » comme moyen pour résoudre le problème du logement social en Haïti. ¨Ce problème demeure un défi à relever, six ans après le séisme du 12 janvier 2010 ayant occasionné la mort de près de 300 mille personnes et autant de blessés¨, a fait remarquer Kayla, le mercredi 6 janvier 2015, lors d’une conférence de presse, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse. Source : alterpresse.org
Education
Haïti-PSUGO : Le MENFP ne veut pas payer pour les faux effectifs d’écoliers
Dans une mise au point autour du Programme de Scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO) rendue publique, le mercredi 6 janvier 2016, dont la copie a été transmise à HPN, le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle dit n’entendre en aucun cas, payer à certains établissements scolaires impliqués dans le programme, de faux effectifs d’écoliers. Source : hpnhaiti.com
Dans les villes de province
Haïti-Agriculture : De vastes plantations de petit mil ravagées dans le Plateau Central
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De vastes plantations de millet (petit mil) sont détruites dans plusieurs communes du Plateau Central (Centre), apprend l’agence en ligne AlterPresse. Ces plantations de millet dans les communes de Thomassique, Thomonde, Maïssade et Hinche sont sévèrement affectées par une maladie qui reste jusqu’ici inconnue. Ces plantations sont détruites notamment à Papaye, à Caobite et dans plusieurs autres localités de la 3e section d’aguahedionde rive droite. Les zones affectées se situent non loin du bureau départemental du Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr). Source : alterpresse.org
Celestin says ‘No’ to Haiti presidential runoff
Haiti presidential candidate Jude Célestin says he will not be participating in this month’s runoff elections. “The 24th is out of the question,” Célestin told the Miami Herald on Thursday. “[President Michel] Martelly will have to do an election with just one candidate.” Célestin’s announcement came as two top U.S. envoys departed Haiti for Washington on Thursday after failing to convince him to run, and as the U.S. State Department issued a statement welcoming Martelly’s executive order scheduling the presidential and partial legislative runoff for Sunday, Jan. 24. Source : miamiherald.com
Ottawa interpellé pour son rôle dans l’exploitation minière en Haïti
Un groupe d’experts en développement international considère que le Canada doit cesser d’orienter sa politique internationale et ses services diplomatiques en fonction de l’exploitation « des ressources minières à l’étranger en général et en Haïti en particulier ». Combien peuvent valoir les ressources minières du sous-sol haïtien ? Au moins 20 milliards de dollars, estime un rapport publié hier par Concertation Haïti. Ce regroupement s’inquiète du rôle canadien dans l’exploitation abusive de ce pays.L’industrie minière en Haïti, enjeux et réalités montre du doigt un projet de déréglementation dont profiteraient les compagnies minières étrangères, au mépris du peuple haïtien. Source : ledevoir.com
Dominican Republic tightens border with Haiti
The north-west border between the Dominican Republic and Haiti has been tightened as according to officials, hundreds of Haitians – many of them undocumented – are trying to enter the country. A contingent of 900 troops was dispatched to the border in what officials are calling “Operation Shield”, they have joined 1,200 solders already assigned to patrol the area that divides the island of Hispaniola. The Immigration Agency says the Haitians who are not qualified to immigrate to the Dominican Republic, have been trying to enter collectively as immigrants while others entered for a binational market held on Mondays and Fridays. Source : jamaicaobserver.com
Michel Martelly, le chef de l’État, dans un message préenregistré à l’occasion de l’épiphanie : « Tout le monde était d’avis que les élections du 25 octobre se sont bien déroulées. Il n’y a pas eu de magouilles. Tout s’est réellement bien passé ». Source : lenouvelliste.com
Le sénateur François Anick Joseph : « Les sénateurs en place n’ont aucun motif pour bloquer les nouveaux élus. » Source : metropolehaiti.com
Élections ou continuum ??
Par Robert Benodin
7 janvier 2016
Au fur et à mesure que la crise électorale s’aggrave, que la contestation électorale se massifie, que les prises de conscience et de position évoluent et se cristallisent, ceux qui veulent le maintien du continuum agissent ouvertement et agressivement avec leurs partenaires internationaux pour tenir le cap. Il est à remarquer que graduellement une décantation s’opère au sein du G8. Pendant un certain temps, Jude Célestin a voulu jouer le rôle de corde ombilicale de l’opposition pour gérer le maintien de la cohésion du G8 dans la mouvance de sa campagne électorale.
Malgré tous les efforts de ceux qui, comme lui, ne veulent en réalité que gérer la crise électorale en entérinant à la fois les résultats des législatives du 9 août et ceux du premier tour des présidentielles du 25 octobre, pour participer au second tour en maintenant le même système électoral au sien du continuum. Jude Célestin se prépare pour son catapultage à la présidence par l’Internationale. Ses déclarations contradictoires et celles venant des porte-paroles de son parti LAPEH, continuent à accentuer son ambivalence quant au maintien de sa candidature et de sa participation au second tour des présidentielles.
La décantation des intérêts au sein du G8 est en train naturellement d’émerger avec une certaine lenteur, certes. Mais en permettant malgré tout à ceux qui, de bonne foi, veulent faire respecter non seulement l’expression de la souveraineté populaire et le droit à l’autodétermination, ils veulent surtout mettre fin à cette tradition de fraude électorale qui réserve le choix du chef de l’État à l’Internationale. Ils ont finalement reconnu le fait qu’il y a une différence irréconciliable entre ce qu’ils veulent accomplir comme changement, versus les normes et traditions que de fait Jude Célestin et sa caste veulent conserver. Jude Célestin ne peut pas être contre un système dont il est le produit. Il n’est vraiment contre les résultats produits par le système que parce qu’ils n’ont pas fait de lui le gagnant dès le premier tour des présidentielles. Il l’a lui-même affirmé et réitéré.
Cependant parmi ceux qui veulent l’annulation des élections législatives et présidentielles, réalisant qu’elles ne forment qu’un tout, d’une part, et d’autre part la catastrophe et le danger qu’elles représentent pour l’avenir du pays, compte tenu du grand nombre de criminels notoires qui occuperont les sièges des deux chambres du Parlement, il y a une distinction dont on doit obligatoirement tenir compte pour ne pas se fourvoyer.
Il y a ceux qui ne sont que contre la façon dont les élections de 2015 ont été gérées. Qui ne veulent les annuler que pour les refaire immédiatement après. Ceux-là veulent d’un gouvernement de transition, certes. Mais de très courte durée, dont le rôle unique ne sera que d’organiser des élections générales immédiatement, dans le plus bref délai. Sans se soucier du fait que, s’il en est ainsi, les élections vont être à nouveau gérées sous l’égide de la même machine électorale, au sein du même système électoral. Lequel système électoral tel qu’il est organisé et qu’il fonctionne, n’est façonné que pour donner droit de cité à l’irrégularité et à la fraude électorale. La machine électorale est contrôlée par les autorités des collectivités territoriales, qui elles-mêmes ne fonctionnent que sous l’égide du ministère de l’intérieur. Le CEP, l’autorité électorale, n’est dominé que par l’Exécutif et l’Internationale qui lui dictent les résultats électoraux. Ce système n’est toléré par l’Internationale que parce qu’il lui permet de nommer à coup sûr tous les chefs d’État de son choix en Haïti.
Cependant il y a aussi ceux qui réalisent qu’il faudrait d’abord saisir l’occasion qu’offre l’intensification de la contestation électorale qui est en train de se massifier, qui doit atteindre l’irréversibilité, pour rompre avec ce système électoral comme premier pas devant conduire à s’émanciper du continuum pour la première fois depuis un siècle ; pour pouvoir créer un nouveau système propre à organiser de nouvelles élections générales garantissant le respect de l’expression de la volonté générale et du droit à l’autodétermination ; pour enfin mettre en application la notion que « Tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit. » Ceux-là veulent d’abord d’une réflexion sérieuse sur la refondation de l’État haïtien. Ce qui paradoxalement n’a jamais été fait de 1804 à nos jours.
Quant à la commission d’évaluation, elle avait déjà reçu sa feuille de route concernant le rapport qu’elle vient de soumettre le 3 janvier 2016. Il est à remarquer que le représentant du RNDDH à cette commission, Maître Gédéon Jean, n’a pas signé le rapport parce que sa demande d’une évaluation plus approfondie des résultats du scrutin n’a pas été retenue. Il se dit être en désaccord avec les conclusions de ce rapport. Voilà en gros ce que ce rapport révèle :
Plus de 57% des votes comptabilisés ne portent pas de signatures des électeurs.
Plus de 30% des votes comptabilisés ne sont pas liés à un numéro de Carte d’Identification Nationale (CIN).
Plus de 46% des numéros qui figurent sur les listes d’émargement sont faux.
Plus de 43% des procès-verbaux contrôlés contiennent des ratures et des modifications de chiffres.
Plus de 76% des irrégularités constatées dans les procès-verbaux contrôlés n’ont pas été consignées dans des « procès-verbaux d’irrégularité ».
Plus de 39% des votes effectués sur procès-verbaux n’existent pas dans les listes d’émargement.
40% des procès-verbaux n’ont pas été dressés conformément aux exigences du Décret électoral et sont incomplets.
Jugez vous-mêmes. N’y a-t-il pas là tout à la fois le constat de fraudes et celui des irrégularités ?
Les deux ambassadeurs américains Kenneth Merten et Peter F. Mulrean ont exprimé clairement, et à l’avance, ce qu’ils attendaient comme rapport de cette commission d’évaluation. Ils ont, en d’autres termes, annoncé les couleurs. C’est le même Kenneth Merten, l’ex-ambassadeur des États-Unis en Haïti, qui avait forcé la falsification des résultats du premier tour des présidentielles du 28 novembre 2010, pour catapulter Michel Martelly à la présidence. Dans une entrevue à la radio Voix de l’Amérique, la semaine dernière, il a garanti qu’il n’y aurait pas de changement dans les résultats. Que ce sera Jovenel Moïse et Jude Célestin qui iront au second tour. En outre, dans une entrevue accordée à la radio Kiskeya le lundi 28 décembre 2015, malgré toutes les exactions qui ont été dénoncées par les observateurs haïtiens d’organisations de société civile, de défense de droits humains et par les média, l’actuel ambassadeur des États-Unis en Haïti, Peter F. Mulrean a insisté sur le fait que selon lui, il n’y a absolument pas de preuve établissant qu’il y ait eu de fait des irrégularités et des fraudes électorales massives aux présidentielles du 25 octobre 2015.
Puisque le pays est sous tutelle, il devient dès lors absolument clair que cette commission d’évaluation ne devra pas trouver la moindre preuve pour servir les intérêts de ces tuteurs qui tiennent à exercer cette tradition vieille d’un siècle, choisir le prochain chef d’État haïtien. S’ils n’ont aucun intérêt dans l’un ou l’autre de ces deux candidats pour en faire leur proxy, pourquoi insisteraient-ils pour vouloir maintenir les mêmes résultats ? Et s’ils n’ont pas permis à René Préval de nommer son successeur, pourquoi permettraient-ils à Michel Martelly de nommer le sien ?
Au bout du compte, l’arrogance des dernières interventions de ces deux ambassadeurs américains ne vient-elle pas s’ajouter à d’autres attitudes condescendantes et humiliantes de l’Internationale envers la nation haïtienne, pour envenimer la situation ? Ne contribue-t-elle pas directement à provoquer une nouvelle prise de conscience qui tend à porter l’Haïtien en général à vouloir s’émanciper de ses réflexes hétéronomes envers les puissances hégémoniques et les institutions mondiales et régionales, et particulièrement le CORE Groupe ? L’opposition ne doit-elle pas prendre note de cette nouvelle donne politique qui est en train de se développer à son avantage ? Le fait que Martelly dans son discours du 1er Janvier 2016 ait annoncé à bref délai et sans consultation la date à laquelle le second tour des présidentielles aura lieu, le 17 janvier 2016, avant que la commission de vérification ait soumis son rapport, met à la fois en exergue l’intention de vouloir imposer à tout prix la tenue du second tour avec Jovenel Moïse et Jude Célestin et l’absence totale de pertinence de ce rapport. Cependant en allant trop vite en besogne, ne s’est-il pas embarrassé en mettant le pied dans le plat ?
Il est à remarquer qu’une lettre du CEP adressée à Martelly, signée par Pierre-Louis Opont, dit ceci dans son premier paragraphe : « Le Conseil électoral provisoire se trouve dans la pénible obligation de vous informer que, suite à sa réunion plénière extraordinaire du lundi 4 janvier 2016, il a constaté qu’il serait très difficile sinon impossible de réaliser le deuxième tour des présidentielles, celui des législatives partielles et des élections territoriales le 17 janvier 2016. » Et plus loin il ajoute dans son troisième paragraphe ceci : « Le Conseil saisit l’occasion pour vous renouveler sa disponibilité pour une rencontre avec l’Exécutif en vue de voir l’implication de cette nouvelle réalité et de pouvoir compléter ce processus électoral avec cette évidence de ne pas avoir un président élu le 7 février 2016. » Dans une seconde lettre, après une réunion avec l’Exécutif, le CEP se ravise pour annoncer le second tour des présidentielles pour le 24 janvier 2016. Sera-t-il possible ?
Il est évident que la massification de la contestation électorale a eu un effet significatif. Elle a de fait forcé plus que le report de la date du second tour des présidentielles. Il est aussi évident qu’elle n’a pas encore atteint la masse critique nécessaire à son irréversibilité. Puisqu’on en est maintenant conscient, il faudra redoubler d’effort pour atteindre ce plateau et éviter la catastrophe. Dans ce bras de fer pour s’émanciper de ce continuum, il faut avoir constamment à l’esprit cette pensée : « Toute action politique entreprise, au cours de son exécution, est comme une bicyclette : quand elle n’avance pas, elle tombe. » En face, l’arrogance et la condescendance de ces deux ambassadeurs, Kenneth Merten et Peter F. Mulrean, qui cachent difficilement leur appréhension de ne plus pouvoir catapulter au pouvoir le prochain chef de l’État haïtien. Ils sont en train de forcer exagérément la note, pour faire accepter l’inacceptable. Ils sont en train de nier avec une certaine audace les fraudes électorales massives qui ont eu lieu lors des élections du 9 août et du 25 octobre 2015, annonçant à l’avance leur volonté de vouloir maintenir les candidats déjà annoncés qui iront au second tour. Face à cette attitude très agressive des deux ambassadeurs, et celle des organisations et instances internationales, on ne peut pas se permettre d’avoir l’attitude ou le comportement du résigné réclamant sa miette. Il faut exiger avec conviction, ténacité et détermination ce qui revient de droit au peuple haïtien, le respect de sa souveraineté et de son droit à l’autodétermination. Le peuple haïtien a atteint le ras-le-bol ! Il est temps de s’émanciper du continuum !
Port-au-Prince, 30 décembre 2015
Par Michel Soukar
Le bilan de l’année 2015 coïncide avec la fin du mandat du Président Michel Martelly au pouvoir depuis le 14 mai 2011. C’est l’année de l’organisation d’élections générales pour renouveler le personnel dirigeant les institutions étatiques. Cette année coïncide également avec celle de la commémoration du centenaire de l’occupation américaine du pays (1915-2015).
Six (6) Sénateurs de la République : Jean-Baptiste Bien-Aimé (Nord-est), Pierre Francky Exius (Sud), William Jeanty (Nippes), John Joël Joseph (Ouest), Jean-Charles Moïse (Nord), Wesner Polycarpe (Nord), secondés, entre autres, par les manifestations de rues du Mouvement des Organisations de l’Opposition Démocratique (MOPOD) incitaient le Président Martelly à cesser les tergiversations et à négocier un accord avec les partis d’opposition, en vue d’une sortie de crise. Leurs revendications portaient sur la formation d’un Conseil Electoral Provisoire (CEP), selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987, la formation d’un gouvernement de consensus et le remplacement du Président de la Cour de Cassation, également Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Coincé aux entournures, le Président Martelly constituait une Commission Consultative de neuf (9) membres, présidée par l’homme d’affaires, le Dr Réginald Boulos, en vue d’effectuer la synthèse des rencontres, discussions et consultations antérieures avec les représentants de différents secteurs de la société haïtienne et pour lui faire des recommandations appropriées. Un délai de huit (8) jours était accordé à la commission pour effectuer ce travail.
Dans le délai imparti, la commission consultative remit son rapport au Président Martelly, au cours d’une cérémonie organisée au Palais National, en présence du Premier Ministre Laurent Lamothe, accompagné de certains membres de son gouvernement. Sans surprise, les principales recommandations furent : la formation d’un gouvernement de consensus, dirigé par un Premier Ministre choisi en concertation avec les partis politiques ; la formation d’un Conseil Électoral Provisoire (CEP), selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987 et la démission du Président de la Cour de Cassation, également Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
En réalité, ces recommandations correspondaient aux revendications exprimées depuis plus de six (6) mois par les six (6) sénateurs frondeurs et relayés par les manifestants du MOPOD qui réclamaient également l’organisation d’élections ou la démission du Président Martelly. Sans surprise, le Président Martelly saisit la bouée de sauvetage et déclara accepter toutes ces recommandations. Il n’adressa pas de questions préjudicielles relatives à la décharge à accorder à ses anciens ministres, voire la double nationalité. Le dindon de la farce fut le Premier Ministre Lamothe qui menait visiblement campagne, à travers ses tournées dans les provinces, sous le couvert du programme "Gouvenmam Lakay ou".
B. IRONIE OU PRAGMATISME
Le 29 décembre 2014, le Président Martelly, le Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), Me Anel Alexis Joseph dont on réclamait la démission, le Président du Sénat : Simon Dieuseul Desras et le Président de la Chambre des députés, Stevenson Jacques Timoléon, signaient un accord tripartite garantissant, entre autres, l’existence du Parlement après le 12 janvier 2015. Cette clause devait être introduite dans la loi électorale à voter avant le 12 janvier. Le mandat des députés serait prolongé jusqu’au 24 avril 2015 et celui des sénateurs jusqu’au 9 septembre 2015, ou à l’entrée en fonction des nouveaux élus, si les élections se tenaient avant ces dates. La balle était dans le camp du parlement.
Le Premier Ministre Lamothe démissionna. L’intérim fut assuré par le ministre de la Santé Publique et de la Population, le Dr Florence Duperval Guillaume. Parallèlement, le Président Martelly désigna Monsieur Evans Paul comme Premier Ministre, en dehors de toute éthique et sans consultation véritable avec les présidents des deux (2) branches du Parlement. Monsieur Paul faisait partie de la Commission Consultative qui avait produit les recommandations de sortie de crise. Le 1er janvier 2015, le Président de la République, flanqué de la première Dame, des présidents du Sénat et du CSPJ, du Premier ministre par intérim et du Premier ministre désigné, participa aux cérémonies commémoratives du 211eme anniversaire de l’indépendance aux Gonaïves.
La convocation du Parlement en Assemblée Nationale pour voter, entre autres, la loi électorale et ratifier le choix du Premier Ministre, n’a pas eu lieu. La séance fut boudée par le groupe des six (6) sénateurs qui écrivirent au président du Sénat pour justifier leur position sur le menu de la convocation, jugé copieux, indigeste et rébarbatif. Paradoxalement, la plupart des partis politiques qui critiquaient le pouvoir du Président Martelly : la Fusion des Sociaux Démocrates, le Parti Inité, le Parti Aysyen Pou Ayiti, Kontra Pepla se bousculaient à l’Hôtel Kinam I pour parapher un accord politique avec le Président de la République le 11 janvier 2015.
Tous les regards étaient rivés sur le Parlement à l’approche de la date fatidique du 12 janvier 2015. Les jusqu’au-boutistes préférèrent jouer le tout pour le tout. Et le délai accordé aux parlementaires expira. L’Assemblée Nationale mettait fin à la 49eme législature. Le vice-président de cette Assemblée, le député Stevenson Jacques Timoléon, proche du pouvoir, prononça un discours dans lequel il suggéra la modification de la carte géographique et politique du pays, à travers la création de nouveaux départements géographiques et de nouvelles communes. Le député Timoléon voulait-il préparer les esprits à une telle éventualité ?
C. FORMATION DU GOUVERNEMENT
Avec le départ de la Chambre basse et l’absence des deux (2) tiers du Sénat, le Parlement est dysfonctionnel. Les dix (10) sénateurs restants son t : Steven Iverson Benoit (Ouest), Wesner Polycarpe (Nord), Jean-Baptiste Bien-Aimé (Nord-Est), Lucas Saint- Vil (Nord-Ouest), Annick Francois Joseph (Artibonite), Jocelerme Privert (Nippes), Carlos Lebon (Sud), Edwin Zenny (Sud-Est), Francisco De la Cruz (Centre) et Andris Riché (Grande-Anse). Ce dernier fut élu Président des restes du Sénat avec cinq (5) voix sur sept (7).
La voie était ouverte pour la formation et l’installation d’un gouvernement de fait. Nommés à la onzième heure, le Premier Ministre forma, de concert avec Le Président de la République, un gouvernement de consensus de vingt (20) ministres et dix-sept (17) secrétaires d’État, sans l’onction du Parlement sur son énoncé de politique générale, comme le veut la Constitution de 1987. Le cabinet ministériel comptait huit (8) ministres issus du gouvernement Lamothe et douze (12) nouveaux ministres, issus pour la plupart des partis Politiques Fusion, Inité. Le Président Martelly cohabita avec ses adversaires d’hier. Parmi les anciens ministres du gouvernement Lamothe, quatre (4) ont battu le record de longévité : l’Ingénieur Jacques Rousseau (MTPTC), Stéphanie Balmir Villedrouin (Tourisme), Florence Duperval Guillaume (MSPP) et Wilson Laleau, tantôt aux Finances, tantôt au Commerce. Par contre, un ministre et trois (3) secrétaires d’État n’ont pas pu être installés. Il s’agit du ministre de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement, le vétérinaire Jean-François Thomas, des secrétaires d’État Fednel Monchéry à la Réforme Agraire, Pierre André Gédéon à la Relance Agricole et Carel Alexandre à la Sécurité Publique. Les trois (3) premiers furent contestés par les étudiants de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) et le dernier par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Le Gouvernement a dû nommer l’agronome Fresner Dorcin à la tête du MARNDR, suite à la démission de Jean-François Thomas.
Après la formation et l’installation du Gouvernement, contesté par le sénateur Steven Benoit et l’opposition radicale, le cap était mis sur la formation du Conseil Électoral Provisoire (CEP), en vue du lancement du processus électoral.
D. LANCEMENT DU PROCESSUS ÉLECTORAL
Le lancement du processus électoral passait par la formation du Conseil Électoral Provisoire (CEP), selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987, l’élaboration et la publication du décret électoral et du calendrier électoral.
1. Formation du Conseil Électoral Provisoire
Durant quatre (4) ans et demi, l’obstination du Président Martelly à former le Conseil Électoral permanent s’est heurtée à l’opposition d’une bonne partie de la classe politique haïtienne. Les quatre (4) premières tentatives du Président Martelly de former un CEP, présidé soit par Emmanuel Ménard, soit par Josué Pierre-Louis, soit par Frizto Canton ou par Max Mathurin se sont heurtées à la résistance des forces d’inertie du milieu politique haïtien. Cette fois, les institutions prévues dans l’article 289 de la Constitution de 1987 ou celles qui leur tiennent lieu de substitut ont toutes désigné leurs représentants au Conseil Électoral Provisoire, en dépit de certaines protestations au sein de quelques-unes d’entre elles. Voici la liste des représentants désignés par secteur :
• Pierre Manigat Jr, Presse
• Lucie Marie Carmelle Paul Austin, Université
• Pierre Louis Opont, Patronat
• Lourdes Edith Joseph, Syndicat
• Yolette Mengual, Femme
• Néhémy Joseph, Paysan/Vodou
• Ricardo Augustin, Conférence Episcopale
• Vijonet Déméro, Cultes Reformés
• Jaccéus joseph, Droits Humains
Les neuf (9) membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP) prêtaient le serment d’usage à la Cour de Cassation, présidée par Me. Jules Cantave succédant à Me Anel Alexis Joseph, démissionnaire. Le parti Fanmi Lavalas et le Mouvement des Organisations Populaires Démocratiques (MOPOD) prenaient acte de la formation du Conseil. Le CEP se mit immédiatement au travail en vue de l’élaboration du projet de Décret électoral à soumettre à l’Exécutif aux fins de publication dans le Journal officiel "Le Moniteur". Le CEP élabora le calendrier électoral et le budget en vue de l’organisation des élections présidentielles, législatives, communales et locales avant la fin de l’année 2015.
2. Publication du décret électoral
Un décret électoral de 244 articles fut publié dans un numéro spécial du Journal officiel "Le Moniteur" le 2 mars 2015. Le Premier Ministre Evans Paul remit symboliquement un exemplaire dudit Décret au Conseil Électoral Provisoire (CEP). Puis, le CEP publia le calendrier électoral et invita le Président de la République à publier l’arrêté convoquant le peuple en ses comices, pour les 9 août, 25 octobre et 27 décembre 2015, en vue d’élire :
• 1 président de la République ;
• 20 sénateurs ;
• 119 députés ;
• 142 cartels de magistrats communaux ;
• 575 cartels de Conseil d’Administration des Sections Communales (CASEC) ;
• et des délégués de ville.
D’après le calendrier électoral, le premier tour des élections législatives fut fixé au 9 août. Le 1er tour des élections présidentielles, le 2ème tour des législatives et les élections communales au 25 octobre. Le 2eme tour des présidentielles et les élections des membres des collectivités territoriales (CASEC, ASEC, Délégué de Ville) au 27 décembre 2015. Si tout se passait comme prévu, le Parlement rentrerait en fonction le deuxième lundi de janvier 2016 et le Président de la République serait installé le 7 février 2016.
3. Inscription des partis politiques
Le CEP invita les partis politiques reconnus à s’inscrire. 192 partis, organisations et entités politiques se présentèrent, y compris le MOPOD, Fanmi Lavalas et Pitit Desalin. 166 partis, organisations et entités politiques, reconnus par le Ministère de la Justice, furent agréés par le CEP. Deux (2) raisons fondamentales expliquent la multiplicité des partis politiques. Premièrement, la loi régissant la formation et le fonctionnement des partis politiques est trop laxiste dans ses critères. Par exemple, vingt (20) membres suffisent pour former un parti politique. Deuxièmement, le gouvernement prévoit une enveloppe de 500 millions de gourdes dans le budget rectificatif 2014-2015 pour le financement des partis politiques. Une manne dans un pays à fort taux de chômage.
Parmi ces partis, on distinguait ceux issus de la mouvance lavalas, ceux proches du pouvoir et ceux constitués à l’occasion des élections. Des démarches furent entreprises par le CEP et le Gouvernement en vue de porter ces partis, organisations et entités politiques à se regrouper en plateforme politique, afin d’en réduire le nombre. En définitive, le nombre de partis, regroupements et plateformes politiques, auxquels le CEP attribua, par tirage au sort, des numéros d’identification était de 126. D’autres tentatives effectuées, soit par le secteur protestant soit par des candidats eux-mêmes, pour réduire le nombre de candidats à la Présidence se révélèrent infructueuses.
4. Inscription des candidats
Le CEP lança le processus d’inscription des candidats dans l’ordre suivant : parlementaires, présidentielles, communales et locales. Les candidats furent invités à s’inscrire en ligne d’abord avant de se présenter dans les Bureaux Électoraux Départementaux (BED) et Communaux (BEC). Entre temps, des ministres et des agents intérimaires démissionnaient en vue de se porter candidat. La question de la décharge était primordiale. La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCA) publia une note de presse, dans laquelle elle informa que les rapports relatifs aux projets de lois de règlement pour les quatre derniers exercices fiscaux (2011-2014) avaient été transmis au Ministère de l’Économie et des Finances (MEF). En conséquence, la Cour ne délivrera pas de certificat de décharge provisoire aux gestionnaires de deniers publics. L’inscription des candidats à toutes les fonctions électives se réalisa dans une ambiance de carnaval : candidats accompagnés d’un défilé de motocyclistes, de bandes à pieds et d’une caravane de véhicules. Souvent, les mêmes motocyclistes, les mêmes bandes à pieds changeaient d’accoutrements, de pancartes à l’effigie du candidat et de fanions. Une activité lucrative se créa à l’occasion des opérations d’inscription.
Ainsi, 70 candidats briguèrent la Présidence, 2039 le Parlement (sénateurs et députés), 2346 les mairies, 3929 les Casecs et 1210 délégués de villes.
5. Contestations de candidatures
Après l’inscription des candidats, une période de contestation est prévue dans le décret électoral. Les instances contentieuses prévues à cet effet sont : le Bureau du Contentieux Électoral Communal (BCEC), le Bureau du Contentieux Électoral Départemental (BCED) et le Bureau du Contentieux Électoral National. Tout électeur peut, moyennant preuve, contester une déclaration de candidature à une fonction élective. Nombreux furent les anciens gestionnaires de deniers publics qui ne purent s’inscrire pour cause d’absence de décharge. Ils n’ont pu bénéficier du principe des formalités impossibles, en évoquant l’absence de Parlement. C’est le cas, par exemple, des anciens ministres du gouvernement Martelly. Parmi les cas de rejet de candidature qui ont défrayé la chronique, citons ceux de la Première Dame de la République, Mme Sophia Saint Rémy Martelly, du candidat à la Présidence de la Plateforme Vérité, M. Jacky Lumarque et de l’ex-Premier ministre Lamothe.
D’autres candidats à la Présidence furent écartés pour cause de double nationalité et pour cause de trafic de stupéfiants. Finalement, 54 candidats figurèrent sur la liste des candidats à la présidence. 1855 candidats agréés pour les élections parlementaires. Au total, 41.000 candidats se préparaient à mener campagne pour les postes électifs.
6. La campagne électorale et les élections
La campagne électorale fut terne. Les candidats au Parlement ont organisé très peu de meetings populaires. La plupart des candidats parcoururent les communes de leur circonscription sur des véhicules montés d’équipements sonores, inondant les rues de vacarme. La campagne présidentielle ne fut pas différente. Tous les candidats proposaient à peu près le même programme. Moins d’une douzaine d’entre eux parcoururent les 11 départements géographiques du pays. La grande majorité se cantonna à des entrevues radiophoniques. Les mêmes participaient aux débats radio télédiffusés.
Quatre (4) sondages du Bureau de Recherche en Informatique et en Développement Social (BRIDES) fournissaient les tendances de votes. Les élections du 9 août 2015 se déroulèrent dans une ambiance de désordre et de violences. Fraudes et irrégularités furent dénoncées aussi bien par des candidats, des partis et regroupements de partis politiques que par des organisations de la société civile impliquées dans l’observation électorale. RNDDH, CNO et CONHANE pointèrent du doigt le Parti PHTK, proche du pouvoir, dans les violences, les fraudes et irrégularités. Le RNDDH pensa que ces élections étaient un accroc aux normes démocratiques. RNDDH, CNO, CONHANE exigeaient une évaluation honnête et sincère du scrutin.
Certains partis politiques, comme la Fusion des Sociaux démocrates, Fanmi Lavalas, ALAH, CANAAN et Renmen Ayiti proposèrent une évaluation des élections législatives. D’autres réclamèrent l’annulation des élections législatives. Ils dénoncèrent de faux observateurs, membres de partis politiques proches du pouvoir comme les instigateurs des fraudes et violences ayant émaillé la journée électorale. Le front des candidats pour la lutte démocratique réclama l’annulation des élections, le renvoi des 9 membres du CEP et le départ du Président Martelly.
Ces revendications furent relayées par des partis et regroupements politiques comme la Fusion, Ayisyen pou Ayiti, REPARENN, Fanmi Lavalas, Platfom jistis, UPAN et PKN. Ils réclamèrent la tête de Pierre-Louis Opont, des corrections ou un gouvernement de transition. Le CEP publia les résultats définitifs des élections législatives.
Le Conseil Électoral Provisoire (CEP) rejeta la notion d’annulation des élections. Selon le conseiller Néhémy Joseph, le CEP est déterminé à conduire la procédure électorale jusqu’au bout. Le CEP décida de reprendre les élections, le 25 octobre 2015, là où il y avait eu violences, fraudes et irrégularités. Ainsi, 15 candidats à la députation et 1 candidat au Sénat furent écartés pour leur implication présumée dans des cas de fraudes et de violences.
Le CEP publia les résultats définitifs des élections législatives. 10 candidats, 2 sénateurs et 8 députés furent élus dès le premier tour. La contestation se radicalisa. Le CEP proposa de corriger les erreurs et de faire mieux à l’occasion des présidentielles, prévues pour le 25 octobre 2015.
Le conseiller Néhémy Joseph, représentant des secteurs Vodou et paysan au sein du CEP, démissionna après avoir cautionné les décisions antérieures du CEP. Le Conseiller Ricardo Augustin, représentant de la Conférence Épiscopale déclara que le CEP allait avancer sans Néhémy Joseph. Il avait raison puisque la Mambo Carline Viergelin, désignée à l’insu des pontes du vodou et du Secteur paysan, succéda à Me Néhémy Joseph.
Le CEP mit le cap sur l’organisation des présidentielles du 25 octobre 2015. Son président, Pierre-Louis Opont, exigea la présence d’une force lourdement armée pour sécuriser ces élections. On effectua certaines corrections et améliorations. Par exemple, les mandats et les cartes d’accréditation des observateurs furent disponibles plus tôt, 13725 bureaux de vote installés dans les dix départements géographiques. La MINUSTAH disposa de 2061 policiers et de 2370 militaires onusiens. Désistement, endossement et appel au boycott caractérisèrent ces présidentielles. Á deux jours du scrutin, le CEP se dit prêt à 97%. Le 25 octobre 2015, les élections présidentielles, législatives et communales se déroulèrent dans le calme. On félicita le peuple, la police et le CEP. Le taux de participation oscilla entre 25 et 30 %, selon des observateurs de l’UE et de l’OEA. Plus tard dans la journée, des dénonciations de fraudes massives et d’irrégularités graves fusaient. Quatre (4) organisations de la société civile : RNDDH, SOFA, CONHANE et CNO, engagées dans l’observation électorale, dénoncèrent des fraudes massives.
Le CEP aurait distribué 13.725 mandats à chacun des partis et regroupements politiques engagés dans la course électorale ainsi que des cartes d’accréditation à des organisations d’observation bidon. Il se serait développé un trafic de mandats et ces mandataires auraient voté plusieurs fois. Rappelons qu’un mandataire et un observateur peuvent voter dans le bureau de vote où ils/elles sont affecté(e)s sans avoir leur nom sur la liste électorale du bureau ou du centre de vote en question. Dans ce cas, le président du bureau de vote et le superviseur rédigent un procès-verbal attestant leur vote.
Des candidats appelèrent au respect du vote populaire. Le RNDDH exigea la vérification des informations relatives à la fois aux votes effectués en dehors de la liste d’émargement par les mandataires et observateurs, au mode de recrutement des avocats vérificateurs au Centre de Tabulation des Votes (CTV) ainsi que la clarification du nombre de mandats et de cartes d’accréditation délivrés aux organisations impliquées dans l’observation électorale. Le Président du CEP, Pierre-Louis Opont, promit de prendre en considération toutes les dénonciations de fraudes. L’internationale exigea la transparence au Centre de Tabulation des Votes (CTV), dirigé par Widmack Matador. Le CEP forma une commission interne pour évaluer et corriger les fraudes et irrégularités. Le RNDDH contesta la formation de cette commission, y voyant une manœuvre du CEP qu’il qualifia de juge et partie. La proclamation des résultats préliminaires, fixée au 3 novembre 2015, fut décalée de deux jours, soit le 5 novembre. Comme prévu, le CEP publia les résultats préliminaires des élections présidentielles du 25 octobre 2015 donnant Jovenel Moïse de PHTK premier avec 32.81% des votes, Jude Célestin avec 25.27%, Jean-Charles Moïse 14.27%, Maryse Narcisse 7.05%. Hormis Jovenel Moise, les autres candidats rejetaient ces résultats appelant au respect du vote populaire. Fanmi Lavalas contesta régulièrement les résultats au BCED et au BCEN et soutint les revendications des partis LAPEH et Pitit Desalin dans les manifestations de rues lancées par ces derniers. Ces manifestations donnèrent souvent lieu à des violences de part et d’autre.
Cependant, bien avant la publication des résultats, huit (8) candidats à la Présidence : Sauveur Pierre Etienne, Jean-Charles Moïse, Jude Célestin, Jean-Henry Céant, Steven Benoit, Charles Henry Baker, Eric Jean-Baptiste et Samuel Madistin, formaient un front commun réclamant la formation d’une commission indépendante pour "épurer le processus de vote, en vue de détecter les cas de fraude ; identifier et recommander l’exclusion du processus aussi bien des fraudeurs que des bénéficiaires des cas de fraudes ; recommander toutes mesures utiles pour rétablir la confiance ; et garantir la transparence nécessaire en vue de la poursuite du processus électoral." Le CEP invita les représentants du groupe des 8 à le rencontrer. Par contre, au cours de la nuit suivant cette rencontre, le CEP publia un communiqué dans lequel il déclara que le décret électoral ne contient pas les provisions pour constituer la commission proposée par le groupe des 8. Alors, LAPEH, Pitit Desalin et Fanmi Lavalas maintinrent la pression par des manifestations de rues.
En réponse à la contestation de Fanmi Lavalas, le BCEN rendit un jugement autorisant les avocats de Fanmi Lavalas à vérifier des procès-verbaux au centre de tabulation des votes. Apparemment, les 78 procès-verbaux contrôlés au CTV étaient entachés de fraudes. Le CEP, dans le communiqué # 92, rectifia le nombre de procès-verbaux écartés pour fraudes. Au lieu de 296 procès-verbaux, le CEP écarta 490 pour fraudes et irrégularités diverses constatées par le CEP lui-même. Cet aveu était susceptible de confirmer les allégations de fraudes et d’irrégularités dénoncées par les partis politiques contestataires. Dans l’après-midi du mercredi 24 novembre, le CEP publia les résultats définitifs des élections présidentielles du 25 octobre 2015, sans grand changement dans le classement des candidats par rapport aux résultats préliminaires. Jovenel Moïse et Jude Célestin devraient s’affronter au second tour prévu le 27 décembre 2015. Le groupe des 8 maintint sa revendication. Le candidat à la Présidence Jude Célestin déclina des invitations de la Présidence et du CEP. Le gouvernement forma une commission en vue d’adresser la crise de confiance qui affectait le processus électoral. Jude Célestin refusa de rencontrer ladite commission. Cependant, de nombreuses organisations de la société civile, comme la Conférence Épiscopale et l’Initiative de la Société civile, adhérèrent à l’idée de la formation d’une commission indépendante de vérification du scrutin présidentiel du 25 octobre 2015.
E. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
La communauté internationale joue un rôle de premier plan dans la politique haïtienne, en général, et dans l’organisation des élections, en particulier. Elle contribue au financement de ces élections à hauteur de plus de 60%. Les principaux contributeurs sont les États-Unis d’Amérique du Nord, l’Union Européenne, le Canada, le Japon et le Brésil. Cette année, le Club de Madrid a effectué 6 missions en Haïti en vue d’appuyer et de suivre l’évolution du processus électoral. Le Secrétaire d’État Américain, John Kerry, est venu en Haïti rappeler que les élections de 2015 devaient se dérouler sans intimidation et sans violence.
En outre, Kenneth Merten : le Coordonnateur du dossier d’Haïti au Département d’État, les ambassadeurs du Canada, des États-Unis, de France et de l’Union Européenne défilèrent au bureau du Premier Ministre Evans Paul pour renouveler leur appui à la tenue des élections en Haïti à la fin de l’année 2015. Par ailleurs, le Core Group, composé de la représentante du Secrétaire Général des Nations-Unies, des ambassadeurs des pays "Amis “d’Haïti : le Canada, les États-Unis, la France, le Brésil, l’Espagne et du représentant de l’OEA en Haïti, plaide pour la poursuite du processus électoral après la tenue des élections du 9 août 2015, voire du 25 octobre 2015. Le représentant de l’Union Européenne va jusqu’à minimiser les allégations de fraudes et d’irrégularités soulevées par les partis de l’opposition.
Or, depuis quelque temps, cette communauté internationale ne parle pas uniquement d’élections libres, honnêtes et démocratiques. Elle y ajoute crédibles et inclusives. Les élections du 9 août et du 25 octobre 2015 sont-elles jugées crédibles par la communauté internationale, suivant les normes et standards internationaux en usage ?
Le journal Miami Herald du jeudi 3 décembre 2015 annonça la visite de l’ambassadeur Kenneth H. Merten. Sa mission, présuma-t-on, était de persuader le CEP de reporter la tenue du 2ème tour des élections prévues le 27 décembre 2015 à une date ultérieure et les dirigeants haïtiens de former une commission indépendante en vue de s’assurer de l’intégrité des élections du 25 octobre 2015, comme le recommandaient la Conférence Épiscopale, des leaders protestants, l’ISC et quatre organisations locales de droits humains. Entre temps, le mandat du Président Michel Joseph Martelly, au pouvoir depuis 4 ans et demi, tire à sa fin.
F. BILAN DU MANDAT DU PRÉSIDENT MARTELLY AU POUVOIR
En accédant au pouvoir le 14 mai 2011, le Président Michel Joseph Martelly avait axé son programme sur cinq (5) "E" : Éducation, Emploi, Énergie, Environnement et État de droit. Certains observateurs croient que le Président Martelly a mangé ses "E". D’autres pensent que ces "E" sont muets ou minuscules.
Éducation : le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle lança le Programme de Scolarisation Universelle Gratuite et Obligatoire (PSUGO). La propagande gouvernementale fait état de chiffres, souvent contradictoires, du nombre d’élèves fréquentant l’école dans le cadre de ce programme. Une évaluation du PSUGO par le Ministère révèle de nombreux cas de fraudes et de malversations. 85 écoles sont exclues du programme. Le Ministère saisit l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC). Le nouveau ministre Nesmy Manigat travaille à l’amélioration de la qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles haïtiennes, contrôlées à 85% par le secteur privé.
Emploi : où sont les 400 mille emplois que l’Administration Martelly claironne avoir créés ? Même le Ministre de l’Économie et des Finances, Wilson Laleau, n’est pas en mesure d’établir avec exactitude le nombre d’emplois créés sous la Présidence de Michel Martelly. Toujours est-il que 60% de la population active du pays vit toujours dans le chômage.
Énergie : l’Administration Martelly a toujours promis de rétablir la fourniture du courant électrique 24 heures sur 24. Cependant, les fournisseurs d’électricité à l’Ed’H se trouvent souvent dans la situation d’arrêter les moteurs, quand l’Ed’H n’honore pas ses obligations contractuelles. Les moteurs de la Centrale Hydro Electrique de Péligre sont en réparation. Cette année, la Banque Mondiale présente un rapport accablant sur la gestion de l’Électricité d’Haïti (Ed’H) qui bénéficie d’une subvention de 200 millions de dollars américains l’an. Alors que l’Ed’H accuse 60% de perte sur le réseau et n’est pas en mesure de facturer les clients. La Banque Mondiale recommande la baisse du prix de l’énergie, la révision des contrats conclus avec les fournisseurs d’électricité à l’Ed’H ainsi que l’amélioration de la gouvernance de la compagnie d’éclairage électrique. Le gouvernement forme une commission, chargée de mettre en œuvre les recommandations de la Banque Mondiale.
Environnement : un rapport publié récemment à la Conférence de Paris sur le climat classe Haïti parmi les trois (3) pays de la planète, avec le Honduras et la Birmanie, comme les plus affectés en 20 ans par des événements météorologiques. La couverture forestière est réduite à une peau de chagrin. Il suffit de quatre (4) heures d’averses pour enregistrer des cas d’inondation et des pertes en vies humaines. Des algues brunes envahissent Haïti, tuent des poissons et affectent la faune marine. Des tas d’immondices jonchent les rues de la capitale et des principales villes. Le personnel du Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS) est en grève pour réclamer le paiement de plusieurs mois d’arriérés de salaires. Il en est de même des employés de la voirie dans de nombreuses villes de province.
État de Droit : un seul cas suffit pour évaluer la vitalité de l’État de droit dans le pays. Le juge d’instruction, Me Sonel Jean-François rend une ordonnance de renvoi au criminel contre les membres du gang galil, dirigé par Woodly Ethéart, alias Sonson Lafamilia et Renel Nelfort, alias Renel le récif. Des membres du gang interjettent appel de ladite ordonnance. Curieusement, le Doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Raymond Jean-Michel, en dépit de l’appel exercé contre l’ordonnance de renvoi, extrait les dossiers de Woodly Ethéart et de Renel Nelfort et les renvoie en jugement devant le tribunal criminel, présidé par le juge Lamarre Bélizaire.
Woodly Ethéart, dit Sonson La familia et Renel Nelfort sont libérés par le juge Lamarre Bélizaire qui leur conseille de ne plus recommencer. Pour maquiller l’affaire, le gouvernement exerce un pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal criminel sans assistance de jury, et met le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de première instance, Me Kherson Darius Charles, en disponibilité. Le Conseil Supérieur du pouvoir Judiciaire inflige la même sanction au Doyen Raymond Jean-Michel qui est remplacé par le Juge Bernard Saint-Vil.
L’expert indépendant des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme en Haïti a effectué quatre (4) visites pour constater la prévalence de la détention préventive prolongée, l’impunité, la situation des réfugiés et des déplacés depuis le séisme du 12 janvier 2010.
2. Instabilité Institutionnelle
On ne compte plus le nombre de commissaires du Gouvernement qui se sont succédé à la tête du Parquet de Port-au-Prince. De plus, l’Administration Générale des Douanes (AGD), la Direction Générale des Impôts (DGI), l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) et la Radiotélévision Nationale d’Haïti (RTNH) n’ont jamais connu autant de changement de directeurs généraux. A celà s’ajoute le nombre de ministres qui ont défilé aux ministères de l’Intérieur, du Plan, des Affaires Sociales, de la Communication, etc. Il importe de rappeler, toutefois, que quatre (4) ministres ont battu le record de longévité dans le gouvernement. Il s’agit des ministres Stéphanie Balmir Villedrouin (Tourisme), Jacques Rousseau (MTPTC), Florence Duperval Guillaume (MSPP) et Wilson Laleau (navette MEF/MCI).
3. Voyages, Accueil et Autres
Le Président Michel Martelly est parmi les présidents d’Haïti, celui qui a effectué le plus grand nombre de voyages à l’étranger et qui a reçu également le plus grand nombre de dignitaires étrangers au cours de son mandat. Il a rencontré deux (2) papes à Rome. Cette année, il a reçu la visite des présidents de la République Française et de la République de Chine (Taiwan). Le premier est venu rappeler la dette "morale" de la France envers Haïti, sans promettre ni restitution ni réparation. Le second est venu inaugurer le nouvel immeuble, logeant la Cour de Cassation de la République, offert par son pays. La Drug Enforcement Agency (DEA) des États-Unis a procédé à l’arrestation du fils de l’ex-président du Honduras Porfirio Lobo et de deux proches du président vénézuélien Nicolas Maduro.
Quelque temps auparavant, deux (2) citoyens vénézuéliens ont été appréhendés à Tabarre en possession de cinq cent mille dollars américains cash à bord de leur véhicule, par des agents de la Brigade de Lutte contre le trafic des stupéfiants (BLTS). Un trafiquant de drogue jamaïcain a été tué par balles à Baie Dumesle, Saint-Louis du Sud, suite à des échanges de tirs avec la police. De même, des ressortissants haïtiens arrêtés pour trafic de drogue et extradés aux États-Unis sont retournés au pays, après avoir purgé leur peine dans les prisons fédérales américaines. C’est le cas, par exemple, d’Oriel Jean et de Jacques Kétant. Ce dernier a bénéficié d’une réduction de peine et de la clémence de la justice américaine.
4. Violence et Insécurité
La violence et l’insécurité ont fait de nombreuses victimes cette année. De nombreux agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) sont tombés sous les balles de bandits circulant à moto dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et dans plusieurs villes de province. Selon le directeur général de la PNH, Monsieur Godson Orélus, 250.000 armes illégales seraient en circulation dans le pays. Les religieux et religieuses furent les nouvelles cibles des bandits. On a enregistré 29 attaques contre des communautés religieuses. Des milliers de fidèles catholiques ont marché dans les rues de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien pour réclamer justice pour les religieux et religieuses.
La Commission Nationale Justice et Paix de l’Église Catholique (JILAP) a dénombré plus de 500 cas de morts par balles au cours du premier semestre de l’année 2015.
Parmi les cas les plus retentissants, citons : l’assassinat chez elle, à Vivy Mitchell de l’ex-directrice générale de la PNH sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide, Madame Jocelyne Pierre ; l’assassinat de Oriel Jean, ancien chef de la sécurité du Palais national, sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide ; l’attentat sur la personne de Jean Nesly Lucien, ancien directeur général de la PNH sous Jean-Bertrand Aristide, atteint de deux projectiles, tirés par des individus circulant à moto à Tabarre 36 ; l’assassinat par des individus armés de l’agronome Jean-Yves Barnatte aux Cayes, de Jean Gesner Henry Jr (dit coupé cloué jr) à Delmas 33, de Claude Delatour à Pétion-Ville, de Wickenson Bazile, employé technique du CEP et cousin du conseiller au CEP Jaccéus joseph (Droits Humains) à Delmas 32. En outre, des individus armés ont criblé de balles la résidence du conseiller au CEP Vijonet Déméro (Cultes Réformés). Á ces cas s’ajoutent toutes les violences enregistrées à Fort-Liberté, à Ouanaminthe, à Petit-Goâve, à Miragôane et à l’Arcahaie. Á Ouanaminthe, par exemple, un casque bleu chilien de la MINUSTAH a été tué. Aussi, des pays comme le Canada, les États-Unis et la France recommandent à leurs concitoyens d’éviter autant que possible de voyager en Haïti même quand un cadre supérieur de l’UNPOL déclare que la situation sécuritaire au pays n’est pas si mauvaise.
Un pays que l’on disait ouvert aux affaires (open for business) trébuche à cause de l’insécurité, de la violence, de l’instabilité politique et de la mauvaise gouvernance. En début d’année fiscale 2014-2015, les prévisions économiques tablaient sur un taux de croissance du PIB de 3.5%, un taux d’inflation de 6 à 8% en rythme annuel et un taux de change oscillant entre 48 et 50 gourdes pour un dollar américain. Sans doute, ces prévisions n’avaient pas tenu compte de facteurs internes comme la sécheresse, les manifestations politiques, les grèves et de facteurs externes comme la baisse du prix du baril de pétrole sur le marché international et la raréfaction de l’aide externe à Haïti. Le brut vénézuélien, principal fournisseur de pétrole à Haïti dans le cadre de l’Accord Pétro Caribe, a perdu 61% de sa valeur en 2015. Cette baisse du prix du pétrole sur le marché international entraîne une baisse des revenus octroyés à Haïti dans le cadre de l’Accord Pétro Caribe signé avec le Venezuela. De plus, les grèves lancées par les syndicats du secteur transport, réclamant la baisse du prix du carburant à la pompe, débouchent sur une réduction des recettes fiscales. Le budget de l’exercice fiscal 2014-2015 est revu à la baisse, de 122.6 milliards à 109.5 milliards de gourdes.
La Commission Économique pour l’Amérique Latine et la Caraïbe (CEPAL) a revu à la baisse le taux de croissance économique du PIB pour Haïti à 2.5%. C’est peut-être ce qui a poussé le ministre de l’Économie et des Finances, Wilson Laleau, à déclarer l’état d’urgence économique. D’après lui, le pays vit au-dessus de ses moyens. Ce qui pourrait laisser croire que l’État allait pratiquer une politique d’austérité, en réduisant son train de vie et en éliminant les dépenses somptuaires. Le Forum Économique Mondial, dans son rapport 2015, classe Haïti 133e sur 141 pays en matière de tourisme, devant Myanmar, Burkina Faso, Mauritanie, Yémen, Mauritanie, Angola, Guinée et Tchad. Depuis quelque temps, le pays importe presque tout ce qu’il consomme et exporte très peu de biens à l’étranger. Pour la première fois dans son histoire, le pays importe du café. Moins d’un million de touristes, y compris les Haïtiens vivant à l’étranger, visitent Haïti chaque année.
Les principales sources de devises étrangères demeurent jusqu’à présent les transferts en provenance de la diaspora et l’aide internationale au développement. Les transferts en provenance de la diaspora totalisent 2 milliards de dollars américains. Avec 830 dollars américains de revenu annuel par tête d’habitants, Haïti stagne dans la classification par revenu de la Banque Mondiale. Haïti exporte pour à peine un milliard de dollars américains de biens et importe pour plus de quatre milliards de dollars américains. Le déficit de la balance commerciale se creuse davantage avec la République Dominicaine. L’Association des Industries d’Haïti (ADIH) s’inquiète de la recrudescence de la contrebande à la frontière haïtiano-dominicaine. La Cimenterie Nationale (CINA) appelle l’État haïtien à lutter contre la contrebande de ciment en provenance de la République Dominicaine. Le gouvernement estime le manque à gagner pour le fisc à près de 500 millions de dollars américains l’an. Récemment, le directeur de la douane de Malpasse se plaignait de la recrudescence de la contrebande qui se développe sur le lac Azuei.
Le rapport du Forum Économique Mondial sur la compétitivité classe Haïti 134ème sur 140 économies analysées en 2015-2016. Entre temps, la Banque Mondiale a révisé les prévisions de croissance du PIB en Haïti à la baisse, soit 1.7%. Le Congrès Américain renouvelle la Loi HOPE/HELP favorisant l’exportation de produits textiles, sans droits de douane, aux États-Unis jusqu’en 2025.
Le salaire minimum dans le secteur textile en Haïti passe à 240 gourdes par jour. Parallèlement, la gourde se déprécie fortement par rapport au dollar américain. Le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain passe de 40 gourdes en 2011 à 52 gourdes pour un dollar américain en avril 2015. En moins de 30 jours, le taux de change est passé en mai 2015 de 46 à 56 gourdes pour un dollar américain. Le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) tente de rassurer et de calmer les esprits des agents économiques. La BRH intervient sur le marché pour garantir la stabilité des prix dans l’économie haïtienne. Alors, la BRH augmente les coefficients de réserve obligatoire, les taux d’intérêt sur les bons BRH et injecte des dollars américains sur le marché.
Pour les uns, la Banque Centrale réduit ainsi la capacité des banques commerciales à octroyer du crédit au secteur privé (effet d’éviction), en asséchant les liquidités disponibles dans le système bancaire. Pour d’autres, ces mesures entraînent aussi l’augmentation des taux d’intérêt sur les prêts accordés aux clients. Les coefficients de réserve obligatoire affectent même les comptes des organismes publics domiciliés dans les banques commerciales opérant en Haïti. Mais la question vitale, celle de la relance de la production nationale, seule capable de revitaliser la gourde, ne peut être adressée par la BRH uniquement mais par une nouvelle politique d’État et par un nouveau choix de société. De plus, comment ne pas provoquer inflation et chute de la gourde quand le ministère des Finances fait imprimer 14 milliards de gourdes en deux ans ?
C’est dans ce contexte économique morose que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) a pris un communiqué interdisant l’importation par voie terrestre de 23 produits en provenance de la République Dominicaine. Le Forum Économique du Secteur Privé jubilait. Cependant, cette décision s’apparente à une mesure protectionniste non tarifaire, susceptible d’être attaquée devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Les observateurs se demandent pourquoi une mesure si importante n’a pas fait l’objet d’un arrêté pris en Conseil des ministres mais d’un simple communiqué du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) ?
De toute façon, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le syndicat des transporteurs de la République Dominicaine protestait et bloquait la frontière à Jimani. Ce qui a eu pour effet de pénaliser les usines textiles opérant en Haïti, dont l’approvisionnement en matières premières s’effectue par la frontière haïtiano-dominicaine. Le Président Martelly a dû se rendre à Baharona en République Dominicaine pour rencontrer son homologue Danilo Médina en vue de discuter de questions d’intérêt commun aux deux pays. Les deux présidents signèrent un accord en six points. Les échanges commerciaux et la migration sont au cœur de cette entente.
Le rapport « Doing Business 2016 » classe Haïti 182ème sur 189 nations répertoriées. La Coordination Nationale sur la Sécurité alimentaire constata une augmentation des prix des produits alimentaires. La dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain se poursuit. Le coût de la vie augmente. Le taux d’inflation est passé maintenant à 11%. En cette fin d’année 2015, le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain avoisine 60 gourdes pour un dollar américain. La Banque Centrale (BRH) annonce la vente de 50 millions de dollars sur le marché des changes.
Le 1er octobre 2015, le gouvernement publia par décret le Budget de 120.6 milliards de gourdes pour l’année fiscale 2015-2016. Les prévisions de dépenses dans ce budget sont supportées par des prévisions de recettes basées sur une augmentation de certains droits et taxes, comme le matricule fiscal, le timbre de passeport, le permis de conduire et la patente. Parallèlement, le gouvernement adopta un décret accordant des privilèges exorbitants aux anciens ministres et secrétaires d’État. Ces décisions soulevèrent la colère des syndicats de transport et des étudiants de certaines facultés de l’Université d’État d’Haïti. Á celles-là s’ajouta la décision de créer cinq (5) nouvelles communes dont celle dite des Arcadins. Après maintes protestations, violences et émeutes à l’Arcahaie, le gouvernement rétracta ces mesures.
Le processus de paupérisation de la population se poursuit. Sur une population totale de 10.6 millions d’habitants, la population économiquement active est estimée à 4.7 millions d’habitants. 60% de cette population est en chômage. De plus, 3.7 millions d’Haïtiens sont menacés par l’insécurité alimentaire. Plus de deux millions d’Haïtiens vivent au-dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 2 dollars américains par jour. Les Haïtiens continuent de prendre le chemin de la mer, en dépit des rapatriements des États-Unis et des Bahamas. Un voilier a fait naufrage au large de Borgne, faisant 21 morts et occasionnant autant de disparus. Plus de 70.000 immigrants haïtiens sont confrontés à d’énormes difficultés au Brésil qui accorde la résidence permanente à 43.781 d’entre eux.
Le gouvernement a procédé dans la capitale à la démolition des maisons dans les quartiers compris entre la rue de la Réunion, la rue du Champ de Mars et la rue Saint-Honoré, après un processus de dédommagement laborieux, laissant de nombreuses familles sans toit. De plus, les chantiers publics, exécutés pour la plupart par la firme du sénateur dominicain Félix Bautista, sont fermés. En outre, les programmes sociaux : Edé Pèp, Ti Manman Chéri, Koré Etudiant, koré paysan, Restaurants Communautaires, mis en place sous le gouvernement Lamothe, sont arrêtés, faute de financement. Pour les relancer, le gouvernement du Premier Ministre Evans Paul nomma un nouveau ministre délégué auprès du Premier Ministre, chargé des Programmes Sociaux, Projets et Chantiers du gouvernement.
Le Président Martelly a procédé à la distribution de 72 autobus à 72 jeunes garçons des rues, dans le cadre du programme changer la vie, changer de métier. Il a aussi procédé à l’inauguration des places publiques du Canapé Vert et de la Place Sainte- Anne, du Ciné Triomphe, du Kiosque Occide Jeanty, du viaduc de Delmas, des locaux du Lycée Alexandre Pétion et du Lycée Toussaint Louverture.
La décision du Tribunal Constitutionnel dominicain TC 168-13, remettant en question la nationalité des descendants d’Haïtiens vivant en République Dominicaine depuis 1929, les menaçant de déportation, créa un malaise, une friction dans les relations diplomatiques entre les deux pays partageant l’île d’Haïti. Normalement, la République d’Haïti devait porter l’affaire devant la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme de l’OEA qui a juridiction pour résoudre pareil différend. Suivant les conseils du Président du Venezuela, Haïti abandonna la voie multilatérale pour engager des négociations bilatérales avec la République Dominicaine. Entre temps, la République Dominicaine adopta une loi de régularisation de la situation des immigrants illégaux et mit en place un programme national de régularisation des étrangers (PNRE). La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) appela la République Dominicaine à garantir le droit à la nationalité des Dominicains. Pris au piège de la République Dominicaine, Haïti a lancé un programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens (PIDIH) vivant dans la république voisine. Le CARICOM se dit préoccupé par l’expiration des délais prévus dans le cadre du programme national de régularisation des étrangers (PNRE). Des milliers d’Haïtiens, vivant illégalement en République Dominicaine, sont menacés de déportation. 98.000 Haïtiens inscrits au PNRE retiraient leur carte de régularisation leur accordant le statut de migrants légaux en République Dominicaine. Par contre, 78.000 étrangers furent exclus du PNRE, en majorité des Haïtiens.
A l’appel du Collectif du 4 décembre et d’autres organisations de la société civile, une manifestation est organisée à Port-au-Prince contre la République Dominicaine. Des individus non identifiés descendirent le drapeau dominicain sur le toit du Consulat dominicain à Pétion-Ville. En représailles, la République Dominicaine rappela son ambassadeur accrédité en Haïti, ferma les portes de ses consulats, réclama des excuses pour la profanation de son drapeau.
L’ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine : Daniel Supplice, critiqua le programme de documentation et d’identification des immigrants haïtiens (PIDIH), initié par le gouvernement haïtien en République Dominicaine. Il le qualifia d’échec cuisant et de fiasco total. "Nous ne sommes pas en mesure d’identifier nos citoyens chez nous", déclara-t-il. Haïti appela la République Dominicaine à la raison à la tribune de l’OEA qui prôna le dialogue entre les deux pays. Parallèlement, le Groupe d’Appui aux Réfugiés et Rapatriés (GARR) dénonça le rapatriement de force, à Anse à Pitres, de 299 ressortissant(e)s haïtiens. L’ambassadeur Daniel Supplice est rappelé par le pouvoir et remplacé par Madame Magalie Jeanty Magloire.
Le Carnaval national qui s’est déroulé cette année à Port-au-Prince fut amputé d’un jour. Le deuxième jour s’était brusquement arrêté, à cause de l’accident survenu au Champ de Mars, à l’angle de la Rue Capois, qui a failli couter la vie au chanteur vedette du groupe musical Baricad Crew : Fantom. Cet accident a quand même causé la mort de 17 participants au carnaval. Le mardi gras était consacré à une cérémonie d’hommage silencieuse à la mémoire des disparus. En outre, le Festival des Arts de la Caraïbe, dénommé CARIFESTA, organisé en Haïti cette année, a connu un grand succès, tant du point de vue de la qualité des spectacles que du niveau de participation aussi bien des délégations en provenance des pays de la Caraïbe que du public haïtien.
Cette année, sont morts l’économiste Henri Bazin, un homme honnête et modeste, le chanteur vedette du groupe musical King Posse : Alex Pierre alias Black Alex, l’Ati national : Max Beauvoir, Monseigneur Pierre Saint-Hilien, évêque du Diocèse de Hinche, le chef militaire de la MINUSTAH : le Lieutenant-Général brésilien José Luiz Jarobnady Jr, l’agronome Pierre Gary Mathieu.
L’année 2015 marquait également le centenaire de la première occupation du pays par les marines américains. 100 ans après, Haïti est occupé par une force multinationale (MINUSTAH) sous contrôle des Nations-Unies, au titre du Chapitre VII de la Charte de l’ONU. Le mandat de la MINUSTAH est renouvelé pour une année, expirant le 15 octobre 2016. Coïncidence historique, un émissaire américain, Kenneth Merten, vient dicter la suite à donner au processus électoral. En cette fin 2015, Haïti se trouve à une croisée des chemins. Les élections prévues le 27 décembre sont renvoyées. Pourtant, le gouvernement adopte en Conseil des Ministres un décret réorganisant le Ministère de la Défense et remobilisant les forces armées d’Haïti. Une commission est unilatéralement formée par la Présidence pour évaluer le processus électoral bancal dont on verra peut-être l’aboutissement en 2016. Des analystes politiques prévoient la fin du mandat de cinq ans du Président Martelly le 14 mai 2016, un élu devant remplacer un élu.
De quoi l’Année 2016 sera-t-elle faite ? Elle débutera comme les précédentes, en pleine tourmente politique, économique et sociale. Quand une administration a dépensé 2 milliards 450 millions de dollars Us en 5 ans en pratiquant surtout une politique de poudre aux yeux, qu’elle a émis en 2 ans 14 milliards de gourdes pour financer d’abord le gaspillage, comment s’étonner de l’envol de l’inflation et de la chute de la gourde ? Comment ne pas se demander que pourra et que devra faire un nouveau gouvernement ? Martelly, se contentant d’un présent en chrysocale a raté l’occasion d’entrer dans l’Histoire. 2016 sera ce que le peuple haïtien voudra en faire : une année d’éveil ou d’un pas de plus vers l’abîme.
Michel Soukar
Port-au-Prince, 22 décembre 2015
La nouvelle est tombée annonçant le 21 décembre au soir que le CEP avait décidé le report de l’élection présidentielle et des élections législatives partielles prévues pour le dimanche 27 décembre. Elle fait sans doute suite au communiqué de presse qu’on nous avait fait parvenir hier.
Port-au-Prince, le 19 décembre 2015
Nous, signataires de la présente, candidats à la Présidence engagés dans le processus électoral devant conduire à l’installation du nouveau Président élu le 7 février 2016, communément appelés Groupe des 8 (G-8) :
Condamnons fermement la publication de ce que le Conseil électoral provisoire (CEP) appelle des "résultats définitifs pour les élections législatives" alors que de graves accusations de corruption pèsent sur les membres de différents Bureaux de Contentieux électoraux départementaux (BCED) et du Bureau du Contentieux électoral national (BCEN). La publication de ces résultats, quarante-huit heures après la formation d’une commission électorale pro-gouvernementale, démontre que le pouvoir et le CEP ont délibérément choisi de verser dans l’escalade et la provocation. Cette volonté évidente d’empirer la crise pour mieux se présenter en position de force dans des négociations politiques éventuelles confirme à quel point l’Etat a perdu de sa superbe et de son prestige avec le pouvoir Tèt-kale et le caractère servile d’un CEP scélérat soumis aux caprices de l’Exécutif.
Rejetons en bloc lesdits résultats intervenus brusquement dans le but évident de couper court aux dénonciations de plus en plus persistantes relatives aux distributions de pots-de-vin aux conseillers électoraux, aux juges des Bureaux électoraux départementaux (BCED) et du Bureau électoral national (BCEN).
Réaffirmons la volonté, maintes fois réitérée, du G-8 d’arriver à la formation d’une commission d’enquête indépendante de vérification électorale chargée de restituer la sincérité du scrutin pour tout le processus électoral.
Rappelons que dans le communiqué du 3 novembre 2015 le G-8 avait indiqué les secteurs à consulter pour la formation de ladite commission, les modalités de désignation de ses membres et sa mission.
Le G-8 croit qu’il est indispensable aujourd’hui d’accorder une protection particulière aux dénonciateurs et aux témoins des actes de corruption dont se sont rendus coupables des membres des BCED et du BCEN avant la publication des résultats. La loi sur la prévention et la répression des actes de corruption permet d’accorder un statut particulier à ceux qui veulent coopérer pour permettre à la justice de faire la lumière sur des actes de corruption impliquant des juges électoraux et de les réprimer avec la dernière rigueur. Il n’est pas normal que le Centre de Tabulation (CTV), les BCED et le BCEN, par la pratique du pot-de-vin, se substituent aux électeurs.
Le G-8 appuie les manifestations populaires pacifiques organisées un peu partout à travers le pays pour forcer l’Exécutif et le CEP à respecter le verdict des urnes.
Le G-8 reconnaît au peuple haïtien le droit légitime à la révolte en vue d’exiger le départ anticipé d’un pouvoir kleptocratique qui s’écarte des règles démocratiques de gestion de l’État.
Plus que jamais Uni et Solidaire, le G-8 renouvelle sa volonté de tout entreprendre, dans le cadre de la loi, pour faire respecter la volonté populaire.
Pour le G-8 :
Samuel MADISTIN
Port-au-Prince, 11 décembre 2015
La revue de presse présentée ici provient de la Direction Nationale du Livre (DNL), le Ministère de l’Economie et des Finances, Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides (SMCRS) et du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Il y manque peut-être un peu plus d’esprit critique, mais ce sont quand même des informations à prendre en compte.
Dans la presse nationale
Politique/ Elections
Lors d’une rencontre ce mardi avec des journalistes, l’ancien candidat au Sénat pour le département de l’Ouest, Arnel Bélizaire, s’est lâché : « Je voudrais demander à Jean Bertrand Aristide, dans quel camp se trouve son parti ». Il a renchéri : « Je demande à Aristide de libérer Fanmi Lavalas en vue de poursuivre notre lutte pour la démocratie ». L’ancien parlementaire de la 49e législature fait cet appel dans le but de renforcer la mobilisation à travers les rues, tandis que la communauté internationale tente de calmer la tension afin d’éviter toute rupture avec cette tendance démocratique grandissante en Haïti. Source : scoopfmhaiti.com
Le coordonnateur Kenneth Merten reste muet
En Haïti depuis le jeudi 3 décembre, Kenneth Merten s’est entretenu avec plusieurs personnes. Les candidats Jovenel Moïse et Jude Célestin (mais chacun séparément), le président Martelly…etc. Mais rien n’a vraiment transpiré de ces rencontres. Washington montre ainsi sa force. Il est vrai que depuis que Kenneth Merten est dans nos murs, il y a eu moins de manifestations. Mais Kenneth Merten dont la présence a contribué à calmer les choses ne peut pas rester éternellement chez nous. Source : haitienmarche.com
Finies les auditions au BCEN, les résultats définitifs en attente
Le Bureau du contentieux électoral national (BCEN) a bouclé l’audition de l’ensemble des cas qui ont été soumis à son examen. La première chambre a pu entendre les derniers dossiers encore pendants dans la nuit du lundi 7 décembre 2015. Au terme de ces auditions, le tribunal électoral national a vidé un total de 95 recours qui y ont été exercés. Pour l’instant, toutes les compositions sont en train de délibérer sur les différents dossiers entendus, informe la conseillère électorale Lourdes Édith Joseph, membre de la première chambre du BCEN. Source : lenational.ht
Elections : La commission d’enquête indépendante ne verra pas le jour(sic)
Le conseil électoral n’entend céder ni aux pressions de la rue ni aux appels des secteurs qui réclament la mise en place d’une commission d’enquête indépendante. Lors d’une conférence de presse, ce 7 décembre, des membres du CEP ont fait état des avances déjà effectuées en vue du second tour le 27 décembre prochain. Aux acteurs politiques qui sollicitent, à travers les médias, un report de cette date, le CEP s’est dit ouvert mais souhaite une démarche institutionnelle. Source : metropolehaiti.com
Société
La BID accorde 22 millions pour faciliter l’accès à l’eau potable
La Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA) devrait lancer dans les prochains mois des projets visant à renforcer la production d’eau potable dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Des pénuries ont été enregistrées plus fréquemment au cours des derniers mois en raison notamment de la vétusté du réseau. Des représentants de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) ont paraphé hier avec le gouvernement haïtien un accord de 22 millions de dollars pour renforcer le secteur de la production d’eau potable. Les projets seront financés conjointement par la BID et l’Agence Espagnole de Coopération Internationale. Source : metropolehaiti.com
Une morgue nationale pour résoudre le problème de la gestion des cadavres
Une toute première dans notre histoire, la construction d’une morgue nationale pour résoudre le problème de la gestion des cadavres. Mardi 8 décembre, la ministre de la Santé publique et de la Population, Dr Florence Duperval Guillaume, a procédé, en présence de la Première dame de la République, Sophia Martelly, à la pose de la première pierre de ce bâtiment qui sera érigé sur une superficie évaluée à un carreau de terre. Tous les intervenants à cette cérémonie ont parlé d’un moment historique, d’une morgue répondant aux normes de la préservation des cadavres. Source : lenouvelliste.com
Education
Haïti-Éducation : 4 ans du PSUGO en chiffres
Le directeur général du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), Rénold Telfort, a présenté à la presse, le mardi 8 décembre, le rapport de quatre années de la mise en œuvre du Programme de Scolarisation universelle, gratuite et obligatoire (PSUGO), a constaté Haiti Press Network. Présenté sous forme de document chiffré concernant l’historique de paiement des écoles non publiques impliquées dans le PSUGO dans chaque département du pays, il s’agit, selon le directeur Rénold Telfort, d’un état des lieux du programme de 2011 à 2015. Question de transparence, un exemplaire du document déjà disponible dans chacune des directions départementales du ministère, a été remis aux membres de la presse. Source : hpnhaiti.com
Le numérique au service de la formation des enseignants
Toujours dans la sempiternelle logique de « réinventer le système éducatif », directeurs d’établissements, inspecteurs, opérateurs de téléphonie mobile… se sont réunis les mardi 8 et mercredi 9 décembre aux fins de discuter, palabrer et envisager une nette appropriation, par les enseignants, des nouveaux outils et les opportunités d’innovation pédagogique offertes par le numérique, sous la houlette du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, conjointement avec l’ambassade de France en Haïti et le Centre international d’études pédagogiques (CIEP). Source : lenouvelliste.com
Culture
Haïti-USA-Culture : Une chanteuse d’origine haïtienne nominée pour les Grammy Awards Cécile McLorin Salvant, fille d’un médecin haïtien et d’une institutrice guadeloupéenne, vient d’être nominée dans la catégorie « Best Vocal Jazz Album » pour la 58e édition des Grammy Awards aux Etats-Unis, a appris HPN. L’album jazz « For One To Love », produit sous le label Mack Avenue Records, est sorti le 4 septembre 2015. Pour cet album, Cécile McLorin Salvant, 26 ans, a été acclamée par les critiques un peu partout dans le monde. Source : hpnhaiti.com
Dans la presse internationale
Senadores revisarían la línea divisoria con Haití
El Senado pedirá al Poder Ejecutivo realizar una revisión exhaustiva de la línea divisoria que delimita la frontera entre la República Dominicana y la República de Haïtí. Por tal motivo la Comisión de Asuntos Fronterizos que preside la senadora Sonia Mateo, informó que rendirá informe favorable a la resolución del senador Adriano Sánchez Roa . La resolución tiene como finalidad verificar el cumplimiento fiel del Tratado Fronterizo Dominico-Haitiano de 1929 y su Protocolo de Revisión de 1936. En la pieza legislativa se justifica la revisión en el considerando tercero indicando que el descontrolado y creciente flujo migratorio y el incremento sostenido de las relaciones comerciales entre República Dominicana y Haïtí, han provocado la ocupación irregular de territorio dominicano por parte de ciudadanos haitianos. Source : listindiario.com
Haiti. La diaspora propose des solutions pour sortir de la crise électorale nationale
Plusieurs organisations représentant la diaspora haïtienne aux États-Unis se sont réunies pour trouver des solutions à la crise électorale en Haïti. Parmi elles se trouvent l’Alliance pour le Renouveau d’Haïti (HRA), la Chambre haïtienne de commerce américaine (HACCOF), l’Alliance nationale pour la promotion des professionnels haïtiens (PNSAA), Konbit pour Haïti, le Congrès pour fortifier Haïti et l’Organisation nationale pour la promotion des Haïtiens, qui se montrent préoccupées par l’impact et l’impasse continue sur l’économie, la légitimité et la stabilité du gouvernement issu du processus de vote. Source : caraibcreolenews.com
Le texte du jour
Par Thomas Lalime
Source : lenouvelliste.com
Le fauteuil présidentiel demeure l’un des postes les plus convoités en Haïti. Des 54 candidats à la présidence agréés par le Conseil électoral provisoire (CEP) pour participer au premier tour, deux atteindront le second tour de l’élection présidentielle. Ce qui manque cependant, ce sont des propositions concrètes de politiques publiques pour sortir le pays du marasme économique actuel.
Élections ou transition, une économie moribonde attend le nouveau président de la République. La dernière note sur la politique monétaire de la Banque de la République d’Haïti (BRH), couvrant la période allant de juillet à septembre 2015, ne souffre d’aucune ambigüité. Elle confirme : « Au cours du quatrième trimestre de l’exercice fiscal 2014-2015, la conjoncture économique a été marquée par une forte dépréciation de la monnaie nationale et une baisse de la production agricole. Cela a entraîné une importante progression des prix intérieurs. »
Trois grands maux ont donc frappé l’économie nationale au cours du dernier trimestre de l’année fiscale : dépréciation de la monnaie nationale, inflation et contraction de l’activité économique. Et les deux premiers mois de l’exercice fiscal 2015-2016 n’augurent rien de mieux.
Le vendredi 27 novembre 2015, l’une des deux plus grandes banques commerciales de la capitale haïtienne vendait le billet vert à 59 gourdes si le client voulait un montant compris entre 2 500 et 10 000 dollars américains. Pour des montants supérieurs, il faut négocier un taux encore plus élevé. Il n’est donc pas exagéré de penser que l’on atteint déjà le seuil symbolique de 60 gourdes pour un dollar.
On connaît déjà la chanson : le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) affirmera qu’il dispose des moyens pour calmer la tension sur le marché des changes. Mais l’accalmie sera de courte durée.
Si les interventions de la Banque centrale avaient permis de ramener le taux de change autour de 52 gourdes à la mi-septembre contre 55.22 gourdes pour un dollar au début du mois de juillet 2015, force est alors de constater une forte reprise de la décote de la gourde ces derniers jours. Depuis la fin du mois d’octobre, la banque commerciale ci-dessus mentionnée vendait le billet vert à 55,5 gourdes pour des montants compris entre 2 500 et 10 000 dollars américains.
La BRH sera encore obligée d’intervenir sur le marché en vendant des dollars alors que les réserves internationales nettes étaient réduites à seulement 822,1 millions de dollars américains au 23 septembre 2015. Les interventions de la BRH sur le marché des changes d’avril à juin 2015 avaient contribué, entre autres, à une baisse des réserves internationales nettes qui avaient totalisé 858,9 millions au 17 juin 2015 contre 921,7 millions de dollars un trimestre plus tôt.
Faut-il rappeler qu’en septembre 2012, les réserves nettes s’élevaient à 1,3 milliard de dollars américains. En trois ans, elles ont donc diminué de 477,9 millions de dollars américains, soit une baisse de 37 %. La BRH y puisera encore pour essayer de contenir la nouvelle décote de la gourde observée ces derniers jours. Jusqu’à quand ? Là est l’incontournable et l’éternelle question.
La note sur la politique monétaire poursuit : « Au niveau des finances publiques, la persistance du déséquilibre budgétaire a débouché sur un financement monétaire proche de 11 milliards de gourdes. On a également observé une progression continue de la base monétaire. Elle serait attribuable à la hausse du stock du crédit net à l’État par rapport au recul des avoirs extérieurs nets. »
Tous ces enjeux étaient absents de la campagne électorale, notamment des débats présidentiels du premier tour. On ne sait pas encore comment le nouveau président abordera la problématique de la dévaluation de la gourde, de l’inflation et du financement monétaire du déficit budgétaire. Ce ne sont pas ces sujets qui attirent la grande foule. Pourtant, ce sont eux qui déterminent le pouvoir d’achat de la population, donc son niveau de vie.
Des recettes publiques en baisse
Contrairement au marché local, sur le marché international, on a constaté, durant le trimestre juillet-septembre 2015, une amélioration de l’activité économique et des faibles taux d’inflation, particulièrement aux États-Unis d’Amérique. Les prix des produits de base ont baissé, y compris les cours du pétrole. Le produit intérieur brut (PIB) américain s’est accru au troisième trimestre 2015 à 3,7 % en glissement annuel, après une contraction de 0,7 % au cours du trimestre antérieur. Cela sous-tend que la morosité économique observée sur le plan national est d’ordre interne.
La baisse des prix mondiaux n’a pas empêché une poussée de l’inflation sur le marché local durant l’exercice fiscal écoulé. En glissement annuel, on est passé de 5,8 % en octobre 2014 à 6,4 % en mars, puis de 10,4 % en août à 11,3 % en septembre 2015. Les autorités expliquent ce renchérissement des prix par la faiblesse de la récolte agricole du printemps, perturbée par des conditions climatiques défavorables dans certaines régions agricoles et la forte dépréciation de la gourde. Celle-ci réduit le pouvoir d’achat d’une population qui assiste, de manière impuissante, à une dollarisation croissante de l’économie nationale et fait augmenter le prix des produits, pour la plupart importés.
Rappelons que la disponibilité alimentaire locale est assurée pour plus de la moitié par les importations payées en dollars américains. Cette importation massive crée une pression constante sur la demande de dollars, faisant ainsi grimper le taux de change. Par ailleurs, au cours du 4e trimestre de l’année fiscale 2014-2015, les recettes publiques ont diminué de 5 % en glissement trimestriel, en passant de 13,5 milliards de gourdes à 12,04 milliards de gourdes. Le total des recettes au 23 septembre avaient totalisé 54,7 milliards de gourdes, soit un taux de réalisation de 88,4 % par rapport aux prévisions budgétaires.
La Banque centrale a confirmé une progression trimestrielle de 3.7 % de la monnaie en circulation contre 5,21 % en juin. Sur un an, la circulation fiduciaire a cru de 17,83 %, la plus forte depuis 2010. La banque des banques précise que cette croissance de la monnaie en circulation « reflète le niveau élevé du financement monétaire et la hausse des encaisses de transaction associée à la remontée des pressions inflationnistes dans l’économie ». Comme pour dire que la BRH alimente l’inflation plutôt que de la diminuer.
La note sur la politique monétaire de la BRH fait quand même état d’une légère augmentation de certains secteurs de l’activité économique par rapport au trimestre avril-juin 2015. Par exemple, l’indice de la production industrielle (IPI) et celui de l’activité commerciale devraient croître de 1,9 % et 4,7 % au cours du dernier trimestre de l’exercice fiscal 2014-2015. Avec la reprise de certains chantiers, le secteur de la construction devrait retrouver la croissance après avoir enregistré une contraction au troisième trimestre.
Mais ces petites embellies demeurent trop faibles pour tirer la croissance économique vers le haut. La BRH prévoit un ralentissement du taux de croissance économique lié à la baisse des dépenses d’investissements publics et à la contre-performance du secteur agricole. Elle s’attend à ce que les effets de la sécheresse en Haïti et en République dominicaine se répercutent sur le niveau des prix locaux au cours du prochain exercice fiscal. Selon la Banque centrale, les prévisions d’inflation tablent sur une progression des prix autour 10,4 %, 10,7 % et 10,9 % en glissement annuel, respectivement pour les mois de septembre, d’octobre et de novembre 2015. Des taux assez élevés par rapport à la tendance observée ces dernières années.
Dans un tel contexte, indique la banque des banques, la posture de la politique monétaire visera la neutralisation de l’impact de la liquidité excédentaire sur la demande de devises dans l’économie de manière à limiter les effets de la transmission de la dépréciation de la monnaie nationale aux prix à la consommation dans l’économie.
Avec les soubresauts électoraux qui marqueront le premier semestre du présent exercice fiscal, on ne doit pas s’attendre à une activité économique florissante pour l’exercice fiscal 2015-2016. Mais cela ne semble pas inquiéter outre mesure les nouveaux et les futurs élus, pour la plupart trop préoccupés par des intérêts personnels. Trop souvent inavoués et inavouables.
Novembre 2015
Des nouvelles des élections. Une forme de simulacre officiel tel qu’il est conté par la revue de presse proposée par le site C3Group ?
Dans la presse nationale
Politique/ Elections
Steven Benoît agressé, le Sénat condamne
L’agression sur la personne du sénateur en fonction et candidat à la présidence Steven Irvenson Benoît et de son ancien collègue Moise Jean-Charles sert de prétexte au Sénat de dix membres pour s’extraire de sa torpeur. Tandis qu’il s’est tenu éloigné du débat politique depuis un certain temps, le grand Corps est sorti de son mutisme ce jeudi pour se positionner sur la conjoncture dominée par la question électorale et condamner la répression des manifestations de l’opposition par la police nationale. Source : lenouvelliste.com
Haïti-Élections : Un sondage de sortie des urnes met en doute les résultats préliminaires officiels
Un sondage de l’Institut brésilien Igarapé montre que les résultats préliminaires officiels de l’élection présidentielle du 25 octobre dernier en Haïti pourraient ne pas refléter la volonté des électeurs, apprend l’agence en ligne AlterPresse. L’enquête basée sur des entretiens avec plus de 1.800 électeurs de 135 centres de vote dans l’ensemble des dix départements d’Haïti révèle un schéma de vote très différent de celui des résultats officiels plaçant en tête le candidat du pouvoir, Jovenel Moise. 37,5 % des enquêtés ont indiqué avoir voté pour Jude Célestin du parti Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation haïtienne (Lapeh), 30,6% disent avoir voté pour Moise Jean Charles de la plateforme Pitit Dessalin, 19,4% pour Maryse Narcisse de Fanmi Lavalas. Jovenel Moïse du Parti haitien tèt kale (Phtk), au pouvoir, a été choisi seulement par 6,3% des répondants de l’enquête. Source : alterpresse.org
[Rappelons qu’un certain nombre de candidats potentiels de haut niveau avaient déjà été empêchés de se présenter par le pouvoir avant et pendant de début de la campagne]
Fanmi Lavalas a maintenu le mot d’ordre de manifestation du 20 novembre
L’organisation politique Fanmi Lavalas a annoncé jeudi le maintien de la manifestation du vendredi 20 novembre dans la capitale pour continuer de réclamer le respect du vote populaire suite aux résultats préliminaires de la présidentielle du 25 octobre. L‘ un des membres du directoire de Fanmi Lavalas, le Dr Louis Gérald Gilles fait savoir que cette marche partira du Boulevard Jean Jacques Dessalines et appelle la population à répondre une nouvelle fois en masse à cette convocation. Source : ahphaiti.org
Le candidat à la présidence du PHTK en visite à Port-de-Paix, se prononce contre la formation de la commission indépendante de vérification
Le candidat à la présidence du Parti Haitien Tèt Kale, Jovenel Moise, a effectué ce jeudi une visite à Port-de-Paix où il a remercié les citoyens qui ont voté en sa faveur lors de la présidentielle du 25 Octobre. Il en a profité pour s’entretenir avec des élus PHTK dans la région. M. Moise classé 1er, selon les résultats préliminaires de la présidentielle du 25 octobre, s’est prononcé à l’occasion contre la formation de la commission indépendante de vérification réclamée par une dizaine de candidats à la présidence, arguant que le décret électoral ne prévoit pas pareille démarche. Source : ahphaiti.org
Le BCEN autorise la vérification au centre de tabulation
Le tribunal électoral a répondu favorablement à la requête des deux partis politiques qui ont contesté les résultats de la présidentielle et il a autorisé une vérification au niveau du centre de tabulation. Ce n’est pas encore le verdict du bureau du contentieux électoral national mais dans une « décision avant dire droit », le BCEN a permis une vérification au niveau du centre de tabulation. Les deux partis politiques ayant contesté les résultats préliminaires des élections présidentielles, à savoir Fanmi Lavalas de Maryse Narcisse et MEKSEPA de Villaire Cluny Duroseaux, ont été invités ce jeudi au CTV pour vérifier les procès-verbaux. Source : metropolehaiti.com
Les candidats à la présidence réunis au sein du groupe des 8 entendent poursuivre la mobilisation pacifique jusqu’à nouvel ordre
Question de continuer d’exiger du CEP plus de transparence dans le processus électoral. Condamnant fermement les brutalités policières contre les manifestants du mercredi 18 novembre, à Port-au-Prince, ces aspirants chefs de l’État dénoncent l’attitude du pouvoir qui, selon eux, est sur le point de faire un usage politiquement abusif de la police nationale. Libération cet après-midi des deux militants de la plateforme Pitit Dessalines arrêtés au Cap-Haïtien le 5 novembre dernier. Gesner Jean Geffrard et Muller Julmiste avaient été appréhendés peu après la publication des résultats préliminaires de la présidentielle du 25 octobre et accusés de tentative d’incendie. Source : radiotelevision2000.com
Le Gouvernement réprouve les violences orchestrées lors des dernières manifestations
Le Gouvernement de la République d’Haïti dit constater avec beaucoup d’appréhension, que des manifestations organisées pour contester les résultats des dernières élections, deviennent de plus en plus violentes, et ne respectent pas les normes régissant la tenue de manifestations pacifiques. (…)Tout en reconnaissant et respectant le droit de manifester pacifiquement, le gouvernement réprouve les nombreux cas de violence caractérisés enregistrés dans des manifestations susceptibles de mettre en péril ce qui reste de la souveraineté nationale du pays. Source : sigmalfmhaiti.com
Les chanceliers haïtien et dominicain se rencontrent à Panama
Le ministre haïtien des Affaires étrangères, Lener Renauld, et son homologue dominicain, Andrés Navarro, vont se rencontrer à Panama pour faire un tour d’horizon sur les dossiers qui concernent les deux pays en marge du premier symposium de la commission de la Mer des Caraïbes, les 23 et 24 novembre. Cette rencontre se réalisera sur la demande du secrétariat général de l’Association des États de la Caraïbe (AEC). Source : lenational.ht
Pas de grandes festivités pour la bataille de Vertières
Le 212 eme anniversaire de la bataille de Vertières, ayant conduit à l’indépendance d’Haïti, a été commémoré à la cloche de bois le mercredi 18 novembre 2015. Seul le ministre des sports, Jimmy Albert, s’était rendu au Cap Haïtien afin de participer à une brève cérémonie en la mémoire des héros de l’indépendance. Le ministre Albert dans une brève allocution de 3 minutes a appelé à l’unité entre les fils d’Haïti. Á cette occasion un message pré enregistré du chef de l’État avait été diffusé. Source : metropolehaiti.com
Risque de crise alimentaire dans 6 départements du pays
Selon la CNSA, les conditions de sécurité alimentaire ne devraient pas s’améliorer dans plusieurs départements du pays. Le déficit hydrique a engendré des pertes agricoles de plus de 50 % par rapport à la campagne agricole antérieure. Le dernier rapport de la Coordination nationale de la Sécurité alimentaire (CNSA), publié cette semaine, sur l’évolution de la sécurité alimentaire prévoit une aggravation de l’insécurité alimentaire dans divers départements du pays. En effet, le Nord, le Nord-Est, le Nord-Ouest, le Plateau central, l’Artibonite et la péninsule du Sud pourraient être confrontés à une crise alimentaire consécutive au démarrage tardif de la deuxième saison pluvieuse et les périodes sèches enregistrées en septembre. Source : lenational.ht
Dans la presse internationale
Esperan controlar el cólera en Haití
El integrante de la dirección general de Desarrollo Fronterizo en Haití, Max Antoine II, aseguró ayer que las autoridades haitianas en cooperación con instituciones internacionales de Salud Pública, están tomando todas las medidas correspondientes para disminuir los riesgos y curar a las personas que tienen cólera en esa nación. “Esperamos que muy pronto podamos estabilizar la situación que nos está afectando respecto al cólera. Este es un tema de desarrollo, hay que dar más posibilidades para los residentes en Haití, proporcionar agua potable, crear condiciones humanas, para que la gente pueda vivir en un ambiente sin contaminaciones”, manifestó. Source : listindiario.com
Haïti-Élections : La police disperse violemment une manifestation de l’opposition
Une manifestation de plusieurs milliers de personnes, convoquée par l’opposition pour réclamer une évaluation indépendante des résultats de la présidentielle du 25 octobre dernier, a été violemment dispersée par la police dans l’après-midi du 18 novembre 2015 à Pétionville (périphérie est). Plusieurs personnes ont été blessées, dont au moins deux candidats à la présidence, le sénateur Steven Benoit et l’ancien sénateur Jean-Charles Moise, lorsque la police a tiré du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc, alors que les manifestants étaient parvenus devant le siège du Conseil électoral provisoire (Cep). Source : alterpresse.org
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Des étudiants de l’UEH se mobilisent pour le respect du vote populaire
En soutien au vent de mobilisation occupant le béton depuis quelques jours contre les résultats partiels de la présidentielle, plusieurs dizaines d’étudiants se réclamant de l’université d’État d’Haïti (UEH) ont manifesté ce mercredi 18 novembre 2015, dans les rues de Port-au-Prince, pour exiger, eux aussi, le respect du verdict populaire dans le cadre des élections législatives et présidentielle du 25 octobre 2015, a constaté Haïti Press Network. Source : hpnhaiti.com
Dizaines de milliers de personnes dans les rues ce 18 novembre
Des dizaines de milliers de personnes ont gagné les rues ce mercredi 18 novembre dans le cadre de deux manifestations annoncées, pour réclamer le respect du vote majoritaire, suite aux résultats de la présidentielle du 25 octobre, plaçant le candidat du Parti officiel PHTK en première position. Partis devant les ruines de l’église St Jean Bosco dans le quartier populaire de La Saline, la foule, avec à sa tête la candidate à la présidence Maryse Narcisse, déjà forte de plusieurs milliers de partisans de Fanmi Lavalas, grossissait considérablement au fur et à mesure qu’elle traversait les quartiers de la Saline, St Martin, du Bel-Air, et de Delmas 2, jusqu’à proximité du siège du Conseil électoral où la police les a violemment dispersés à coups de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes. Source : ahphaiti.org
Tabarre : les résultats préliminaires pour la municipalité créent la panique
La publication des résultats préliminaires des élections municipales lundi soir a occasionné des troubles dans plusieurs endroits de la capitale haïtienne. Ces résultats semblent n’être pas bienvenus pour des habitants de la commune de Tabarre et une partie de la plaine du Cul-de- Sac notamment. Ces derniers ont manifesté leur mécontentement de différentes manières mardi matin. Très tôt ce jour-là, ce n’était pas une partie de plaisir pour les riverains qui fréquentent certaines artères de cette ville. Source : lenouvelliste.com
Education
L’Université Quisqueya va commémorer son jubilé d’argent
Pour la commémoration des 25 années de l’Université Quisqueya, son recteur a donné le ton ce mardi au Centre de conservation des biens culturels. Plaçant cette célébration sous le signe de la modestie, Jacky Lumarque indique tout de go que cette première manifestation sera simple, sans tambour ni trompette. « J’ai le sentiment que même en acceptant le principe de l’année jubilaire, il n’y a pas lieu de jubiler. Ni pour nous à l’université. Ni pour Haïti. Ni pour le reste de l’humanité », a expliqué le recteur, avant de faire un survol des diverses réalisations de cette institution de formation supérieure au cours de ses premières 25 années. Source : lenouvelliste.com
Dans la presse internationale
Haïti : la police tire sur les manifestants
La manifestation de l’opposition au président Michel Martelly s’est achevée mercredi 18 novembre dans la panique : plusieurs personnes ont été blessées par la police qui a tiré des balles en caoutchouc mais aussi des balles réelles sur la foule rassemblée devant le siège du conseil électoral. Les opposants protestent depuis deux semaines contre les résultats du premier tour du scrutin présidentiel qui donnent le candidat du pouvoir en première position. Source : rfi.fr
Juillet 2015
Nous publions ici une page adressée par le Collectif Haiti France
LES TITRES DE LA SEMAINE
N°1195
Marche de solidarité à Ouanaminthe avec les migrants et les apatrides déportés
Marches, le 2 juillet, dans plusieurs villes américaines, contre la politique migratoire dominicaine
Jilap préoccupée par les violences à Port-au-Prince
Lancement d’un Centre de conservation des biens culturels
En solidarité avec les personnes déportées, ces derniers jours, par la République Dominicaine, une foule de fidèles et de nombreux citoyens et citoyennes ont participé, le 30 juin 2015, à Ouanaminthe, à une marche organisée par l’église catholique romaine locale. Vêtus de soutanes, le drapeau national en main, au rythme des cantiques évangéliques prônant la paix et l’amour, l’évêque de Fort-Liberté, Quesnel Alphonse, les prêtres de l’église Notre-Dame de l’Assomption de Ouanaminthe et de la paroisse Christ-Roi, ont pris la tête du cortège. « Cette marche vise aussi à protester contre les mauvais traitements infligés aux migrants haïtiens et aux Dominicains d’origine haïtienne », précise l’évêque, exhortant les autorités dominicaines à traiter les Haïtiens avec dignité.
La foule a parcouru la route nationale 6, en passant devant le consulat dominicain à Ouanaminthe, où l’évêque a lu un message en espagnol, avant d’aboutir à la frontière de Ouanaminthe. Des vieillards et des enfants ont été remarqués. « Par les déportations massives d’Haïtiens de son territoire, le gouvernement dominicain ne fait que couper la branche sur laquelle il est assis », déclare l’homme d’Église, qui considère que l’apport des migrants haïtiens contribue au développement de la république voisine. Voulant s’assurer que les Dominicains comprennent ce message, l’évêque a fait traduire ses propos en espagnol. Il a souligné combien les champs des Dominicains sont fructifiés grâce à la force de travail des ressortissants haïtiens. Les organisations de défense des droits humains, dont le Service jésuite aux migrants/Solidarite fwontalye (Sjm/Sfw), Rezo fwontalye Jano Siksè (Rfjs), ont aussi été représentées.
Des autorités locales ont rejoint les marcheurs. « Frères et sœurs, qui sont allés en quête d’une vie meilleure en République Dominicaine, malheureusement qui n’ont pas eu les documents légaux, Dominicains d’origine haïtienne dénationalisés, nous sommes avec vous. Vous n’êtes pas abandonnés », a déclaré l’évêque Quesnel Alphonse sur le pont reliant les deux villes frontalières, au-dessus de la rivière Massacre, Ouanaminthe (côté haïtien) et Dajabón (côté dominicain). Alphonse appelle les chrétiens catholiques romains des provinces de Dajabón et Monte Cristi, à se solidariser avec les migrants haïtiens, comme le pape François l’a demandé aux évêques dominicains. L’évêque haïtien demande, en même temps, de repousser le délai du 6 juillet 2015 qui serait accordé par les autorités dominicaines à celles et ceux qui voudraient partir volontairement, avec la garantie qu’il n’y aura pas de rapatriement à ce moment-là. Quesnel Alphonse a déposé, symboliquement, une paire de bottes en caoutchouc, de couleur noire, et une paire de sandales, utilisées généralement dans les plantations de riz, avant de les remettre au coordonnateur de l’organisation travaillant sur la frontière, Centro Puente (Centre pont), Arcadío Sosa. Le militant des droits humains a, pour sa part, exhorté le gouvernement dominicain à ne pas envoyer en Haïti les apatrides, que la Cour constitutionnelle dominicaine a créé par son arrêt 168-13 en date du 23 septembre 2013.
La diaspora haïtienne de plusieurs villes des États-Unis, dont Philadelphie, marchera, simultanément le 2 juillet 2015, dans la perspective de protester contre le « nettoyage ethnique de masse » et la déportation par la République Dominicaine d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne. « La diaspora haïtienne et le monde sont debout en solidarité avec les 250 000 Haïtiens et Dominicains d’origine haïtienne qui ont été dépouillés de leur citoyenneté et qui sont en danger d’être expulsés », fait savoir une note des organisateurs de ces marches. Ces villes se lèveront pour la justice et pour l’humanité, affirment les organisateurs. A Philadelphie, la marche débutera à 15 heures locales, devant la mairie, et se terminera à 18 heures dans la périphérie de Liberty Bell, un monument emblématique de la ville. La communauté internationale ne doit pas rester les bras croisés face à la politique migratoire de la République Dominicaine, semblable à du nettoyage ethnique, soutiennent les organisateurs. Ils exigent que la République Dominicaine renverse la révocation rétroactive de la citoyenneté de ces citoyennes et citoyens. Cette initiative survient quelques jours après l’arrivée massive de plusieurs milliers d’Haïtiens et de Dominicains d’ascendance haïtienne dans le pays. Bon nombre d’entre eux craignent de subir des violences à l’expiration d’un plan de régularisation du gouvernement dominicain. La communauté haïtienne de Philadelphie compte rejoindre les communautés haïtiennes de New York, Miami, Atlanta, entre autres, en vue d’attirer l’attention sur ces rapatriements informels qui ont lieu dans des conditions difficiles. Une bonne partie de ces personnes qui fuient le territoire voisin d’Haïti y sont nées. Reconnues de nationalité dominicaine, elles ont été déchues de leur nationalité par l’arrêt TC 168-13, appliqué par la suite, avec effet rétroactif jusqu’en 1929, une période qui couvre 4 générations. Les autorités d’Haïti ont alerté la communauté internationale sur le risque de crise humanitaire, avec la déportation voilée des Dominicains d’ascendance haïtienne dans le pays, qualifiée par le gouvernement dominicain de « retour volontaire » d’Haïtiens dans leur pays.
La commission épiscopale Justice et paix (Jilap) de l’église catholique romaine se dit préoccupée par les violences sévissant dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, notamment dans les quartiers populaires. Contrôlés généralement par des gangs, souvent à la solde de politiciens et des autorités du gouvernement, les quartiers populaires comme Cité soleil (périphérie nord) sont la scène de violences meurtrières, dénonce le coordonnateur national de l’observation à Jilap, Rovelson Apollon.
Selon son analyse, un secteur mafieux alimente les violences dans les quartiers populaires en distribuant des armes illégales à des gangs. Une recrudescence de la violence est observée à l’approche des élections de 2015. Depuis ce week-end, une vive tension règne à Cité Soleil. Un affrontement entre gangs armés rivaux établis dans cette commune a fait 4 morts et plusieurs blessés dans les quartiers Simon et Pelé. Un puissant chef de gang de Cité Soleil, connu sous le pseudonyme de " Te Quiero" a été tué, le 14 juin 2015, lors d’échanges de tirs avec une patrouille de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Le chef de gang recherché aurait refusé de se soumettre à une fouille d’une patrouille, avait fait savoir la Police nationale d’Haïti. En représailles, le commissariat de police de Cité Soleil a été attaqué par des individus non identifiés. Un véhicule garé devant le commissariat et un transformateur électrique ont été endommagés.
Le contrôle des quartiers populaires est toujours difficile pour la police qui n’a pas les moyens de sa politique, déplore Apollon, condamnant l’absence de l’État à Cité Soleil, où des bandits sèment la terreur et attaquent de paisibles citoyens pour les dépouiller de leurs biens. La cause de ces violences réside dans l’absence de valorisation, par l’État haïtien, des actions positives entreprises par des jeunes des quartiers populaires, estime Louino Robillard, co-fondateur et volontaire d’un mouvement social dénommé Konbit Solèy Leve. « Les jeunes, qui ne sont pas militants politiques, n’ont pas la grâce des autorités. Ce sont plutôt les politiciens et les jeunes armés qui sont vus comme leaders », fustige-t-il, appelant les responsables à donner plus de place aux leaders communautaires pour changer l’image de Cité Soleil. Ces jeunes sont manipulés par les secteurs économiques et politiques, indique-t-il, profitant pour dénoncer la négligence de l’État pour rétablir la paix dans le pays.
Le ministère haïtien de la Culture et l’Université privée Quisqueya (Uniq) ont procédé à l’inauguration, le 29 juin 2015, d’un Centre de conservation des biens culturels lors d’une cérémonie au campus de l’institution universitaire, au haut de Turgeau (quartier sud-est de la capitale). La mission du Centre, construit sur le campus de l’Uniq, est, entre autres, de protéger, de promouvoir et de sauvegarder des biens culturels. Il est construit dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de la culture, l’Université Quisquéya, le Groupe Imaginescence (institution de recherche et de développement) et le Smithsonian Institute des États-Unis d’Amérique. Le gouvernement haïtien apportera un montant de 2 millions de gourdes sur une année pour aider à rendre le Centre opérationnel. Cette nouvelle institution « laisse augurer un avenir prometteur quant à la préservation des actifs culturels qui enrichissent et modèlent l’identité nationale », espère la ministre de la culture Dithny Joan Raton.
Adresse du lien : http://1ykp.mj.am/link/1ykp/jk0r5xg/6/YgwvF5cLfLYP_MxDaIY-Vw/aHR0cDovL3d3dy5jb2xsZWN0aWYtaGFpdGkuZnIvY2FsZXBpbi9maWxlcy91c2hfMTE5NS5wZGY
Port-au-Prince, 19 avril 2015
Cette information, qui provient du Nouvelliste et nous a été transmise par Haïti.Connexion-Culture, témoigne un peu plus, s’il le fallait, du climat de corruption extrême qui sévit de nos jours dans le pays.
Le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury a libéré le vendredi 17 Avril 2015 Woodly Ethéart, alias Sonson La familia, et Renel Nelfort, les deux principaux chefs du gang Galil poursuivis pour enlèvement, séquestration contre rançon, trafic illicite de stupéfiants, blanchiment des avoirs, assassinat et association de malfaiteurs. Ce jugement a été dénoncé depuis jeudi par le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), en raison du caractère spécial des assises criminelles réalisées par le juge Lamarre Bélizaire, réputé proche de l’équipe au pouvoir. Ces assises criminelles, qui devaient être organisées pour l’ensemble des 15 membres du gang Galil qui sont poursuivis pour les mêmes chefs d’accusation, ont été réalisées spécialement pour ces deux inculpés sous prétexte que tous les autres membres ont interjeté appel de l’ordonnance du juge d’instruction Sonel Jean-François. Dans les milieux proches du pouvoir, on prétend que l’arrestation et la détention, l’année dernière, de ces deux responsables du gang Galil avaient été très mal accueillies par l’équipe au pouvoir, compte tenu de leur lien avec les plus proches collaborateurs du président de la République.
Les informations communiquées par la police et les aveux de la plupart des complices de ces deux chefs de gang font croire que cette association de malfaiteurs a procédé en moins de deux ans à l’enlèvement suivi de séquestration contre rançon de 17 personnes.
Dans son ordonnance de renvoi, le juge d’instruction Sonel Jean François a mentionné l’ensemble des indices trouvés dans le cadre de cette enquête. Fasciné par l’élégance du juge d’instruction dans la rédaction de l’ordonnance de renvoi, le commissaire du gouvernement, dans son réquisitoire définitif daté du 23 février 2015, déclare concordants et suffisants les indices et charges retenus contre ces 15 inculpés pour qu’ils répondent des faits qui leur sont reprochés. Du 23 février 2015 au 17 avril de la même année, soit un mois et 23 jours, ce même parquet, par l’entremise de son représentant, Me Jean Abner Emile, renonce à l’accusation portée contre ces deux chefs de gang et requiert le doyen du tribunal criminel, Me Lamarre Bélizaire, de déclarer les faits non constants et renvoyer les accusés hors des liens de l’accusation.
Comment les hommes et les femmes qui ont été victimes d’actes de kidnapping orchestrés par ce gang vont-ils accueillir l’élargissement de ces deux hommes ?
L’enquête réalisée sur 144 pays sur l’indépendance de la justice, où Haïti est classée 134e, n’est-elle pas le reflet du fonctionnement de la justice sous la présidence de Michel Martelly ?
Le juge Lamarre Bélizaire a ordonné vendredi, à l’issue d’un procès-éclair, la libération des nommés Woodly Ethéart (Sonson La Familia) et Renel Nelfort
Port-au-Prince, 31 décembre 2014
par Michel Soukar
En concluant le bilan de l’année 2013, nous avions prévu que l’année 2014 serait celle de tous les espoirs ou de tous les dangers. En définitive, elle a été celle des espoirs déçus. Le dialogue a échoué. Les consultations ont trainé en longueur. Les négociations véritables n’ont jamais démarré.
I. SUR LE PLAN POLITIQUE L’année 2014 a débuté sous le signe du dialogue. A l’occasion de la commémoration du jour de l’indépendance d’Haïti, le 1er janvier 2014, Le président de la République, Michel Joseph Martelly, a tenté d’inviter aux Gonaïves les anciens présidents de la République vivant sur le territoire. Parmi ceux qui ont accepté l’invitation, la présence de l’ex-dictateur, Jean-Claude Duvalier, a été vivement critiquée par les familles des victimes de la dictature. La rentrée parlementaire s’est effectuée le deuxième lundi de janvier 2014. Les sénateurs ont reconduit le Bureau dirigé par le sénateur Dieuseul Desras Simon à la tête du Sénat. Par contre, à la chambre des Députés, les députés du groupe parlementaire pour la Stabilité et le Progrès (PSP), proches du pouvoir exécutif, ont raflé le Bureau ainsi que la présidence de toutes les commissions.
A. LE CONTEXTE Depuis l’accession du président Michel Joseph Martelly au pouvoir le 14 mai 2011, aucune élection n’a été organisée dans le pays. Il en est résulté des vacances au niveau des collectivités territoriales (sections communales et communes) et du Sénat de la République, amputé d’un tiers. Le pouvoir exécutif en a profité pour remplacer la quasi-totalité des cartels de magistrats élus par des agents exécutifs intérimaires.
B. LE NŒUD GORDIEN La mise en place du Conseil Électoral Permanent (CEP) demeure le nœud gordien des processus électoraux depuis l’adoption de la Constitution de 1987. Durant les trois (3) ans du président Martelly au pouvoir, le pays a déjà connu quatre (4) versions de Conseil Électoral sans la tenue d’élections pour autant.
La première version, le Conseil Transitoire du Conseil Électoral Permanent (CTCEP), dirigé par Me Josué Pierre-Louis et installé avec six (6) membres sans les trois(3) représentants du Parlement, a été, après négociations, remplacée par une deuxième version, le Conseil Électoral Provisoire (CEP) dirigé par Me Emmanuel Ménard. Puis vint la troisième version, le Conseil Électoral Provisoire, dirigé par Me Frizto Canton, installé avec sept (7) membres, cette fois sans la prestation de serment des représentants du Parlement et du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ). Une quatrième version, issue de l’Accord d’El Rancho et dirigée par Max Mathurin, ancien président du CEP de 2006, fonctionna au complet.
En outre, certaines dispositions de la loi électorale, votée en 2013, ne sont plus adaptées au contexte actuel. Son amendement s’avère indispensable. C’est dans ce contexte que la Conférence Épiscopale d’Haïti lance le dialogue inter haïtien à l’Hôtel El Rancho à Pétion-Ville.
C. LE DIALOGUE INTER-HAITIEN La Conférence Épiscopale d’Haïti (CEH), dirigée par l’évêque des Cayes, Monseigneur Chibly Langlois, conviait les pouvoirs d’État et la classe politique haïtienne au dialogue, avec sa médiation. Parallèlement, un événement sans précédent dans l’histoire du pays s’est produit le 12 janvier 2014. Le Vatican nomme le premier cardinal haïtien en la personne de Monseigneur Chibly Langlois. Alors, le cardinal Chibly Langlois lance officiellement le dialogue inter haïtien entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, les partis politiques et la société civile, à l’hôtel El Rancho.
Plus d’une quarantaine de partis politiques y ont répondu favorablement. Le Mouvement Patriotique de l’Opposition Démocratique (MOPOD) a boudé l’invitation. Le MOPOD a posé des conditions préalables à sa participation. Son slogan a toujours été élections ou démission du président de la République. Parmi les partis politiques présents, les Partis Fusion, Kontra Pèp la et Fanmi Lavalas n’ont pas tardé à se retirer de la table du dialogue. Ces trois (3) partis ont réclamé la démission du Premier ministre, la formation d’un gouvernement de consensus et la mise en place d’un Conseil Électoral Provisoire (CEP), inspiré de l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987.
Le dialogue politique inter haïtien s’est poursuivi pendant deux (2) mois. L’accord qui en est résulté est signé par le président de la République, les représentants de près de 48 partis politiques et les représentants de la société civile. Le président du Sénat a conditionné sa signature à la publication de l’arrêté de nomination de tous les membres de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCA).
Cependant, pressé de partir à l’étranger, le président Dieuseul Desras Simon a donné mandat au sénateur Steven Benoit, secrétaire du Bureau, de signer en son nom, malgré la présence du vice-président du Bureau du Sénat, le sénateur Andris Riché. Le sénateur Benoit l’a signé en prononçant un discours des plus élogieux. Pourtant, il n’a pas pris du temps pour dénoncer l’inclusion de l’article 12 dans ledit accord, expliquant qu’il s’était fait piéger.
Le président du bureau de la Chambre des Députés, le député Jacques Thimoléon a signé l’accord en émettant certaines réserves. Six (6) sénateurs, parmi lesquels : Moïse Jean-Charles, John Joël Joseph, Pierre Francky Exius, Jean William Jeanty, Wesner Polycarpe et Jean-Baptiste Bien-Aimé ont pressé le président du Sénat de ne pas signer l’accord qui a fixé la date de l’organisation des élections communales, législatives et sénatoriales au 26 octobre 2014. Techniquement, le Conseil Électoral Provisoire (CEP) a besoin de six (6) mois pour organiser les élections, à partir de la publication de l’amendement à la loi électorale de 2013. L’Exécutif a fait publier l’arrêté convoquant le peuple en ses comices le 26 octobre 2014. Court-circuitant le CEP, l’Exécutif a soumis le projet d’amendement de la loi électorale à la Chambre des Députés qui l’a voté et l’a transmis au Sénat.
D. UN GOUVERNEMENT PLÉTHORIQUE L’Accord d’El Rancho a, entre autres, donné lieu à un gouvernement d’ouverture de 43 membres, incluant 10 nouveaux ministres et 10 nouveaux secrétaires d’État. Un gouvernement pléthorique. Parmi les nouveaux ministres, citons Monsieur Duly Brutus au Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes, Monsieur Nesmy Manigat au Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle, Monsieur Himmler Rebu au Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique, Madame Monique Rocourt au Ministère de la Culture, Monsieur Rudy Hériveaux au Ministère de la Communication, Monsieur Lener Renaud au Ministère de la Défense, Monsieur François Guillaume II au Ministère des Haïtiens Vivant à l’Étranger et Monsieur Reginald Delva au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales. Il convient de souligner également le retour de Madame Marie Carmelle Jean-Marie au Ministère de l’Économie et des Finances.
E. DES VOYAGES INCESSANTS En 2014, le président Martelly a effectué de nombreux voyages à l’étranger qui l’ont conduit en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, dans les Caraïbes et en Europe. En début d’année, le président Martelly a effectué son premier voyage officiel aux États-Unis d’Amérique du Nord où il s’est entretenu avec le président Barack H. Obama, le secrétaire d’État John Kerry et des membres du Congrès.
Puis, le président de la République a poursuivi son périple à Paris, en Belgique, en Italie et au Vatican où il a participé à la cérémonie d’installation du Cardinal Chibly Langlois. Le président du Sénat Dieuseul Desras Simon y a aussi pris part, ainsi qu’une importante délégation haïtienne.
Au cours du deuxième semestre de l’année 2014, le président Martelly s’est rendu à New-York à l’ONU, à Cuba, en Équateur, en Allemagne et en France. Ce fut la première visite officielle d’un président haïtien en Allemagne. Le président s’est entretenu avec le président allemand et avec la chancelière Merkel.
Le président Martelly a été également le premier président en exercice à se recueillir dans le cachot de Toussaint Louverture au Fort de Joux. Puis, il a été reçu au Palais de l’Elysée pour une réunion de travail avec le président français François Hollande. Ce dernier voyage en Europe aurait été sans histoire si le président Martelly ne s’était pas aventuré à accorder une entrevue à trois (3) journalistes français chevronnés de la Chaîne TV5, du Monde et de Radio France Internationale (RFI). La performance du président laissait à désirer. Des entrevues de ce genre se préparent.
F. DES FAITS SAILLANTS De nombreux événements ont défrayé la chronique au cours de l’année 2014. Citons notamment :
• la disparition de l’homme d’affaires Evinx Daniel qui, semble-t-il, a troublé le sommeil de certains caciques évoluant dans l’entourage du président Martelly ;
• la grève des professeurs des écoles publiques, suivie de la manifestation des élèves pour exiger le paiement des salaires des professeurs ;
• la séquestration du recteur de l’Université d’État d’Haïti, l’agronome Jean Vernet Henry, et du responsable de l’Université de Limonade, le professeur Jean-Marie Théodat par des étudiants de ladite université ;
• la Cour d’Appel de Port-au-Prince a émis un arrêt, dans le cadre de l’assassinat de Jean-Dominique et de Jean-Claude Louissaint, renvoyant 9 membres du Parti Fanmi Lavalas devant la juridiction de jugement ;
• les ennuis judiciaires de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide qui n’a pas répondu à de nombreux mandats émis par le juge d’instruction Lamarre Bélizaire qui l’a finalement placé en résidence surveillée ;
• la mort de l’ambassadeur Guy Alexandre qui a jeté dans l’émoi l’intelligentsia haïtienne ;
• l’irruption de l’épidémie de fièvre chi kun gun ya qui a affecté des centaines de milliers d’habitants sur le territoire national ;
• la mort de l’ancien président Leslie Manigat qui a bénéficié de funérailles officielles de la part du pouvoir et qui a réussi à rassembler autour de sa dépouille la classe politique haïtienne ;
• l’arrestation de Woodley Etheart, dit Sonson la familia, sous la prévention de kidnapping, d’association de malfaiteurs et de blanchiment d’argent ;
• l’arrêt de la Cour d’Appel, renvoyant l’ancien président Jean-Claude Duvalier devant le tribunal pour crime contre l’humanité ;
• l’évasion spectaculaire de plus de trois cent (300) détenus de la prison civile de la Croix-des-Bouquets dont Clifford Brandt en cavale pendant deux jours ;
• la grève de faim du député Arnel Bélizaire, dans la salle de séance du Parlement, s’est terminée en queue de poisson ;
• la décision maladroite de la DGI mettant en vente une vignette en même temps que le lancement d’une nouvelle plaque d’immatriculation ;
• la mort de l’ancien président-à-vie Jean-Claude Duvalier et la controverse sur le type de funérailles (nationales, officielles, privées) à lui accorder.
• l’arrestation de Rony Timothée et de Biron Odigé, au cours de la manifestation du 26 octobre 2014, allonge la liste des prisonniers politiques, incluant les frères Florestal et d’autres manifestants ;
• l’arrestation de l’homme d’affaires Nazaire, un proche de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, et du commissaire de police Télémaque Claude, affecté au commissariat de police de Léogane et leur extradition aux États-Unis, par le service de police fédéral américain (Drug Enforcement Agency) ;
• la présence du beau-frère du président Martelly, Monsieur Charles « Kiko » Saint-Rémy, dans la manifestation organisée le 18 novembre 2014 à Port-au-Prince par l’opposition radicale contre le pouvoir et dénonçant les mauvais agissements du Premier ministre Laurent S. Lamothe.
G. LE 3e ANNIVERSAIRE Á LA PRÉSIDENCE
Le troisième anniversaire du président Martelly au pouvoir et le deuxième anniversaire à la primature du Premier ministre Lamothe ont été commémorés dans une ambiance de carnaval. D’aucuns s’attendaient à un bilan des réalisations du Pouvoir Exécutif en termes des 5 « E », prônés par le président Martelly :
• Éducation : Les résultats des examens officiels démontrent la mauvaise qualité de l’enseignement dispensé dans la plupart des écoles haïtiennes. L’accent est actuellement mis sur l’amélioration de la qualité de l’éducation ;
• Emploi : le chômage affecte plus de la moitié de la population active du pays. Aucune statistique n’est disponible sur le nombre d’emplois créés en Haïti depuis l’accession du président Martelly au pouvoir. Personne ne sait de combien le chômage a régressé après trois ans de pouvoir ;
• Énergie : l’électricité d’Haïti (Ed’H) est en faillite. Le black-out fait rage dans le pays. La révocation du ministre de l’Énergie, la succession de cinq directeurs généraux à la tête de l’Électricité d’Haïti (Ed’H), les manifestations des populations de villes de province, réclamant le courant électrique, traduisent les mauvais résultats du secteur ;
• Environnement : la couverture végétale du pays est réduite comme peau de chagrin. Il suffit de deux jours consécutifs de pluie pour que des villes soient inondées, avec leur lot de dégâts matériels et de pertes en vies humaines tant nos mornes sont dénudées ;
• État de Droit : l’indépendance et la séparation du Pouvoir Judiciaire sont remises en question par : le non renouvellement du mandat des juges selon le vœu de la loi, le mauvais fonctionnement du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), la révocation du magistrat Lionel Bourgouin, suite à un conflit avec le secrétaire général de la Présidence au sujet de la publication des règlements internes du CSPJ dans le Moniteur, les arrestations illégales et arbitraires d’opposants politiques et l’instrumentalisation de la justice.
Ces « E » sont devenus de plus en plus brouillés depuis que le Premier ministre Laurent S. Lamothe a ajouté des plans spéciaux pour chaque commune, voire localité, dans laquelle s’organisent les fameuses réunions dénommées « Gouvenmam Lakay ». Il eût mieux valu pour un pays aspirant à devenir émergent dans 15 ans de disposer d’un Plan quinquennal qui ferait l’objet d’évaluation périodique.
H. L’INTENSIFICATION DES MANIFESTATIONS DE RUE A mesure que les jours passent, les chances de la réalisation des élections prévues le 26 octobre 2014 s’amenuisent. Parallèlement, les manifestations de rues, organisées par les partis d’opposition réclamant le départ du pouvoir du président Martelly, se sont intensifiées.
De nombreuses villes de province, comme le Cap-Haïtien, Les Cayes et Petit-Goâve ont relayé les mots d’ordre de manifestations émis par les partis d’opposition. A Port-au-Prince, ces manifestations ont souvent donné lieu à des échauffourées entre les manifestants et les agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) qui ont fait de plus en plus l’usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour dissuader les manifestants. En d’autres occasions, les agents de la police procèdent à l’arrestation des chefs de file. Ce que les partis de l’opposition assimilent à des arrestations illégales et arbitraires. Aussi, réclament-ils la libération des prisonniers politiques.
Parallèlement, le vote de l’amendement de la loi électorale qui aurait habilité le Conseil Électoral Provisoire à organiser lesdites élections, est dans l’impasse. Les 6 sénateurs de l’opposition ont tenu tête au pouvoir en boycottant toute tentative de réunion au Sénat de la République jusqu’à la fin de la dernière session de la 49e législature, le deuxième lundi de septembre 2014. Ces sénateurs ont résisté à toutes les pressions provenant de toutes parts, du pouvoir exécutif, de la société civile, des représentants aussi bien de gouvernements étrangers que d’organisations internationales.
La récente visite de représentants du Département d’État américain n’a pas réussi à faire plier les 6 sénateurs et les partis politiques de l’opposition qui les supportent. Aussi, la reprise des manifestations de rue, réclamant le départ de l’exécutif, est-elle susceptible de transformer la crise électorale en une vraie crise politique. Parce que si des élections ne sont pas organisées pour le renouvellement de la chambre des députés et du mandat des 2/3 du Sénat, le Parlement sera dysfonctionnel le 12 janvier 2015.
Alors, incapable d’appliquer l’article 12 de l’Accord d’El Rancho et face à la tournure prise par la crise politique, le président Martelly a recouru à des consultations avec les représentants de nombreux secteurs de la vie nationale. L’opposition politique jugée irréductible réclame à cor et à cri des négociations avec le président pour trouver une issue à la situation d’impasse politique.
I. CONSULTATIONS ET PROPOSITIONS DE SORTIE DE CRISE Depuis le mois de septembre 2014, le président Martelly a lancé une série de consultations avec des personnalités venant d’horizons divers, notamment des représentants de partis politiques, de la société civile, du secteur privé des affaires, des leaders religieux, des vodouisants, de la presse et des associations de femmes. Le but de ces consultations était de lui permettre d’appréhender les tenants et aboutissants de la crise préélectorale qui sévit actuellement dans le pays.
Ces consultations lui ont également permis de recueillir un ensemble de propositions de sortie de crise. La plupart des propositions suggèrent le remplacement du gouvernement dirigé par le Premier ministre Laurent Lamothe, la prolongation du mandat des Parlementaires au-delà du 12 janvier 2015 et l’organisation des élections communales, législatives et sénatoriales dans le meilleur délai. Le président a promis d’en effectuer une synthèse ainsi qu’une présentation à la Nation.
D’un côté, nombreux sont les observateurs et analystes politiques qui assimilent ces rencontres à une manœuvre dilatoire, consistant à faire passer le temps. Dans son entrevue à la chaîne TV5, le président Martelly n’avait-il pas laissé entendre qu’il attendrait le 12 janvier 2015 pour prendre les dispositions nécessaires en vue d’organiser les élections en attente depuis son accession à la Présidence en 2011. D’un autre côté, les partis d’opposition radicale continuent de réclamer la démission du gouvernement, la formation d’un Conseil Électoral Provisoire équilibré, suivant l’esprit de l’article 289 de la Constitution, préalablement au vote de l’amendement de la loi électorale par le Sénat de la République ainsi que l’organisation d’élections générales dans le pays en 2015.
Le 28 novembre 2014, le suspense était à son comble. La radio annonçait que le président allait présenter la synthèse des propositions, au terme des deux mois de consultations engagées avec les différents secteurs. Coup de théâtre ! C’est le ministre de la Communication qui est intervenu dans les medias pour lire un arrêté pris en Conseil des Ministres et portant création d’une Commission présidentielle consultative chargée d’effectuer une recommandation au président Martelly, sur la base des idées et propositions recueillies au cours des consultations.
Cette commission est composée d’une dizaine de personnalités provenant notamment des secteurs religieux, politiques et de la société civile. Enfin, le président Martelly a, dans un bref message, déclaré combien le pays était divisé et s’en remettait à une commission pour lui faire une recommandation de sortie de crise. La durée du mandat de ladite commission est de huit (8) jours, probablement à partir de la date de son installation. Le 15 décembre, la Commission recommande les démissions du gouvernement Lamothe, du président du CSPJ, des membres du CEP, la libération des prisonniers politiques comme mesures d’apaisement. Le 25, Martelly choisit de présenter Yvens Paul, le leader de la KID comme futur premier ministre, devant un Sénat hostile.
Entre-temps, à l’approche de la fin de l’année 2014, on a observé une recrudescence des actes d’insécurité. Il ne s’est passé une semaine sans que de paisibles citoyens haïtiens ne fussent victimes de braquages et d’attentats par balles, soit au centre-ville de Port-au-Prince, à Delmas, à Pétion-Ville ou dans d’autres villes de province.
Ainsi, l’insécurité, l’organisation répétée de manifestations de protestation et le blocage incessant des voies de communication interrégionales alimentent l’instabilité sociopolitique. Donc, la non organisation d’élections pour le renouvellement périodique des institutions démocratiques, l’incapacité des forces de police à garantir la sécurité des vies et des biens correspondent toutes à de l’instabilité. Une situation qui ne peut être profitable qu’à la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) dont le mandat est renouvelé jusqu’en octobre 2015.
II. SUR LE PLAN ÉCONOMIQUE L’instabilité politique et sociale a créé beaucoup d’incertitude dans l’économie haïtienne. De plus, Haïti continue de récolter de mauvais scores dans le rapport publié dans le magazine « Foreign Policy ». En 2014, le pays a occupé la 8e place parmi les 10 États faillis du monde, en compagnie de l’Afghanistan, du Yémen, du Soudan du Sud, du Tchad, de la République Démocratique du Congo et de la Somalie. Haïti a perdu également quelques places au classement du rapport de « Doing Business » sur l’environnement des affaires.
Il est impossible dans ces conditions d’attirer l’investissement direct étranger. Il est tout aussi difficile dans ces conditions d’attirer des touristes pour assurer le taux d’occupation nécessaire à la rentabilité des nouvelles infrastructures hôtelières construites à Pétion-Ville et dans d’autres régions du pays.
Sans investissement direct étranger et sans tourisme, il est difficile de produire des richesses, de créer des emplois en vue d’augmenter la croissance économique, susceptible de réduire le taux de chômage élevé qui affecte plus de 50% de la population économiquement active du pays. Actuellement, l’on estime qu’un quart de la population économiquement active vit avec moins d’un dollar américain par jour, c’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté.
Le budget de l’année fiscale 2013-2014, adopté par le Parlement en milieu d’année fiscale, a été réduit à la baisse, vu l’incapacité de collecte de taxes et d’impôts. Les dépenses de salaires représentent près de 90% du budget de fonctionnement. Le budget d’investissement est financé presqu’en totalité par les bailleurs de fonds internationaux. En 2014, une conjugaison de sécheresse et d’inondations a occasionné une perte de récoltes, évaluée par la Commission Nationale de Sécurité Alimentaire (CNSA) à sept millions de dollar américain. En conséquence, le pays importe presque tout ce qu’il consomme. Le déficit de la balance commerciale avec la République Dominicaine s’est creusé davantage. Comment un pays si dépendant de l’étranger pour sa consommation et le financement de son budget d’investissement, un pays dépourvu d’infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires adéquates peut-il prétendre devenir émergent dans un horizon de 15 ans ? L’inauguration de l’aéroport du Cap-Haïtien rénové et celle du premier vol de la American Airlines reliant Miami et Cap-Haïtien, n’ont pas modifié la donne.
Le pays génère actuellement moins de 200 mégawatts d’électricité pour une population de près de 11 millions d’habitants. En conséquence, les entreprises privées haïtiennes sont obligées d’utiliser des génératrices pour s’alimenter en énergie électrique. Dans ces conditions, elles sont difficilement compétitives avec des coûts de production aussi élevés. Ces coûts seront exacerbés par l’augmentation progressive des prix du carburant. Le Gouvernement a décidé de surseoir à la subvention du prix du carburant en vigueur depuis 2010.
Il en est résulté une augmentation du coût de la vie. Parallèlement, la dépréciation de la gourde s’est accélérée. La Banque de la République d’Haïti (BRH) s’est vue dans l’obligation d’intervenir constamment sur le marché de change pour soutenir la valeur de la gourde. Jusques à quand la BRH pourra-t-elle continuer à intervenir, vu que les réserves nettes de change ne sont pas inépuisables ?
Selon les économistes, n’étaient-ce les transferts en provenance de la diaspora, la valeur de la gourde par rapport au dollar américain se serait déjà effondrée. Par ailleurs, le pays a débuté l’année fiscale 2014-2015 sans un budget dûment voté par le Parlement. Le maintien d’une discipline fiscale susceptible de garantir les grands équilibres macroéconomiques s’est avéré problématique.
III. SUR LE PLAN SOCIAL
Le pays a connu quelques succès symboliques notoires dans le domaine social, culturel et religieux. Monseigneur Chibly Langlois est élevé au cardinalat par le Vatican, devenant ainsi le premier Cardinal haïtien. Madame Michaëlle Jean est élue Secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), succédant à l’ex-Président sénégalais Abdou Diouf. L’écrivain Yanick Lahens a remporté le Prix Fémina en France. Le Collège Catts Pressoir retient l’attention du monde de l’éducation sur le plan international en obtenant de hautes distinctions.
Ces exploits n’ont pas empêché Haïti de figurer sur la liste des pays les plus pauvres de l’hémisphère occidental. Les Haïtiens vivent dans une situation d’extrême précarité. Les plus courageux continuent de risquer leurs vies sur de frêles esquifs à la recherche de meilleures conditions de vie aux Iles Turcs et Caïcos, aux Bahamas, à Miami et à Porto Rico. C’est par centaines que, chaque mois, des pays comme la République Dominicaine, Les Bahamas, les Iles Turcs et Caïcos et les États-Unis rapatrient ceux et celles de nos compatriotes qui ont réussi la traversée. Le Gouvernement multiplie les projets sociaux. Le programme dit « EDE PEP » est constitué d’une panoplie d’interventions de façade visant à soulager la misère du peuple. Un autre programme dit « Gouvenman Lakay ou » a déjà séjourné aux Gonaïves, à l’ile de la Gonâve, aux Côtes de Fer et à Cité Soleil, en vue de promouvoir les actions du gouvernement. Mais ces projets ne représentent que des palliatifs dans le cadre de la lutte contre l’extrême pauvreté qui sévit actuellement. Par ailleurs, le pays est extrêmement vulnérable aux aléas climatiques. En témoignent les dernières pluies, résultant du passage d’un front froid au nord de l’ile d’Haïti, qui ont causé des inondations suivies d’innombrables dégâts matériels et de pertes en vies humaines au sein des populations de Martissant, du Cap-Haïtien, de Port-de-Paix et des Irois, par exemple.
C’est dans ces conditions politiques, économiques et sociales difficiles que le pays s’apprête à accueillir l’Année 2015. A cent ans de la première occupation du pays par les « Marines » américains, les élites haïtiennes sauront-elles s’élever à la dimension de leur mission historique pour éviter davantage de souillure de la souveraineté du pays ou verra-t-on la concrétisation des prédictions des Cassandres, cinq ans après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010 ?
Michel Soukar
Paris, le 7 octobre 2014
Pour évoquer la mort de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier, nous avons choisi pour l’heure de relayer le bel article de Lyonel Trouillot publié par le Nouvelliste du 5 octobre 2014. L’auteur insiste sur la dignité de comportement du peuple haïtien en cette occurrence, et la compare de façon subtile avec le rapport presque forcené que le récent défunt et avant lui Papa Doc entretenaient avec la mort, celle des autres bien sûr.
http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/136651/La-mort-dun-tigre-au-teint-tres-pale
Publié le 05-10-2014 sur le Nouvelliste
Par Lyonel Trouillot
Jean-Claude Duvalier est mort. Dans les rues et dans les foyers, la nouvelle n’a pas créé de grandes émotions. L’homme semblait à peine vivant. Et, depuis son retour, il s’était installé dans le paysage comme, déjà, un fantôme ou un anachronisme. Et, même si de nombreux citoyens haïtiens ont exprimé le regret que la mort, qui n’est pas une sentence, soit venue lui épargner la reddition de comptes pour des vies et des biens, nos vies, nos biens, nul ne s’acharne à vouloir jeter son cadavre aux chiens. Ce peuple qu’il a tant fait souffrir sait une chose que lui, et son père avant lui, avaient oubliée : la mort devrait être naturelle et le repos paisible. Les Duvalier tuaient les vivants et les morts, n’avaient « d’ennemis que ceux de la nation », traitaient leurs victimes « d’apatrides », leur interdisaient tombes et funérailles. La réception tranquille de la nouvelle de la mort de Jean-Claude Duvalier fait la preuve que les peuples sont meilleurs que leurs dirigeants : Duvalier est mort, paix à son âme.
Le problème avec l’âme, c’est que la preuve n’en est faite que pour ceux qui y croient. On pourrait remplacer le mot par « esprit » ou « motivation », ou encore « personnalité ». Si l’on tient à le garder, habitude oblige, en général on peut le faire suivre par des épithètes. De l’âme on peut dire par exemple que François d’Assise l’avait bonne et François Duvalier plutôt mauvaise, qu’il en est de pures et de sombres. A côté des crimes de sang et de ses hautes œuvres de prévaricateur, Jean-Claude Duvalier ne nous a rien laissé qui nous permettrait, modeste soulagement, de lui prêter une âme. Ses phrases les plus célèbres tiennent du ridicule. Son pitit tig se tig et son ke makak la la pi rèd ne témoignent de rien qui renvoie à l’idée d’une personnalité. On dirait un mauvais élève contraint de réciter sa leçon en public.
La tragédie de l’héritier : Élu par son père, il hérite d’un pouvoir et d’un peuple en cadeau. Il l’accepte et devient ainsi pleinement responsable devant l’Histoire. C’est un « Je » tout puissant qui ne sait pas dire « Je ». Un déficit de langage qui reste au pouvoir quatorze ans, se prolonge sur vingt-cinq ans d’exil. Ce n’est qu’à son retour - merci Préval et vive la France ! – qu’on entendra vraiment « sa voix » nous demander, candide : « Qu’avez-vous fait de mon pays ? » Si derrière la candeur pointait l’outrecuidance, l’une des rares sorties de son insignifiance de cet enfant de soixante ans consistait à nous reprocher d’avoir cassé son jouet.
Car, ne nous y trompons pas. Jouets, nous fûmes, et jeu fut son pouvoir. C’est ce que l’on a oublié de dire aux vrais enfants d’aujourd’hui, combien il était facile de mourir de cause pas naturelle, combien le luxe des uns s’étalait sans vergogne devant la misère des autres, combien l’État c’était « moi » et Mes supers ministres et Mes tontons macoutes au statut de mineurs, et Mon armée inféodée à Mon exécutif, combien Je pouvais tout prendre, tout requérir : voitures, femmes et guitares ; plages et immeubles, devises et biens publics… Et le décès du prince déchu n’interdit en rien de continuer de demander des comptes au régime, à ceux qui restent de ses sbires et thuriféraires, et de penser, sans complaisance, sa place dans l’histoire. Le duvaliérisme a jeté du pire sur le pire, le jean-claudisme fut les restes de ce pire, un micmac vide de sens : tout ensemble noiriste et mulatriste, technocratique et obscurantiste, sur fond d’arbitraire et de folles jouissances. Le propre des héritiers, quand ils sont au pouvoir, ne se limite-t-il pas souvent à ne savoir qu’en jouir !
Mais l’homme est mort, ne le tuons pas. Reste à savoir comment le pouvoir actuel gèrera sa dépouille. Tel communiqué pleure un « haïtien authentique » et suggère une nostalgie irrespectueuse de la mémoire des victimes de la fureur duvaliériste, et un principe de ressemblance très inquiétant pour notre avenir. Jean-Claude Duvalier est mort. Nous n’avons pas obtenu justice, l’histoire est ainsi faite.
Que ses proches et ses amis le pleurent. Il faut supposer que toute personne ayant vécu a suscité l’amour et l’amitié au moins de quelques uns. Tout ce que nous demandons au pouvoir actuel, c’est de ne pas nous imposer sa dépouille et son passage comme ceux d’un héros, d’un homme de haute vertu. Ce sera mieux pour tous les morts. Pour lui que nous ne serons pas obligés de dénoncer à chaque acclamation, mais seulement à l’appel du devoir de mémoire. Pour Gasner Raymond, Auguste Thénor… les écoliers des Gonaïves… et tant de morts sans sépulture. Que ses proches me pardonnent ce jugement lapidaire. L’idée n’est pas de leur faire offense. Leur histoire avec lui n’est pas celle du pays ni du citoyen ordinaire. On leur laisse la leur, qu’ils nous laissent la nôtre. Pour l’Histoire, la grande, vient de mourir un ancien dictateur au teint très pâle qui ne fut rien qu’un héritier : sans pour autant l’innocenter, laissons le reposer dans son insignifiance.
Port-au-Prince, 19 mai 2014
On nous adresse ce témoignage télévisé du Professeur brésilien Ricardo Sietenfus, spécialiste de Relations internationales, et ancien Représentant spécial du Secrétariat général de l’OEA à Haïti.
En évoquant en particulier les événements de l’année 2010, ses révélations, consignées dans le livre Dilemas e Fracassos Internacionais qu’il vient de faire paraître à l’Université de Ijui, Rio Grande do Sul, marquent la distance qu’il convient d’observer avec la façon dont la communauté internationale en général, l’ONU en particulier, traite de Haïti en fonction de ses propres intérêts, bien loin de l’attention qu’elle devrait porter au pays lui-même. La corruption n’est jamais bien loin. Et la situation faite au président Préval, puis celle qui a suivi le tremblement de terre, ont servi de "ticket d’entrée" pour nombre d’ONG qui ont su ainsi s’assurer une place privilégiée dans le maillage -et les béances très-réelles- du système institutionnel haïtien, se faisant alors un nom à bon compte, et levant leurs fonds en toute bonne conscience.
Lire la vidéo
jorge gestoso, telesur, profesor Seitenfus, washington, haiti,
http://www.youtube.com/watch ?v=gHGA-S-Cl-0&sns=em
00:30:43
Ijui, Unijui, 2014
Port-au-Prince, 20 février 2014
Véritable coup de massue pour l’ex-dictateur, trois ans après son retour d’exil, cet arrêt pourrait permettre de le juger, lui et son régime accusés d’avoir commis d’innombrables crimes de sang.
La Cour d’appel de Port-au-Prince a rendu jeudi après-midi un arrêt ordonnant la reprise de l’instruction dans le cadre des poursuites judiciaires engagées par des victimes de la dictature contre l’ancien Président à vie, Jean-Claude Duvalier, qui fait l’objet de plaintes pour crimes contre l’humanité jugées désormais recevables.
Lors d’une audience très attendue, au cours de laquelle a été rejetée l’ordonnance du juge Carvès Jean qui, en 2012, avait estimé contraire au droit haïtien la notion de crimes contre l’humanité, le président du tribunal, le juge Jean Joseph Lebrun, a désigné son collègue Durin Duret Junior pour prendre en charge cette nouvelle instruction.
Plusieurs anciennes victimes des années de plomb du régime despotique des Duvalier (François et Jean-Claude) comme le Dr Nicole Magloire, la sociologue Danièle Magloire, coordonnatrice du Collectif contre l’impunité, ainsi que des défenseurs des droits humains se sont réjouis de cette décision considérée comme un « pas dans la bonne direction ».
A contrario, l’un des avocats de Jean-Claude Duvalier, Me Fritzo Canton, a vertement rejeté l’arrêt de la Cour d’appel et annoncé qu’il allait exercer un pourvoi en cassation.
Ce verdict -prononcé de longs mois après la fin de l’audition des plaignants en mai 2013- ouvre la voie à un éventuel procès contre Jean-Claude Duvalier rentré en Haïti en janvier 2011, à l’issue d’un exil de 25 ans en France qui avait suivi le renversement de son régime par un soulèvement populaire, le 7 février 1986.
spp/Radio Kiskeya
Port-au-Prince, 10 février 2014
Le 7 février 1986, date de la chute de la dynastie Duvalier, est l’aboutissement de longues et terribles années de lutte qui ont emporté des milliers de compatriotes.
Après la brutale répression du 28 novembre 1980, qui a particulièrement ciblé la presse, les populations sont à nouveau mises hors-jeu. La flamme de la résistance est ravivée en 1984 par les jeunes, en particulier ceux de la ville des Gonaïves, qui expriment leur rejet de la présidence héréditaire et du pouvoir absolu qu’elle implique : « A bas la misère à vie ! A bas le chômage à vie ! A bas la torture ! A bas la dictature ! » C’est l’indignation d’une jeunesse meurtrie qui porte les derniers coups de butoir à un régime qui ose encore transformer la seule bibliothèque d’une ville en caserne pour les tontons macoutes.
Le refus de l’impunité, pour l’assassinat de trois écoliers ─Jean-Robert Cius, Makenson Michel, Daniel Israël─ tués lors des manifestations du 28 novembre 1985 dans la ville des Gonaïves, est le fer de lance de la contestation qui embrase les jeunes à travers le pays. « Qu’on arrête, juge et condamne, à la fois les criminels qui ont assassiné les trois jeunes et celui qui a donné l’ordre de tirer sur le peuple, même si c’est une des plus hautes autorités de l’État. »
Ces jeunes aspiraient à ce « qu’enfin le duvaliérisme soit à jamais déraciné. »
Vingt-huit ans après cette victoire sur la terreur et l’obscurantisme, il faut à nouveau faire front pour contrecarrer le retour officiel du duvaliérisme et la volonté de garantir l’impunité à ceux qui ont imposé le silence et fait régner la peur ; Ceux-là même qui ont sciemment organisé l’infernale machine à avilir, torturer, assassiner, violer, disparaître, exiler, déposséder, siphonner. On veut faire croire à la jeunesse d’aujourd’hui que la soit disant révolution duvaliériste était porteuse de liberté, d’épanouissement et de progrès. On tente de travestir l’histoire en prétendant que ce régime ─ancré dans l’arbitraire, la brutalité féroce, l’oppression, le culte de la personnalité, la domestication des institutions et la terreur─ n’avait rien de particulier.
Continuer à refuser l’inacceptable est un choix que le Collectif et bien d’autres, ici en Haïti et ailleurs, ont résolument fait. Au nom de la vérité et de la justice. En mémoire des innombrables victimes. En hommage à la résistance de tous ces jeunes qui, durant ces 29 ans de dictature, sont généreusement montés au front pour la liberté. Refuser l’inacceptable, c’est faire vivre l’esprit du 7 février.
Le duvaliérisme a été une tragédie pour Haïti ! L’impunité ne peut-être le destin d’Haïti !
Port-au-Prince, le 7 février 2014
Danièle Magloire
Coordonnatrice
7 fevriye 1986, se dat dechoukay rejim boutdi Duvalier (Divalye) a. Se rezilta anpil lane batay difisil, kote plizyè milye konpatriyòt pèdi lavi yo.
28 novanm 1980, yon represyon brital, ki te sitou sible laprès, krabinen peyi a. Apre sa, yon lòt fwa ankò, pouvwa a mete popilasyon yo deyò nan jèt la. Flanm rezistans la reprann fòs an 1984 ak jèn yo, sitou sila nan Gonayiv yo, ki pa t manke voye jete zafè prezidans avi a ak tout pouvwa gwo ponyèt li trennen dèyè li. « Aba lamizè avi ! Aba chomaj avi ! Aba totire moun ! Aba diktati ! » Endiyasyon, se te motè mobilizasyon yon jenès ki te pran move kou. Aksyon jèn yo vin bay dènye gwo bourad nan kapote rejim lan ; Yon rejim ki te oze dappiyanp sèl grenn bibliyotèk nan yon vil, pou fè li tounen kazèn tonton makout.
Sa ki te sitou anflame jènès la nan tout peyi a, se enpinite. Jèn yo te derefize bat ba devan krim ki te komèt sou 3 elèv lekòl nan Gonayiv pandan manifestasyon 28 novanm 1985 la. Jou sa a, Jean-Robert Cius (Janrobè Siyis), Makenson Michel (Makennsonn Michèl) ak Daniel Israël (Danyèl Izraèl) tonbe anba bal. « Se pou yo arete, jije epi kondane ni kriminèl ki fè kò ansasinay sou 3 jèn yo, ni chèf ki bay lòd tire sou pèp la, menmsi chèf la se pi gwo potanta nan Leta a. » Tèt rèv jèn yo, se te « pou sistèm divalyeris la dechouke ajamè nan peyi a. »
28 lane apre viktwa sou laterè ak fòs fè nwa, mobilizasyon oblije reprann pou bare wout divalyeris la k ap retounen ofisyèlman, pou fè fas kare ak volonte pou garanti enpinite. Enpinite pou sila ki te mete tout yon popilasyon anba baboukèt, ki te simaye laterè. Enpinite pou sila yo ki te pran tout dispozisyon pou òganize sistèm dyabolik ki t ap avili, tòtire, ansasinen, vyole, ekzile, disparèt, volè, dechèpiye. Yo vle fè jèn jodi a kwè swadizan revolisyon divalyeris la te pote libète, epanwisman ak pwogrè. Y ap eseye refè ak tòdye listwa, pou fè kwè rejim divalyeris la se te yon rejim kèlkonk ; alòske li te chita sou yon sèl chèf mèt e seyè, sou sovajri, maspinay, laterè, epi fè enstitisyon tounen restavèk pouvwa a.
Kenbe tenn fas nan di Non pou sa ki inakseptab, se yon chwa Kolektif kont enpinite a fè, menm jan ak anpil lòt ann Ayiti ak aletranje. Chwa sa a, se pou laverite ak lajistis. Se an memwa dividal viktim yo. Se ann omaj pou tout jèn yo, ki pandan 29 lane diktati a, te montre jenerozite pou defann libète. Se pou pèmet lespri 7 fevriye a kontinye viv.
Rejim divalyeris la se te yon trajedi pou Ayiti ! Enpinite pa ka desten Ayiti !
Danièle Magloire
Coordonnatrice
20 janvier 2014
Jacky Dahomay nous transmet ces informations. Les choses bougent-elles vraiment ? Oui peut-être, un moment ; mais après ? Gardons l’espoir...
Quelque chose a l’air de bouger en Haïti. Suite aux démarches entreprises par Syvie Bajeux et les organisations qui luttent pour que justice soit rendue, avec le soutien international, les aristidiens ont demandé que le procès de Jean-Claude Duvalier soit mené à son terme. En réponse, les duvaliéristes au pouvoir avec Martély ont publié la liste des victimes de Jean-Bertrand Aristide. Des journalistes exigent que justice soit rendue à Jean-Dominique. En ouvrant le procès des assassins de Jean-Dominique, le pouvoir en place espère faire oublier les crimes du duvaliérisme. Mais il se pourrait que ce soit une nouvelle ère qui s’ouvre en Haïti et que ce soit le problème général de l’impunité qui devra être réglé. Sans le règlement de cette question, la conscience politique collective ne peut avancer dans ce pays.
Des proches d’Aristide inculpés pour le meurtre de Jean L. Dominique
Un magistrat haïtien a inculpé vendredi neuf personnes pour l’assassinat du journaliste Jean Léopold Dominique il y a 14 ans, parmi lesquels plusieurs proches de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide.
Une ex-sénatrice du parti Lavalas d’Aristide, Mirlande Libérus, est désignée par le juge Yvikel Dabrésil comme la commanditaire du double meurtre qui a coûté la vie le 3 avril 2000 au directeur de Radio Haïti Inter et à un garde de sécurité, selon l’ordonnance d’instruction. Mirlande Libérus a reçu ordre, émanant d’Aristide, de faire taire le populaire journaliste, conclut le rapport sur la base de témoignages recueillis par le magistrat.
Lire la suite... ou cliquer sur le lien en bas :
http://hccoverseas.blogspot.com/2014/01/des-proches-daristide-inculpes-pour-le.html
Neuf inculpations dans l’affaire Jean Dominique : “La vérité doit enfin surgir, quatorze ans après les faits”
Reporters sans frontières accueille à la fois avec satisfaction et prudence la nouvelle des inculpations, le 18 janvier 2014, de neuf personnes soupçonnées d’implication dans l’assassinat de Jean Léopold Dominique, le 3 avril 2000 à Port-au-Prince. L’attentat meurtrier contre le directeur de Radio Haïti Inter avait également coûté la vie au gardien de la station Jean-Claude Louissaint.
“Nous saluons un pas judiciaire important, quasi inespéré après des années d’enlisement et d’impunité dans un dossier qui aura mobilisé sept magistrats instructeurs. L’enquête avait certes été relancée le 8 mai 2013 avec l’audition comme témoin de l’ancien président de la République Jean-Bertrand Aristide, dont les neuf inculpés sont réputés proches. Il s’agit maintenant d’établir les niveaux de responsabilité avec précision, à l’appui des dépositions des neuf concernés. Aucun ne doit manquer à l’appel pour la suite de la procédure. La vérité doit enfin surgir, quatorze ans après les faits”, déclare Reporters sans frontières. “Tout comme l’association SOS Journaliste, Reporters sans frontières demande en particulier que toutes les dispositions soient prises pour que Myrlande Lubérisse vienne s’expliquer devant la justice de son pays. L’ancienne sénatrice du parti Fanmi Lavalas de Jean-Bertrand Aristide est désignée dans le rapport du juge Yvikel Dabrésil comme commanditaire de l’assassinat de Jean Dominique. Les autorités des États-Unis, où réside l’intéressée, doivent accéder à son extradition s’il y a lieu”, ajoute l’organisation.
Le rapport du juge Dabrésil transmis le 18 janvier dernier à la Cour d’appel de Port-au-Prince fait également état des inculpations de : l’ancien maire adjoint de Port-au-Prince Harold Sévère, l’ancienne militante Lavalas et prêtresse vaudou Anne Augustin alias “Sô Ann”, ainsi que des hommes de mains Frantz “Franco” Camille, Toussaint Mercidieu, Mérité Milien, Dimsley Milien alias “Ti Lou” – déclaré mort par certains témoins -, Jeudi Jean-Daniel alias “Guimy” et Markington Michel. Ces trois derniers s’étaient évadés de prison en février 2005, deux ans après leur arrestation.
Politiquement très sensible, l’affaire Jean Dominique porte en elle une polarisation toujours très forte autour de la personne de l’ancien président Aristide, longtemps exilé puis revenu au pays en mars 2011. Certains témoignages recueillis par les magistrats et consignés dans le rapport du 18 janvier - dont celui de l’ancien chef de la sécurité de Jean-Bertrand Aristide, Oriel Jean – soutiennent la thèse selon laquelle l’ancien président aurait lui-même ordonné l’assassinat du journaliste, considéré comme une entrave à ses visées de retour au pouvoir à l’époque du crime.
http://www.alterpresse.org/spip.php ?article15829
Port-au-Prince, Montréal (Canada), 15 janvier 2014
Journal Le Devoir, Montréal le 15 janvier 2014 12h16 | Associated Press | Actualités internationales
Port-au-Prince — Deux importantes organisations de défense des droits de la personne ont dénoncé, mercredi, la lenteur des procédures criminelles intentées contre l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier.
Dans un communiqué commun, Human Rights Watch et Amnistie internationale affirment que l’ancien président, plus connu sous le nom de Bébé Doc, échappe à la justice à cause « d’un manque de volonté politique et de délais judiciaires inacceptables ».
En 2012, un juge avait statué que Jean-Claude Duvalier pouvait être jugé pour des accusations de détournement des fonds publics, mais avait rejeté le dossier portant sur les violations des droits de la personne, citant la prescription. L’ex-dictateur conteste les accusations de détournement, tandis que les plaignants font appel du jugement portant sur les violations des droits de la personne.
L’an dernier, la cour d’appel chargée du dossier a entendu les témoignages de M. Duvalier et de plusieurs victimes, qui ont raconté avoir été torturées sous le régime de Bébé Doc, de 1971 à 1986. La décision de la cour d’appel est suspendue depuis le mois de mai, en attendant certaines procédures qui n’ont pas été précisées, déplorent les deux organisations, en citant plusieurs sources.
« Il semble que les autorités haïtiennes n’aient aucune intention de mener des enquêtes exhaustives sur les abus commis durant l’ère Duvalier », a déclaré Javier Zuniga, d’Amnistie internationale, dans le communiqué.
Le président d’Haïti, Michel Martelly, a déjà dit qu’il était ouvert à la possibilité d’accorder un pardon à Jean-Claude Duvalier, dans le cadre d’un vaste effort de réconciliation nationale. Il a aussi affirmé qu’il revenait au système judiciaire de gérer cette affaire.
Le principal juge chargé du dossier, Jean-Joseph Lebrun, n’a pas pu être joint pour commenter la situation.
Jean-Claude Duvalier, aujourd’hui âgé de 62 ans, est revenu en Haïti le 16 janvier 2011, après 25 ans d’exil en France.
Il n’avait que 19 ans quand il a pris le pouvoir après la mort de son père, François, dit Papa Doc. Human Rights Watch estime que les Duvalier père et fils ont ordonné le meurtre de 20 000 à 30 000 civils durant leur règne de 29 ans.
L’ancien dictateur a fait plusieurs sorties publiques depuis son retour en Haïti. Il était notamment présent lors d’une cérémonie pour souligner l’indépendance d’Haïti, le 1er janvier, ce qui a suscité les condamnations des plaignants. Il s’affaire aussi à rénover une résidence à Pétionville, en banlieue de Port-au-Prince.
Par Trenton Daniel
Pour accompagner cet article, il est bon de se reporter au texte émis par Human Rights Watch et que nous transmettons ici.
Port-au-Prince, janvier 2014
Déclaration conjointe contre la présence de l’inculpé Jean-Claude Duvalier aux cérémonies officielles du jour de l’indépendance d’Haïti
Document soumis à AlterPresse le 7 janvier 2014
Nous signataires de cette déclaration, issus de la société civile haïtienne organisée, sommes profondément indignés par la présence du dictateur déchu Jean-Claude Duvalier et de l’ex militaire putschiste Prosper Avril, sur invitation du Président en exercice Michel Martelly, aux cérémonies officielles du jour de l’indépendance d’Haïti, le 1er janvier 2014 aux Gonaïves. Cette présence des anciens tortionnaires est une provocation et une insulte inqualifiable à la nation. Elle est également un affront à la mémoire des milliers de victimes de la dictature duvaliériste.
Jean-Claude Duvalier est aujourd’hui inculpé, par devant la justice haïtienne, pour crimes financiers et crimes contre l’humanité. Les victimes, ayant engagé des poursuites contre l’ex-dictateur, attendent encore une décision de la Cour d’appel par rapport aux crimes contre l’humanité ; crimes imprescriptibles et non amnistiables.
La justice ne saurait être confondue avec la vengeance. Ce sont les duvaliéristes et leurs tontons macoutes qui ont eu le monopole de la violence d’État, avec tout ce que cela implique. Ils sont jusqu’à présent protégés par l’impunité systémique qui prévaut dans le pays. Les victimes de la dictature et les défenseurs des droits humains, qui ne confondent pas réconciliation et déni de justice, s’insurgent contre la banalisation de l’impunité, le révisionnisme historique et exigent que la Cour d’appel rende enfin sa décision, conformément à son mandat et par respect pour les victimes qui ont courageusement porté plainte contre Duvalier.
Nous appelons les différents secteurs de la société à refuser la réhabilitation du duvaliérisme et la banalisation de l’impunité.
Port-au-Prince, le 7 janvier 2014.
Organisations signataires
1. Collectif contre l’impunité
2. CEDH (Centre œcuménique des droits humains
)
3. Centre Pétion Bolivar
4. CRESFED (Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement)
5. GARR (Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés)
6. Kay Fanm (Maison des femmes)
7. JILAP (Commission épiscopale Justice et Paix)
8. MOUFHED (Mouvement des femmes haïtiennes pour l’éducation et le développement)
9. POHDH (Plateforme des organisations haïtiennes de défense des droits humains)
10. RNDDH (Réseau national de défense des droits humains)
11. SOFA (Solidarité des femmes haïtiennes)
Pour les organisations signataires et authentification
Sylvie W. Bajeux, Directrice exécutive CEDH
Pierre Espérance, Directeur exécutif RNDDH
Source : http://www.alterpresse.org/spip.php ?article15749#.UsxqZvTuKo0
Port-au-Prince, octobre-novembre 2013
Pour toutes celles et tous ceux qui sont intéressés, nous donnons ici accès à la sentence du Tribunal de la République dominicaine.
Il est encore difficile de dire si ce conflit trouvera ou non une réponse rapide dans l’intérêt des parties. Certaines voix dominicaines vont dans ce sens, mais il est certain que la vigilance doit être de mise, et ne peut se relâcher un seul instant.
Les réactions continuent d’affluer après la décision inique de la Cour constitutionnelle dominicaine à l’encontre des Dominicains d’origine haïtienne. Voici d’abord celle de l’anthropologue Rachelle Charlier Doucet parue dans Alterpresse, puis celle qui émane du secteur de la Culture :
http://www.alterpresse.org/spip.php ?article15247#.UlCO-Gwo7cc
samedi 5 octobre 2013
Par Rachelle Charlier Doucet
Comme tant d’autres, j’ai lu avec stupéfaction cette incroyable nouvelle : le 23 septembre 2013, la Cour Constitutionnelle dominicaine, dans un document de près de 147 pages, a tordu le cou à sa propre constitution et à ses propres lois migratoires, à tous les principes moraux et légaux auxquels l’Etat dominicain a adhéré, à tous les accords, conventions et traités internationaux auxquels l’Etat dominicain est partie et relatifs au respect des droits humains, des droits civils, politiques, économiques et culturels des populations migrantes. Cette entité du pouvoir judicaire dominicain a renié les déclarations de principe et les engagements de l’Etat dominicain à combattre la discrimination et le racisme sous toutes ses formes. En enjoignant la Junte Centrale Electorale (JCE) de procéder, dans un délai d’un an, à un « tri » des citoyens sur la base du statut légal de leurs parents au moment de leur naissance et de mener un processus de « dénationalisation » de ceux qui auront été jugés indignes d’être Dominicains, car descendant de parents « illégaux » et en « transit prolongé sur le sol dominicain » (quelle superbe trouvaille !), l’Etat dominicain risque de se mettre au ban des nations démocratiques, en rééditant des pratiques fascistes, et la création d’apartheid sur cette portion d’île.
L’Exécutif dominicain lui, a gardé un lourd silence. L’ambassadeur dominicain en Haïti, le professeur Ruben Silié a expliqué la position de l’Exécutif dominicain « SE PA NOU, NON ! ». Oh que non ! « Il ne s’agit pas d’une décision du gouvernement dominicain qui est lui-même préoccupé ». Finalement les déclarations de Leonel Fernandez à New York et celle du président Danilo Medina hier à Santo Domingo confirment la politique de « laissez-faire » du PLD. Ils tirent de leurs manches les deux cartes habituelles : celle, légaliste de la séparation des pouvoirs et celle politique et idéologique, des prérogatives régaliennes de l’Etat dominicain. C’est une affaire de souveraineté nationale, un point c’est tout. Ces cartes suffiront-elles pour permettre au gouvernement dominicain de tirer son épingle du jeu ? Car, comme l’ont souligné de nombreux Dominicains eux-mêmes, nous sommes en face d’un « génocide civil », de racisme caractérisé, de discrimination et d’exclusion sociale à l’encontre d’une frange importante de la population dominicaine, sur la base de ses origines haïtiennes. La décision, bien sûr ne vise pas que les descendants d’Haïtiens, les autres étrangers sont aussi frappés, mais pour qui connaît l’histoire migratoire dominicaine, « l’étranger » qui est visé en premier lieu, c’est bien le migrant haïtien et ses descendants établis sur le sol dominicain depuis … tenez-vous bien…- 1929 !.
Cette décision est tellement aberrante et déconcertante qu’elle suscite toutes sortes de supputations, d’analyses et d’hypothèses. Si la plupart des analystes s’accordent sur le caractère raciste et discriminatoire de la mesure, servant les intérêts de l’aile ultra-nationaliste dominicaine, certains y voient des manœuvres politiciennes contradictoires, soit pour discréditer et déstabiliser le gouvernement du Président Medina, soit pour contrôler l’électorat et assurer la réélection de l’ex-président Leonel Fernandez en 2016 et permettre au secteur néo-nationaliste anti-haïtien de sortir ses griffes en toute quiétude. D’autres analystes prêteraient même à la JCE l’intention de révoquer, en passant, la nationalité dominicaine de Francisco Peña Gomez ! Pour certains, la mesure de la Cour Constitutionnelle viserait aussi à éluder l’obligation faite à l’Etat et aux entrepreneurs dominicains de payer leur dû et leur pension aux travailleurs haïtiens. Quoi qu’il en soit, la décision de la Cour Constitutionnelle, jugée irrecevable par une grande majorité de la population dominicaine a provoqué des remous et des manifestations en République dominicaine, à Porto-Rico, à New York, et dans d’autres pays où la diaspora dominicaine est nombreuse. « Les Dominicains de bonne foi veulent faire savoir au monde entier qu’ils ne se feront pas complice d’une telle iniquité ».
Curieusement, cette vague de protestation n’agite pas trop la société haïtienne, « assise sur son bloc de glace », semble-t-il. Certains partis politiques et parlementaires haïtiens ont été prompts à condamner. L’Exécutif haïtien a gardé le silence « pour mieux s’informer ». Des membres du secteur des affaires des deux pays se sont réunis mais sans informer la population du contenu de leurs discussions. Des organisations haïtiennes de défense des droits humains ont élevé d’énergiques protestations, mais la société au sens large n’a pas suivi. Et ceci devrait nous interpeller. Un sit-in convoqué le jeudi 3 octobre devant les locaux de l’Ambassade dominicaine à Pétion-Ville n’a pas amené la grande foule. Frileuse, la société haïtienne n’exprime pas de solidarité agissante. Timidité ou indifférence ? Si l’on peut comprendre la prudence toute diplomatique du gouvernement haïtien qui craint de marcher sur les œufs dominicains - rapatriements et des refoulements massifs obligent- l’on peut se demander pourquoi la société haïtienne, et en particulier les élites, se taisent-elles. Serait-ce qu’elles ne sentent pas concernées par le sort de ces « gens-là » ?
A la différence des Dominicains de tous âges et de toutes catégories sociales qui font entendre leur voix, prennent leur plume, sortent dans les rues et se mobilisent contre cette décision inique de la Cour Constitutionnelle, aurions-nous perdu notre capacité d’indignation et d’empathie ? Ou serait-ce que nos propres pratiques discriminatoires nous aveuglent au point de nous faire oublier qu’il s’agit d’une communauté avec laquelle nous avons une filiation, un héritage et des liens culturels et symboliques très forts.
Mutisme inqualifiable en 1937, mutisme inacceptable en 2013...
http://www.alterpresse.org/spip.php ?article15247#.UlCO-Gwo7cc
Nous, cinéastes, artistes, hommes et femmes de culture d’Haïti et du monde, sommes particulièrement sensibles aux souffrances de nos frères et sœurs sous quelque latitude qu’ils se trouvent. La décision 168-13 de la Cour Constitutionnelle de la République Dominicaine privant de leur nationalité tous les citoyens dominicains d’origine haïtienne, nés après 1929, interpelle notre conscience et nous oblige à élever nos voix pour protester contre cette mesure aux conséquences incalculables pour environ 300.000 citoyens dominicains de race noire.
En effet, ce qui pourrait paraître comme un acte démentiel de temps révolus, vient de s’accomplir en violation de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui stipule en son article 15 que tout individu a droit à une nationalité et que nul ne peut être privé de sa nationalité. Cet acte de la Cour Constitutionnelle, nous rappelle les mesures qui ont précédé le génocide, en 1937 des 30.000 Haïtiens massacrés par le dictateur fasciste, Rafael Leonidas Trujillo, émule d’Hitler. Et plus récemment, le génocide rwandais a été précédé d’un climat similaire à celui que certains secteurs racistes et xénophobes voudraient créer en République Dominicaine.
Les Haïtiens et les démocrates du monde entier ne peuvent que condamner une mesure aussi dangereuse tout en exigeant son retrait par la Cour Constitutionnelle Dominicaine.
Nous demandons à toutes les organisations antiracistes, antiapartheid et de défense des droits humains ainsi qu’à toutes les instances démocratiques du monde, de lever leurs voix pour condamner cette mesure tout en exigeant son retrait immédiat ou le boycottage des produits dominicains et du tourisme dans ce pays que nul démocrate et antiraciste ne devrait plus visiter en solidarité avec ces citoyens dominicains menacés de bannissement pour leur origine raciale .
S.V.P. adressez vos messages au :
Président de la République Dominicaine, Danilo Medina, Palacio de la Presidencia, Santo Domingo, Républica Dominicana. Faites-lui parvenir vos messages à travers les ambassades de la République Dominicaine dans vos pays respectifs.
L’Ambassadeur de la République Dominicaine en Haïti, Ruben Silié : embrepdomhai@yahoo.com
Le Président de la République d’Haïti, Michel Martelly : dir_rh@mae.gouv.ht ou aussi au : maehaiti@gmail.com
Arnold Antonin
Directeur du Centre Petion-Bolivar Président de l’Association Haïtienne
et Conseiller de lAHC
Moïse Camille
Président de l’Association haïtienne des cinéastes (AHC)
Port-au-Prince, le 23 Octobre 2013.
Port-au-Prince, 25 septembre 2013
Texte signé du sénateur Steven Benoit
Publié le vendredi 20 septembre 2013
Honorable Senators, Congresswomen and Congressmen Ladies and Gentlemen,
We are taking the opportunity of this visit to brief you on some of the events that have brought Haiti on the verge of a major political crisis. As legislators and believers in the representation of the people through legislative bodies, it is important for us to submit this analytical paper to your attention. We thank you in anticipation for your kind attention.
Foremost, we would like to state that we are looking for ways to move ahead with Mr. Martelly toward the organization of democratic, fair, transparent elections as quickly as possible to fill hundreds of posts at the local level and in the Senate (10 seats). As legislators we would like to maintain a stable political climate and work in harmony with the executive branch to attract new investments, create new jobs, sustainability and keep the hopes of the Haitian people for a better future. However, since he arrived in power, Mr. Martelly has shown a profound dislike for democracy, legislative Representatives, as well as for the check and balance of the powers granted to him by the constitution. Currently, municipal government is being managed by hand-picked men and women totally dedicated to Martelly. This means that all 420 municipal executive agents replacing the elected mayors whose term has expired, since 2011, are close Martelly political allies. Thousands of elected county officials have also been hand-picked by Martelly to replace those whose term had run out. President Martelly has also done all he could to have a hand-picked electoral council he hoped could rig the votes in favor of his political friends. The following is a summary of the citations and recitals of a resolution proposed by thirteen Haitian Congressmen to have President Michel Joseph Martelly tried by a High Court of Justice as prescribed by the Constitution of the country. Through this, it is possible to get a good, but incomplete, view of all the violations of Haiti’s laws and constitution by the highest members of the executive branch of the country. Among other things, President Martelly has been accused of violating article 153 of the constitution when he tried to dispose a neighbor of his private residence of his house and surrounding properties by using the equivalent of the IRS to falsely accuse the individual of not paying property taxes. As early as October 26, 2011, President Martelly ordered or authorized the arrest of a Haitian Congressman as he stepped out of a plane following an official mission abroad, in violation of article 114.2 of the constitution and without any legal ground to act in such a way. He lied and denied that he had anything to do with it while it is well known that his collaborators are terrified by him and would never act without his approval. Violation of article 218 of the constitution by President Martelly when he unilaterally levied two (2) taxes on international phone calls and money transfers from abroad without any law supporting that decision. No one beside President Martelly and Prime Minister Laurent Lamothe have control over those funds which surpass US $200 million today. He has been trying to get Parliament to ratify his decision at posteriori …
President Martelly also violated articles 200 and 236 of Haiti’s constitution when he designated (January 24, and June 15, 2012) his wife and his 23-years old son to coordinate and manage millions of US dollars in public funds and run social and sports development programs outside of all legally-established channels. For several months, contracts were granted to companies owned by or connected with friends of the Martelly family among rumors of millions being kicked back to the wife and son (the latter is currently building a million dollar-commercial building in one of Haiti’s most expensive neighborhoods. When two Haitian lawyers filed a legal complaint against the Martellys, the District attorney and the investigating Judge received threats. Finally, the investigative Judge accused the Chief Judge of the Court of 1st Instance of taking him to a meeting with President Martelly, Prime Minister Lamothe and Minister of Justice Jean Renel Sanon. That was a clear violation of the separation of powers under Haiti’s constitution. But things went even further as the investigative Judge stated that President Martelly addressed him disrespectfully and threatened him and summoned him to stop the investigation of his wife and son. The next day, the Judge told his associates that he would abandon the investigation and leave the country. But he was to die the day after under mysterious circumstances that remain to be explained. Both the Congress and the Senate undertook an investigation of the matter that points to violations of the separation of powers by the leaders of Haiti’s executive branch and their Minister of Justice and conclude by making them liable of a trial by the High Court of Justice. If all of these illegal and unconstitutional decisions could take place, it is because President Martelly had also previously violated other articles of the constition when he was making the nominations of the Judges of the Cour de Cassation (equivalent of the US Supreme Court). He managed to select at least three Judges (disregarding all protests by the Senate) who did not meet the requirements and to have one of them (whom he has known since his childhood) become Chief Justice and President of the Higher Council on Justice. Through a number of nominations of District Attorneys, Prosecutors, Judges and Justices of the Peace (by Chief Justice Anel Joseph his childhood friend), etc., President Martelly and his Minister of Justice have been able to turn the Haitian justice system into a political arm at the service of the executive branch (or the Martelly crew : he used to call himself and his close friends ‘’legal bandits’’ and has a song written on the topic). A very dangerous and scary development. Two accusers of Mrs. Martelly are currently in jail under trumped-up charges, awaiting a trial that may never come … Two lawyers who were very critical of the Martellys’ ways in running the affairs of Haiti are now in hiding and one of them is forbidden to leave the country/travel abroad. No later than yesterday, one of the most critical journalists of the Martelly government has been ordered to surrender all documents pertaining to an information she had on a contested Judge in office which had been nationally disbarred for ten years by the bar associations (federation) of Haiti.
Last but not least, a close friend of the President came to port with 55 packs of marijuana on his private yatch and called the police and the District attorney to come and get them at his beach hotel. When the Prosecutor had him come to his office for questioning and later sent him to a District Attorney, the police spokesperson and even the Minister of Justice scolded him and the Minister threatened to remove him from office. Only the scandal throughout Haiti’s public opinion and press forced the Minister to back-track. Being the first person to agree to this. His election was a controversial one as he did not win the first round but was forcefully imposed as a winner. Winning the second round against Mrs. Manigat was easier and he may have won it. Haiti’s political class let Mr. Martelly have his days for two years, despite warning signs that the man was an admirer and follower of former Presidents for Life and well-known dictators François and Jean-Claude Duvalier. Indeed President Martelly had several run-in with members of Congress and of the Senate were he clearly said he would rather run the country without a Parliament. After two years of hide and seek first to publish the amendments of the constitution, then to form an electoral council, then to send the electoral law to Congress (he kept the document for two months at the palace), President Martelly waited for the lower Chamber to almost end its regular session before depositing the electoral law. The way things look today, there is no way the latest electoral law can be worked on by both Chambers unless the President calls Congress back into session. Last week, Mr. Martelly told a crowd that for the next two years he would ‘’ … run Haiti as he saw fit to him since he is the only Chief in the country. Whatever he says will have to be done …’’. Having President Martelly run Haiti without a Congress and without holding elections, with practically all elected and public administration positions filled by his nominations, would be equal to going back to the political instability and turmoil of the years that followed President Aristide’s departure from power in 2004. A perspective of violence that Haiti is incapable of sustaining on top of all its other ills : vulnerability to earthquakes, tropical storms and hurricanes and deforestation and erosion, without mentioning lack of investments and jobs … As responsible politicians we are counting on the understanding and support of all the hemispheric democracies to assist Haiti in ending its years of political upheavals and confrontations. We are looking forward to having good and peaceful elections, but above all an executive branch respectful of the constitution and of the laws of the land and of its opposition, of the right to demonstrate, speak out and criticize peacefully and in order, rights which thousands of Haitians have died for from 1957 to now …
Long live HAITI, longue vie a notre chere HAITI
Steven I. Benoit Senator of the proud Republic of Haiti.
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Port-au-Prince, septembre 2013
Les Organisations de la Société Civile, les Organismes de Droits Humains, et les citoyens signataires de la présente déclaration, condamnent avec véhémence, les comportements
du Pouvoir Exécutif qui a
a) depuis deux ans bloqué le processus électoral, privant ainsi le peuple haïtien du droit sacré d’élire ses dirigeants locaux et ses représentants au Sénat
b) pendant deux mois, refusé, en dépit des appels répétés de la société haïtienne, de transmettre au Parlement le projet de loi électorale remis par le Collège Transitoire du Conseil Électoral Permanent, compromettant ainsi la possibilité de réaliser de bonnes élections avant la fin de l’année 2013.
c) attendu la veille de la réunion du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, pour finalement remettre un projet de loi modifié, montrant ainsi son mépris profond pour la Nation haïtienne et son intention d’amadouer la communauté internationale.
d) envisagé, dans le but de rendre inopérant le Pouvoir législatif et de s’attribuer un pouvoir absolu, d’écourter la durée du mandat du 2ème tiers du Sénat, en évoquant la loi électorale 2008, dans une disposition transitoire devenue obsolète, en raison des retards enregistrés dans la tenue des élections en 2008 et en 2011, chaque fois par la faute des différents dirigeants en place.
de certains parlementaires qui
a) n’ont pas su se montrer à la hauteur de leur mission et ont préféré servir l’Exécutif plutôt que d’arrêter ses dérives.
b) ont voté le projet de loi de finances pour l’exercice 2013-2014, qui peut avoir de lourdes conséquences pour les couches les plus défavorisées du pays.
du Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire
qui selon ses pairs, a fait obstruction à la justice en bloquant l’enquête disciplinaire initié par le CSPJ, dans le cadre de la mort subite du Juge Jean Serge Joseph, sacrifiant ainsi l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
Les signataires de la présente déclaration réaffirment leur attachement indéfectible aux principes démocratiques d’équilibre et d’indépendance des pouvoirs, au fonctionnement régulier et sans interruption du Parlement comme instance de contrôle et seul pouvoir habilité à légiférer.
Ils lancent un appel pressant
a) au président de la République pour qu’il renonce à toute tentative d’usurper les pouvoirs constitutionnels du Parlement et de diriger par décret et qu’il prenne toutes les dispositions nécessaires pour que des élections crédibles, honnêtes et inclusives aient lieu dans le meilleur délai pour le tiers du Sénat et les collectivités territoriales
b) aux parlementaires, particulièrement, ceux du PSP qui soutiennent aveuglément le gouvernement, pour qu’ils mesurent, en leur âme et conscience, l’importance de la responsabilité historique qu’ils vont assumer devant la Nation. Aujourd’hui le choix est clair. Ou bien on vote en faveur du projet anticonstitutionnel du président visant la dissolution de facto du Pouvoir Législatif, ou bien on vote en faveur des prescrits de la Constitution et de la préservation du Pouvoir législatif. Tout parlementaire qui se serait fait complice de ce projet illégal et anti-démocratique peut être considéré par son électorat, par sa circonscription, son département et l’ensemble du Peuple haïtien comme un traître à la Patrie, qui aura sacrifié le Parlement pour un plat de lentilles.
c) au peuple haïtien, pour qu’il prenne conscience qu’une grave menace pèse sur les acquis démocratiques et qu’il doit défendre avec détermination les droits qu’il a conquis au prix de grands sacrifices.
Suivent les signatures.
Institution............. Nom, Prénom ……….. Signature………
Initiative de la Société Civile (ISC)
Rosny Desroches
Conseil Haïtien des Acteurs Non-Étatiques
(CONHANE)
Edouard Paultre
Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)
Pierre Esperance
Plateforme des Organismes de Droits Humains
(POHDH)
Freud Jean
Centre Œcuménique des Droits Humains
(CEDH)
Sylvie Bajeux
Conseil National d’Observation Électorale (CNO)
Kenson Polynice
Justice et Paix
Jocelyne Colas
Initiative des Citoyens Engagés pour le Changement d’Haïti (ICEC-HAITI)
James Jacques
Raoul Peck
Lanse Haïti
Augustin Jinaud
Revey Jenès
Marc-Kington Vergin
Port-au-Prince, août 2013
Lettre ouverte de l’ORGANISATION du PEUPLE en LUTTE, en réponse à une invitation
Port-au-Prince, le 13 août 2013
Lettre ouverte à :
Son Excellence Monsieur Michel Joseph MARTELLY
Président de la République d’Haïti
Monsieur le Président,
Le Comité exécutif de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL) vous salue au nom de la Patrie commune, legs de nos Ancêtres. Ses salutations s’étendent également au Cabinet de la Présidence qui a cru bon de l’informer que « Son Excellence le Président de la République, Monsieur Michel Joseph MARTELLY, rencontrera les Chefs de Partis Politiques, accompagné chacun d’un membre, le mercredi 14 août 2013, à 9h a. m. au Karibe Convention Center ». Le Comité exécutif de l’OPL a été surpris d’apprendre que le thème de réflexion de cette rencontre convie à un « Dialogue sur les Élections », alors que, de l’avis général, le Pouvoir n’y pense guère. En outre, la conjoncture est dominée par beaucoup de points qui attisent les conflits internes et maintiennent la population dans le plus grand désarroi. Mais attaché aux principes républicains que le Parti a toujours prônés et respectés, et sachant que la lutte pour la conquête et l’exercice du pouvoir d’État doit être menée de façon civilisée, le Comité exécutif de l’OPL remercie tout de même le Cabinet de la Présidence de l’avoir invité à ladite rencontre.
Monsieur le Président,
Le Comité exécutif de l’OPL ne saurait ignorer qu’en prenant connaissance de sa lettre ouverte, vous allez certainement vous poser deux questions pertinentes :
1) Pourquoi l’OPL choisit-elle de bouder la rencontre ?
2) Pourquoi décide-t-elle de me signifier sa décision par une lettre ouverte ?
Monsieur le Président,
le Comité exécutif vous informe, au cas où vos conseillers n’auraient pas pensé à vous le dire, que la conjoncture ne se prête pas à un simple « Dialogue sur les Élections » et que l’heure est grave.
Monsieur le Président,
le temps presse et la crédibilité nécessaire à tout Dialogue National semble s’évaporer de jour en jour. En d’autres termes, sous peu, pour utiliser la langue de Shakespeare, « Time will be over ».
Le franc-parler de l’OPL pourrait vous porter à croire que le Parti aurait choisi son camp, entre l’un ou l’autre des protagonistes du chaos. Monsieur le Président, l’OPL ne peut prendre parti qu’en faveur de l’intérêt national, dans le sens de sa vision de direction et d’accompagnement du peuple dans la lutte pour son émancipation et son bien-être.
Monsieur le Président,
l’OPL ne supportera aucune démarche qui aboutirait à un coup d’État contre l’Institution parlementaire, le deuxième lundi de janvier 2014, telle que la perpétuation du dérèglement du calendrier électoral pratiquée par l’équipe au pouvoir le laisse présager.
Monsieur le Président,
le camp de l’OPL a toujours été, reste et demeurera celui des institutions, des normes, des valeurs et des principes républicains. C’est le camp de celles et de ceux qui se battent pour la récupération de notre dignité, pour le recouvrement de notre souveraineté. C’est le camp de celles et de ceux qui luttent pour l’avènement d’une société moderne dominée par la raison, la science, le progrès, l’éducation et la technologie. C’est le camp de celles et de ceux qui croient que l’avenir du pays passe par la Refondation de l’État-Nation, l’instauration d’un État de droit démocratique, la création d’une société d’inclusion permettant l’intégration de la paysannerie qui représente 72% de la population et de la diaspora qui réunit 87% de nos ressources humaines. C’est le camp de celles et de ceux qui travaillent à l’émergence d’élites politiques, économiques, sociales, intellectuelles, sportives, artistiques et culturelles dynamiques et éclairées, capables de prendre en charge le destin de ce pays exsangue en vue de transformer son présent douloureux en un futur digne d’une Nation responsable. Le camp de l’OPL constitue en fait la troisième voie : celle appelée à nous libérer de la peur, de la misère morale et matérielle ; celle qui nous fera prendre conscience de notre situation dramatique ; celle qui nous portera à nous ressaisir pour comprendre finalement que la société haïtienne possède encore les ressorts et les ressources nécessaires pour se hisser au moins au diapason des pays voisins de la Caraïbe.
Monsieur le Président,
Depuis votre accession à la présidence de la République d’Haïti, le 14 mai 2011, la vie politique du pays est rythmée par des scandales en cascade. Le processus de normalisation institutionnelle n’est pas entamé jusqu’ici et le vide institutionnel, Monsieur le Président, ne va pas sans son pendant : l’anarchie et le chaos.
Certaines de vos déclarations contre l’opposition laissent l’OPL perplexe. L’OPL les juge inacceptables, voire irresponsables. Au lieu de contribuer à établir de bonne foi dans le pays un climat serein, favorable à une rencontre constructive entre des femmes et des hommes d’État, entre des dirigeants politiques responsables, certaines attaques ne font que polluer l’atmosphère et créer un environnement politique délétère, plus propice à un tsunami politique qu’à un compromis politique susceptible de conduire à la « Paix des Braves » : condition sine qua non pour la réalisation du miracle souhaité qui épargnerait au pays ce bouleversement politique qui nous engloutira toutes et tous.
Monsieur le Président,
Le Rapport d’enquête de la Commission sénatoriale sur l’Affaire du juge Jean Serge Joseph, laisse entendre que le Chef de l’État, le Premier ministre et le ministre de la Justice seraient tous des parjures. Le Comité exécutif de l’OPL estime qu’il s’agit-là d’une accusation grave qui, si le Rapport est approuvé par l’Assemblée des sénateurs, provoquera une perte totale de crédibilité, car il est inconcevable que les plus hautes autorités du pays puissent mentir effrontément à la Nation. Jointes au refus des deux branches du Pouvoir exécutif d’acheminer le Projet de loi électorale du CTCEP au Parlement, les conclusions du Rapport d’enquête du Sénat ont porté l’OPL à décliner cette invitation.
Monsieur le Président,
En vous faisant savoir que le temps presse, l’OPL veut tout simplement attirer votre attention sur le fait que le pays se meurt et qu’on est à la veille d’un tsunami politique. Il est inconcevable, Monsieur le Président, que les autorités du pays puisent des dizaines de millions de gourdes dans les fonds du Trésor public pour organiser des carnavals « Zokiki » pour « Zogaga ». Il est vrai que dans la Rome antique, les autorités savaient utiliser la formule « Du pain et des jeux » pour porter la plèbe à croire que son bonheur se résumait à une question de « ventres et de bas-ventres ». Mais en s’associant aux autorités onusiennes pour demander à la communauté internationale de mobiliser cent millions de dollars américains en vue de sauver deux millions d’Haïtiennes et d’Haïtiens de la famine, après l’organisation du « Carnaval des Fleurs », Haïti est devenue la risée du monde entier. Ses dirigeants ont tout simplement projeté sur la scène internationale l’image d’un peuple composé « d’affamés joyeux », de bambochards irresponsables. Monsieur le Président, vous devriez savoir qu’un peuple qui a fait 1804 ne mérite pas un tel sort. Monsieur le Président, un peuple qui a produit Pierre Sully, Charlemagne Péralte et Benoît Batraville, finira tôt ou tard par demander des comptes à ses dirigeants.
Monsieur le Président,
L’OPL sait qu’il existe des dirigeants politiques qui ont choisi de pactiser avec l’étranger en vue de provoquer une occupation directe du pays, ce, dans le but évident d’assurer un contrôle total sur l’exploitation de ses ressources minières. Ces dirigeants ont décidé de fermer les yeux sur l’introduction du choléra en Haïti qui a fait plus de huit mille morts au sein de la population. Yale, la prestigieuse université américaine, vient de confirmer, après de nombreux chercheurs nord-américains et européens, que les troupes onusiennes sont responsables de la propagation du choléra dans notre pays. Malgré tout, les autorités haïtiennes continuent de faire la sourde oreille. Elles ne reconnaissent pas aux familles des victimes du choléra le droit à une réparation juste et équitable de la part de l’ONU. L’OPL se fait le devoir de vous rappeler, Monsieur le Président, que le célèbre romancier haïtien Jacques Stéphen Alexis, dans Les arbres musiciens, écrit cette phrase mémorable : « Les peuples sont comme les arbres, ils fleurissent au printemps ». Le Comité exécutif de l’OPL espère, Monsieur le Président, que cette idée géniale de Jacques Soleil vous aidera à comprendre pourquoi le Parti s’obstine tant à accompagner le peuple haïtien dans sa lutte bicentenaire pour la liberté, la dignité, la citoyenneté, la démocratie et l’amélioration de ses conditions matérielles d’existence qui ne peuvent se cristalliser que dans le cadre d’un État de droit démocratique.
Pour terminer sur une note positive, Monsieur le Président, et pour espérer, même contre toute espérance, le Comité exécutif de l’OPL tient à souligner à votre attention que des élections libres, transparentes et démocratiques constituent certes un passage obligé mais elles exigent des préalables. Seul un dialogue national crédible autour des obstacles majeurs à la Refondation de l’État-Nation, impliquant le pouvoir, l’opposition, les organisations de la société civile, la paysannerie et la diaspora, permettra de trouver le compromis nécessaire à la réalisation desdites élections. Il vous revient donc, Monsieur le Président, en tant que Premier Mandataire de la Nation, de sauver ce qui peut l’être encore. Une telle convocation conduirait à l’organisation des états généraux de la Nation. Ce serait là le sens du mandat de votre quinquennat. Une telle démarche recueillerait certainement l’adhésion de l’OPL.
Le Comité exécutif de l’OPL vous renouvelle, Monsieur le Président, ses salutations patriotiques et vous souhaite du courage, car nous en avons tous besoin pour assumer les échecs du passé et du présent et affronter victorieusement les moments difficiles qui s’annoncent.
Pour le Comité exécutif de l’OPL,
Sauveur Pierre ÉTIENNE
Coordonnateur général
Port-au-Prince, 10 août 2013
Après avoir auditionné des témoins-clés et acteurs de ce dossier troublant qui n’en finit pas de faire des vagues, les investigateurs recommandent la mise en accusation du Président Michel Martelly, du Premier ministre Laurent Lamothe et du ministre de la justice, Jean Renel Sanon, qui seraient coupables de parjure, la mise à pied -suivie d’un éventuel procès- du doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, Raymond Jean-Michel, qui aurait également menti et des poursuites judiciaires contre Me Gary Lissade, accusé de recel
Publié le vendredi 9 août 2013
Rapport final de la commission spéciale d’enquête du Sénat by kiskeyadmin
Introduction et Mise en contexte
Les Faits : que s’est-il passé au juste ?
a) Qui a vu ? Qui a entendu ?
b) Qui a fait quoi ? Qui n’a pas fait quoi ?
Analyse des Données collectées à partir d’auditions de témoins et d’acteurs
Interprétation des faits
Conclusions
Recommandations a) D’ordre général b) D’ordre spécifique
Introduction
Le samedi 13 Juillet 2013, vers les 20 heures, est survenu à l’hôpital Bernard Mevs dans la commune de Delmas, le décès du juge Jean Serge Joseph, magistrat en charge du dossier de l’enquête sur l’épouse et le fils du président de la République, tous deux accusés de corruption, de concussion, de détournement de biens publics et d’usurpation de fonction. En effet, le juge y a été transporté par les soins de sa famille vers les 3 heures le même jour dans un état jugé par les responsables du centre hospitalier de non coopérant, ce qui sous-entend dans le jargon médical un état comateux, un état d’inconscience. Passé la phase de triage, le patient a été admis par le docteur Linda Théodore, urgentiste en rotation ce soir-là, qui a immédiatement requis les services du docteur Barth Green, un professeur de l’Université de Miami qui, dans le cadre du partenariat existant entre le centre hospitalier Bernard Mevs et le centre universitaire floridien, assurait la rotation ce soir-là. Le malade a été pris en charge, examiné, et les soins que requérait son cas lui ont été prodigués, selon les indications du dossier médical du patient Jean Serge Joseph.
Le diagnostic auquel les médecins sont parvenus à la suite d’un test au scanner réalisé sur place mais interprété par un groupe de médecins travaillant en synergie, tant en Haïti qu’en Floride, a révélé une hémorragie massive au niveau de l’hémisphère droit du cerveau, ce qui a provoqué une hémiplégie gauche. L’imagerie produite par le test au scanner a été communiquée au docteur Ariel Henry, neurochirurgien affilié à l’hôpital Bernard Mevs. Le médecin a décidé d’opérer immédiatement sur la base de l’imagerie qui lui a été communiquée, mais quand il est arrivé à l’hôpital et a vu le patient face à face, et communiqué avec les médecins qui s’en étaient chargés avant lui, il a changé d’avis et préféré attendre que selon la pratique le sang coagule avant d’opérer, car la source du saignement n’avait pas pu être identifiée.
Le patient a été maintenu sous observation jusqu’à ce que le docteur Green ait annoncé à la famille que le cas du juge ne leur laissait que très peu d’espoir. L’événement le plus redoutable est arrivé, le soir du même jour, vers les 20 heures, le juge Jean Serge Joseph a succombé des complications de son accident vasculaire cérébral.
Ce décès pour le moins suspect a soulevé un véritable émoi au niveau de toute la nation, et certains secteurs ont immédiatement mis en cause la responsabilité de l’administration Martelly-Lamothe dans l’explication de ce décès. Les rumeurs de toutes sortes ont laissé entendre l’existence d’une certaine réunion à laquelle le juge aurait été convoqué et à laquelle auraient participé et le président de la République, et le Premier ministre, et le ministre de la justice ; et pendant laquelle des pressions indues auraient été exercées, et des menaces déplacées auraient été proférées. Cette réunion serait à la base des troubles qui auraient conduit chez le juge Joseph à un accident vasculaire cérébral. La nation a été bouleversée et elle l’est encore. Des explications sont exigées et des enquêtes réclamées tant par des citoyens s’exprimant en leur nom propre et au nom de leur attachement à la démocratie, que par des organisations de la société civile se positionnant au nom de leur mission de défense des droits et libertés de la personne, et aussi tant par les partis et organisations politiques s’insurgeant contre une possible menace à l’indépendance de la justice, à l’équilibre des pouvoirs publics, et aussi contre une possible atteinte aux acquis démocratiques, et enfin un possible péril de l’état de droit en Haïti.
Le Sénat de la République a attendu trois jours pour voir si la Justice se serait saisie de l’affaire. Le constat ayant été négatif, au cours d’une conférence des présidents de commissions à l’extraordinaire, et sur la demande du président de la commission Justice et Sécurité publique et du président de la commission Droits Humains et Anti-Corruption du Sénat, une résolution a été adoptée à la séance en assemblée plénière qui a suivi la conférence des présidents. Ainsi, en date du 17 Juillet 2013, une commission spéciale d’enquête a été formée des sénateurs :
Pierre Francky EXIUS, président de la Commission Justice et Sécurité publique ;
Westner POLYCARPE, président de la Commission Santé Publique et Population ;
François Anick JOSEPH, président de la Commission Intérieur et Collectivités Territoriales ;
Steven Irvenson BENOIT, premier secrétaire du Bureau ;
et Joël Joseph JOHN, deuxième secrétaire du Bureau.
Cette commission spéciale d’enquête a pour mission de faire le jour sur les circonstances ayant entouré la mort du juge Jean Serge JOSEPH. Elle bénéficiait d’une période de huit (8) jours ouvrables pour enquêter et produire son rapport. Aussi, dès la fin de la séance, la commission s’est-elle mise au travail, élisant en son sein un président (François Anick JOSEPH) et un rapporteur (Westner POLYCARPE). La méthode de travail a été immédiatement adoptée et un agenda bâti. Une correspondance a été adressée au président du Sénat lui demandant d’adresser des correspondances à certains dignitaires de l’État afin qu’ils se rendent disponibles pour rencontrer les membres de la commission. Les travaux de la commission ont débuté dès le lendemain avec des séances d’audition de témoins et de collecte de données documentaires.
Les Faits
1.- Tout a commencé le jeudi 16 Août 2012, quand Maitre Newton Louis Saint Juste a adressé une lettre au Parquet de Port-au-Prince pour dénoncer des actes que le dénonciateur qualifie de corruption. Le dénonciateur fondait son accusation sur le fait que l’épouse du président (Madame Sophia Saint Remy Martelly) et son fils (Olivier Martelly) présidaient chacun une commission présidentielle qui disposait de grands fonds issus des caisses du Trésor public. Cela a causé un certain émoi dans les medias de la capitale car c’était la première fois qu’un citoyen osait s’aventurer sur ces sentiers non encore explorés par les bâtisseurs vertueux de la démocratie.
2.- Cela ne devait pas s’arrêter là, car le commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première instance de Port-au-Prince allait convoquer Maitre Saint Juste aux fins de fournir plus de détails sur sa dénonciation. Aussi Maitre Saint Juste a-t-il répondu a cette convocation du commissaire du gouvernement le vendredi 24 Août 2012. Le dénonciateur ayant été entendu, le commissaire du gouvernement a décidé séance tenante de classer l’affaire sans suite.
3.- Quelques jours plus tard, soit le samedi 1er Septembre 2012, Monsieur Joseph Guyler C. Delva, secrétaire d’État à la communication a pu être entendu sur les ondes de Radio Quisqueya, précisant avec un brin de certitude, que l’argent que dépensaient l’épouse du président de la République Madame Sophia Saint Remy Martelly et son fils Olivier Martelly provenait de dons du secteur privé.
4.- La famille présidentielle allait contre-attaquer quand le lundi 3 Septembre 2012, par le biais de son avocat Maitre Reynold Georges, elle annonçait sa volonté d’intenter une action en diffamation contre Maitre Newton Saint Juste. L’avocat a précisé qu’aux termes de l’article 196 du Code civil haïtien, les époux se supportant mutuellement, le président avait le droit de passer des ressources à son épouse.
5.- Le lendemain, soit le mardi 4 Septembre 2012, Maitre Saint Juste revient à la charge en adressant une nouvelle correspondance au commissaire du gouvernement pour suggérer qu’il y avait lieu d’ouvrir une enquête judiciaire sur la base des déclarations de Maitre Georges, car de telles déclarations pouvaient être considérées comme preuve de la concussion dont il faisait état. Dans cette même lettre, Maitre Saint Juste fait une nouvelle dénonciation d’usurpation de fonction, infraction punissable par la loi haïtienne.
6.- L’affaire devait par la suite prendre corps au point d’avoir une existence propre à elle-même. La famille présidentielle, selon tous les indices disponibles et découverts, a mis en branle toutes les garnisons qu’elle avait à sa disposition pour essayer d’étouffer l’affaire ou même de la noyer. Aussi des pressions avaient-elles été exercées sur le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince Maitre Jean Renel Senatus pour qu’il procède à l’arrestation de Maitre Saint Juste, pour injures envers la présidence et diffamation. Maitre Senatus n’a pas pu résister aux pressions qui selon ses propres termes ont été exercées sur lui par le ministre de la justice Maitre Jean Renel Sanon. Il a démissionné de son poste le 26 Septembre 2012.
7.- Le 11 Octobre 2012, le ministre de la justice a répondu à une invitation de la commission justice et sécurité publique du Sénat. Il a, au cours de cette réunion, nié toutes les allégations du commissaire du gouvernement.
8.- L’affaire a connu entretemps une certaine accalmie jusque vers la troisième semaine de janvier, soit le 22 Janvier 2013 quand un citoyen répondant au nom de Enold Florestal fait une citation au correctionnel pour usurpation de fonction. Cette action vise l’épouse et le fils du président, respectivement Madame Sophia Saint Remy Martelly et Olivier Martelly. Monsieur Florestal constitue Maitres André Michel et Newton Louis Saint Juste comme avocats.
9.- Le 19 Mars 2013, l’affaire a effectivement démarré au palais de justice de Port-au-Prince quand le tribunal est officiellement saisi. Le juge Jean Serge Joseph est en charge de l’affaire et décide de la reporter à la huitaine.
10.- A la huitaine, les avocats Michel et Saint Juste ne se présentent pas. Le juge fait une sommation d’audience au 14 Mai 2013. Les avocats ne se présentent toujours pas, l’affaire est reportée au 21 Mai 2013. A cette date, le juge Joseph a prononcé un jugement avant-dire droit reportant l’affaire au 11 Juin, suivi d’un autre report au 18 Juin 2013.
11.- Le mardi 18 Juin 2013, l’affaire est entendue, mais la plaidoirie se déroule autour des vices de forme contenus dans le jugement du juge Joseph. L’affaire est alors à nouveau reportée au mardi 02 Juillet 2013.
12.- Ce mardi-là, l’affaire est à nouveau entendue par devant le juge Jean Serge Joseph. A cette occasion, les avocats Newton Louis Saint Juste et André Michel plaident et demandent au tribunal de citer comme témoins à comparaitre des grands commis de l’État tels le premier ministre, le ministre des finances, etc. Le tribunal rend un jugement avant-dire droit dans lequel il sollicite du commissaire du gouvernement qu’il obtienne du président de la République l’autorisation pour ces grands commis de l’État de comparaitre par devant le tribunal correctionnel aux termes de l’article 400 du Code d’instruction criminelle.
13.- Mais l’avocat de la famille présidentielle n’encaissera pas le coup. Il interjette appel dès le 08 Juillet 2013. Le commissaire du gouvernement fait de même. Le texte de l’appel précise qu’ils ont demandé à la cour d’appel de Port-au-Prince de revenir sur ce jugement pour ‘torts et griefs causés a la famille présidentielle par cette décision’.
14.- Le mardi 09 Juillet 2013, le doyen du tribunal de Première instance de Port-au-Prince, Maitre Raymond Jean Michel, prend le juge Jean Serge Joseph dans son véhicule de service et se rend avec son passager (selon le doyen lui-même) au restaurant Table de Cajus au Champ de Mars pour discuter quinze ou vingt minutes durant d’une question simple. Selon le doyen, le juge voulait seulement savoir si le pouvoir exécutif exerçait des pressions contre lui.
Mais selon les récits confiés par le juge à plusieurs de ses amis et connaissances, c’est plutôt le doyen qui l’a amené à rencontrer l’avocat de la famille présidentielle au cabinet de Maître Gary Lissade.
15.- Rentré de Washington en toute urgence, rappelé selon ses dires par le gouvernement, monsieur Léon Charles rencontre monsieur Enold Florestal le mercredi 10 Juillet 2013, et lui propose d’abandonner la poursuite, de laisser tomber l’affaire, de retirer sa plainte contre la famille présidentielle. Monsieur Florestal refuse. Devant son refus, monsieur Charles fait monter les enchères et appelle au téléphone le premier ministre monsieur Laurent Lamothe. Celui-ci entretient monsieur Florestal pendant quelques minutes. Il lui propose en outre un poste à l’extérieur du pays et de l’argent pour qu’il se décide à abandonner la poursuite initiée contre la famille du président.
16.- Le juge Jean Serge Joseph confie à son ami le juge Morin qu’il a été invité par le doyen à rencontrer de très hautes personnalités du gouvernement autour de l’affaire entreprise contre la famille présidentielle et dont il avait la charge. Le juge Morin lui conseille de ne pas s’y rendre. Plus tard, il revient dire au juge Morin qu’il en a parlé à son ami et conseiller maître Samuel Madistin qui lui a dit qu’il pouvait s’y rendre mais qu’il n’avait aucune concession à faire. Le juge Morin hausse les épaules et ne dit plus rien.
17.- On est le jeudi 11 Juillet 2013, les services de météorologie avaient annoncé un cyclone et l’alerte rouge avait été déclarée le jour précédent. Les travaux des cours d’assises dans la région métropolitaine avaient été momentanément suspendus. Ce jeudi, les locaux du palais de justice de Port-au-Prince avaient été pratiquement vidés. Mais le juge Jean Serge Joseph qui, aux dires de ses pairs, ne rate presque jamais un jour de travail était venu sur place. Comme il avait remarqué qu’il n’y avait presque pas d’activités, il est retourné chez lui à Cabaret. Vers 12h30, il est en conversation au téléphone avec son épouse quand le doyen qui n’arrêtait pas de l’appeler au téléphone appelle à nouveau. Il renvoie son épouse pour répondre au doyen qui lui dit (selon les témoignages concordants et de l’épouse du juge et du doyen) avoir besoin de lui. Le juge Joseph demande que le doyen lui accorde une heure pour qu’il le rejoigne. Arrivé au palais de justice, le juge Joseph gare son véhicule dans les parages du parquet et continue à longer à pied la cour du palais vers le sud pour rejoindre le doyen qui l’attend déjà dans son propre véhicule en marche. Le juge était accompagné de son agent de sécurité, l’officier de police Johnny Pierre et de son cousin et confident Berlens Joseph plus connu sous le sobriquet de Ti Sourit. Le doyen instruit le juge de laisser là ses accompagnateurs car lui n’avait personne avec lui. Au moment de démarrer, le juge plaisante avec l’huissier Figaro : « Tu as vu avec qui je suis sorti. » Il était près de 15 heures et le véhicule du doyen file vers l’est de la capitale. Destination : selon le doyen, le même restaurant que mardi (Table de Cajus) ; selon les récits confiés par le juge à son épouse, ses amis et connaissances, le cabinet d’avocat de Maitre Gary Lissade.
18.- Vers 19h, le véhicule du doyen revient avec les mêmes occupants : le doyen Jean Michel et le juge Joseph. Le juge qui est déposé là où son véhicule l’attendait (sur la cour du Parquet) ordonne à son cousin de transférer un sac de riz de son véhicule à celui du doyen. Ce qui est vite fait. Au moment de vider les lieux, le doyen s’enquiert : « Qui est en charge de la sécurité du juge ? » Et Johnny Pierre répond par l’affirmative. Alors le doyen lui confie : « Juj la nan men w. » Et le juge rentre chez lui, selon ses proches visiblement paniqué.
19.- Rentré chez lui, le juge appelle son épouse comme il le lui avait promis avant son départ pour la réunion. Le juge Joseph explique alors à son épouse qu’il ne peut lui faire un compte rendu de la réunion par téléphone car il a des suspicions que son téléphone est sous écoute. Il promet à son épouse d’aller emprunter un autre appareil de téléphone afin de lui raconter de fil en aiguille la rencontre.
20.- Le vendredi 12 Juillet 2013, le juge, comme à son habitude se rend au palais de justice. Il retient tous ceux qui passent devant son bureau pour leur expliquer sa mésaventure du soir d’avant. Il pousse dans son bureau le juge Morin et lui raconte ce qui s’est passé, va au bureau du juge Saint Vil et lui raconte l’histoire, le juge Surpris pénètre dans les bureaux du juge Saint Vil, il lui raconte aussi la même histoire. Mais le juge Surpris le prend à partie pour s’être rendu à une réunion inopportune et pour ne pas en avoir averti d’avance ses amis juges. Il prend dans son bureau madame Ketly Julien de l’organisation IMED et lui raconte l’histoire, celle-ci lui propose de revenir pour enregistrer l’histoire le lendemain. L’avocat Samuel Madistin auquel il avait parlé plus tôt de la question revient à son bureau et le juge Joseph lui explique comment la réunion s’est déroulée.
21.- Ce même vendredi 12 Juillet 2013, madame Ketly Julien de l’IMED s’était rendue au bureau du doyen Jean Michel accompagnée de madame Jacqueline Charles du Miami Herald. Cette visite devait permettre à madame Charles d’avoir une entrevue avec le doyen afin de rendre compte des problèmes du Tribunal de Première Instance, des juges d’instruction, et de l’accompagnement de l’IMED au tribunal. Selon madame Julien, cette entrevue n’a duré que vingt minutes. Selon le doyen, elle aura duré deux heures. L’important dans tout cela, c’est que le doyen a raconté à la commission sénatoriale d’enquête que pendant tout ce temps-là, le juge Joseph n’arrêtait pas de venir à son bureau. Chaque fois, il était occupé et ne pouvait recevoir le juge. Selon le doyen, le juge se serait présenté à son bureau sept ou huit fois de suite. Au bout du compte, le juge est parti en demandant au doyen de l’appeler et lui passant un numéro de téléphone, avec la précision qu’il s’agit d’un numéro de Natcom que tous n’avaient pas à leur disposition et que c’est le numéro qu’il utilisait pour appeler son épouse.
22.- Le doyen n’a pas appelé le juge ce soir-là. Le juge s’est rendu à l’Estère puisqu’il avait rendez-vous avec son épouse pour ramener celle-ci à Port-au-Prince le même soir. C’est l’épouse qui prend l’initiative et demande au juge son époux de lui raconter ce qui s’était passé à la réunion du jeudi. Il fait un récit exhaustif à son épouse de la teneur de la réunion, de l’identité des participants et de leur prise de position.
23.- Vendredi soir, le juge Joseph est rentré de l’Estère ramenant avec lui son épouse Rachel (qui devait répondre à un rendez-vous chez un dermatologue), sa fille de 11 ans Jessica, boss Fito (un plombier qui était parti avec lui à l’Estère aux fins d’évaluer les coûts d’un travail à réaliser), et Berlens Joseph son ange gardien. Ce soir-là, tout semblait calme et rien ne prédisposait quiconque à appréhender l’événement fatal qui allait survenir quelques heures plus tard.
24.- Vers les deux heures le samedi 13 Juillet 2013, Rachel est tirée de son sommeil par le bruit de quelque chose qui tombe. Elle regarde dans la direction du bruit et voit son mari Jean Serge Joseph essayer de ramasser un récipient dans lequel il pissait. Le récipient tombe une seconde fois. Alors Rachel vole au secours de Jean Serge en prenant elle-même le récipient et le tenir pour qu’il pisse. A ce moment, Jean Serge trébuche et Rachel le retient de son bras droit. Elle lui pose une question à laquelle il ne pouvait répondre. Il n’avait plus l’usage de sa langue. Rachel appelle Berlens qui descend dans la chambre où se trouvaient le couple et l’enfant. Berlens reçoit l’ordre d’aller chercher de l’aide auprès du propriétaire de la maison. Il revient avec une réponse négative. Rachel lui intime l’ordre de rester avec Jean Serge pendant qu’elle partait chercher le propriétaire. Elle le trouva aussitôt sortie dans la rue, et les deux sont allés chercher de l’aide auprès des policiers cantonnés au commissariat de Cabaret. Les policiers viennent avec Rachel et le propriétaire et ils embarquent aussitôt Jean Serge dans le véhicule de la police qui n’avait pas assez de carburant pour le trajet, et Jean Serge a été descendu du véhicule de la police pour être ré-embarqué dans son véhicule de service. Il est conduit à l’hôpital Bernard Mevs où il a été pris en charge.
25.- Le fait le plus brut qui ressort de tous les récits et que tous les témoins ont rapporté, c’est que le juge Joseph avait été visiblement paniqué et qu’il était aux dires de certains au bord de sombrer dans une quelconque dépression. Il était agité et demandait conseil à tous. Mais il avait une décision arrêtée selon ce qu’il avait confié à certains : celle de siéger à nouveau le mardi 16 Juillet 2013 pour entendre l’affaire et se dessaisir comme dit-il on le lui avait demandé. Par la suite, il démissionnerait et quitterait le pays.
RESUME DES AUDITIONS
Berlens Joseph, homme de confiance du Juge Jean Serge Joseph, qui aurait aussi été entendu par le RNDDH, quatre juges de la CSPJ, et autres entités dans le cadre de l’enquête, est né le 19-10-1988. Il accompagne toujours le juge dans son véhicule, dans son appartement à Cabaret et dans sa maison, à l’Estère. Berlens (alyas Ti Sourit) déclare :” se denpi nan lane 1999 mwen konnen jij la. Li voye m lekòl, mwen rann li sèvis, mwen t ap jere yon sibèkafe pou li, enpi li vin mande m pou m akonpanye l lè l ap monte potoprens… Abitid jij la, nan jou travay, se soti bò 6 zè nan maten li ale nan biwo, jis rive 4-5 kè apremidi. Li pa janm dòmi pòtoprens, se kabarè li dòmi. Se jij la ki toujou kondi machin li, li pa gen chofè.
Souvan se ak Mèt Madisten l ap pale sou konsèy kòman pou l abòde dosye ki konsènen madanm ak pitit Michèl Mateli, ansanm ak minis yo ki dwe parèt nan tribinal.
Nan jedi 11 jiyè 2013 nan maten, jij Sèj te nan tribinal la, li di fòk li ale kabarè, enpi li dwe mande madanm li otorizasyon pou l al rankontre ak minis jistis la menm jou apremidi a. Dwayen an rele jil Sèj bò 2 zè apremidi konsa pou yo pran randevou nan pakè a. Rive nan pakè a, machin dwayen an pa gen ni chofè, ni sekirite, li gen yon kòstim ble sou li, yon chemiz blan ak yon kòl wouj. Motè machin dwayen an te deja ap mache. Dwayen an, se yon moun ki pale sou pwent lang. Machin dwayen an, se yon Nisann patwòl blan ak vit tente. Dwayen an di Sèj, li pa bezwen ale ak sekirite, l ap monte nan machin dwayen an. Li te bò 3 zè, 3 zè edmi nan apremidi… Lè yo deplase, gen 2 lòt machin ki derape dèyè yo.
Lè yo retounen bò 6 zè apremidi konsa, jij Sèj mande m pou m pran diri a ki te nan machin li pou m mete l nan machin dwayen an. Diri a se 10 mamit nan yon sak angrè jo n, ki make agro-sèvis. Pandan nou sou wout pou ale kabarè, m tande jij Sèj pale ak mèt Madisten. M tande jij Sèj di l ap retounen kanada. Li di mèt Madisten se nan biwo mèt Gari Lisad li te rankontre ak otorite yo. M tande l site non minis jistis la Jan Renèl Sanon, prezidan Mateli, premye minis la Loran Lamòt ak yon lòt mesye ankò ki te nan rankont la. Lòt mesye a, se yon mèt, m pa sonje non l. Sou wout la, pandan plizyè fwa telefòn jij Sèj sonnen, m tande l di dwayen, kòmkwa se ak dwayen an l ap pale.
Lè l rive aswè menm jedi a, li di m al achte gatorèd pou li ak yon galon dlo. Pandan lannuit la, li pa janm ka dòmi, li gentan bwè tout galon dlo a, li di m li santi vant li cho.
Nan vandredi 12 jiyè 2013, nan maten, Jij Sèj di m dwayen an di l bezwen l ijan. Pat gen tribinal jou sa lakòz tanpèt Chantal. Lè jij Sèj rive nan tribinal la, li fin pale ak dwayen an, m wè jij Sèj rele plizyè lòt jij pou l pale ak yo, tankou : jij Lama Belizè, jij Wilnè Moren, jij Bèj O. Sipri, majistra Yanik. Li pale ak yon madanm ki pa jij, m tande l rele l Keti ou byen Ketli.
Li te bò 2 zè apremidi jij Sèj di nou prale kabarè, soti kabarè pou n ale lestè. Lè nou rive lestè, li pran madanm li, pitit li Jesika pou nou retounen kabarè, paske jij Sèj te di l pral mennen madanm li kay doktè samdi13 jiyè 2013 nan maten.
Pandan lannuit la, mwen pa dòmi nan menm chanm lan ak Sèj, se Jesika pitit fiy li a, ki gen 11 lane, ki vin rele m nan chanm kote m ap dòmi an, bò inè di maten pou l di m papa l malad. Lè m desann jij Sèj di m l ap mouri, li pa ka pale byen, l ap pèdi langaj li, li poupou sou li, li pipi sou li, li sye anpil, zye l koule dlo, li di l pa wè byen, li wè doub, li eseye pran papye pou l ekri, li pa ka ekri, men l lage, li vin pèdi konesans. Madanm li gentan fè demach machin lapolis. Lapolis di yo pa gen gaz nan machin yo, se nan machin jij Sèj nou blije monte, se pote nou pote jij Sèj ki kontinye poupou sou li, li vomi nan machin li, sou tout rad li ak sou rad nou k ap pote l la. Nou te prale ak li nan lopital Petifrè, men polisye a di lopital Bèna Mez pi pre. Nou rive nan lopital la bò 2 zè edmi dimaten. Yo konsilte l, yo fè analiz pou li. Se sèl souf jij la k ap monte. Apre yo fin fè analiz la, yo di l pral mouri. Se bò 7 tè edmi nan aswè jou samdi 13 jiyè 2013 la jij la mouri nan lopital Bèna Mez. Apre lanmò a, fanmiy lan deside pran mò a pou n rantre ak li lestè pou n mete l nan mòg “Merite”. M pa konnen ki kote mò a ye konnyè a.
Ketly Julien, responsable de IMED, a rencontré la Commission vers 11h30 du matin le 19-07-2013. Elle déclare :” Nan kad apui ak kabinè enstriksyon yo pou yon òganis founi materyèl biwo ak sèvis entènèt, mwen te twouve m nan tribinal premye enstans pòtoprens la jou vandredi 12 jiyè 2013 bò midi edmi konsa. Jij Sèj te nan kare dwayen an, lè m kwaze ak li. Lè m gade l, li di m li bezwen m ijan, jodya menm. Mwen al fè ti pale ak li nan koulwa a. Mwen di l : m pa konprann vizaj ou, sanble w malad, ou merite yon ti repo. Mwen wè vizaj li blèm, tankou yon moun ki fatige anpil. Mwen di l m pa ka rete. Li ensiste, li di m se jodya pou n pale. Mwen di l m ap retounen pita. Efèktivman mwen retounen, li te deja bò 2 zè edmi nan apremidi menm jou vandredi 12 jiyè a nan biwo jij Sèj. Grefye a te absan. Li di m te gen yon premye rankont nan semenn lan pou planifye yon lòt rankont ak minis jistis la nan biwo mèt Gari Lisad. Mwen reponn li : m pa kwè w te ale nan rankont la Sèj. Li di m : pitit, m nan ka, se bagay lanmò. Li di m, se pa sèlman mèt Gari Lisad ki te nan rankont la ak minis jistis la. Te genyen tou prezidan an Michèl Mateli, ak premye minis la Loran Lamòt. Li di se premye fwa m twouve m nan sitirasyon parèy. Li di pandan Michèl Mateli ap pale ak li, li fè eksprè krache ki soti nan bouch Mateli ap tonbe sou vizaj mwen, enpi l ap pase dwèt li devan vizaj mwen pandan l ap fè m menas, ak tout kalite pawòl pou eseye imilye m. Jij Sèj kontinye pou l di m, li eseye eksplike yo dosye a pa nan men l ankò, men yo egzije l pou l mete bout nan dosye a pou pita madi 16 jiyè 2013 la. jij Sèj rakonte m, se sèlman mèt Gari Lisad ki te yon ti jan pran pitye pou li, apre sa, tout lòt yo te agresif ak li. Pou sa ki konsènen Mateli, li te mechan ak anpil move pawòl. Alòs mwen menm Ketli, mwen mande jij Sèj, kòman li te fè ale nan rankont la. Li reponn mwen, se Dwayen Remon Jan-Michèl ki te konseye l, ki te akonpanye l, enpi se nan machin dwayen an ansanm ak dwayen an li te ale. Enpi li di m : Ketli, m santi m ka mouri. Gen bagay ki pi grav toujou, Se lòd yo pase dwayen an ki dakò pou dosye a fini madi 16 jiyè 2013. Sèj kontinye pou l di : Alò, m t ap gade kòman m te ka kontoune kesyon an, pou m te ka mande moun yo, kidonk ‘Sofya ak Olivye Mateli, ansanm ak Minis yo pou yo ta desann nan tribinal la pou m ta fè yo peye amand si yo pa vini, enpi m ta chèche yon jan pou depoze dosye a. Alò, mwen Ketli, m pwopoze jij Sèj, pou m ekri tout deklarasyon l yo sou papye, mwen antann ak li m ap anrejistre l, m ap filme l enpi pou m gaye dosye a nan laprès pou pwoteksyon l…. Li dakò. Nou pran randevou pou m pase lakay li lestè jou samdi 13 jiyè 2013 bò 8 tè nan maten….. Anvan lè samdi 8 tè maten rive, mwen rele Jij Sèj, se yon dam ki reponn pou di Jij Sèj malad, li lopital. Alò mwen rele dwayen Remon Jan Michèl. Li pa reponn. Mwen rele l ankò, li pa reponn. Se jis dimanch 14 jiyè 2013 dwayen an rele m pou l di se legliz li te ye, se sa ki fè l pat ka reponn. Mwen tou pwofite di dwayen an, jij Sèj te gentan di m se li menm dwayen an ki te òganize rankont la, enpi se li menm dwayen an ki te akonpanye Sèj nan rankont la. Dwayen an pa reponn anyen. Li pito pale de dosye materyèl biwo ak entènèt nou te tanmen pale vandredi a. Mwen rele jij Bèna Senvil ki di m wi, li konfime se dwayen an ki mennen jij Sèj nan rankont lan. Jij Bèna Senvil menm dakò ak mwen fòk gen komisyon ankèt ki monte pou fikse responsablite yo…. Mwen menm Ketli, mwen pa t ap pale nan radyo. Se lè m tande deklarasyon dwayen Remon Jan Michèl nan radyo, kote l deklare pat janm gen rankont, mwen santi m endiye, se sa ki fè nan dat madi 16 jiyè 2013 mwen deside di tout sa m konnen de dosye a nan radyo. Mwen dispoze parèt devan tribinal pou m temwaye...
Maître Samuel Madistin a été entendu par la Commission Sénatoriale le vendredi 19 juillet 2013. L’ancien sénateur Madistin nous a rappelé qu’il avait déjà adressé une lettre dans laquelle il a témoigné par écrit, et par conséquent, "il est prêt à se rendre au tribunal pour confirmer ses écrits."
Maître Samuel Madistin nous a dit que le juge Jean Serge Joseph lui a confié que lors de la rencontre du jeudi 11 juillet 2013, dans un élan de sympathie et de pitié de Maître Gary Lissade à l’égard du juge Serge, ce conseiller de Michel Martelly, a pris soin de compléter à la plume sa carte de visite qu’il a remise au juge Jean Serge Joseph. Cette carte de visite existe…
Maitre Madistin a attiré l’attention des membres de la commission sur un employé du parquet, dénommé Figaro, qui avait parlé à Serge. Le juge Serge a dit ceci à Figaro : “ ou wè nan ki machin m monte, pou m soti, se nan machin dwayen an…..”
Maître Samuel Madistin nous a promis de nous aider à approcher la famille du regretté défunt pour les suites de l’enquête.
Doyen Raymond Jean Michel a été entendu par la commission sénatoriale le vendredi 19 juillet 2013 de 1 h 40 à 3 h 29. Donc pendant une période de 1 h 49 minutes. La commission s’est excusée du fait qu’elle s’est présentée pour lui demander audience, alors qu’elle avait déjà adressé une lettre de demande d’audience pour le lundi 22 juillet 2013. Alors, le doyen a appelé un responsable de la CSPJ pour demander l’autorisation de recevoir la commission. L’autorisation a été accordée au téléphone, par Maître Elibert de la CSPJ.
Le doyen a déclaré : “ mwen resevwa nou ak yon doub chapo : kòm majistra asi, ak kòm administratè…
Asiz kriminèl louvri nan dat 08 jiyè 2013. Jij Sèj vini kote m pou l di m li bezwen m nan dat madi 9 jiyè 2013 nan biwo m pandan m ap resevwa jire yo ak tout difikilte sa reprezante. Jij Sèj ensiste pou l di m se ijan, enpi se konfidansyèl, paske se yon sitiyasyon ki dwòl.. Li te anviwon 10 zè 30 nan maten.. Mwen pwopoze l pou n ale yon kote pou n pale, san sekirite, san chofè. Nou ale, bò midi edmi konsa, nan tèminis ri pave nan ansyen tribinal travay la. Jij Sèj rakonte m li viktim de otorite deja, kote nou ye a pa ofri ase sekirite pou n pale, pito nou ale lòt kote. Alò, mwen ale ak li nan rèstoran Table de Cajus, dèyè mize a. Jij Sèj poze m kesyon pou l mande m, èske m pa resevwa okenn kout fil. Mwen reponn : non. Jij Sèj di m Mèt Nyoutonn Senjis ak mèt Andre Michèl evoke atik 400 an, sepandan avoka gouvènman an pa replike pou di pèsonaj sayo pa ka deplase konsa. Lè n fin pale, nou retounen nan pakè a, nou pa manje nan restoran an.
Nan dat mèkredi 10 jiyè 2013, bò inè apremidi, batonye a di nou dwe fè yon bagay, paske ministè edikasyon dekrete alèt wouj lakòz ouragan Chantal. Mwen blije sispann tout odyans pou 48 èdtan. Mwen rantre lakay mwen bò 3 zè edmi nan apremidi. Radyo m koute, se radyo Alelouya FM.
Nan dat jedi 11 jiyè 2013 bò 9 vè nan maten, CSPJ rele m pou l otorize m reprann aktivite tribinal la. Nan anviwon 10 zè edmi nan maten, CSPJ rele ankò pou verifye si m rive nan tribinal la.
Bò inè edmi pou rive 2 zè apremidi, Jij Sèj rele m, li di m l ap vini kote m. Li te nan biwo a deja denpi maten, li te ale. M pat wè l. Lè jij Sèj rive nan pakè a, li te bò 3 zè 25 apremidi, li gare machin li. Mèt Rigo Diplan te nan pakè a, men l pat wè m. Bò 3 zè 35 nan apremidi, jij Sèj monte nan machin mwen, enpi l di m ann ale menm ti kote a ankò, kivledi nan restoran Table de Cajus. Jij Sèj poze m menm kesyon an ankò, èske m pa janm resevwa okenn apèl ni dirèk ni endirèk ki soti nan pouvwa egzekitif la. Mwen reponn li : non. Nou pase apeprè 15 a 20 minit nan paking restoran an ki pat gen anpil machin, enpi nou retounen nan pakè a. Nou pa janm rantre anndan restoran an. Lè n retounen, mwen depoze jij Sèj nan paking tribinal la, enpi 2 mesye yo ki te ak li yo mete yon sak ki gen 10 mamit diri, soti nan machin li pou mete nan machin mwen.
Nan dat vandredi 12 jiyè 2013, bò inè edmi nan apremidi, mwen rankontre nan pakè a ak Ketli Jilyen ansanm ak Jaklin Chal, moun Miyami Erald sou pwojè finansman materyèl biwo ak entènèt. Se IMED ak USAID ki ofri finansman an. Jij Sèj rantre plizyè fwa omwen 7 a 8 fwa nan biwo a pandan m ap pale ak medam yo.
Vè 3 zè 25 nan apremidi menm jou vandredi 12 jiyè a, jij Sèj rele m pandan m te nan tribinal la, pou l di m li ale lestè. Li bay mwen nimewo telefòn prive madanm li. Mwen kite biwo m bò 4 trè edmi pou rive 5 kè apremidi, enpi mwen rive lakay mwen bò 5 kè edmi pou rive 6 zè aswè. Ant 6 zè edmi ak 7 tè aswè mwen ale legliz. Se nan legliz batis Chekina, nan dèlma 33 m mache. M pa konn bwè gwo alkòl, menm konn bwè ti byè Prèstij mwen, ak yon byè ki rele “prezidennte”
Nan dat samdi 13 jiyè 2013 nan maten mwen mennen madanm mwen al priye gantye boje. Mwen rele jij Sèj, mwen pa jwenn li. Mwen rele ankò, se yon vwa fanm ki reponn, se madanm jij la ki di m jij la mete telefòn li nan chaj, lè l retounen l ap rele m, li te deja 9 vè 30 nan maten. Mwen rele ankò, san repons. Apre m ensiste, yo reponn mwen pou di m jij Sèj lopital Bèna Meuz. Lè sa li te 11 zè edmi nan maten. Mwen di m ap vin wè l lopital la. Antretan, mèt Madisten rele m pou l enfòme m sou maladi jij Sèj, li di m se emoraji ki pi pre lanmò. Bò 8 tè 45 nan aswè yo rele m pou di m jij Sèj mouri. Mwen rele mèt Madisten ki konfime m lanmò a.
Dimanch 14 jiyè 2013, mwen rele Ketli Jillyen ki di m jij Sèj te di l se mwen ki te mennen l nan yon rankont ki gen prezidan Mateli ladan l, alòske se pandan 2 sèl fwa m rankontre ak prezidan Mateli. Se nan dat 17 oktòb 2012 nan seremoni pon wouj la ak nan dat 26 desanm 2012 pou m te al salye prezidan an. Anplis, mwen jij denpi lane 2001, mwen ponkò janm ale nan kabinè mèt Gari Lisad. Mwen nome sibstiti komisè pòtoprens nan dat 9 oktòb 1976, apresa nan tribinal travay nan dat 10 jen 2001, apresa jij syèj nan tribinal sivil nan dat 31 janvye 2003, enpi m nome dwayen nan dat 16 mas 2012. M pa janm konnen jij Sèj soufri okenn maladi.
Maitres Bernard St. Vil et Berge O. Surpris, juges au Tribunal de Premiere Instance de Port-au-Prince, ont été entendus par la commission sénatoriale le 19 juillet 2013. Ils ont déclaré : Jij Sèj te ale nan rankont la. Nan rankont la, jij Sej di se yon sèl moun ki te mwen agresif, se mèt Gari Lisad, apresa tout lòt yo te brital. Li manifèste dezi pou l retounen kanada. Li te mande pou l syeje madi 16 jiyè 2013 pou l te eseye retounen sou desizyon l te deja pran. Li te mande nou konsèy si l posib pou l retounen sou desizyon an. Nou te di l li pat dwe ale nan reyinyon an. Jij Sèj te panike, li pale ak tout moun sou dosye a, menm moun ki pa nan domèn dwa. Li rele Fanfan. Gen plizyè moun ki te wè lè l te prale nan reyinyon an, tankou Fatal, tankou polisye Djonni
Rachelle Acélat Joseph, épouse du Juge Jean Serge Joseph, a été entendue par la commission le 20 juillet 2013 à l’Estère. Elle a beaucoup hésité à s’exprimer puisqu’elle a peur pour sa sécurité et la sécurité de sa fille Jessica, dont le père est le Juge Jean Serge Joseph. Après avoir été mise en confiance par la commission, elle déclare : “ nan dat jedi 11 jiyè 2013 la, Sègo al nan travay. Li rele m bò 2 zè apremidi pou l di m li pral nan reyinyon lakay mèt Gari Lisad, pou l al rankontre ak minis jistis la. Mwen di l pa ale. Li di m pa enkyete m paske se dwayen an k ap mennen l, li fè dwayen an konfyans. Lè l sot nan rankont la, li rele m bò 7 tè aswè. Nan aswe jou jedi a Sègo rele m li di m li pa ka rakonte m sa k pase nan reyinyon an kounye a paske li sispèk gen moun kap koute sa lap di nan telefòn li an. Li dim lap prete yon lot telefòn pou l ka rele m. Li al dòmi kabarè.
Vandredi 12 jiyè 2013, Sègo al nan travay. Lè l vin chèche nou lestè nan apremidi, menm vandredi 12 jiyè a, moun ki te nan machin lan, se mwen menm madanm li, m chita dèyè ak pitit nou an Jesika, ansanm ak Andèson ki te vin desann machinn lan lè l rive boudèt, enpi ti Sourit chita devan. M te gen pou m ale kay yon doktè dèmatològ nan samdi maten 13 jiyè. Denpi vandredi apremidi li te kòmanse rakonte m sa k te pase jou jedi nan reyinyon an. Li di m nan apremidi jou jedi 11 jiyè a, dwayen an bouke rele l pou mande l kote l ye, paske moun yo ap tann li. Li di m, li mande dwayen an ki kote moun yo ap tann li, eske se nan pakè a. Dwayen an reponn pou di non se pa nan tribinal la, se nan kabinè mèt Gari Lisad. Lè Sègo rive nan tribinal la, li di m dwayen an te deja sou volan machin li, enpi dwayen an di l pa ka ale ni ak chofè ni ak sekirite. Li di m se yo 2 sèl ki te nan machin lan. Ti Sourit ak Djonni rete ap tann li nan pakè a. Li di m lè l rive nan reyinyon an li wè mèt Gari Lisad, minis Jistis la Jan Renèl Sanon, Michèl Mateli, Loran Lamòt ak mèt Vandal. Li di m, Mateli agrese l pou l di l : ki bò w konn wè madanm ak pitit prezidan al jije. Minis jistis la li menm, li di se mèt Vandal ki lakoz, paske l te mal plede dosye a. Sègo di anfas presyon l ap pran, li blije dakò l ap fè yon koreksyonèl espesyal pou pase dosye a jou madi 16 jiyè 2013 la. Lè l fin dakò a, mesye yo mande l kisa l ap bwè. Li reponn li pa bezwen anyen. Dwayen an di : « ou ka bwè yon ti bagay, paske m konnen w renmen Sòmting. » Mwen di l, li pat dwe bwè ni manje nan men moun sayo. Enpi l reponn pou l di m : mwen deja bwè l. Apresa Sègo di m li pa santi l ka kontinye rete dòmi menm kote li abitye dòmi yo, li santi lavi l andanje, li vle retounen ale nan peyi kanada. Anvan l te kite rankont la, Sègo di m mèt Gari Lisad renmèt li yon ti kat ki gen adrès ak nimewo telefòn li. Mèt Gari Lisad ekri ak bik, yon nimewo espesyal sou kat la menm lè a, anvan l renmèt li kat la.
Nan aswè vandredi a, li te vle nou ale nan relasyon seksyèl, men m pat vle. Mwen kouche sou yon ti kabann ak Jessica, Sègo li menm, li kouche sou yon lòt kabann tou pre. Pandan lannuit la, bò inè dimaten konsa, Sègo leve pou l al pipi, m tande bokit la tonbe yon premye fwa, pandan l bese pou l pran bokit la, bokit la tonbe ankò. Mwen gentan leve pou m soutni l, paske l panche pou l tonbe, mwen mete l sou kabann mwen te kouche a. Lang li vin lou. Mwen rele mèt kay la ki rete tou pre. Mwen fè Jesika gentan al rele ti Sourit ki dòmi nan chanm anlè a, enpi m ale nan komisarya polis la pou m jwenn sekou pou m jwenn machin pou mennen m ak Sègo lopital. Machin polisye yo pa gen gaz, mwen bay yo kle machin Sègo a. Pandanstan, Sègo poupou sou li, li vomi, li sye anpil. Mwen rele plizyè nan fanmiy li ki nan peyi kanada ak nan peyi dayiti. Gen nan fanmiy ki di m ale nan lopital kanape vè ak li, gen lòt ki konseye m ale lopital Petifrè ak Sè ou byen lopital kominotè. Gen yonn nan polisye yo nan machin lan ki di m lopital Bèna Meuz la pi pre, al ladan l pou premye swen.
Chak ane Sègo toujou fè tout kontwòl kò l. Li pa janm soufri ni tansyon, ni sik, ni kolèstewòl. Doktè Sèj Vètilis konn kontwole tou.
Lè l rive lopital Bèna Meuz la, li kontinye vomi, yo pran san pou fè analiz, yo di l pa soufri sik ni kè, se tansyon l ki wo. Yo bay li piki, yo mete sewòm pou li. Sègo mouri, Sègo pèdi lavi l
Mezanmi, se mwen ak Jesika ki pèdi…. Tanpri ede m jwenn jistis souple…..
8- Fritz Joseph, entendu le 20 juillet 2013, est le frère aîné du juge Jean Serge Joseph. On s’est entretenu sur la sécurité du cadavre du juge et du processus devant aboutir à l’autopsie médico-légale. L’entente familiale a conclu la nécessité que l’autopsie soit réalisée aux États-unis et/ou au Canada. Il parait que certains membres du gouvernement haïtien ont tout fait pour récupérer de force, le cadavre du juge. A un certain moment, il y a eu de sérieuses contrariétés empêchant le cadavre de partir pour l’étranger. Ce 20 juillet 2013, le cadavre n’avait pas encore quitté le teritoire haïtien.
9- Docteur Serge Vertilus a reçu la commission le samedi 20 juillet 2013 à Saint-Marc. Le médecin a confirmé que le Juge Jean Serge Joseph n’a souffert d’aucun trouble métabolique ni de problèmes cardio-vasculaires depuis plusieurs années qu’il joue le rôle de médecin de la famille. Le médecin a été voir le Juge Jean Serge Joseph à l’hôpital Bernard Meuz. Il a constaté une hémiplégie, qui correspond à une atteinte de l’hémisphère cérébrale. Un autre médecin de l’hôpital a essayé d’interpréter un cliché de CT Scan qui correspondrait au patient Jean Serge Joseph, comme une plage ayant envahi presque tout l’hémisphère cérébral droit.
10- Maître Jean Wilner Morin a été entendu par la commission sénatoriale le 22 juillet 2013 au Palais de Justice qui nous a déclaré : “Biwo m twouve l anfas biwo Jij Sèj. Biwo jij Sèj toujou rete louvri lakòz li pa gen klimatizè. Jij Sèj toujou rive nan biwo anvan m puiske l ap soti kabarè, li souvan pran bonè. Mwen menm se bò 8 tè 30- 9 h nan maten m rive.
Denpi apre desizyon l te pran pou mande fanmiy Mateli ak minis gouvènman an parèt nan tribinal, jij Sèj toujou ap mande m si desizyon an kòrèk. Mwen di l desizyon an bon. Mèkredi 10 jiyè 2013, jij Sèj di m dwayen an envite l nan yon rankont nan kabinè yon mèt avoka, ak lòt moun eske l ka ale. Mwen konseye l pou pa ale nan rankont la. Bò inè apremidi menm mèkredi 10 jiyè a, li di m li fenk sot pale ak mèt Madisten li di m ki pa opoze ak rankont la, puiske se otorite peyi a, nou kapab toujou dyaloge. Mwen pa rankontre ak li nan jedi 11 jiyè a.
Vandredi 12 jiyè 2013, m t ap pran syèj nan tribinal ti moun, nan ri Petyon. Lè m rive, sal la pa klimatize, m pa ka rete. Mwen deside retounen vin jwenn dwayen an nan pakè a pou l regle zafè syèj la. Mwen tou rankontre ak ansyen komisè Manès ki rele m pou l di m konsa : ou pa tande Sèj te ale nan yon rankont ayè jedi 11 jiyè a ansanm ak dwayen ak yon bann lòt otorite ki fè l menas ak gwo presyon ?. Lè m kwaze ak Sèj, mwen santi l panike, enpi l di m : mon chè, se wou ki te gen rezon, m pat dwe ale nan rankont la.
Lè m rive kote dwayen an, menm jou vandredi 12 jiyè a, m tou pwofite di dwayen an mwen okouran li te mennen jij Sèj nan yon rankont sou dosye mèt Nyoutonn lan ak lòt moun, enpi m konnen rankont la te mal pase. Dwayen an reponn mwen pou l di : se pa konsa sa te pase, m ap rele w, pou n pale sou sa. Dwayen an pa janm rele m. Se pou rezon sa, lè m vin tande jij Sèj mouri, mwen mande konvokasyon asanble jeneral jij yo.
Lè m rive nan odyans la, mèt Vye mande m depòte m de dosye a. Mwen dakò, mwen deside rantre lakay mwen. Se nan samdi 13 jiyè 2013 nan apremidi, yon ti fanmiy mwen aprann mwen lanmò jij Sèj. M rele yon lòt jij pou konfimasyon. Ansyen komisè Gasan konfime lanmò a. Mwen rele dwayen an plizyè fwa, li pa janm reponn telefòn.
Nan dimanch 14 jiyè 2013, bò 3 zè apremidi, dwayen Remon Jan-Michèl rele m pou l di m li te legliz, se sa k fè l pat ka reponn telefòn. Dwayen an di m li tande y ap di anpil bagay sou lanmò jij Sèj la. Lè m mande l eksplikasyon, li reponn mwen pou l di : jij Sèj te vini kote l pou l mande l konsiltasyon sou dosye a. Alò, pou evite twòp monte-desann, li ale ak jij Sèj nan yon restoran pou yo pale. Lè yo fin pale, yo retounen nan tribinal la. Dwayen an kontinye pou l di m li sezi tande yo di prezidan Mateli te menm fache nan rankont la, enpi se dwòg li blije konsome pou l kalme.
Se tout sa m konnen de dosye a….
11- Le ministre de la justice, Me Jean Renel Sanon, qui avait été prié par la commission sénatoriale de se faire accompagner par les responsables de l’USP, de l’USGPN, de la CAT TEAM, n’avait pas informé le directeur de la Police qu’il devait avertir ces responsables. Le directeur de la Police a confié que le ministre de la justice ne lui avait pas mis au courant. Au cours de la rencontre, le directeur de la police a même essayé d’appeler au téléphone ces responsables. Mais, le ministre de la justice lui a demandé de ne pas insister, parce que ces responsables sont probablement partis avec Michel Martelly pour le Cap-Haïtien ce lundi 22 juillet 2013.
Le ministre de la justice déclare : “ m tande nan radyo, yo di m te prezan nan rankont nan biwo mèt Gari Lisad, kote jij Jan Sèj Jozèf ta patisipe. Se yon rankont imajinè. Se yon revelasyon post-mortem, se yon plezantri, se yon blag. Yo menm di jij Sèj ta pote diri pou mwen. Enpi, yon rankont konsa, omwen mèt Vandal, avoka fanmiy lan ta dwe prezan.
Jij Sèj te desezi de dosye a, alò m pa wè pou ki sa m ta enterese ak jij Sèj.
Anplis, Gari Lisad, se yon avoka, pou ki sa m ta oblije ale nan biwo l pou yon rankont, m te ka envite l nan biwo m. Menm si m konnen adrès kabinè mèt Gari Lisad, ri dèyè rezèvwa, tou pre ministè planifikasyon an, m pa janm ale nan kabinè mèt Lisad ni lè m te avoka, ni pandan m minis jistis.
M te pale ak dwayen Remon Jan-Michèl, li di m li pat okouran de okenn rankont konsa. M pa sonje ki dènye fwa m rankontre ak dwayen an. Antouka, n pat rankontre ak dwayen an jou jedi 11 jiyè 2013 la.
Pou sa ki konsènen nominasyon jij Sèj, se minis Pòl Deni ki te nonmen l, se pa Mateli ki te nonmen jij Sèj. M pa di Mateli fè manti paske l di se li ki te nonmen jij la, men se sou gouvènman Preval la jij Sèj te nonmen.”
Se samdi 13 jiyè 2013 nan aswè m te okouran de lanmò jij Sèj…..
Maître Lamour, accompagné de maître Théodore nous a confié :” nan dat vandredi 12 jiyè 2013 bò 10 zè edmi pou 11 zè nan maten, mwen ale nan pakè a, mwen rankontre ak mèt Moren ki mete m okouran de pakèt presyon jij Sèj sibi nan rankont li te patisipe ayè jedi 11 jiyè a nan kabinè mèt Lisad, ansanm ak lòt otorite egzekitif la. Lè m rive nan biwo jij Sèj m wè l piye sou biwo l, l ap pale ak mèt Madisten. Mwen te akonpanye ak yon moun. M santi se yon pawoli konfidansyèl, m pa rete nan biwo a. Pandan m deplase, se Sèj ki rapousuiv mwen pou l di m bagay yo rèd, pouvwa a fache anpil kont li ak kont dwayen an. Yo di yo fache ak dwayen an, paske l distribiye dosye a bay jij ki pa jij pouvwa a. Jij Sèj di m Mateli ak Loran Lamòt fache paske yon jij vle voye madanm ak pitit prezidan nan prizon. Yo egzije pou dosye sa fini wèpawè jou madi 16 jiyè 2013. Jij Sèj di m se nan kabinè Gari Lisad rankont la dewoule, men Gari Lisad ak minis jistis la pat agresif ak li, se Mateli ak Lamòt ki te agresif. Jij Sèj di m, anvan l deplase, mèt Gari Lisad renmèt li kat vizit li. Jij Sèj te montre grefye Sajès kat vizit la. M konstate jij Sèj te panike anpil.
Samdi 13 jiyè nan maten, mèt Manès rele m pou l di m jij Sèj fè yon Stwok, li lopital. Li di m, ou wè kòman nèg yo anraje. M rele mèt Madisten samdi swa ki konfime m Sèj mouri. Mèt Madisten di m l ap pran responsablite l pou l denonse fè a.
Nou pa dwe bliye, lè yo te bay komisè Lyonèl Konstan Bobren, aktyèl direktè egzekitif CSPJ a, lòd pou l arete Gayo Dòsenvil, se nan kabinè Gari Lisad pouvwa a te konvoke mèt Bobren pou fè djòb sal sa. Pami moun ki te nan rankont sila, te gen : premye minis Gari Koniy, Gari Lisad, minis jistis la, minis zafè etranje a ki se Loran Lamòt ak mèt Bobren. Lè sa a, mèt Bobren te deside renmèt demisyon l, olye l te vyole lalwa. Se lè sa yo te nonmen jan Renèl Senatis komisè.
La commission sénatoriale s’est rendue à l’hôpital Bernard Mevs pour rencontrer les responsables de ce centre de soins, dont les Dr. Jerry et Marlon Bitar, et Dr. Ariel Henry. Nous avons visité les divers services de ce centre, particulièrement l’accueil, qui nous paraissent fonctionner selon les principes de déontologie médicale. Le patient Jean Serge Joseph a été admis à l’hopital le samedi 13 juillet 2013 à 3 heures du matin par Dr. Linda Théodore. Le patient a été rapidement pris en charge par les services d’urgence. Il était en coma profond, avec myosis bilatéral.
Selon l’anamnèse effectuée par le médecin de garde, à partir des parents du patient, il n’y a pas eu d’antécédents personnels d’hypertension artérielle, ni d’autres troubles métaboliques nécessitant un suivi médical régulier.
Nous avons lu les images de CT SCAN de la boîte cranienne, montrant un hématome intra-cérébral, avec oedème péri-lésionnel correspondant à une massive hémorragie cérébrale gauche, avec compression ventriculaire.
Le diagnostic d’Accident Vasculaire Cérébral hémorragique gauche est posé. Cet A.V.C. provenant probablement d’une hypertension artérielle, étant de pronostic très sombre, n’a pas pu être l’objet d’une intervention chirurgicale, selon l’avis des experts présents, compte tenu de l’état clinique et du bilan des examens pré-opératoires. Malgré tous les soins intensifs, et les tentatives de réanimation, le patient Jean Serge Joseph est décédé ce samedi 13 juillet 2013 à 8 heures du soir. Les médecins et techniciens de l’hôpital n’ont pas pu se prononcer sur aucun évènement qui pourrait éventuellement précéder ou provoquer la poussée ou la crise hypertensive ayant conduit à l’installation de l’Accident Vasculaire Cérébral.
La commission sénatoriale salue l’esprit d’ouverture des responsables de l’hôpital Bernard Mevs qui ont offert à la commission, leur totale et franche collaboration.
La commission sénatoriale a entendu le mardi 23 juillet 2013, maître Joseph Manès Louis qui a déclaré : “ nan dat 10 jiyè 2013 jij Sèj rele m pou l di m li bezwen m. Mwen reponn li m ap pase kote l kabarè.
Nan dat jedi 11 jiyè, mwen pale nan telefòn ak mèt Moren, ak mèt Bobren ki di m rankont ant jij Sèj ak otorite yo te fèt kay Gari Lisad. Mwen pale tou sou dosye a, ak Fito ki se vwazen ak pwopriyetè kay kote Sèj rete a.
Vandredi 12 jiyè 2013, Fito di m li wè Sèj, li pale ak Sèj ki di l kòman li regrèt li te ale nan rankont la, paske l santi l pa byen menm. Nan apremidi, Sèj soti lestè ak madanm li ak pitit li. Rive aswè, li pran zam ki te nan men sekirite l la.
Samdi 13 jiyè 2013 lè m aprann Sèj malad, li ale lopital Bernard Mevs, mwen desann nan lopital la bò 10 zè nan maten pou m al wè l. Men lè m rive nan lopital la yo di m se pa lè vizit.
Analyse des données recueillies lors des auditions des témoins et acteurs de l’événement
De l’analyse des données fournies par les témoins et acteurs de l’événement entendus à l’occasion des auditions tenues tant au Sénat de la République que dans d’autres espaces selon la personne à auditionner, sa disponibilite et le degré de sérénité nécessaire pour l’audition et le déroulement de l’enquête en général. Les différents témoins et acteurs auditionnés nous ont permis de comprendre qu’à partir du mardi 02 Juillet 2013, le juge Jean Serge Joseph, ayant pris la décision de citer à comparaître des grands commis de l’État, a donné une impulsion toute particulière à une affaire en apparence banale, mais qui avait toutes les possibilités d’imposer un virage à 180 degrés aux faits et gestes légaux et politiques en Haïti. Il faut signaler que dès le départ, la famille présidentielle a pris très au sérieux la dénonciation portée par maître Newton Louis Saint Juste devant le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, maitre Jean Renel Senatus, faisant état de corruption et de concussion aux plus hautes sphères de l’État, indexant à l’occasion l’épouse et le fils du président de la République. La présidence s’est retrouvée dos au mur quand « la femme de César a été vue nue. » Il fallait sortir de l’impasse. Et pour ce faire, tous les moyens étaient corrects et toutes les troupes étaient mobilisées. Une affaire qui peut paraître simple aux yeux de celui qui ne sait pas trop ce que sont les méandres de la politique. Mais compliquée pour qui sait lire avec des lunettes psychologiques les actions et réactions politiques dans un état dominé par le grand banditisme, le mépris du droit et l’indécente impunité. Qui sont-ils les acteurs impliqués dans cette affaire ?
I.- Il s’agit en tout premier lieu de Me Newton Louis Saint Juste. Jeune et brillant avocat de la capitale, il a pris sur lui d’initier une action en justice contre ce qui à ses yeux lui paraissait inacceptable. Beaucoup de personnes en parlaient certes, mais très peu de gens pensaient à faire quoi que ce soit à propos de l’affaire.
II.- Mais l’affaire a vite été classée sans suite par le commissaire du gouvernement d’alors Me Jean Renel Senatus. Elle a rebondi en septembre et a traîné quelque temps avant de recevoir une impulsion particulière de la part d’un citoyen dénommé Enold Florestal qui a fait une citation au correctionnel.
III.- Quand le 02 Juillet 2013, le juge Jean Serge Joseph, en charge de l’affaire a sorti son jugement avant dire droit, un peu tout le monde a commencé à pressentir une tempête juridico-politique. Suivent quelques jours plus tard l’appel de Me Vandal et du commissaire Délille. Mais on se souviendra que l’affaire n’a pas été rien qu’une simple action en justice. C’était une affaire éminemment politique. Alors des moyens politiques devaient être utilisés pour obtenir des résultats probants.
IV.- C’est ainsi qu’entreront en jeu les grands négotiateurs qui à partir du mardi 09 Juillet 2013 imprimeront un autre cours à la reponse de la famille presidentielle. Dans cette saga juridico-politique, certains se positionnaient pour marquer des points politiques, alors que d’autres se trouvaient en position de perdre de sérieux points politiques : mais tous sur le terrain du droit. Alors, ceux qui envisageaient la possibilité de perdre des points avaient tout de suite compris qu’il fallait utiliser même en apparence le terrain du droit pour éviter de perdre. L’avocat de la famille présidentielle ayant fait une piêtre prestation raconte-t-on, il fallait dans cette opération à la fois étriquée, compliquée et périlleuse, faire appel à de grosses cylindrées.
Aussi, les services d’un grand cabinet ont été requis pour agencer et coordonner les lignes d’attaque de l’équipe menée au score.
V.- Le rôle du cabinet de Me Gary Lissade doit être compris dans sa dimension historique. Ce cabinet a déjà été utilisé par les services gouvernementaux quand il fallait exercer des pressions sur le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince d’alors Me Lionel Constant Bourgoin. Il avait été demandé à celui-ci de procéder à l’arrestation de Mr Gaillot Dorsainvil, ancien président du Conseil Électoral Provisoire qui avait organisé les élections aux cours desquelles Mr Michel Joseph Martelly est parvenu à la présidence du pays. C’est dans ce cabinet qu’a eu lieu la réunion à laquelle avaient participé le Premier ministre d’alors (Gary Conille), son ministre de la Justice (Michel Pierre Brunache), son ministre des Affaires étrangères (Laurent S. Lamothe), le commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince (Lionel C. Bourgoin), etc. Ce cabinet semble être le lieu de prédilection des grands complots contre l’état de droit en Haïti. La commission a eu la chance et le privilège d’avoir l’actuel Premier ministre Laurent S. Lamothe accompagné de plusieurs membres de son cabinet dont Michel Pierre Brunache. Tous ont confirmé avoir participé à une réunion à ce cabinet du temps où l’un était minstre des affaires étrangères et l’autre ministre de la justice. Ils n’ont certes pas précisé les raisons de cette réunion en dehors des locaux de l’administration publique. Mais tout le monde sait que par la suite le commissaire Bourgoin a dû démissionner de son poste car il avait refusé de souscrire aux demandes de ses supérieurs du moment.
VI.- L’on comprendra sûrement quelle expertise ce cabinet a dû développer dans la gestion des dossiers gouvernementaux à scandale. Me Lissade, ayant en sa possession un badge de conseiller juridique du président, se doit de justifier son titre et peut-être son salaire. Il doit trouver la sortie juridique d’un dossier jugé politique. Mais, y avait-il un détour juridique possible dans un dossier où le juge en charge a déjà émis un jugement avant dire-droit ?
Deux choses sont à retenir ici. A) Le dossier présente une image pas trop propre du président de la République, de sa famille, et de son administration. Il fallait en finir au plus vite pour passer de cette distraction à autre chose. Mais l’affaire allait durer, car les tribunaux étant en vacances avec l’ouverture des assises criminelles le 08 Juillet 2013, l’appel interjeté et par le Parquet et par l’avocat de la famille présidentielle ne serait entendu qu’en octobre à la réouverture des tribunaux. On courait alors le risque d’endurer le supplice des gorges chaudes pour environ trois mois encore. Donc, il fallait trouver le détour juridique pour sortir au plus vite de l’imbroglio juridico-politique. Ainsi, le ministre de la justice a confirmé au cours de son audition qu’il y avait une sortie juridique simple. Les parties qui ont fait appel retireront leur appel. Ils adresseront une requête au doyen du tribunal de Première Instance pour lui demander un rejugé. Le doyen prendra une ordonnance abréviative demandant au juge un siège spécial pour entendre l’affaire à nouveau et ainsi obtenir, ou bien que le juge se déporte de l’affaire, ou qu’il émette un nouveau jugement qui renverrait la famille présidentielle blanchie de l’affront de la plainte.
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VII.- Rien de tout cela ne peut se faire sans l’aval, le support et l’implication du doyen. Voilà pourquoi le doyen Jean Michel est devenu le personnage central de l’affaire. L’appel ayant été interjeté le 08 Juillet 2013, le mardi 09 Juillet 2013, le doyen Jean Michel entre en action. Il raconte à la commission que le juge est venu le trouver dans son bureau pour lui poser une question. Mais c’était tellement sensible et confidentiel qu’ils ont dû tous les deux quitter les locaux du palais de justice pour aller en parler ailleurs. Ils sont d’abord partis vers les locaux de l’ancien tribunal du travail. Là, le juge déclare ne pas se sentir à l’aise et réclame un espace plus sécuritaire. Ils partent à nouveau vers le restaurant Table de Cajus au Champ de Mars. Ils n’entrent pas dans le restaurant, ils restent dans le véhicule (celui du doyen) dans l’aire de stationnement du restaurant. Aussi n’est-il pas possible de vérifier avec les tenanciers si ces deux clients remarquables avaient été reçus ce jour-là. Mais ils vont en ce lieu secret pour faire quoi ? Le juge, dit le doyen, n’avait qu’une seule question à lui poser : « Aviez-vous reçu des appels des gens du pouvoir exécutif concernant le jugement que j’ai rendu ? » Personne ne comprend en fait pourquoi cette question en apparence anodine n’aurait pas pu être posée au bureau du doyen. Mais de plus, le doyen affirme qu’ils sont restés là dans l’aire de stationnement du restaurant pendant vingt minutes pour cette seule question. Il faut croire comme le chante Garou que : « Le monde est stone. »
Cependant, le récit du juge à ses amis ose être différent de celui du doyen. Pour juge Jean Serge Joseph, il a été conduit à une rencontre avec les avocats de la famille en vue d’être persuadé de rencontrer le ministre de la justice aux fins de trouver une issue à la crise provoquée par son jugement avant dire-droit. Deux jours plus tard, le juge est conduit une fois de plus par le doyen, sans chauffeur ni agent de sécurité au même restaurant, à la même aire de stationnement. Toujours selon le doyen sur demande du juge. Définitivement, le juge doit avoir été victime d’une foudre amoureuse pour cette aire de stationnement. La conversation dure encore une vingtaine de minutes. Le sujet : la même question angoissante du juge.
Mais le récit du juge est différent. Il y a eu progression. Cette fois, il a été sommé de rencontrer le ministre de la justice qu’il a en maintes instances antérieures refusé de rencontrer. Le juge Joseph qui s’était rendu à son bureau ce jour-là mais est reparti très tôt car les locaux du palais de justice étaient pratiquement déserts à cause de l’alerte rouge déclarée en raison du passage du cyclone Chantal. Il est retourné chez lui à Cabaret. Peut être pour fuir le doyen qui le harcelait d’appels téléphoniques. Il est environ 13 heures et il parle au téléphone avec son épouse. Le doyen appelle à nouveau, il répond et demande au doyen de lui accorder une heure avant de le rejoindre. Les appels du doyen se multiplient et se font plus pressants. On connaît la suite de l’histoire qui a déjà été exposée dans le point 17 de la section relative à la reconstitution des faits.
Que faut-il comprendre de tout cela ?
1) Que le récit du doyen est confronté à de graves difficultés de cohérence logique. a) Pourquoi un doyen disposant d’un bureau qui est censé protégé des intrusions des personnes non-invitées aurait-il senti la nécessité d’aller d’abord sur une galerie du local d’un ancien tribunal, et ensuite sur l’aire de stationnement d’un restaurant pour répondre à une simple question d’un juge ? Il est finalement revenu le temps des contes de fée.
b) Pourquoi cette si simple conversation aurait-elle duré vingt minutes quand la réponse monosyllabique à la question du juge n’aurait duré que l’espace d’une seconde ?
c) Pourquoi le doyen qui selon sa propre déclaration n’a pas l’habitude d’appeler le juge, n’est pas un ami proche du juge, l’aurait-il appelé, ne serait-ce qu’une seule fois ce jour-là ?
d) Comment expliquer que le doyen fut longtemps prêt, attendant dans son véhicule en marche l’arrivée du juge, si ce n’est rien que pour répondre à une question du juge, aussi pressante et angoissante fût-elle ?
e) Pourquoi ne pas rester dans le véhicule et causer quand ce jour-là le palais de justice était pratiquement presque vide, donc sans grand risque d’être entendu ?
f) Mais, de plus, qu’était-elle cette conversation qui ne pouvait être entendue des intrus ?
g) Et le mardi 09 Juillet et le jeudi 11 Juillet 2013, les réunions qui ont eu lieu sur l’aire de stationnement du restaurant l’étant à la mi-journée, pourquoi sont-ils restés dehors et n’ont pas pensé à prendre le lunch ensemble ? Les différents récits du doyen le présentent comme quelqu’un qui pratique souvent les restaurants de la capitale.
h) Mais le vendredi 12 Juillet 2013, pourquoi le doyen qui a toujours été si prompt à répondre aux supplications du juge - qui semble-t-il était obsédé par l’idée que les autorités du pouvoir exécutif auraient pu mettre la pression sur le doyen pour qu’à son tour il la mette sur le juge afin que ce dernier revienne sur sa décision – n’a pas daigné recevoir le juge bien qu’il reconnût que celui-ci se présentât sept ou huit fois à son bureau ? Pourquoi ne l’a-t-il pas appelé ce soir-là bien qu’il recût du juge un numéro supposé inconnu du grand public ? i) Pourquoi ne l’a-t-il appelé que le samedi 13 Juillet 2013 vers les dix heures AM ? Et pourquoi le doyen a-t-il été si inquiet au point d’appeler plusieurs personnes afin de confirmer la mort du juge ? Ou encore pourquoi ne s’est-il jamais déplacé pour aller voir comment a été le juge durant les heures de son hospitalisation étant donné que dans les jours qui précèdent, il y a eu une telle complicité entre le juge et le doyen ?
j) Comment comprendre la réponse du doyen au juge Morin qui l’a vertement repris pour le fait qu’il a conduit le juge à une réunion au cours de laquelle le juge a été malmené. La réponse dialogique tombait : « Ce n’est pas ainsi que cela s’est passé. Je t’expliquerai plus tard. » De quel ‘cela’ s’agit-il ? Le fait d’être malmené ou celui de conduire le juge à une réunion ? Tout compte fait, il n’a jamais rien expliqué a quiconque.
k) Comment comprendre également que le doyen ait préféré contourner les remontrances de Madame Julien de l’IMED qui lui a reproché d’être à l’origine de la mort du juge par le simple fait de l’avoir conduit à cette reunion où il a été exposé a toutes sortes de pressions et de menaces ? Il a préféré tourner la conversation sur la question des matériels de bureau que Madame devait acquérir pour le tribunal bien que Madame Julien admette qu’elle était si dérangée par la mort du juge qu’elle a éconduit le doyen au cours de cette conversation.
2) Mais au delà du fait que le récit du doyen ne tient pas logiquement, certains éléments de son récit confirment d’autres points du récit du juge et qui sont contraires à son propre récit des faits.
a) Par exemple, le doyen admet que c’est lui qui a pris sur lui-même l’initiative d’appeler le juge dans la mi-journée du jeudi 11 Juillet 2013. Fait que le juge rapporte à tous ceux qui on reçu son récit. Ce fait apparemment anodin illustre bien la logique que le juge était pressuré de rencontrer des autorités autour du sujet du procès au correctionnel de la famille présidentielle. De plus, le juge a réfléchi ce matin jeudi 11 juillet 2013 qu’il lui fallait parler à son épouse avant de se décider d’aller à la réunion. Son accompagnateur (Berlens) en fait un témoignage éloquent. Mais, plus que Berlens, le juge Jean Wilner Morin et maître Samuel Madistin confirment avoir été sollicités par juge Joseph pour leur conseil à savoir s’il était sage d’aller à cette réunion. Juge Morin a émis un avis négatif, mais Me Madistin n’y voyait pas d’inconvénient. Juge Joseph partage l’avis de Me Madistin avec juge Morin qui ne se prononce plus sur la question. Pourquoi le juge Joseph aurait-il cherché et obtenu les conseils de ses amis sur la question ? C’est qu’il lui a effectivement été demandé d’aller rencontrer des autorités. Notons en passant, que juge Joseph ne voyait aucun inconvénient à ce qu’il rencontre les avocats de la famille présidentielle. Mais quand la pression montait et qu’on lui proposait de rencontrer le ministre de la justice et autres personnalités du pouvoir exécutif, il a songé à l’indépendance du pouvoir judiciaire qui pouvait alors être mise en cause : il prend des consultations. Quand le doyen fait monter la pression pour dire au juge que les autres attendent, le juge se cramponne à son pouvoir et réclame timidement que ce soit au palais de justice. Mais le doyen insiste, il attend dans son véhicule en marche, il congédie chauffeurs et agents de sécurité, il prend les commandes de l’opération.
b) Un autre fait en apparence anodin mais révélateur. Le doyen confirme que le vendredi 12 Juillet 2013 le juge Jean Serge Joseph est venu à son bureau sept ou huit fois. Le juge Joseph confirme cette assertion dans son récit aux juges Bernard Saint Vil et Berge O. Surpris. Il leur explique en outre qu’il lui a été demandé de revenir sur sa décision, Pour ce faire, le doyen rendra une ordonnance abréviative le convoquant en urgence pour un siège spécial le mardi 16 Juillet 2013. Il dit au juge Saint Vil qu’il reconnait et respecte sa profonde connaissance du droit pénal haitien et des procédures pénales, quel était son conseil par rapport à la faisabilité de telle action. Le juge Saint Vil réplique qu’il se référait encore au conseil qu’il lui avait donné au tout début de l’affaire. De fait, au cours de cet entretien avec le juge Saint Vil, il confirme avoir été plusieurs fois au bureau du doyen pour retirer l’ordonnance en question. Mais il avoue aussi à ses amis qu’il siégerait ce mardi-là, se déporterait de l’affaire et partirait au Canada avec sa famille. Certains lui avaient conseillé de le faire avant mardi. Alors pourquoi le doyen n’a-t-il pas reçu le juge ce jour-là ? Pourquoi à chaque visite il répondait qu’il n’était pas prêt à le recevoir ? Cette fameuse ordonnance n’était pas encore rédigée ou corrigée ? Pourquoi en quittant le tribunal le juge a-t-il tenu à être joignable pour le doyen jusqu’à lui passer un numéro inconnu du grand public qu’il utilisait pour appeler son épouse ? Pourquoi le doyen n’a-t-il appelé que le samedi matin ? Etait-ce parce qu’à ce moment l’ordonnance était prête ? Et pourquoi n’a-t-il pas daigné rendre visite au juge à l’hôpital ? parce qu’il croyait en ce moment-là qu’il était en train d’être berné par un juge qui feignait une maladie diplomatique pour éviter de siéger mardi ? Pourquoi dans la soirée s’inquiétait-il à confirmer la mort du juge ? Parce qu’il était surpris par un curieux tour de la nature ?
Autant de questions auxquelles la seule réponse est que le doyen a lamentablement menti. Pourquoi a-t-il dû mentir ? Que voulait-il cacher ? Mais il n’est pas le seul à mentir, le ministre de la justice aussi a menti. Il a essayé d’avancer l’argument farfelu selon lequel une réunion aurait pu se tenir, mais le fait qu’on ait cité son nom comme participant à cette réunion signifie tout simplement qu’il n’y a pas eu de réunion du tout. Cela aurait pu être vrai dans un autre monde.
En effet, le ministre a confirmé sans le vouloir devant la commission qu’il y avait une raison pour que cette réunion ait eu lieu. Pour lui, technicien du droit, il était possible pour le juge de revenir sur sa décision. Comment ?
Les avocats de la famille présidentielle retireraient leur appel. Le commissaire du gouvernement aussi. Ils adresseraient une requête au doyen lui demandant un siège spécial pour un rejugé. Le doyen adresserait une ordonnance abréviative au juge qui prendrait un siège spécial en raison de la vacance judiciaire. Et alors, il pourrait rendre une autre décision. Et c’est exactement ce que le juge Joseph confie à ses collegues juges. Il lui a été demandé cela et rien de plus. Il a consulté le juge Saint Vil pour être conseillé sur la faisabilité de telle action. Cela n’implique pas encore que le ministre ait été présent à cette réunion.
Cependant, dans les récits antérieurs à la réunion, le juge a confié à tous ses confidents que le doyen avait voulu qu’il rencontrât le ministre de la justice. C’est ce qu’il a confié à son épouse, à juge Morin, à Me Madistin. C’est ce qu’il a confié après la réunion à ceux auxquels il a raconté sa mésaventure. Au juge Morin il déclare : « Si j’avais suivi ton conseil, je n’aurais jamais essuyé tant d’humiliations. » A Madame Julien de l’IMED qui ne pouvait croire ses oreilles il confie : « Ces gens m’ont malmené. Seul Me Lissade a été tendre avec moi. » Quand Madame Julien insiste : « Et le ministre ? » « Il n’a pas été aussi arrogant que le president, mais il insistait pour trouver une solution juridique acceptable » répond-il. A son épouse inquiète qui s’enquiert : « Ne me dis pas qu’après que ces gens t’aient aussi malmené, tu as mangé avec eux ? » Et lui de répondre : « Il n’y avait rien à manger, j’ai simplement partagé un coup avec eux. »
Le ministre de la justice Me Jean Renel Sanon était bel et bien présent à la réunion.
Le président de la République aussi a menti. Il affirme qu’il n’avait pas à prouver qu’il n’était pas à la réunion mais qu’il revenait à ceux qui affirmaient le contraire de le prouver. Cela laisse supposer qu’il était là mais qu’il était la mais que tout le monde a reçu l’ordre de mentir à son sujet, et qu’ainsi personne n’allait pouvoir prouver qu’il était effectivement physiquement présent à cette reunion.
On se rappelle que dans le compte-rendu des auditions un rappel avait été fait quant au comportement du ministre de la justice qui n’a pas daigné informer le directeur général de la Police qu’il devait se faire accompagner par les responsables de l’USPN, l’USGPN, la CAT TEAM, le responsable de la sécurité présidentielle. Il ne l’a pas fait, essayant de soustraire ces responsables détenteurs de précieuses informations quant au calendrier des déplacements du président de la République.
Par exemple, un des témoins raconte que le lundi 08 Juillet 2013, en rentrant à Port-au-Prince, le juge a été stoppé sur la route nationale # 1, à hauteur de l’Arcahaie, par une véhicule tout terrain, pick-up de couleur blanche. Il s’est arrêté un peu plus loin que l’autre véhicule qui se positionnait dans la direction du Nord mais sur le côté de la circulation allant vers le Sud. Ainsi, les deux véhicules se trouvaient sur le côté de la circulation allant vers le Sud. Alors, le tout terrain de couleur blanche qui se positionnait vers le Nord a fait demi tour et est revenu s’arrêter juste à côté du véhicule du juge. Le chauffeur fait baisser sa portière droite et s’adresse au juge qui a fait baisser sa portière gauche : « Tu m’empêches de dormir, pas vrai ? » Une conversation s’ensuivit au cours de laquelle de sérieuses menaces ont été proférées à l’égard du juge. Il arrive que ce chauffeur a été identifié comme étant le président Martelly lui-même. Il était au volant et avait deux agents de police en uniforme de l’USGPN à l’arrière. L’un d’eux a photographié les trois occupants du véhicule du juge. Après la série d’injures et de menaces, le véhicule est reparti vers le Sud, mais le juge eberlué ne pensait qu’à sa mort. Il a confié à son agent de sécurité Johnny et à son cousin Berlens qu’ils étaient sur le point de mourir. Ce jour-là, le juge qui ordinairement allait à son bureau en longeant la Route Neuve, puis le Boulevard La Saline et l’Avenue Harry Truman jusqu’au palais de justice au Bicentenaire, a du emprunter la nationale # 1 jusqu’au centre-ville évitant ainsi la Route Neuve puisque le chauffeur du véhicule de l’Arcahaie lui avait dit : « Je m’informe de tous tes déplacements, de tes horaires, et de tes démêlés. Tu ferais mieux de régler cette affaire au plus vite pour que ma famille retrouve son calme. Tu ne sais pas que j’aime mon épouse et mes enfants ? »
Alors, ce qui ressort de cette hypothétique rencontre, c’est ce qui a été dit plus tôt : la famille présidentielle était vraisemblablement paniquée. Aussi, le président a-t-il pris sur lui-même de régler cette affaire qui l’empêchait de dormir. Toute l’équipe de ceux qui étaient de bons et loyaux serviteurs a été mobilisée pour régler cette affaire au plus vite. C’est aussi pourquoi le président ne pouvait supporter de laisser le ministre de la justice opérer tout seul. Les divers témoignages recueillis aux abords du cabinet de Me Lissade confirment qu’un nombre imposant de véhicules généralement faisant partie du cortège de la présidence était constaté en position de stationnement dans les parages du cabinet. Une pauvre femme qui généralement tient son commerce dans les parages dit en avoir dénombré dix-huit. Mais pire, une polémique a suivi une phrase apparemment anodine du président qui disait : « Je ne sais pas si le Premier ministre était présent, comme c’est tout près de ses bureaux au ministère de la planification. Moi, je n’y étais pas. » Pourquoi celui qui a dit qu’il revenait aux autres (ses accusateurs) de prouver qu’il était présent à la réunion a-t-il tenu à faire cette remarque. Serait-ce pour nuire au Premier ministre ou se dedouaner ? Il n’aurait pas besoin de se dedouaner si la responsabilité de la preuve incombe aux accusateurs. Sûrement, il était inquiet qu’il pouvait être surpris et que de la sorte il voudrait impliquer le premier ministre à sa place. Il n’était pas totalement certain que la mort du juge pourrait enterrer ses agissements pour le moins suspects. Un proche du premier ministre a repondu à la boutade du président en déclarant n’être pas trop certain que le premier ministre aurait l’habitude d’utiliser le cortège du président. Tout cela, ne fait – au-dela des récits du juge- que confirmer la présence du président à cette réunion. Soustraire les responsables de la sécurité du palais national et du président de la République au questionnement de la commission n’a qu’un seul objectif : barricader les acteurs les plus vulnérables pour les empêcher de laisser fuiter des informations précieuses et embarassantes. Mais le crime parfait n’existe vraiment pas.
Quant au premier ministre, il a déclaré tout de go devant la commission qu’il n’avait jamais eu la chance de rencontrer le juge. Cela aurait pu être vrai. Mais toujours dans un autre monde.
Comment explique-t-il le fait que Mr Leon Charles ait été rappelé de Washington pour entreprendre une mission de bons offices visant à persuader Mr Florestal qu’il laisse tomber sa plainte, qu’il la retire et abandonne l’affaire. Devant le refus de Mr Florestal, sa première réaction a été d’appeler le premier ministre pour le mettre en contact avec Mr Florestal. Le premier ministre a offert à Mr Florestal de l’argent et un poste à l’extérieur du pays. Florestal refuse toujours et Léon Charles est parti.
Pourquoi le premier ministre avait-il cru bon de s’impliquer dans cette affaire quand il a lui-même déclaré à la commission qu’il avait suivi l’affaire comme tout citoyen en laissant le soin à la justice de sévir ? Mais pourquoi a-t-il été si évasif quant à son occupation du temps ce jeudi 11 Juillet 2013 ? Si toute l’équipe devait se montrer loyale et solidaire du président pourquoi se serait-il soustrait à ce petit devoir familial ? Pourquoi aussi avait-il si peur de la commission qu’il a du se faire accompagner de six des membres de son cabinet ? Pourquoi n’a-t-il jamais soumis cette copie du procès-verbal du conseil des ministres de la veille qui lui a été réclamé et qui aurait permis à la commission de vérifier les points à l’ordre du jour et leur relation avec cette épineuse affaire de procès contre la famille présidentielle ? Là encore, on comprend que le premier ministre non plus ne dit pas la vérité sur le sujet.
Conclusions
Tout compte fait, il s’est avéré que la commission s’est retrouvée devant une forteresse de mensonges. Mais, il n’y a pas de forteresse imprenable, il n’y a que des stratégies inappropriées.
La commission a fait de son mieux et a réussi à percer les remparts de refus et de mensonges qui étaient érigés devant elle. Elle a pu reconstituer les faits à partir des nombreux témoignages recueillis des personnes qui avaient senti l’obligation de confier à cette commission ce qu’elles savaient et qui d’après elles pourraient aider à faire jaillir la lumière sur les circonstances qui ont entouré la mort du juge Jean Serge Joseph, en charge de l’affaire opposant au correctionnel le citoyen Enold Florestal, d’une part ; et l’épouse et le fils du président de la République, d’autre part, pour les faits qualifiés de corruption et d’usurpation de fonction qui leur sont reprochés. La commission a découvert :
a) Le juge Jean Serge Joseph, agissant en toute indépendance, a émis le 02 Juillet 2013 un jugement avant dire-droit dans cette affaire, lequel jugement met en cause la responsabilité d’un certain nombre de grands commis de l’Etat dont le premier ministre.
b) Cette décision a ébranlé les bases de la forteresse de concussion en mettant à nu les velléités d’un pouvoir autoritaire et corrompu.
c) Tous les joueurs vedettes de l’équipe ont été mobilisés aux fins d’enterrer au plus vite l’affaire car elle avait commencé à gagner en ampleur et l’administration avait commencé à perdre en crédibilité.
d) La première étape de l’offensive de l’administration a consisté à obtenir du plaignant qu’il retire sa plainte et accepte les prébendes qu’on lui proposait.
e) Devant l’échec de pareille offensive, le pouvoir s’est retourné vers le juge lui-même, abandonnant la manière bâton et carotte pour adopter une politique impériale du Sic volo, sic jubeo, sic pro ratione voluntas. Le juge doit donc faire ce que veut le pouvoir exécutif.
f) Des pressions et menaces de toutes sortes ont été exercées sur le juge Joseph pour qu’il revienne sur sa décision.
g) L’expertise du cabinet Lissade a été mise à profit pour préparer la face (ou farce) juridique du projet de baillonnement de la justice et de toutes les institutions républicaines.
h) Le doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince a servi de pivot central au projet de la présidence en participant à toutes les combines et autres actes de délations devant conduire à cette fameuse confrontation du juge avec les plus hautes autorités exécutives du pays.
i) Le jeudi 11 Juillet 2013, une réunion s’et tenue au cabinet de Me Gary Lissade. Le doyen Me Raymond Jean Michel a conduit lui-même le juge Jean Serge Joseph à cette réunion.
j) Au cours de cette réunion, le juge Joseph a été soumis à d’intenses pressions et menaces pour le porter à accepter d’ouvrir un siège spécial afin de revenir sur la décision du 02 Juillet 2013.
k) N’ayant pas examiné la these de l’empoisonnement qui, même si elle était prouvée, serait difficile à circonscrire dans l’espace et le temps, la commission a acquis la conviction que les menaces et pressions ont eu gain de cause de la vie d’un juge honnête mais fragile.
l) L’hémorragie intra-parenchymateuse diagnostiquée serait la conséquence directe d’une forte soumission à d’intenses pressions psychiques.
m) Le juge n’ayant jamais été diagnostiqué comme souffrant de problèmes métaboliques (hypertension artérielle, hyperglycémie, etc), les médecins de l’Hôpital Bernard Mevs ont conclu que la très forte tension artérielle constatée chez le patient lors de son admission à l’hôpital était peut-être le résultat d’une hypertension intra cranienne qui elle-même peut avoir été le résultat d’un stress immense.
n) La commission conclut au fait que le président de la République, le premier ministre, le ministre de la justice, le doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince ont tous menti tant à la commission qu’à la nation.
o) La commission finalement conclut que tous ceux qui ont contribué à l’organisation de la réunion, participé à la réunion, menti à propos de la réunion au cours de laquelle le juge Jean Serge Joseph a été torturé jusqu’à ce que mort s’ensuive, sont à des degrés divers reponsables de la mort du juge. Il demeure entendu que seul l’appareil judiciaire aura à établir les degrés de responsabilité de chacun dans la mort du juge Jean Serge Joseph.
RECOMMANDATIONS
Fort de ces conclusions, la commission recommande que :
1) Le doyen du tribunal de Première Instance de Port-au-Prince soit traduit par devant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) comme le premier suspect dans cette affaire avant d’être limogé et livré à la justice haitienne aux fins de droit.
2) Le présent rapport soit transféré à la chambre des députés aux fins utiles.
3) La Chambre des députés prenne toutes les dispositions que de droit aux fins de :
a) Constater l’immixtion du chef de l’Etat, du premier Ministre et du Ministre de la justice dans l’exercice souverain du pouvoir judiciaire aux fins d’obtenir que des décisions de justice soient prises en leur faveur.
b) Déclarer le caractere parjure de ces autorités du pouvoir exécutif qui ont tous nié leur participation à la réunion du 11 juillet 2013 alors que l’enquête confirme leur participation effective à ladite rencontre.
c) Constater la trahison du chef de l’Etat qui avait juré de faire respecter la Constitution et les lois de la République
d) Mettre en accusation le chef de l’Etat pour crime de haute trahison.
4) Le premier ministre et le ministre de la justice soient mis en accusation et renvoyés de leur fonction.
5) Le présent rapport soit transféré au Parquet du Tribunal civil de Port-auPrince et au CSPJ aux fins utiles de droit.
6) Le CSPJ soit renforcé par
a) l’amendement de la loi du 4 septembre 2007 portant création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ;
b) le vote d’une loi portant création d’une structure contrôlée par le CSPJ, chargée de collecter et de gérer les amendes prononcées par les Cours.
c) La prise en charge de la gestion financière des Cours et Tribunaux par le CSPJ.
7) La préparation et l’adoption d’une loi sur les enquêtes parlementaires.
8) La préparation et le vote d’une loi sur le parjure.
9) L’action publique soit mise en mouvement contre Gary Lissade pour recel.
Fait à Port-au-Prince, le 06 Juillet 2013, An 210e de l’indépendance.
Hon. Francois A. Joseph Président
Hon. Westner Polycarpe Rapporteur
Hon. Joel Joseph John
Hon. Steven I. Benoit
Hon. Pierre Franky Exius Membre
Source : http://www.alterpresse.org/spip.php ?article14424&utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter Haïti-Duvalier :
La victime Raymond Davius partage les souffrances endurées sous l’ancien régime
Port-au-Prince, 20 avril 2013
La victime Raymond Davius a raconté, le jeudi 18 avril 2013, les nombreuses tortures subies pendant les sept mois (de février à septembre 1981) passés dans les geôles de l’ancien régime du dictateur Jean-Claude Duvalier, lors du procès contre ce dernier poursuivi pour crimes contre l’humanité et détournements de fonds, a observé l’agence en ligne AlterPresse.
Âgé actuellement de 57 ans, l’économiste Davius rapporte avoir été battu, à maintes reprises, pendant son passage en prison. Les multiples coups reçus ont fini par laisser des cicatrices sur tout son corps, confesse-t-il attristé.
Il se plaint du fait que les sbires du régime ne lui ont jamais offert la possibilité de se rendre à l’hôpital, malgré ses nombreuses blessures. Au cours de l’année 1981, il fut arrêté 17 fois et emprisonné trois fois. « A chaque arrestation, j’ai dû vomir du sang. C’est à cause de ces atrocités que j’ai été contraint d’aller me cacher dans la ville de Bainet (Sud-Est), alors que je n’avais personne dans cette ville. J’ai passé quelques mois là-bas avant d’être arrêté, ligoté et conduit aux Casernes Dessalines », se souvient, avec amertume, Raymond Davius. En prison, un seul seau lui servait, à la fois, de récipient pour ses besoins physiologiques et de plat pour ses repas. La nourriture lui était servie en-dessous de la porte, avec les pieds, par les geôliers. Davius était fermé dans une cellule étroite, où une ampoule était tenue allumée en vue de permettre au geôlier de vérifier si le maltraité était en vie.
Un petit matelas, fabriqué avec des résidus de tissus contenant des épingles, ne lui offrait aucune possibilité de s’allonger dessus convenablement.
Le régime voulait faire de Davius un "exemple", parce qu’il avait laissé l’armée - en tant que soldat de première classe - à l’hôpital militaire pour rejoindre le Parti démocrate chrétien haïtien (Pdch), alors dirigé par le défunt Sylvio Claude.
« Le 13 octobre 1982, à la suite des menaces exercées par les sbires du régime, j’ai dû sauter les murs de l’ambassade du Venezuela au Bicentenaire (à proximité du bord de mer de la capitale), pour retrouver un asile politique. L’ambassadeur vénézuélien de l’époque m’a donné près de 250.00 dollars américains pour aller me cacher dans les recoins du pays », relate Davius, la tristesse dans la voix.
En janvier 1983, il a tenté, une seconde fois, de s’échapper en s’introduisant, à nouveau, à l’ambassade du Venezuela. « L’ambassadeur m’a mis en résidence surveillée. Un mois plus tard, soit le 1er février 1983, j’ai pris l’exil (pour le Venezuela), qui a duré près de deux ans et demi. Je suis revenu [dans le pays] en juillet 1986, après la chute de Jean-Claude Duvalier », indique la victime Raymond Davius.
A l’audience du jeudi 18 avril 2013, Davius a présenté et remis, à la cour d’appel de Port-au-Prince, une liste partielle des séquestrations, tortures, assassinats et exécutions sommaires, perpétrés durant la dictature duvaliériste, notamment dans la seule année de 1976.
Figurent, dans cette liste, cinq journalistes [1], une dizaine de militaires [2], près d’une quinzaine d’avocats (Benoît Armand, Emile Cauvin, Seymour Cauvin, Max Charlmars, Hervilus Antoine, Henri Carnot, Joseph Vergniaud, Hubert Legros, Christian Nau, Salma Pierre-Paul, Edmond Pierre-Paul, Antoine Pierre-Paul, Pierre Victor Joseph, Roc ainsi connu, Antonio Vieux]] et environ 70 autres citoyens de diverses couches, [3] ayant laissé leur peau dans les geôles du dictateur Duvalier (données tirées de l’ouvrage « le prix du sang », Tome II)
La prochaine audition, dans le cadre du procès de Jean-Claude Duvalier est prévue pour le jeudi 25 avril 2013. Le 11 avril 2013, lors de la précédente audience, Henry Faustin a été auditionné comme plaignant après Robert Duval, Alix Fils Aimé et Nicole Magloire, entendus tour à tour dans cette affaire. [jep emb rc apr 19/04/2013 14:50]
[1] Les journalistes cités étaient : Ezéchiel Abellard, René Midouin, Gasner Raymond, Saintini ainsi connu, Salès Pierre.
[2] Les militaires exécutés en 1976 étaient Dagobert Jean, Jean Paul, Ménélas alias Ayiti, Reynold ainsi connu, René Sajous, Santiague, Gasner Siméon, Vitey ainsi connu, Merceron alias Guantanamo.
[3] Les citoyens, disparus en 1976 et rapportés par Raymond Davius dans sa déposition du 18 avril 2013, étaient les suivants : Jean-Claude Alexandre alias Blanco, Macéna Anibot, Renel Baptiste, Justin Bertrand, Ronel Bertrand - le fils de Justin Bertrand -, Blanc Paul, André Bien-Aîmé, Gérard Blanco, Jean-Claude Baucicaut, Joseph Brignol, Noly Buron, Gilbert Cadostin, Muscadin Cajuste, le pharmacien Camille Sébastien, Horace Daccueil, Guélot Daccueil, le prêtre français Albert De Smet, Raphaël Delva, Archer Denis, Cadeau Jean Dérisié, Ambroise Desravines, Serge Donatien, Clotaire Dorneval, Paul Donneur, Ronald Duchemin, Oveze Duquesne, Rameau Estimé, Wilterne Estimé, le professeur Jésulmé Eugène, Exante ainsi connu, Servilus Exantus, Pierre Féquière, Marie Thérèse Féval, Marie Thérèse Gasner, Henri Jean, Morency Jean, Kesnel Jean, Joseph Jean, Théocel Jean, Maurace Jean-Baptiste, Antonio Jean-Baptiste, Lucio Jules, Oswald Jules, Hébert Liautaud, Lener Livert, Chéry Louissaint, Gérard Michel, Milfort alias Joe Malaka, Yves Musac, Jean-Marc Nérestant, Jacques Paul, Luc Pierre-Paul, Pipirit ainsi connu, Dès Prédestant, Eddy Price, Jean-Louis Roy, Jean Robert alias Dérécul, Raymond Saint-Louis, Luc Saint-Vil, Jean-Pierre Saint-Vil alias Ti Dyab, Saladie Thélusmond, Tony Thélusmond, le médecin Watson Telson, Ténor Auguste, Antoine Templier, Jean Rifla Vasseau, Romulus Vilbrun, Pierre Michel Vital, Wellington Élie.
Port-au-Prince, avril 2013
Le 26 Avril 1963 au matin, la voiture présidentielle qui amenait les enfants Simone et Jean-Claude Duvalier à l’école, fut attaquée par quatre hommes armés, habillés en vert olive. Une lutte s’ensuivit au cours de laquelle plusieurs hommes de la garde des enfants Duvalier furent tués. La réaction contre cette apparente tentative de kidnapping fut terrible. Un appel à tous les macoutes et duvaliéristes fut lancé à la radio, demandant à tous de prendre les armes et annonçant qu’on avait attenté à la vie des enfants du Président…. S’instaura une chasse à l’homme au hasard des rencontres, tout porteur d’armes, partisan de régime ayant permission de tuer. Cette rage meurtrière était dirigée contre des officiers de l’Armée soupçonnés de comploter contre Duvalier, tout particulièrement le lieutenant François Benoît, car Duvalier avait déclaré qu’il était l’auteur de l’attentat.( il apparaitra quelque semaines plus tard qu’il n’en n’était rien) C’est ainsi que tous les membres de la famille Benoit (et même de l’avocat Benoit Armand, coupable de son prénom) et tous les membres de la famille Edeline (nom de jeune fille de l’ épouse du Lieutenant Benoit) seront ce jour là, et même longtemps après, traqués et abattus. Certains sbires profitent de l’occasion pour éliminer des personnes afin de s’emparer de leurs biens et d’autres, exécutent des gens à vue, simplement parce qu’ils se trouvent sur leur chemin En plus des gens assassinés le jour même ou morts à des dates indéfinies dans les terribles cachots de Fort Dimanche, beaucoup sont arrêtés, battus, blessés par balles, mais survivront et certains ont pu témoigner des événements.
POUR QUE VIVE LA MÉMOIRE DES "DISPARUS", VICTIMES DE LA DICTATURE, IMMOLÉS CE 26 AVRIL 1963, ET POUR CELLE DE TOUS CEUX QUI SONT TOMBÉS VICTIMES DE LA BARBARIE DUVALIÉRISTE, LEURS ENFANTS, PARENTS ET AMIS, INVITENT TOUS CEUX QUI LES ONT CONNUS ET TOUS LES PATRIOTES QUI N’ONT JAMAIS CESSÉ DE CROIRE À L’ÉTAT DE DROIT, À UNE MESSE, LE VENDREDI 26 AVRIL 2013, EN L’ÉGLISE ST. PIERRE DE PÉTION-VILLE, À 5H pm. A LA MEME HEURE, DANS DE NOMBREUSES PAROISSES DU PAYS, UNE MESSE SERA DITE A LA MÉMOIRE DES VICTIMES.
DANS UN GRAND MOUVEMENT DE SOLIDARITÉ, DES MESSES SERONT ÉGALEMENT CÉLÉBRÉES
A BRUXELLES, MADRID, GENEVE, ROME, PARIS, MONTRÉAL, QUÉBEC, NEW YORK, BOSTON, NEW JERSEY, CALIFORNIE, FLORIDE, PANAMA, PORTO RICO, AUX ANTILLES.
N’OUBLIONS JAMAIS.
Port-au-Prince, décembre 2012
Laennec Hurbon
Il y a une anomalie, et en tout cas une contradiction à parler de catastrophe permanente, mais ce n’est pas parce qu’une catastrophe n’arrive qu’une fois. Si toute catastrophe suppose la rupture avec le cours ordinaire des choses ou de la vie, on devra toujours avoir reconnu un avant et un après de la catastrophe. La disparition soudaine d‘un proche, d’un ami ou d’un parent ou la fin brutale d’un rapport amoureux, ainsi que l’effondrement de tous les symboles visibles de l’État… sont des situations qui peuvent être vécues comme des catastrophes. Il se produit dans la catastrophe un véritable retournement de l’ordre du monde en sorte qu’on puisse perdre tous ses repères habituels ; on parle avec raison d’une discontinuité radicale avec ce qui est tenu pour normal. Or qu’arrive-t-il quand on observe attentivement la vie quotidienne en Haïti avant et après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 ? On a comme l’impression que rien ne s’était passé en cet après-midi fatidique, et qu’un saut a été réalisé avec dextérité au-delà de cette date. Le cours normal, ordinaire de la vie aurait repris si vite qu’on n’aurait pas le temps de penser au 12 janvier. Mais comme il ne peut exister de catastrophe permanente, il y aurait plutôt comme un travail permanent d’annulation de l’événement et donc comme un processus de dénégation qui revient à une installation permanente dans la catastrophe. C’est ce paradoxe qu’il convient de déchiffrer pour comprendre les difficultés et les tâtonnements de la reconstruction.
D’où viendrait cette propension à une tache de dilution de la catastrophe du 12 janvier dont l’ampleur dépasse l’imagination comme on le sait, puisqu’elle est considérée comme l’un des plus grands désastres subis par le pays depuis cinq cents ans ( bien entendu, comparable au désastre du génocide indien et de l’esclavage des Noirs capturés en Afrique). Tout d’abord, les catastrophes frappent à un rythme tellement accéléré et le pays est tellement balloté d’un désastre à l’autre : de l’inondation de la ville des Gonaïves en 2004 qui a fait environ 4000 morts au séisme du 12 janvier 300000 morts environ, puis au choléra (7400 morts), aux cyclones Sandy et Isaac … que la population risque de tenir pour naturelle chaque calamité. Ajouter à cela les conditions d’une insécurité (viols, vols, braquages journaliers, kidnappings réguliers) qui ne se met jamais en berne. La société du risque dont parle le sociologue Ulrich Beck (pour décrire notre modernité) semble trouver en Haïti son idéaltype.
On est encore loin du compte si l’on ne voit pas Port-au-Prince comme un champ de désolation avec les conditions inhumaines ordinaires de la vie quotidienne : vous pouvez passer quatre heures en voiture pour parcourir 4 kilomètres à l’intérieur de la capitale, car le service de circulation se réduit au contrôle des permis de conduire et des papiers de propriété et d’assurance ; les bidonvilles sans eau, ni électricité, ni sanitaires sont les lieux ordinaires d’habitation pour la grande majorité de la population, laquelle passe son temps à la recherche d’une survie possible en allant de jeûnes en jeûnes (groupes de prières organisées toute une journée ou toute une nuit en vue d’obtenir un visa, un travail, ou un succès a l’école, etc.) dans les multiples et différentes églises de la capitale. C’est au cœur d’une telle situation -plus précisément d’une telle catastrophe- que les dirigeants de l’État ne s’inquiètent que de la manière de conserver le pouvoir.
Les catastrophes ressemblent à des aubaines qui redonnent au pouvoir les sources possibles d’une légitimité toujours déjà défaillante. Dans cette perspective, les catastrophes semblent être replacées par le pouvoir dans une sorte de diagonale où elles sont perçues comme des situations qui n’affectent pas la totalité des sphères de la vie (économique, sociale, culturelle et politique) et donc qui ne commandent pas de recréer ou de reconsolider le lien social. Il y aurait comme un désir de catastrophe chez nos gouvernants, qui les aide à se poser eux-mêmes en victimes face à la communauté internationale, elle-même toujours prête à offrir son aide qui peut aller jusqu’à les décharger de leur responsabilité de dirigeants.
Ce qui relève de la catastrophe entre alors dans l’ordre naturel des choses et c’est pour cela par exemple que le pouvoir n’est toujours pas obsédé par la réalisation d’un mémorial du 12 janvier trois ans après. Les notions de reconstruction et de refondation perdent alors tout impact sur la collectivité dans la mesure où la catastrophe n’est pas renvoyée au passé, c’est-à-dire n’accède pas à la condition de l’oubli et donc n’a pas été l’objet d’un travail de la mémoire.
Le cas du réseau de kidnapping de Clifford Brandt découvert récemment ouvre à une série d’interrogations sur la nature véritable du pouvoir, puisque des policiers, des juges, la sécurité du palais national, des employés de banque et des députés sont impliqués dans ce réseau. On pourrait croire facilement qu’il s’agit d’un phénomène banal, circonscrit dans un secteur de la vie sociale et sans grande influence sur le cours de la vie politique, économique et sociale. Ce sera sans nul doute la tendance que suivront les différentes instances du gouvernement. La découverte de ce réseau est perçue comme une catastrophe, elle vient s’inscrire dans la longue liste des assassinats, des viols et des kidnappings qui font frémir les familles toutes les nuits à la capitale comme en province, au point que des associations de droits humains informent qu’aujourd’hui en Haïti « la sécurité humaine n’est pas assurée ». C’est l’État lui-même qui est mis à nu comme délinquant. Tout se passe finalement comme si effectivement le pays vivait de manière naturelle dans la catastrophe permanente, laquelle provient à la fois de l’ordre politique et de l’environnement. Là encore ce qui appartient à l’environnement est de part en part marqué par l’action politique, puisqu’il est avéré aujourd’hui que la dégradation de l’environnement avec les conséquences produites par les cyclones, les pluies, la déforestation, les pollutions, etc. est l’expression de la faillite de l’État haïtien. On peut comprendre le désespoir et partant la pente des couches sociales pauvres, mais aussi des couches moyennes, à adopter une vision punitive de la cascade des catastrophes que connait le pays aujourd’hui. Le souvenir d’un cours normal de la vie quotidienne est devenu ou paraît si lointain, que la situation actuelle prend l’allure d’une condition kafkaïenne sans issue, ou si l’on veut, sans avenir perceptible.
Il est symptomatique qu’une ville toute entière- Jacmel- se mette debout pour exprimer son refus de la descente dans l’inhumain vers lequel la société se dirige à grands pas. En quoi la catastrophe, qu’elle soit naturelle ou politique, requiert de manière impérative une pensée politique républicaine pour sortir de la condition d’êtres superflus (flottant entre la vie et la mort) que sont aujourd’hui les Haïtiens (toutes classes sociales confondues) livrés dans les rues ou dans leurs propres maisons aux humeurs carnassières des réseaux de l’insécurité. C’est dire que la catastrophe naturalisée, banalisée, met à mal tout projet de reconstruction. C’est ce projet lui-même qui implique en amont que les conditions minimales de sécurité soient créées face à la vulnérabilité de la société haïtienne (au double point de vue de l’environnement dégradé et de la progression de la violence liée à l’État délinquant et qui est en train de dépasser toute mesure). Est-ce un cercle vicieux d’attendre encore de l’État haïtien ce qui est à l’opposé de ses visées véritables qu’il cache sous une phraséologie caritative ? Justement, croire en ce cercle vicieux, c’est reconnaître qu’il n’y aurait point de sortie possible de la catastrophe. Or le mouvement par lequel une population réclame le respect de ses droits fondamentaux et exprime la conscience de sa dignité est capable de recréer peu à peu le lien social d’où se produirait un renforcement de la « res publica » et donc d’un nouveau type d’État soucieux du bien-être collectif.
Port-au-Prince, novembre 2012
Laennec Hurbon
La notion de privatisation de l’Etat est un oxymore, l’Etat étant par définition ce qui transcende le privé et ne concerne que le collectif. Depuis Hobbes, on sait que c’est pour avoir renoncé aux désirs de l’individu (désir de puissance, de possession, de domination…) que l’Etat émerge justement pour empêcher que l’individu donne libre cours à ses désirs. On ne peut donc parler de l’Etat comme d’une instance qui pourrait être sujette à privatisation. C’est une contradiction in terminis, et même un scandale pour la raison. C’est, semble-t-il, ce scandale qui donne à penser. J’aimerais ici à l’avance souligner que le problème qui soulève mon inquiétude, est le mode de traitement que des dirigeants peuvent faire de l’Etat, qui le voue à la plus grande insignifiance au moment même où ils prétendent se dévouer pour le collectif, ou si l’on veut, pour ce que l’on appelle « le peuple ».
Ce que je suggère ainsi c’est avant tout l’impossibilité de privatiser l’Etat sans que cela ne conduise à des pratiques de répression, mais aussi à des conséquences fâcheuses, incalculables pour les dirigeants eux-mêmes qui succombent à cette tentation. Nous savons par exemple que l’Etat avait subi une privatisation en règle par la personne de Duvalier et sa famille pendant leurs trente ans de règne, grâce à la création d’une machine répressive. Toutes les institutions, y compris le trésor public, avaient été orientées à leur service exclusif. Mais aujourd’hui quand nous parlons de privatisation de l’Etat, il s’agit d’un Etat qui fonctionne comme une institution en soi et pour soi, comme un lieu d’enrichissement pour ses dirigeants et qui ne s’ouvre au bien-être collectif que sous la pression des revendications des couches moyennes et populaires en général. Certes, les discours altruistes aux accents caritatifs des dirigeants ne manquent pas, mais face à l’enjeu de la reconstruction, l’Etat ne devra-t-il pas passer par une réorientation radicale de ses objectifs traditionnels ?
Que par exemple le gouvernement de Préval produise un arrêté qui déclare d’utilité publique tout le centre-ville de la capitale hors de toute concertation ou de dialogue avec les propriétaires de maisons effondrées ou avec les commerçants de la zone, puis dans un même mouvement qu’il revienne sur l’arrêté sans aucune explication au pays, cela dénote non seulement la légèreté et l’indifférence à la problématique de la reconstruction , mais aussi le mode fonctionnement de l’Etat comme institution irresponsable, livrée cependant aux aléas des humeurs et des intérêts des dirigeants ? Il faut encore se rappeler qu’en plein désarroi face à l’ampleur du désastre du 12 janvier 2010, Préval réclame- et c’est le comble de l’ironie- les pleins pouvoirs qui sont spontanément octroyés par une majorité de parlementaires ? De son coté dans la droite ligne de ses prédécesseurs (Duvalier, Aristide et Préval), l’actuel gouvernement ne ressent aucune gène à se hâter de prélever des frais sur les appels téléphoniques de l’étranger et les transferts d’argent vers Haïti, sans se soucier de la loi sur les taxes. On pourrait multiplier les cas d’instrumentalisation de l’Etat encore en vogue, et qui sont des symptômes de la nature elle-même de l’Etat restée identique à elle-même, pendant que le projet de reconstruction ne cesse d’être banalisé ou d’être noyé sous les appels lancinants aux investisseurs étrangers ou à l’aide des pays donateurs.
Prenons le cas (exemplaire) du projet de la reconstruction de l’école nationale des infirmières de Port-au-Prince (ENIP). Le 29 septembre 2012 un article est publié en Suisse par Junia Barreau, sous le titre accusateur : « Autopsie d’un projet torpillé par l’Etat haïtien ». Avec pour sous-titre : SOS pour la reconstruction de l’école des infirmières de Port-au-Prince. On peut retrouver sur le web cet article, je me contente de rappeler ici les éléments les plus importants qui nous donnent des indications sur la marche boiteuse de la reconstruction. Au départ un groupe d’ONG suisses, épris de compassion pour Haïti dévastée (L’école nationale des infirmières étant effondrée avec sous ses décombres quatre-vingt-dix élèves et trois professeurs) décide d’offrir en cadeau la reconstruction de cette école pour cinq cents élèves, salaire des professeurs pris en charge et soutien pédagogique pour un maintien au niveau international pendant dix ans. La CIRH (Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti présidée par le Président Clinton et le premier ministre haïtien) a le projet sur sa liste. La Suisse obtient l’accord du gouvernement et attend qu’un terrain lui soit offert pour commencer les travaux. Peu à peu les ONGS apprennent qu’il n’y a plus de terrain et qu’un autre plan de construction de l’hôpital de l’Université d’Etat est élaboré. L’actuel gouvernement de Martelly décide de prendre en main le projet et propose de l’exécuter- devinez où ?- à Côtes- de- fer. Le projet perd alors sa spécificité, la Suisse reconnait que le gouvernement haïtien ne tient pas au projet. Enfin, le conseil international des infirmières regroupant 135 pays tente d’intervenir mais sans succès auprès des autorités haïtiennes emmurées dans le silence, ou plus exactement dans le marronnage. Pour avoir cherché avec entêtement les causes de la valse des positions de l’Etat haïtien, le groupe des ONG suisses finit par savoir qu’on remettait le projet aux mains d’une institution qui s’est révélée « une coquille vide », préposée à se la faire remplir grâce à ses liens ténébreux avec les pouvoirs publics haïtiens.
Haïti et les infirmières ont perdu donc une excellente opportunité dans la plus grande indifférence de l’Etat. Comment peut-on se dispenser de s’interroger sur le type d’Etat capable de « rouler » à ce point non seulement l’étranger préoccupé de manifester sa solidarité avec les victimes du séisme, mais aussi le peuple haïtien lui-même, parole et signature des dirigeants ne valant rien ? Concrètement, tout se passe comme si les projets de la reconstruction devaient constituer d’abord des sources de rente avant de pouvoir être pris au sérieux par les dirigeants.
La refondation de l’Etat est bien un pré-requis de la reconstruction et ce ne sera sûrement pas la course aux business qui sortira le pays des tâches d’urgence et des pratiques caritatives palliatives. Si par exemple un plan solide à moyen et long terme sur l’environnement n’existe pas, il n’y a aucun doute que chaque année le pouvoir passera son temps à courir de St Pierre à St Paul lors de la saison cyclonique face aux sinistrés dont le nombre ne peut que croître d’année en année. S’en remettre à l’internationale (Minustah ou aux quelques pays amis entreprenants) pour la reconstruction, cela correspond à une banalisation du désastre du 12 janvier 2010, les ressources nationales étant exclues des décisions. En vérité, le pouvoir donne l’impression qu’il ne cherche qu’à durer et à se reproduire tout en laissant aux naïfs la croyance qu’il serait au service de la reconstruction. Il n’est que de considérer le budget alloué au palais national, aux corps des députés et des sénateurs pour se rendre compte que l’Etat en dépit de ses maigres ressources est d’abord au service de ses dirigeants et ignore de surcroît tout principe d’austérité. Il arrive aussi que des services publics soient imités ou doublés par des particuliers proches du pouvoir ou tenus au-dessus de tout soupçon grâce à leur position sociale. Exemple : je peux, sans être un agent de police, disposer d’une voiture avec gyrophare, sirène, haut-parleur et des armes à feu, et faire la pluie et le beau temps dans les rues comme kidnappeur. Je peux aussi être un agent de police et fonctionner pour mon propre compte ou pour le compte d’autres entreprises qui n’ont rien à voir avec un service public de protection des citoyens. Les exemples ne manquent pas.
La reconstruction n’est possible qu’à la condition que l’Etat soit rétabli dans ses fonctions régaliennes, et parmi ses fonctions la justice qui suppose que les lois soient rétablies et appliquées pour tous sans acception de personne, et en second lieu, que l’ensemble des acteurs dans la société civile, y compris les partis politiques, soient mobilisés sur les problèmes essentiels du pays. Comment les dirigeants pourraient-ils, en s’enfermant sur eux-mêmes, appréhender ces problèmes de manière rigoureuse et avec succès ? Pour mettre en avant la nécessité d’une refondation de l’Etat, il faudra que le pouvoir accorde par exemple aux municipalités beaucoup plus de possibilité de participation aux projets de la reconstruction et donc qu’il soit moins hanté par le profit pour lui-même, sa famille, ses proches et ses partisans. En définitive, savons-nous assez que le développement des pays occidentaux et des pays émergents est parti du principe que l’Etat a dû créer d’abord des infrastructures comme routes, énergie, justice, environnement, décentralisation et par-dessus tout éducation élevée potentiellement pour tous les citoyens, bref toutes choses qui -dans le cas d’Haïti- supposent qu’on cesse de banaliser le désastre du séisme et que la politique partisane ou de business avec l’Etat ne prenne pas le pas sur la reconstruction et donc sur la production d’une nouvelle société haïtienne ?
Paris, Port-au-Prince, le 12 novembre 2012
La FIDH et ses organisations membres en Haïti, le Réseau national pour la défense des droits humains et le Centre Œcuménique des Droits Humains, publient aujourd’hui un rapport alarmant sur l’insécurité humaine qui persiste en Haïti malgré l’aide humanitaire exceptionnelle apportée après le séisme du 12 Janvier 2010.
Près de trois ans après ce drame, plus de 80% de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté, dans une situation de précarité extrême que la tempête Sandy n’a fait qu’aggraver. Pour les quelque 370.000 victimes du séisme qui vivent encore dans les camps de déplacés, la situation empire de jour en jour : les conditions de vie y sont indignes et se dégradent, les expulsions forcées se multiplient dans les camps implantés sur des terrains privés, les populations sont abandonnées par les ONG et se trouvent dans une situation de vulnérabilité extrême. Dans l’environnement dégradé et dégradant de ces camps les violences ne font que croître et les femmes et les filles continuent à être particulièrement exposées aux violences sexuelles.
Le rapport déplore que les solutions apportées jusqu’à présent aux victimes du séisme soient insuffisantes, précaires et aient repoussé les problèmes, dans le temps et dans l’espace, plutôt que de les résoudre. Ce constat est d’autant plus choquant que la communauté internationale s’était engagée à apporter un soutien massif à la reconstruction du pays au lendemain du tremblement de terre meurtrier qui a ébranlé la nation toute entière (près de 300.000 morts et plus d’un million et demi de personnes déplacées).
Ce cri d’alarme sur le sort des populations les plus vulnérables des camps concerne aussi l’extension de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans l’ensemble du pays. Là encore, force est de constater que l’insécurité humaine persiste et s’aggrave, en particulier l’insécurité alimentaire. Et cette situation ne doit rien à la fatalité mais aux choix de politiques économiques nationales largement dominées par des décideurs internationaux.
« Les politiques publiques à court terme ne peuvent garantir l’accès de la population aux droits fondamentaux, en particulier le droit au logement, à l’alimentation, à la santé et à l’éducation » a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
A cette absence de sécurité sur l’accès aux droits fondamentaux s’ajoute une insécurité juridique persistante, particulièrement flagrante dans les prisons et dans les graves dysfonctionnements de la police et du système judiciaire. C’est un autre constat qu’illustre le rapport.
Près de 70% de la population carcérale se trouve aujourd’hui en détention préventive prolongée, parfois depuis plusieurs années, sans avoir accès à une assistance juridique. Les conditions de vie dans les prisons sont inhumaines et dégradantes. Du fait de l’insalubrité et de la promiscuité qui règnent dans les établissements pénitentiaires, 275 détenus sont morts du choléra depuis son apparition en octobre 2010.
Depuis le début de l’année 2012, on constate une situation d’insécurité croissante, caractérisée par une multiplication des enlèvements et une augmentation des meurtres par balles, en particulier dans la zone métropolitaine. Malgré le début d’un processus d’épuration des agents de la Police nationale haïtienne (PNH), l’implication de certains d’entre eux dans des activités délictueuses ou des violations des droits de l’Homme persiste.
Les graves défaillances du système judiciaire sont à l’origine de la perpétuation de l’impunité, de l’absence d’accessibilité de la justice et de la persistance de la corruption. En outre, bien que le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ait été mis en place en juillet 2012, la FIDH, le RNDDH et le CEDH ont exprimé leur inquiétude sur son impartialité et son indépendance, du fait de la persistance des velléités d’intromission de l’Exécutif dans le pouvoir judiciaire. De surcroît, l’ordonnance du juge déclarant prescrites les charges pour génocide et crime contre l’Humanité à l’encontre de l’ancien dictateur Jean Claude Duvalier soulève de sérieux doutes quant à la volonté de la justice haïtienne de condamner les exactions commises sous la dictature.
Dans ce contexte, le rapport a également souligné les interrogations qui se posent sur le rôle de la Mission des Nations Unies chargée du maintien de la paix et de la sécurité en Haïti , la MINUSTAH.
Les résultats de ses opérations sont très mitigés et soulèvent de nombreuses critiques à l’intérieur du pays. Suite au renouvellement de son mandat, le 12 Octobre 2012, pour un an par le Conseil de sécurité des Nations Unies, la FIDH, le RNDDH et le CEDH accueillent favorablement la réduction des effectifs militaires ainsi que la demande adressée aux pays qui fournissent des contingents de faire en sorte que les actes mettant en cause leurs ressortissants fassent l’objet d’enquêtes et soient sanctionnés.
Après ce constat des menaces les plus graves qui pèsent sur la sécurité humaine dans ces différents domaines, la FIDH, le RNDDH et le CEDH souhaitent interpeller les principaux acteurs décisionnels nationaux et internationaux qui ont, à différents degrés, le pouvoir de réformer, de transformer et d’impulser des politiques capables de répondre aux défis du relèvement d’Haïti et de l’établissement d’un État de droit.
A cette fin, le rapport formule un ensemble de recommandations concrètes, parmi lesquelles figurent les priorités suivantes :
Aux autorités haïtiennes
• Garantir des conditions dignes de relogement et un accompagnement des déplacés qui vivent encore dans les camps et ce sur la durée ;
• Mettre en œuvre les mesures conservatoires demandées par la Commission interaméricaine des droits de l’Homme le 16 novembre 2010 contre les expulsions forcées ;
• Mettre en œuvre les mesures conservatoires demandées par la Commission interaméricaine des droits de l’Homme le 22 novembre 2010 en faveur des femmes et des filles déplacées ;
• Prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la surpopulation carcérale et assurer des conditions de détention dignes ;
• Juger les personnes en détention préventive prolongée et assurer une assistance juridique à chaque personne prévenue ;
• Mener à bien le processus de formation de la Police Nationale ainsi que le processus d’épuration de la PNH ;
• Refuser l’impunité pour Jean Claude Duvalier : qu’il puisse être jugé et condamné en appel pour les crimes contre l’Humanité perpétrés sous son régime ;
• Mettre en œuvre un travail de mémoire en l’honneur des victimes de la dictature.
A la communauté internationale
• Appuyer et renforcer les institutions démocratiques du pays et lutter contre les pratiques de corruption ;
• Assurer une plus grande coordination des projets de reconstruction et de développement avec les acteurs publics et privés en privilégiant les solutions durables qui associent les populations concernées ;
• Mener ces projets en concertation et partenariat avec la société civile haïtienne ;
Au Conseil de Sécurité des Nations Unies
• Appeler la MINUSTAH à reconnaître sa responsabilité dans le déclenchement de l’épidémie de choléra et à établir une commission permanente de réclamations ;
• Exiger de la MINUSTAH qu’elle communique publiquement sur le suivi des procédures impliquant les soldats rapatriés et les procès initiés à leur encontre, en vertu de la politique de tolérance-zéro ;
• Recommander l’amendement du Status of Forces Agreement entre les Nations unies et le gouvernement haïtien, de manière à contraindre les soldats de la MINUSTAH responsables de violations des droits de l’Homme à être soumis à des poursuites devant un tribunal de droit commun dans leur pays d’origine.
Contacts presse :
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Pierre Esperence : +509 37762101 (à Port-au-Prince )
Paris, octobre 2012
Le premier titre de la grande trilogie de Jean-Claude Fignolé
Les nuits de pleine lune, la petite ville des Abricots, en Haïti, mène une vie intense. La misère, mauvaise conseillère, révèle les humains en perpétuel combat avec les éléments. La terre et les habitants plient sous la sécheresse et les cyclones. Agénor poursuit un poisson borgne ; Violetta est amoureuse de l’eau et de la nuit ; Louiortesse, ressasse sa haine et sa vengeance... Leurs sorts se mêlent aux histoires racontées par les grands-mères, de génération en génération.
À partir d’une simple chronique villageoise, Jean-Claude Fignolé brosse, en jouant avec l’humour de tous les registres, une cosmogonie imaginaire où se retrouvent la religion vodou, les plus anciens mythes de ¬l’Europe et de l’Orient, la satire vengeresse d’une société où règnent l’arbitraire et la corruption. Un monde réinventé dans la lueur de la lune et les vapeurs de l’alcool.
Paris, Port-au-Prince, 8 octobre 2012
Communiqué de presse
http://www.fidh.org/Nos-organisations-demandent-la-fin-12262
A l’occasion du renouvellement du mandat de la Mission des Nations pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) qui s’achève le 15 octobre, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) et le Centre Œcuménique des Droits Humains (CEDH) appellent le Conseil de sécurité à inclure des dispositions et des mécanismes pour lutter contre l’impunité des violations des droits de l’Homme commises par des membres du contingent militaire de la MINUSTAH.
Ces dernière années, la MINUSTAH a dû faire face à plusieurs allégations de graves violations des droits de l’Homme visant des membres de son personnel, y compris de violences sexuelles. Si en vertu de la politique de tolérance-zéro prônée par l’ONU, les militaires mis en cause ont été renvoyés dans leurs pays d’origine, seulement trois cas font l’objet d’un suivi judiciaire. Les autres cas sont soit demeurés impunis, soit ils ont fait l’objet de poursuites devant des juridictions militaires, aboutissant tout au plus à des sanctions disciplinaires.
Par ailleurs, s’il est maintenant clairement démontré que l’épidémie de choléra, qui a entraîné la mort de plus de 7000 personnes, a été causée par l’absence d’infrastructures sanitaires sur la base de la MINUSTAH à Mirebelais, celle-ci continue à nier sa responsabilité dans son apparition, et les victimes n’ont reçu aucune réparation.
Face à ce contexte d’impunité, la FIDH, le RNDDH et le CEDH appellent le Conseil de sécurité à exiger de la MINUSTAH qu’elle communique publiquement sur le suivi des procédures impliquant les soldats rapatriés, en vertu de la politique de tolérance-zéro, et à recommander l’amendement du Status of Forces Agreement entre les Nations Unies et le gouvernement haïtien, de manière à contraindre les soldats de la MINUSTAH responsables de violations de droits de l’Homme à être soumis à des poursuites devant un tribunal de droit commun dans leur pays d’origine.
La FIDH, le RNDDH et le CEDH appellent la MINUSTAH à reconnaître sa responsabilité par négligence dans le déclenchement de l’épidémie de choléra et à établir une commission permanente de réclamations. Des mesures en faveur de réparations collectives et individuelles, ainsi qu’en faveur d’investissements en infrastructures de traitement des eaux en Haïti devraient également être prises.
A l’occasion d’entretiens avec des membres du Conseil des sécurité et de représentants permanents auprès des Nations Unies, la FIDH et le RNDDH ont présenté d’autres recommandations dans la perspective du renouvellement du mandat de la MINUSTAH, qui incluent la diminution de son contingent militaire et le renforcement de sa coordination avec la Police Nationale Haïtienne, qui devrait être en mesure de lutter efficacement contre l’insécurité.
Contact presse : Arthur Manet - Tel : +33 6 72 28 42 94 (à Paris)
Port-au-Prince, - octobre 2012
par Laënnec Hurbon
L’espace public connote pour le sens commun en Haïti les rues encombrées d’étalages, de garages improvisés, des places publiques transformées partiellement ou totalement en marchés, de trottoirs quadrillés en boutiques, restaurants et entreprises diverses, bref des espaces occupés anarchiquement par des flots de paysans rejetés de l’agriculture, et qui croient que la vie peut fleurir partout ailleurs que chez eux. Bien entendu, ceux que nous nommons aujourd’hui paysans sont depuis longtemps dépaysanés, cependant qu’ils reconstruisent les campagnes rurales en plein cœur de la capitale. Désormais, on peut dire que Port-au-Prince est en reconstruction permanente, mais en tant que ville rurale, dans la mesure où l’exode des campagnes n’a jamais cessé depuis la fin du XIXe siècle, et s’accélère au fur et à mesure que le pays s’installe dans des crises politiques et économiques. Que se passe-t-il quand de surcroît des catastrophes naturelles (séisme, inondations, cyclones) viennent se mélanger à ces crises ?
Nous avons vu justement comment, à la faveur du désastre majeur que représente le séisme du 12 janvier 2010, tout ce qui restait ou était perçu comme public a été rapidement et systématiquement occupé, au point que la ville de Port-au-Prince semblait recevoir l’estocade finale de son urbanité. Comment donc penser ou repenser l’espace public dans le contexte de la reconstruction post-séisme, ou plutôt dans le projet (encore utopique) de la reconstruction ? Et tout d’abord, ne relève-t-on pas quelques malentendus qui planent sur le concept d’espace public lorsqu’on est porté à n’y voir rien d’autre que l’espace physique ?
Il y a une histoire de la dégradation de l’espace public annoncée par le regretté architecte Albert Mangones dès 1955 (voir le recueil d’articles publié en 2000 par FOKAL) à propos de cette Port-au-Prince qui se précipite vers sa déchéance comme ville du fait de son incapacité à gérer l’espace en fonction de la démographie. Pourtant, entre 1946 et 1956, la capitale offrait encore une image de ville attrayante, et elle comptait même parmi les meilleures destinations touristiques de la Caraïbe. Le front de mer dit bicentenaire représentait un lieu de promenade où des personnes de toutes les couches sociales pouvaient se rencontrer le soir et le dimanche. Mais ce qu’il convient immédiatement de remarquer, c’est la sécurité du lieu au double niveau environnemental (absence de pollution) et vital (pas de kidnapping, de braquage ni de meurtre à répétition).
C’est à partir de la terreur duvaliériste que l’on commence à fuir les espaces publics, c’est-à-dire que les espaces publics commencent à se raréfier. En revanche, sous le régime de Jean-Claude Duvalier, on a pu avoir pendant quelques années l’impression d’une libéralisation, mais celle-ci restait orientée pour le bien-être d’une minorité, et le contraste était saisissant avec les boat people qui fuyaient vers la Floride ou les îles Bahamas. Dans le même temps, les bidonvilles ne cessent de grossir et de se multiplier tandis que Port-au-Prince devient peu à peu ce que nous connaissons aujourd’hui : l’engorgement, les occupations anarchiques, bref ce que seront les camps de réfugiés du séisme, je veux parler de la multiplication des espaces de non-droit, qu’il s’agisse donc des quartiers populaires constitués en zones séparées ( de type apartheid) où il est dangereux de se trouver (les habitants eux-mêmes de ces espaces sont les premiers à ressentir le danger). On pourrait penser que les espaces publics sont aujourd’hui occupés par « le peuple », c’est-à-dire les couches populaires pauvres des bidonvilles, et que ce serait ainsi un juste retour de justice, les pauvres reprenant les places d’où ils étaient et sont exclus. A la vérité, cette soi-disant justice est un pur leurre, car un espace public doit être géré, c’est-à-dire légiféré par l’État, sous peine de sombrer dans l’anarchie et de donner libre cours aux pouvoirs des gangs qui, en fin de compte, privatisent à leur profit ce qui devrait demeurer un espace public.
Revenons à l’acception véritable de l’espace public. La question de la sécurité que nous avons située au premier plan prend son sens et mérite d’être tenue pour l’un des présupposés de base à l’existence d’un espace public. Pourquoi ? Parce que ce qui caractérise l’espace public, c’est le libre accès de tous les citoyens à cet espace, c’est donc un espace qui manifeste et énonce silencieusement mon droit d’accès libre en toute sécurité comme citoyen à cet espace. Précisons cette problématique. L’espace public constitue beaucoup moins un espace physique qu’un lieu où se développent des pratiques de communication à partir de réseaux visant à faire passer des flux d’opinions sur les problèmes concernant la vie de la communauté ou de la nation. Le célèbre sociologue allemand, Jürgen Habermas, soutient que le public en question de l’espace public n’est rien d’autre que « la totalité des citoyens ».
Justement, il ne peut exister d’espace public sous une dictature, non plus que d’espace privé. Tout bon dictateur s’agace rapidement de la prolifération des medias et surtout du libre développement du journalisme d’opinion : un seul quotidien lui suffit, une seule radio et sa propre chaine de télévision, il lui faut maintenir sous son contrôle jusque l’imaginaire des citoyens. Les rassemblements de rue devront être interdits, à l’exception de ceux qui sont à sa dévotion, les associations doivent éprouver de la difficulté à obtenir le droit de fonctionner, les écoles, les universités et les centres de conférences et de cinéma… ne sont pas pour lui des lieux de diffusion de pensée libre ; bref, l’individu ne jouit plus de la moindre autonomie. On se doute que l’espace public ne peut être qu’une conquête à raviver et à consolider continuellement, car il risque à tout moment de basculer dans ce que Habermas appelle la condition panoptique, signifiant par là que toute la vie se déroule sous l’œil cannibale du pouvoir. Dis-moi de quel espace public tu disposes et je te dirai ton niveau d’État de droit et de démocratie.
En somme, il ne suffit pas qu’une ville ait des espaces publics pris dans le sens de places publiques, de terrains libres, de rues et de trottoirs désengorgés. Certes, ces espaces demeurent indispensables, ils forment les infrastructures de l’espace public proprement dit. Ce qu’est à vrai dire l’espace public, c’est tout à la fois ces infrastructures et les flux d’opinions qui ne cessent d’alimenter la vie politique, et qui procèdent virtuellement de l’ensemble des citoyens, toutes classes et toutes catégories sociales confondues. Les infrastructures servent donc en tout premier lieu à proposer des lieux par où passe ce qui est vécu dans l’espace privé ; elles servent donc à favoriser l’expression de positions diverses sur la vie, l’histoire et l’orientation actuelle de la nation.
Comment donc expliquer qu’on puisse parler de la reconstruction de Port-au-Prince, sans qu’on mette à l’avant-poste les projets qui concernent d’abord la collectivité, c’est-à-dire ceux qui lui permettent de s’identifier et d’avoir un sentiment d’appartenance ( à la nation), de comprendre que, même s’il existe des disparités socio-économiques, être Haïtien n’est pas assimilable à la position d’une quasi-ethnie ( comme on pourrait être de l’ethnie Haoussa, ou de l’ethnie Baka), mais à la position de citoyen à l’égal – au niveau des droits fondamentaux- de tous les autres citoyens du pays. Prenons le cas de Morne à Cabri et de Canaan. Je suis allé à Canaan (sur la route des Arcadins) enquêter avec d’autres chercheurs sur leur installation dans la zone, j’en suis sorti totalement abasourdi par ce que j’ai observé. Les projets de Canaan et de Morne à Cabri ont tout l’air d’être des projets qui consistent à se débarrasser de ce qui est constitue une gêne. On y découvre sans peine une absence totale d’infrastructures (eau, électricité, routes, rues, écoles, centres de santé, de loisirs, de conférences, d’écoles, etc. On commence par produire des logements (c’est-à-dire des alvéoles) un peu comme ceux que les colons offraient jadis aux esclaves dans leur « bonté »-, puis quelques pasteurs improvisés montent de toutes pièces avec audace des baraquements servant d’églises et d’écoles payantes. En attendant, on aura paré au plus pressé, durant le temps que les gangs font la pluie et le beau temps dans ces espaces qui n’auront bientôt rien à envier à Cité Soleil (du moins dans les années 2001-2006). Il n’y a pas lieu de penser que cette situation est marginale et qu’elle ne correspond pas à celle de la capitale. Au fond, que se passe-t-il avec la politique nationale de logement ou encore avec la reconstruction des bâtiments publics dont notamment le palais national ? Prenons ce dernier cas. Il a l’avantage d’être flagrant. Or on cherche en vain la preuve que le palais n’est pas la propriété privée de celui qui, en principe, ne l’occupe que provisoirement. Le palais national est censé être un espace public. Pourquoi sans aucune discussion avec les concernés (qui ne sont pas le président et sa famille, mais le peuple haïtien à travers les associations de la société civile), s’en remet-on à des ONG ou simplement aux États-Unis ? Penser l’espace public ne peut donc pas être réduit à la seule construction de logements par les familles ; il s’agit de créer les conditions d’un exercice effectif de la citoyenneté à travers des lieux susceptibles de renforcer le lien social par les communications qu’ils favorisent entre les individus et entre les associations de la société civile, et donc par la focalisation de la reconstruction sur les questions relevant de « la chose publique » ( écoles, centres de santé, cinéma, circulation, salles de conférences, espaces de rassemblements, marchés, monuments, jardin public, etc.).
Port-au-Prince, 3 octobre 2012
Par Leslie Péan *
Soumis à AlterPresse le 1 er octobre 2012
Haïti est en pleine ébullition et peut-être à la veille d’une révolte populaire. La grande manifestation du Nord du 27 septembre écoulé a illustré l’existence d’une conjoncture de crise similaire à celle que le philosophe anglais John Locke définissait en 1690 comme « une rébellion visible, ouverte et éclatante [1]. » À la capitale Port-au-Prince, le 30 septembre 2012, brandissant le carton rouge signifiant la disqualification du président Martelly et la nécessité de l’expulser du terrain politique, plusieurs milliers de manifestants criaient Vle pa vle, fòl ale (Qu’il le veuille ou non, il doit partir) [2]. La présence des Paul Denis, Turneb Delpé et de nombreux autres ténors de l’opposition démocratique à cette manifestation est très significative. Il faut maintenant taire les contradictions secondaires avec le mouvement lavalasse et privilégier la contradiction principale avec le pouvoir absolutiste tèt kalé. C’est ce que demande la moindre réflexion mais aussi ce qu’exige le réalisme !
Les contestations pleuvent contre le gouvernement : Miragoâne, Petit-Goâve, Jérémie, Cayes, La Chapelle, et surtout le Cap-Haitien où trois manifestations ont eu lieu depuis le 13 septembre avec des foules scandant des cris de colère et de désespoir. Ailleurs, la résistance s’organise. Contre l’arbitraire et l’injustice d’un chef d’État qui nage dans l’improvisation et accumule gaffe sur gaffe, provocation sur provocation. Qui bâillonne les libertés publiques, viole la propriété privée, comme c’est le cas avec son voisin limitrophe, le docteur André Morno [3]. Réaction prévisible, les citoyens investissent les rues pour dire Non. Tous les citoyens et toutes les couches sociales sont concernés : parlementaires, juges, commerçants, paysans, ouvriers, chômeurs, etc. Tous prennent la parole pour dénoncer en chœur les forfaitures du Conseil Électoral Permanent, du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), de la corruption et du gaspillage des deniers publics qui s’étalent à vue d’œil.
La diaspora a répondu à cette levée de boucliers avec la manifestation tenue le mercredi 26 septembre devant le Brooklyn College à New-York. Les manifestations sont la preuve par quatre que le peuple a retiré sa confiance au gouvernement. Le peuple ouvre grand les deux bras et commence à exiger son départ pour trouver sa délivrance. Ce que d’autres traduisent par le slogan « Délivrer ou se désister ».
Le gouvernement en place n’est pas à la hauteur des défis de l’heure. Ses membres se comportent comme de vulgaires petits jouisseurs sans conscience et dont les seules préoccupations consistent à s’amuser, à boire, à forniquer et à courir les carnavals. Dans la crise économique et financière internationale actuelle, où les gouvernements des pays donateurs mènent une politique d’austérité, le gouvernement haïtien augmente sans vergogne le nombre des sinécures et portefeuilles ministériels confiés à des copains.
Sur le plan de la gouvernance, c’est l’imbroglio de la témérité avec dix-huit Ministres et vingt Secrétaires d’État au gouvernement Martelly/Lamothe (soit un total de trente-huit membres) alors qu’il n’y en avait que vingt-sept sous celui de Préval/Bellerive en 2009, vingt-quatre sous Préval/Pierre-Louis en 2008, vingt-trois sous celui de Préval/Alexis en 2006. L’inconscience triomphe avec ce cabinet ministériel de trente-huit membres pour une population de 9,9 millions d’habitants, tandis que le gouvernement français a trente-quatre membres dirigeant un pays de 65 millions d’habitants.
Supériorité krizokal et politique du crachat
Aux États-Unis, le président Obama propose de réduire d’un tiers le déficit public de quatorze mille-milliards de dollars, soit de quatre mille-milliards de dollars sur 12 ans et coupe le budget fédéral pour 2012 de 38 milliards de dollars. En France, face au président Sarkozy qui annonçait le gel des salaires du président de la République et des ministres jusqu’en 2016, son concurrent François Hollande est allé plus loin et a proposé, s’il est élu président, de réduire de 30% les salaires du président et des ministres. La mesure a été adoptée au premier conseil des ministres de son quinquennat le 17 mai 2012.
En Haïti, c’est la politique du gaspillage qui prédomine. Le président Danilo Medina, de la République dominicaine, vient en visite aux Nations Unies à New York avec une délégation de sept membres [4], tandis que la délégation haïtienne conduite par le président Martelly compte quarante-cinq membres [5]. Contrairement à la délégation dominicaine, cette délégation est composée de comparses et d’éléments tellement insignifiants que le pouvoir n’a pas jugé nécessaire de les identifier. Surprenant ! Peccadille ou cas pendable ? C’est bizarre quand même. On ne comprend pas cet acharnement à se surpasser dans la bêtise. Cela ne ressemble-t-il pas à une arnaque pour encaisser des per diem, une escroquerie qui ne veut pas dire son nom ? Une manière inconsciente d’afficher la propension au gaspillage ?
La boucle est bouclée par Edwin Zenny, un sénateur du parti présidentiel, qui crache au visage du juge Bob Simonis en lui intimant l’ordre de se la boucler [6]. Sans tourner autour du pot, en voulant redorer son image mulâtriste et revendiquer une « supériorité krizokal », l’agresseur a déclaré : « Tu dois respecter un mulâtre, Edo Zenny te connaît, mais pas le sénateur Zenny. Je suis blanc, et toi tu es nègre [7]. » C’est osé, scandaleux et explosif. La coupe est pleine avec un gouvernement qui après 16 mois au pouvoir est déjà émaillé de mésaventures les unes plus répréhensibles que les autres. La barbarie et la sauvagerie sont aux commandes avec une flagrante absence de lucidité.
Le petit clan au pouvoir
Le scandale est partout et quand il ne l’est pas, c’est le malaise. L’échec du petit clan au pouvoir vient en tout premier lieu de son inexpérience politique et du comportement aberrant du président consistant à agir comme si tout dépendait de lui et qu’il n’existait pas d’institutions dans le pays. Ayant été catapulté au pouvoir par une communauté internationale aux abois qui fuyait comme la peste le regroupement mascarade Inité-Préval, le petit clan au pouvoir n’a pas compris que les temps ont changé et que le président de la République ne peut plus faire à sa guise. Sans qu’aucune loi ne soit votée au Parlement, et avant même qu’un premier ministre soit approuvé, le gouvernement Martelly a imposé une taxe (présentée comme une redevance) d’un montant de $1.50 sur le montant de chaque transfert d’argent reçu en Haïti et de 5 cents sur chaque appel téléphonique vers Haïti. Ces mesures sont illégales, car n’ayant jamais été ratifiées avant ou après leur mise en vigueur par une loi de finances. C’est donc un vol perpétré contre les plus pauvres, un vol pratiqué par une clique dont les membres se comportent comme des gangsters qui ont fait main basse sur l’État.
La clique au pouvoir n’a pas analysé la situation de l’assemblée législative composée en majorité de députés frauduleusement élus. Comme le dit l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL) dans sa dernière Adresse à la nation, cette assemblée législative regroupe « une flopée d’élus issus d’élections préprogrammées, les plus rocambolesques de l’histoire de ces trente dernières années, sous l’arbitrage scandaleux de juges électoraux vénaux. » Le petit clan au pouvoir a plongé tête baissée dans la voie tracée par ses prédécesseurs. En ayant recours à l’achat des votes des parlementaires afin que ces derniers votent pour son Premier ministre, il s’est enfoncé dans le piège infernal de la corruption. De nos jours, les députés ne se vendent pas mais se louent plutôt, l’espace d’un vote et même pas celui d’une législature.
Ne disposant pas de ressources financières pour acheter indéfiniment les votes nécessaires pour passer les moindres lois, le pouvoir exécutif creuse chaque jour sa tombe et commence à en creuser pour ses collaborateurs des pouvoirs législatif et judiciaire. Sa dernière découverte a été le recours aux arrestations arbitraires de trente-six personnalités politiques dont les avocats Newton St. Juste et André Michel. La tentative a avorté grâce à la rectitude du commissaire du gouvernement Jean Renel Sénatus qui a payé cher cet acte de courage. Les élections pour le renouvellement du Sénat n’ont pas eu lieu aux échéances fixées de sorte que le président Martelly n’a pas passé le test fondamental de la démocratie qui fait du chef de l’État le garant du fonctionnement normal des institutions.
Le gouvernement Martelly, son propre ennemi
Ayant piteusement échoué, le petit clan au pouvoir est au bout du rouleau. L’opposition démocratique l’a placé devant une alternative : délivrer ou partir. Dans le premier cas de figure, le gouvernement abandonnerait sa logique de jeu à somme négative, dans laquelle tout le monde perd au moins une partie de sa mise, pour un grand jeu à somme positive où tout le monde gagne : la présidence, les partis d’opposition, le pays tout entier. Dans le second cas de figure, le gouvernement lui-même peut encore se racheter en démissionnant. C’est le choix qu’ont fait, ces derniers temps, Silvio Berlusconi en Italie et George Papandréou en Grèce. Quand l’exécutif ne peut plus corrompre avec des enveloppes bourrées d’argent, il doit se rendre à l’évidence : la partie est terminée.
Signe des temps, la population des Cayes a déjà manifesté son indifférence face à l’argent envoyé pour la corrompre. Hier, c’était celle du Cap-Haitien qui, le 27 septembre 2012, donnait la preuve que rien ne va plus. Comme l’écrit Daly Valet dans l’éditorial du 28 septembre 2012, « L’échec au Cap-Haïtien de la "tactique des enveloppes " n’est autre qu’un camouflet à tous ceux qui croient, en tout et partout, aux vertus anesthésiantes et aphrodisiaques de l’argent [8]. »
Le président de la République est aujourd’hui la principale victime de la guerre qu’il a déclarée à la société haïtienne. Guerre du divertissement carnavalesque qui a sur le coup apparemment réussi mais qui, en fait, a piteusement échoué. Avec les éléments en majorité sans scrupule qui le composent, le gouvernement Martelly est son propre ennemi. Pour essayer de sortir du pétrin, il doit commencer par résister à ses propres pulsions destructrices. Pourquoi l’ex-ministre de la Justice Josué Pierre-Louis (connu pour le crime d’arrestation d’un parlementaire en fonction) incite-t-il le commissaire Jean Renel Sénatus à envoyer au cabinet du juge d’instruction de Port-au-Prince le dossier de manipulation des fonds publics par Madame la présidente Sophia Saint-Rémy Martelly ?
Quel est le mobile caché de cette action terrifiante ? Un acte vengeur exercé froidement ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il il existe bien au sein du pouvoir une équipe d’artisans du chaos. Paradoxalement, c’est ce même Josué Pierre-Louis que le président Martelly a nommé président de son Conseil Electoral Permanent. Une autre forfaiture. L’avenir est sombre. Ce que les perspectives actuelles promettent en fait de larmes et de souffrances ne saurait plaire à personne. Dans le bras de fer qui se joue entre le gouvernement Martelly et l’opposition démocratique, la réponse du pouvoir ne peut être ni la démagogie ni la rhétorique. Le président Martelly doit s’incliner. Les revendications du peuple haïtien sont légitimes et doivent être satisfaites.
[1] John Locke, Traité du gouvernement civil (1690), Université du Québec à Chicoutimi, Canada, 2002, p. 139.
[2] Amélie Baron, « Haïti : la colère contre le pouvoir gagne Port-au-Prince », RFI, 1er octobre 2012.
[3] André Morno, « Lettre ouverte au Président Michel Joseph Martelly », Le Nouvelliste, 21 septembre 2012
[4] La délégation dominicaine accompagnant le président Danilo Medina et son épouse aux Nations Unies était composée de Carlos Morales Troncoso (Ministre des Affaires Étrangères) ; Gustavo Montalvo (Ministre de la Présidence) ; José Ramón Peralta (Ministre des Affaires administratives présidentielles) ; Roberto Rodriguez Marchena (Directeur de la Communication) ; Miguel Mercedes (Directeur adjoint du Département d’Investigation Nationale) ; Carlos Pared Perez (assistant du Directeur adjoint du Département d’Investigation Nationale) et le General Adams Caceres Silvestre, chef de la garde militaire présidentielle).
[5] Haïti/Nations-Unies : Une délégation de 45 membres accompagnera Martelly et Lamothe à la 67e session de l’assemblée générale, AlterPresse, 25 septembre 2012.
[6] Thomas Péralte, « Un sénateur crache au visage d’un juge », Haïti Liberté, 18 Septembre 2012. Voir aussi Walter Cameau, « Le juge Bob Simonis humilié par le Sénateur Edo Zenny », Le Matin, 10 septembre 2002
[7] Thomas Péralte, op. cit.
[8] Daly Valet, « Le pouvoir comme hibou », Le Matin, 28 septembre 2012
Port-au-Prince, 2 octobre 2102
Par Daly Valet
http://www.lematinhaiti.com/
Le pays a faim. Du creux aux ventres. Les rues s’enflamment. Lavalas et alliés à l’heure de l’action militante ouverte anti-Martelly du Nord à l’Ouest. La grande manifestation de plusieurs milliers de capois, jeudi 27 septembre, contre le pouvoir Tèt Kale nous dit que le président Martelly a toutes les raisons de s’inquiéter. Il y a provocation et raidissement des positions de part et d’autre. Les secousses politiques et répliques sociales de ces derniers jours ont fissuré jusqu’aux fondations de la maison Martelly. Rien ne sera plus comme avant. Au point de se demander si cet édifice résistera à des mouvements déstabilisants répétitifs et durables de très forte magnitude. La maison est à revoir, restructurer et consolider dans l’immédiat. Bien entendu, si ses ayants droit tiennent à la sauvegarder.
M. Martelly s’est mis sur le dos, dans l’imprudence immature et l’insolence désinvolte, tous les secteurs vitaux de la vie nationale. D’importants hommes d’affaires et autres modestes entrepreneurs, réputés bons citoyens, par le chantage fiscal. Les catégories socio-processionnelles évoluées, par un populisme brouillon et hautain qui dévalue la connaissance et fait de la condition modeste des hommes et des femmes éduqués des classes moyennes un motif d’humiliation publique. La classe politique, par le rappel incessant de ses faiblesses et de ses tares et par la politique d’exclusion et sectariste poursuivie par le pouvoir au détriment de tout ce qui n’est pas un converti rose. La presse et les démocrates, par l’insulte permanente et par la peur qu’engendrent ces procédés autoritaires anachroniques qui tendent à faire des institutions autonomes et indépendantes de l’État des appendices dévoyés du Palais national. Un vrai record pour un pouvoir sans assise sociale, politique et institutionnelle. Washington et la Minustah ne sauraient être les seuls garants d’un régime responsable et soucieux de résultats dans la stabilité interne. D’ailleurs nul n’entrevoit un avenir où des casques bleus de l’Onu se mettraient à tirer à hauteur d’hommes sur des émeutiers de la faim pour défendre un pouvoir qui s’est délégitimé dans l’amateurisme managérial et son inefficacité patente à répondre adéquatement et sans bluff aux demandes populaires.
Les révocations et transferts abusifs opérés par le pouvoir dans l’appareil judiciaire, ces mutations dans les commandements policiers départementaux et ces remplacements dans les délégations aux fins de mater cette rébellion des rues et d’endiguer la contestation sociale signale l’embarras de l’équipe Tèt Kale à bien cerner les cordonnées profondes de la crise. L’impréparation des uns et des autres à assumer de hautes fonctions d’État semble sur le point de coûter très cher à la République au même titre que leur incapacité à donner des résultats dans des délais raisonnables alimente l’insécurité des rues et celle des ventres et des esprits.
Quand le pays réclame du pain, revendique un changement de politique et de direction, le gouvernement répond par des changements inopinés d’hommes et la distribution de petites enveloppes aux " têtes de pont " des zones réputées chaudes. L’action collective et la logique de la mobilisation politique semblent relever du mercenariat monnayable pour les officiels aux bracelets roses. L’échec au Cap-Haïtien de la " tactique des enveloppes " n’est autre qu’un camouflet à tous ceux qui croient, en tout et partout, aux vertus anesthésiantes et aphrodisiaques de l’argent.
Dimanche 30 septembre, les militants Lavalas et des milliers d’autres mécontents ont investi le macadam pour rappeler aux putschistes leur coup d’État d’il y a 21 ans. Une façon aussi pour ce secteur de rappeler au président Martelly que n’ont pas été oubliées les accointances de Sweet Micky, l’artiste populaire, avec Sweet Micky, le militaire putschiste. Les Titidiens indécrottables s’en souviennent même quand le pays a tourné la page et penche vers la nouvelle Haïti à édifier sur les décombres de ce pays qu’ont démantelé, pillé et abandonné dans l’indigence crasse les récentes élites gouvernantes. D’ailleurs, toutes proportions gardées, le bilan des années Titid est aussi sombre que celui des années putschistes. L’un semble être l’ombre portée, médiocre et caricaturale de l’autre. Évidemment, comme la calamiteuse performance de Préval a enfanté Martelly, l’insoutenable crétinisme de l’actuel pouvoir semble sur le point de nous réinventer Lavalas. Pour le meilleur. Ou pour le pire.
La grogne gagne quasiment toutes les régions du pays. Les gens tirent prétexte de tout pour occuper les rues et cracher dans la colère leur ras-le-bol : cherté de la vie, sentiment d’abandon dans l’arrière-pays, corruption supposée de la famille présidentielle, gaspillage dans le gouvernement, détournements et réallocations illégales de fonds publics, non respect des promesses électorales, soupçons de velléités présidentielles autoritaristes par la vassalisation d’institutions indépendantes comme le CEP et le CSPJ, transferts illégaux de juges, etc. La liste est longue de ces griefs retenus par la rue mécontente contre M. Martelly et son « équipe ».
Le Palais national n’a pas assez de cordes à son arc qui l’habiliteraient à calmer et renverser cette vapeur sociale montante et brûlante. Car, face à une population de plus en plus impatiente, affamée et furieuse en raison de promesses électorales roses non tenues, le pouvoir n’a pas de solutions miracles qui soulageraient la lancinante misère des tripes dans l’immédiat. La réponse au drame haïtien réside dans des politiques publiques patiemment élaborées et intelligemment exécutées. Les vraies solutions ne peuvent se déployer que sur le long terme. C’est là que le président Martelly est justement piégé. La population lui a enlevé, brutalement et brusquement, en seulement 16 mois de règne, à la fois le bénéfice du doute et du long terme. Elle ne lui a laissé, dramatiquement, que l’inconfortable obligation de gérer l’urgence dans l’efficacité et de tout résoudre vite et maintenant. Son mandat à la fois en jeu et en question.
Dans la droite ligne de nos traditions politiques, la tentation pourrait être forte chez le Président de se montrer suffisant, têtu et plus homme fort aux griffes déployées que Chef d’État visionnaire et humaniste à l’écoute de son peuple aux desiderata humains longtemps négligés. Autrement dit, le pouvoir comme son propre fossoyeur et hibou de malheurs. Ce serait doublement regrettable. Regrettable pour son mandat présidentiel mortellement atteint de nos maladies infantiles et enterré prématurément. Le processus d’institutionnalisation démocratique pâtira grandement de toute rupture brutale et chaotique du quinquennat présidentiel. Un tel spectre est à conjurer. Si, dans le judiciaire, l’ahurissant scandale Sanon-Sénatus cristallise l’implosion de ce bric-à-brac qu’on nomme abusivement « l’équipe Martelly », les risques sont bien réels d’une déstabilisation provoquée du pouvoir par la rue et orchestrée par ses adversaires politiques impatients et frustrés. Enfin, ce serait surtout regrettable pour un pays aux misères perpétuelles. Une Haïti qui subit secousses après secousses. Et dans l’infini recommencement.
D.V.
Port-au-Prince, août 2012
Après une année d’interruption due au séisme du 12 janvier 2010 au cours duquel la Fondation Roger Gaillard a perdu un de ses membres fondateurs, Micha Gaillard et une de ses lauréates, Rose-Nicolle Cadet, la FORG a repris en 2011 son concours annuel d’excellence en histoire contemporaine d’Haïti. Cette initiative se tient toujours en collaboration avec la Société Haïtienne d’Histoire et le Rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti et elle bénéficie, comme de tradition, de l’appui de la FOKAL.
Afin de dynamiser la recherche sur l’histoire de notre pays, le lauréat bénéficie désormais d’une bourse d’études doctorales, dite « en alternance », toujours financée par le gouvernement français. La bourse est d’une durée de 18 (dix-huit) mois répartis sur les trois années d’inscription en doctorat dans une université française. Elle commencera en janvier 2013 pour se terminer à la fin de l’année 2015.
MODALITES DE CANDIDATURE
CRITERES D’ADMISSIBILITE :
Au moment du dépôt du dossier de candidature, être titulaire d’un Master 2 en Histoire contemporaine ;
Etre admis en doctorat dans une université française ;
Etre engagé dans une recherche relevant du domaine de l’histoire contemporaine d’Haïti ;
Etre de nationalité haïtienne ;
Résider en Haïti.
PROCÉDURE DE CANDIDATURE
Les candidats devront impérativement transmettre l’ensemble des documents suivants par courrier électronique :
Un curriculum vitae comprenant les informations personnelles (adresse postale, courriel, téléphone, etc.), les renseignements académiques (formation, publications éventuelles ou communications) ainsi que professionnels (fonctions occupées, activités éventuellement bénévoles, etc.) en indiquant, pour cette dernière rubrique, les coordonnées des institutions concernées.
Une lettre de motivation.
Un texte court présentant le projet de recherche : 2 à 5 pages maximum incluant les références bibliographiques et les fonds d’archives susceptibles d’être compulsés ;
Une attestation du directeur des travaux de doctorat au titre de professeur de l’université française (où le candidat est admis) ;
Deux lettres de recommandation d’enseignant/chercheur(s) d’universités haïtiennes, dont celle d’un professeur/chercheur s’engageant à suivre également les travaux du candidat.
AUCUN DOSSIER INCOMPLET NE SERA ACCEPTE.
Les candidats retenus peuvent être conviés à un entretien avec le jury de sélection.
Envoi du dossier par courrier électronique
forghaiti@gmail.com
Indiquer en objet : dossier de candidature 2013-2015
Pour plus d’information, veuillez consulter l’article consacré le 16 août 2012 par AlterPresse à cette bourse d’excellence :
www.alterpresse.org/spip.php ?article13242
Port-au-Prince, juillet 2012
Le Comité de Direction du Collège National des Ingénieurs et Architectes Haïtiens (C.N.I.A.H.), l’Association Haïtienne des Architectes et des Urbanistes (ASSHAU) et l’Association Haïtienne des Entreprises de Construction (AHEC) transmet une copie de la lettre conjointe adressée au Premier Ministre, M. Laurent Salvador Lamothe, en date du 6 juillet 2012.
Nous vous prions de bien vouloir en prendre connaissance et encourageons les membres de nos professions à y inclure leur nom en envoyant une confirmation sur la forme de contact disponible sur le site http://www.cniah.org/coordonneacutees-et-contact.html (page de contact) ou envoyer un email en ce sens à http://mail.bungener.com/edgedesk/cgi-bin/compose.exe ?id=016020f0dc8bd7c920ea3be88408e0bb4231&new=&xsl=compose.xsl&to=info%40cniah.org , ou encore passer la signer directement au bureau du CNIAH situé au :
22 Ave Magloire Ambroise
Champs de Mars, Port-au-Prince
Tel : 2943-1111
Port-au-Prince, le 6 juillet 2012
M. Laurent Salvador Lamothe
Premier Ministre
Gouvernement de la République d’Haïti
En ses Bureaux
Monsieur le Premier Ministre,
Le Collège National des Ingénieurs et Architectes Haïtiens (CNIAH), l’Association Haïtienne des Architectes et des Urbanistes (ASSHAU), et l’Association Haïtienne des Entreprises de Construction (AHEC) sont alarmés, interpellés, et dénoncent un état de fait qui s’est installé depuis la tragédie du 12 janvier 2010, et qui semble vouloir perdurer. Il s’agit de l’intrusion étrangère injustifiée dans les différentes branches professionnelles de l’ingénierie et de l’architecture dans notre pays.
Votre toute dernière annonce, relative à la convention signée le 13 juin 2012 entre le Gouvernement de la République de Chine (Taïwan) et le Gouvernement Haïtien, illustre cette attitude qui va à l’encontre des lois régissant l’exercice de ces professions en Haïti. Cet accord, portant sur un montant de USD 4,275,000.00, concerne la conception et les études de cinq (5) bâtiments publics : Cour de Cassation, Ministère de l’Economie et des Finances, Direction Générale des Impôts, Administration Générale des Douanes, Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif. Il semble qu’il aurait été décidé arbitrairement que ces études seraient assurées par un cabinet américain d’origine taïwanaise, l’OECC. Il semble également que d’autres contrats d’études, voire même d’exécution, auraient été attribués à d’autres sociétés étrangères, dominicaines en particulier, sans appel à concurrence, sans consultation, et surtout sans participation professionnelle haïtienne. Nous citons : le Palais de Justice, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère du Commerce, et le Parlement.
Haïti n’est pas le seul pays au monde à recevoir de l’aide internationale pour mener des opérations de conception, d’études, et d’exécution d’ouvrages publics. Ces pays exigent que des professionnels locaux soient adjoints aux professionnels étrangers en vue d’assurer une harmonisation et un échange de connaissances. Ce partenariat, librement consenti entre professionnels, est une exigence primaire de toute déontologie et est dicté en Haïti par nos règlements corporatistes. Cela aiderait à la création d’œuvres dans lesquelles seraient incorporés les éléments de notre riche culture et de notre architecture, qui ont tant fait la beauté et l’originalité de nos villes à une époque donnée.
Nous profitons de cette opportunité pour vous exprimer notre préoccupation sur le fait que ces études seront menées sans l’adoption préalable d’un plan directeur ou même d’un schéma d’aménagement de la Région Métropolitaine. L’impact qu’auront éventuellement ces édifices, sans raccordement à des infrastructures et équipements urbains préalablement pensés et localisés (drainage des eaux pluviales et traitement des eaux usées en particulier), sera probablement désastreux pour notre environnement.
Votre Gouvernement prônant le respect de la loi, qu’il nous soit permis de rappeler les termes des Articles 9 et 19, respectivement, du Décret du 25 mars 1974 ; et nous citons :
« ARTICLE 9.- Les Étrangers munis de diplômes reconnus par l’État Haïtien ne sont autorisés à exercer leur profession en Haïti que pour les spécialités dans lesquelles les cadres professionnels Haïtiens sont inexistants ou insuffisants et en se conformant aux dispositions de ce Décret et aux autres Lois en vigueur. »
« ARTICLE 19.- Il est entendu que les Départements Ministériels, les cours de justice, les Tribunaux, les Administrations Communales, les Organismes Publics Autonomes, etc... ne reconnaîtront comme valides que les plans, les études généralement quelconques, les documents ou certificats de travaux de Génie ou d’Architecture, soumis, par un ou des membres du Collège des Ingénieurs et Architectes Haïtiens. » _ fin de citation (les mots soulignés et en gras sont de nous).
Nous souhaiterions, Monsieur le Premier Ministre, que votre gouvernement reprenne le contrôle de ces affaires en requérant systématiquement l’établissement de partenariats entre professionnels haïtiens et cabinets confrères étrangers, comme le veulent nos lois. Il faut savoir que nos professionnels ne mesurent pas leur engagement (voire s’endettent lourdement pour certains) afin de se mettre à un niveau de compétitivité concurrentielle comme l’exigeaient les demandes de manifestations d’intérêt adressées par l’Unité de Construction de Logement et de Bâtiments Publics (UCLBP). L’intrusion professionnelle étrangère et injustifiée brisera l’élan de nos collègues et en amènera beaucoup à émigrer en terre étrangère, si rien n’est fait en ce sens.
Persuadés que vous saurez tout mettre en œuvre pour rectifier le cours des choses et réparer l’injustice faite à nos professionnels, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre haute considération.
Pour le CNIAH :
Gérard Luc Jean-Baptiste, Ing., Président - Gérald Emile Brun, M. Arch., Vice-Président - Alix Multidor, Arch., Trésorier
Ginette Baussan Bungener, Arch., Secrétaire Général - Hervé B. Déjean, Ing-Arch., Conseiller - Max Métayer, Ing., Conseiller
Olibrun Cangé, Ing., Conseiller - Pierre André Lorisca, Ing., Conseiller - Patrick Apollon, Ing., Conseiller
Pour l’ASSHAU :
Paul -Emile Simon, Arch. DPLGF., Président - Gerald Emile Brun, Arch-Urba., Vice Président - Frederick Mangones, Arch., Secrétaire
Raphaël Izméry, Arch., Trésorier - Lionel Allen, Arch., Conseiller
Pour l’AHEC :
Serge Saint Louis, Ing., Vice Président Jean-Robert Jacinthe, Ing., Secrétaire Général - Franck Romain Jr., Ing, 2ème Trésorier
Suivent quelques signatures de professionnels en appui :
Jacques Antoine, Ing - Dutène Délisca, Ing. - Gisela N. Brun, Arch
Martine Clerrobrun, Arch. - Martin Luther Jules - Georges Lescot, Arch.
Karine J. Bouchereau, Arch-Urba. - Serge Desplantes, Ing. - Ginette Chérubin, Arch.
Ronald Laraque, Ing. - Robert Paret, Arch. - Jeanine L. Millet, Arch
Jean-Bernard Millet, Arch. - Dominique Mathon, Arch-Urba. - Patrick Vieux, Arch.
Béatrice Larghi Corbanese, Arch. - Philip Magloire, Arch. - Jhostia Fuentes, Ing.
Marie Danièle E. Dauphin, Arch. - Gérald Oriol, Ing. PE ………. Et d’autres
Paris, le 26 juin 2012
L’éditeur en France de l’œuvre poétique du grand écrivain haïtien Anthony Phelps confirme l’information diffusée hier sur ce site, et soutient par ce communiqué de presse la position courageuse du poète de refuser l’hommage du Président Michel Martelly tant que le dictateur Duvalier ne sera pas emprisonné et puni pour ses nombreux méfaits.
Anthony Phelps sera présent en France du 20 au 28 juillet 2012 dans le cadre du festival de Sète (Hérault) : Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée.
Port-au-Prince, samedi 23 juin 2012
L’information est reportée par :
Radio Kiskeya : Haïti-France-Politique
Ce rare incident diplomatique entre Didier Le Bret et l’ancien tyran s’est déroulé samedi, en présence de témoins, chez les frères de Saint-Louis de Gonzague, à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de cette école congréganiste phare.
Jean-Claude Duvalier a été samedi au centre d’un incident diplomatique chez les frères de l’instruction chrétienne Saint-Louis de Gonzague où l’ancien dictateur s’est vu refuser la poignée de main qu’il voulait échanger avec l’ambassadeur de France, Didier Le Bret, a rapporté un témoin privilégié à Radio Kiskeya.
Cette scène s’est produite dans l’enceinte de l’établissement congréganiste lors de la cérémonie commémorative de son 122e anniversaire qui coïncidait avec les cinquante ans de vie religieuse du frère Serge Larose, ancien responsable de l’institution.
Présent dans l’assistance, le professeur d’histoire Josué Agénor Cadet précise que le diplomate français ne s’est pas contenté de réagir négativement à la demande de M. Duvalier de lui serrer la main. Il s’est automatiquement retiré pour se trouver une autre place, loin du visiteur encombrant.
Outre l’intéressé, divers anciens saint-louisiens devenus des personnalités assistaient à la cérémonie, parmi eux l’ex-Président général Prosper Avril.
Il s’agit du deuxième geste symbolique d’hostilité posé en quelques jours à l’encontre de l’ancien Président à vie (1971-1986), rentré au pays en 2011 de façon incompréhensible après un exil de 25 ans en France. La semaine dernière, le célèbre poète Anthony Phelps avait mis en avant l’impunité scandaleuse dont jouit l’homme pour rejeter une distinction que lui avait décernée le Président Michel Martelly ainsi qu’à plusieurs autres grands représentants de la littérature haïtienne contemporaine.
Circulant partout au volant de sa voiture, accompagné d’une escorte policière, l’ancien autocrate a été directement associé au projet de « réconciliation nationale » du chef de l’État malgré les graves accusations de crimes contre l’humanité, corruption et détournement de fonds publics portées contre lui.
Depuis l’ordonnance contestée rendue en janvier dernier par le juge instructeur Carvès Jean en faveur de Jean-Claude Duvalier, la procédure judiciaire engagée est pratiquement bloquée et il semble de moins en moins probable que l’ex-maître de Port-au-Prince soit jugé un jour pour les innombrables crimes de sang de son régime.
spp/ Radio Kiskeya
Paris, mai 2012
Nous avons le plaisir de faire passer cet article que l’ami Laënnec Hurbon a publié début mai pour le Bulletin de l’Observatoire de la reconstruction en Haïti . N’oublions pas en effet que si la reconstruction ne passe pas aux yeux de beaucoup de décideurs, haïtiens comme étrangers, par la culture, celle-ci demeure un patrimoine d’une richesse extraordinaire pour l’ensemble du peuple d’Haïti, une part essentielle du quotidien dont il serait difficile de se passer.
Laënnec Hurbon
Depuis plusieurs mois, les débats politiques restent focalisés sur le pouvoir exécutif et sa légitimité - (Le Président a-t-il oui ou non une double nationalité ?)-, ou encore sur les contrats concernant la reconstruction- (ces contrats relèvent-ils oui ou non des pratiques de corruption ?). Dans tous les cas, la reconstruction comme telle n’est pas encore au rendez-vous des préoccupations de la classe politique dirigeante. On ne pourra donc s’interroger sur la place de la culture dans la reconstruction que sur la base d’une fiction. Mais cet exercice n’est pas inutile, il peut éventuellement- là où la reconstruction est à l’état de projet- offrir quelques pistes de réflexion et d’action.
L’une des caractéristiques principales du chaos établi dans la capitale dès les premiers instants du séisme a été de mettre les survivants dans une proximité inattendue et inhabituelle avec les cadavres pour lesquels on ne pouvait guère disposer de moyens de procéder à une sépulture de manière digne. Cette modalité de rapport entre vivants et morts donne lieu à un trauma individuel et collectif. Un trauma qui sera d’autant plus profond et durable si le processus de reconstruction ne crée pas les conditions d’une mémoire-souvenir de la catastrophe. Dans le geste de la sépulture – ou plus exactement dans sa ritualisation- s’inscrit la capacité de faire le deuil des proches qui ont disparu. La mémoire-souvenir a précisément pour visée de favoriser l’oubli et l’apaisement des anxiétés. Tel devrait être le sens du projet de mémorial du séisme dont l’inauguration du 12 janvier 2012, deux ans après, laisse encore tout observateur dans la plus grande perplexité.
Pourra-t-on voir par exemple dans Titanyen, l’espace choisi par le pouvoir pour le mémorial, un lieu approprié, digne et apte à conduire vers le deuil et l’oubli réparateur ? On est autorisé à en douter, car cet espace n’a jamais signifié jusqu’ici que la banalisation des crimes de la dictature de trente ans des Duvalier qui savaient y abandonner leurs victimes -les opposants réels ou supposés-comme des bêtes et les priver de sépulture. La présence elle-même du dictateur à l’inauguration officielle du mémorial n’aura-t-elle pas pour effet de raviver et d’approfondir les blessures des victimes de la catastrophe politique que représentait cette dictature ?
D’une catastrophe à l’autre, la question de la mémoire demeure la croix du projet de reconstruction de la capitale. Toute culture est en effet fondée sur un mode particulier de rapport entre les vivants et les morts, entre le visible et l’invisible. Production continuelle de sens, élévation de soi vers une condition plus humaine, la culture ne peut jamais se déployer dans l’inattention aux traces du passé. Ainsi par exemple les noms de lieux comme la croix des Bossales et Fort dimanche, l’un renvoyant à la place du marché du bois d’ébène, l’autre au système de dégradation de l’humanité des prisonniers de la dictature duvaliériste, sont des sites de mémoire à l’égal des ruines des habitations sucrières coloniales situées aux alentours de Port-au-Prince, ou des nombreux forts et palais qui constituent une part importante du patrimoine bâti du pays. Sans nul doute, les premiers pas de la reconstruction seront repérés avant tout dans la quête et le respect des lieux de mémoire, ces marqueurs de l’identité de la capitale et de la nation. Mais attention ! C’est pour ne pas être esclave du passé et pour son dépassement qu’il convient d’inciter au respect des traces du passé.
L’opportunité offerte par le séisme du 12 janvier 2010 -à travers la destruction du palais national, des bâtiments ministériels, des universités et des écoles, de musées et de bibliothèques- consiste dans la possibilité de corriger ou de créer ce qui a été jusqu’ici négligé dans le domaine de la culture, c’est-à-dire de produire les dispositifs ( infrastructures et institutions) incontournables pour la créativité culturelle comme Palais des congrès, théâtre, conservatoire, musée, universités, salles d’exposition, espaces pour des festivals.
A la fin des années 1960, existaient pas moins de 16 salles de cinéma à Port-au-Prince, tandis qu’aujourd’hui pas une seule n’a survécu - non pas au séisme - mais aux péripéties de la longue et difficile démocratisation de la société de 1986 à nos jours. C’est dire que la stratégie de la reconstruction devra favoriser dorénavant tout ce qui de près ou de loin concerne ce qu’on appelle « le commun », ce qui fortifie ou relance le lien social, c’est-à-dire ce qui permet de sortir de la condition de l’apartheid culturel et social qui a été celle de la société haïtienne divisée en une élite ( politique et intellectuelle) de plus en plus réduite à une peau de chagrin et des masses livrées à la politique obscurantiste des pouvoirs. La sortie de l’apartheid culturel et social, tel est l’enjeu véritable de la reconstruction de la capitale et du pays, et donc l’effort à consentir pour faire renaitre une nation démocratique et cela passe par les moyens qui assurent le sentiment d’appartenance à une même terre, un même pays, bref qui pousse à habiter le pays et non plus à rêver constamment l’ailleurs, cette solution du désespoir politique vis- à- vis d’Haïti. S’il en est ainsi, il appartient aux Haïtiens eux-mêmes (d’ici, et de la diaspora), à travers leurs différentes structures socioprofessionnelles, de prendre en main de manière autonome les projets de la reconstruction.
Ce qu’on constate pour le moment, c’est encore - comme avant le séisme - l’occupation d’espaces publics (Champ de mars, Primature) ou privés (Morne Hercule à Pétion-ville, pour ne citer que celui-là) dans le plus grand désordre pendant plus de deux ans et dans l’indifférence par rapport aux problèmes environnementaux. Venues des bidonvilles environnant la capitale, des familles entières se sont précipitées vers ces espaces, attirées par les aides palliatives offertes par les ONG (eau, soins médicaux, kits alimentaires) et par l’espoir de recevoir gracieusement un logement ou de sortir d’un système de location appauvrissant. Canaan, sur une colline désertique de la route du Nord, c’est l’incarnation de cette utopie qui a toutes les apparences d’une chimère, tant les conditions de vie confinent à celles des bidonvilles. Tout se passe finalement comme si les espaces publics de la ville et de ses environs sont devenus les extensions des bidonvilles, et sont restés occupés par les marchés informels, en sorte qu’on retrouve avec peine les traces de culture qu‘abritent rues et maisons, même les monuments de l’indépendance semblent perdre leur signification.
Entretemps, dans le vacuum de la reconstruction et des institutions de l’État, plusieurs compagnies américaines ainsi que des ONG proposent des maisons préfabriquées susceptibles d’être implantées n’importe où et avec rapidité sans que la question culturelle ne les effleure. Seuls certains temples protestants se remettent debout au milieu de l’apathie administrative et de la panne de rêve du pouvoir ; ils parviennent à servir de lieu de consolation bien précaire au cœur de la banalisation de l’évènement du séisme. La culture devrait donner le ton à la reconstruction pour sortir de la politique traditionnelle dominée par l’improvisation et la corruption, mais tout concourt à montrer que la culture est pour le moment un pilier absent de la reconstruction.
Port-au-Prince, avril 2012
Notre ami Laënnec Hurbon nous communique cet article qui n’a malheureusement pas vraiment perdu de son actualité. La première partie est une réflexion du traducteur de l’article publié le samedi 21 janvier 2012 dans le journal El Nuevo Dia , à San Juan de Porto Rico, par le Président Oscar Arias, prix Nobel de la paix et ex-président du Costa Rica. C’est Pierre-André Trévant Duvert Desrosiers qui a traduit depuis l’espagnol.
NOTE DU TRADUCTEUR. La nouvelle de la réinstallation de l’armée haïtienne fut une grande surprise pour la communauté internationale. La réaction de l’ex-président du Costa Rica, Oscar Arias, prix Nobel de la paix, fut immédiate. Il mérite notre plus profonde gratitude, car il démontre encore une fois son amour pour le bien-être de notre pays.
Ses sages conseils et recommandations reflètent clairement l’expression sincère de son âme latino-américaine qui se sent solidaire de la cause de notre pays. Nous exhortons toutes les forces vives du pays à les apprécier et examiner.
Le Président Martelly n’est paraît-il pas bien conseillé. Nous l’exhortons aussi à relire l’histoire nationale et celle des pays latino-américains au cours des dernières décennies. Nous osons même lui recommander l’ouvrage intitulé, FABRICANTES DE MISERIA, écrit par Plinio Apuleyo Mendoza, Carlos Alberto Montaner et Alvaro Vargas LIosa, édité par Plaza et Janés en 1998. L’armée haïtienne ne peut, en aucune manière, aider à récupérer la dignité nationale, car depuis sa création comme force de gendarmerie en 1916, elle a toujours été un organisme répressif et autoritaire, auteur de coups d’État, une vraie sangsue pour le budget national, une marionnette au service des intérêts de la Maison Blanche, du Vatican et de ses propres membres. Récupérer la dignité nationale, c’est assainir les finances publiques, éradiquer la corruption, fortifier le système d’instruction publique, améliorer les conditions de santé, créer des programmes d’assistance sociale, relever le standard de vie des communautés pauvres paysannes, créer des emplois pour faire disparaître la misère, développer l’agriculture, réorganiser la Police Nationale pour assurer décemment la sécurité des vies et des biens et, en dernier lieu, promouvoir une administration publique saine et progressiste pour garantir le bien-être collectif. Ainsi Haïti cessera de tendre sa main de nation mendiante sur les pistes internationales.
Une fois entreprises, ces initiatives produiront des résultats et des avantages palpables qui conduiront Haïti vers le chemin de la grandeur, la noblesse, l’honneur et le respect, synonymes du concept de dignité dans laquelle les Haïtiens et les Haïtiennes seront traités, non comme un moyen, mais une fin en soi, selon la définition du philosophe Emmanuel Kant dans son ouvrage Fondement de la Métaphysique des Mœurs.
Réfléchissez, Président Martelly. Que le grand Architecte de l’Univers et les Génies protecteurs de la Nation et de la Race vous illuminent ! A bon entendeur, Salut !
A l’annonce du projet du gouvernement d’Haïti de doter à nouveau
le pays d’une armée, je me suis adressé au président Michel Martelly pour lui demander de reconsidérer cette décision. Je ne prétends pas manquer de respect envers la souveraineté de cette nation-sœur ; je désire seulement donner un conseil que je vois écrit sur les murs de l’histoire. En Amérique latine, la majorité des armées ont été les ennemies du développement, de la paix et la liberté.
Dans une grande partie du monde et surtout en Amérique Latine, les forces armées ont été la source du souvenir collectif le plus hostile. Ce fut la botte militaire qui piétina les droits humains de nos frères. Ce fut la voix du général qui prononça les ordres de capture les plus cruels contre les étudiants et les artistes. Ce fut la main du soldat qui tira dans le dos du peuple innocent. Dans les meilleurs événements de l’Histoire, les armées latino-américaines ont représenté une dépense très élevée non seulement pour nos économies mais aussi, au pis aller, une source permanente d’instabilité pour nos démocraties.
Le Projet Politique de Défense et Sécurité Nationale établit des objectifs diffus, tels que la prétendue nécessité de récupérer la dignité et la souveraineté haïtienne avec la réinstallation de l’armée.
Haïti n’a pas besoin d’une armée. Sa sécurité interne peut être à la charge d’un corps de police professionnel qui assurera l’exécution effective de la Loi. Sa sécurité nationale ne gagnera rien avec un appareil militaire qui ne sera jamais plus puissant que celui de ses voisins.
Haïti, Guatemala et Nicaragua occupent les trois dernières places de l’Amérique Latine dans l’indice de développement humain élaboré par le programme de Développement des Nations Unies. Peut-être n’est-ce pas par hasard que ces trois pays partagent d’autres conjonctures : ils ont, ou ils ont eu, des armées puissantes et un investissement social réduit dans le domaine de l’éducation et la santé. Les 95 millions de dollars du projet de réarmement devraient être investis dans l’éducation et la santé, le renforcement des institutions démocratiques du pays, afin de récupérer la confiance des Haïtiens et celle de la coopération internationale dont l’aide est indispensable et le sera pendant une plus longue période de temps.
Comme Haïti, Costa Rica est un petit pays. Son climat tropical l’expose aux ouragans et autres désastres naturels. Cependant, mon pays occupe la soixante-neuvième place mondiale dans l’indice de développement humain. Un enfant qui nait aujourd’hui à Costa Rica a l’espérance de vivre soixante-dix-neuf ans. Haïti occupe la cent-quarante-cinquième place, l’espérance de vie de l’enfant haïtien est de 17,4 ans plus réduite que celle de l’enfant costaricien.
La différence existant entre la population d’un pays et celle d’un autre se trouve dans l’éducation, les années de scolarité, l’enseignement multiforme, et le plein accès aux technologies de l’information et la communication.
A une époque donnée, la dictature régnait du nord au sud dans mon pays. A une époque donnée, le sifflement de la mitraille résonnait tout près de nos frontières. Au lieu de prendre les armes, Costa Rica s’est engagé dans la lutte pour la paix en Amérique Centrale. Nous n’avons pas eu besoin de l’armée. Au contraire, le fait d’être démilitarisé nous a permis d’être reconnus comme les alliés de toutes les parties du conflit.
En 1994, après un intense débat entre les différentes forces politiques panaméennes dans lequel nous participions activement, la Fondation Arias pour la Paix et moi-même, le Congrès a aboli les forces armées à travers une réforme constitutionnelle. Depuis lors, Costa Rica et Panama partagent la frontière la plus pacifique du monde. Et ce n’est pas par hasard non plus qu’ils représentent les deux économies les plus prospères de l’isthme centre-américain, parce que l’argent qui était destiné à nos armées est affecté maintenant à l’éducation de nos enfants et à la santé de nos concitoyens.
En 1995, Haïti décida de démobiliser ses forces armées et mit fin à un chapelet éternel de coups d’État. Ce fut une décision applaudie par le monde entier.
Mes liens avec Haïti datent de vingt ans à peu près. Depuis lors, je ne cesse de demander au monde développé de ne pas abandonner Haïti, de remettre sa dette externe, de lui tendre la main, de lui apporter une coopération abondante et opportune et de ne pas opter pour l’indifférence. Mais, Haïti a aussi ses propres responsabilités et l’une d’elles est l’adoption de décisions politiques correctes. Tenter de réinstaller l’armée serait une erreur. Pour cela, je ne peux pas garder le silence.
Oscar Arias
Port-au-Prince, février 2012
La démission du Dr. Gary Conille représente un grand choc pour le pays. On se demanderait presque ce que l’article reproduit ici vient apporter. Mais, en y réfléchissant bien, on s’aperçoit qu’il y a là de quoi créer une atmosphère particulière qui, de près ou de loin, gouverne elle aussi.
par Patrick Elie
Mondialisation.ca, Le 24 janvier 2012
De la Nationalité
La question de la nationalité fait de nouveau la une de nos journaux et autres médias. Le sénateur Moïse Jean-Charles a en effet lâché une véritable bombe sur une scène politique déjà passablement agitée : notre Président serait un Italo-Américain et plusieurs des membres de l’ex-gouvernement Conille détiendraient plus d’une nationalité. C’est le plus récent scandale sorti du chapeau de nos politiciens et directeurs d’opinion pour, semaine après semaine, nous hypnotiser et détourner notre attention des problèmes réels de ce pays, qui sont pourtant si profonds et nombreux.
C’est établi : l’Haïtien est nationaliste et orgueilleux. Qui pourrait le lui reprocher, compte-tenu du prix extrême payé par nos ancêtres pour transformer le camp de concentration appelé Saint Domingue en une patrie.
Je me revendique Haïtien, mais j’abhorre le nationalisme dont se gargarisent ceux qui encombrent et polluent le discours médiatique. Nous venons tout juste d’en avoir un exemple à l’occasion de l’inauguration du campus de Limonade. Je précise “campus” et non “université”. En fait, le terme exact devrait être “complexe immobilier” de Limonade. Mais peu importe ! Cependant, parler de “l’Université de la Honte” ou de la gifle assénée à notre pays par la République Dominicaine, relève de la plus crasse bêtise. Un cadeau s’accepte avec élégance et gratitude, puis s’utilise avec efficacité. En aucun cas, il ne saurait servir de casus belli entre deux peuples dont tout l’intérêt est de vider progressivement leurs contentieux et de saisir l’occasion de développer leur solidarité. Il faut remarquer que ce nationalisme est aussi sélectif qu’exacerbé ; il ne s’exerce que contre les “petits pays” les plus proches de nous. Nos ténors nationalistes sont remarquablement silencieux devant les cadeaux de l’Espagne, de la France et des États-Unis, trois pays qui nous ont pourtant causé le plus de torts. “Dan pouri gen fòs sou banann mi”. Affaire de visas sans doute.
En outre, je me sens très mal à l’aise face à une nationalité basée sur le sang. Scientifiquement, cela ne tient pas la route. Il n’y a pas de races humaines, seulement une espèce de bipèdes assez étranges, tous également doués pour le langage et la connerie. On a beaucoup insisté sur leur propension à s’affronter sous des prétextes divers, à se traiter mutuellement d’animaux, voire de démons. La réalité est qu’ils n’ont cessé d’inter-copuler, avec toujours le même résultat : ni une nouvelle espèce, ni un mulet, ni un mulâtre, ni un mutant mais tout simplement un humain, avec la même impressionnante capacité pour la communication et la connerie.
Je hurle en silence, chaque fois que j’entends insulter Toussaint Louverture, en l’affublant du titre de “Génie de la Race”, ou Dessalines de “Défenseur de la Race”. L’un comme l’autre étaient des génies et défenseurs de l’humanité, point boule. Réduire ces deux géants à une dimension qu’ils ont contestée au prix de leur vie, me paraît extraordinairement irrévérencieux.
La nationalité fondée sur le sang. Quelle bêtise !
De ce nationalisme là, on glisse imperceptiblement vers le national-socialisme, le fascisme, le racisme et l’intolérance. J’attends avec angoisse la résurgence du terme : “Haïtien authentique”.
Un de mes amis souffre d’anémie aplasique. Il doit être transfusé au Canada, chaque 15 jours. Vous imaginez bien qu’il n’est pas très regardant sur la nationalité de ses donneurs. Mais qui est-il aujourd’hui ? Depuis le temps que dure son épreuve il n’a plus une goutte de ce sang précieux transmis par une mère ou un père, eux-mêmes Haïtiens d’origine et “n’ayant jamais renoncé à leur nationalité”. Est-il condamné à ne plus servir le pays où il est né et auquel il n’a pas cessé de vouer sa vie ? Un éternel touriste à la peau bronzée ?
Faut-il rappeler à nos nationalistes de service, que pas un des héros de l’Indépendance n’était “Haïtien d’origine” ; ni Makandal, ni Pétion, Toussaint ou Dessalines. Quant aux sublimes va-nus-pieds, ils étaient en majorité des Africains pur jus, nés hors Saint-Domingue. Ces héros que nous ne cessons de célébrer ont forgé eux-mêmes une patrie, au prix “du sang de la sueur et des larmes”, plutôt que d’accepter la nationalité dont la France proposait de les affubler. Et si j’ai bien compris la Constitution de 1805, elle insistait sur le patriotisme plutôt que sur la nationalité. Très tôt après la proclamation de l’Indépendance, des Haïtiens sont partis se battre et verser leur sang pour libérer les pays de notre Amérique, qui leur en gardent encore reconnaissance.
D’ailleurs, l’histoire mondiale nous offre bien des exemples de ces hommes et femmes qui se sont battus, ont sacrifié volontairement leur vie pour des pays où ils n’étaient pas nés.
Faut-il rappeler le glorieux épisode des Brigades Internationales, qui ont mobilisé des milliers de volontaires de nombreux pays, pour la défense de la République Espagnole contre les fascistes dirigés par Franco et appuyés par Hitler et Mussolini ?
Le groupe Manouchian, résistant à l’occupation nazie de la France a été immortalisé par le poème “L’Affiche Rouge” de Louis Aragon, plus tard mis en musique par Léo Ferré. Sur les 23 membres du groupe qui furent capturés et exécutés, par la Gestapo seuls 3 étaient de nationalité française. Ont-ils moins mérité de la France que les miliciens de Vichy, nés de père ou de mère français “n’ayant jamais renoncé...”
Plus près de nous, Che Guevara offre un exemple encore plus saisissant de la dissociation entre nationalité et patriotisme. Né Argentin, il a participé au Guatemala au mouvement de Jacobo Arbenz, est devenu l’un des 5 Commandante de la Révolution cubaine, s’est battu au Congo contre la dictature de Mobutu, avant d’être assassiné en Bolivie.
Les nationalistes de chez nous qui vocifèrent le plus, sont en même temps les plus fervents admirateurs de nos tuteurs Nord-Américains. Certains sont même allés jusqu’à fonder un “Club Barak Obama” en Haïti, et tous tiennent à leur visa ou à leur “green card”, plus qu’à la prunelle de leurs yeux.
Ils oublient sans doute que si les USA sont devenus et restent encore hégémoniques, tant des points de vue économique, scientifique que militaire, c’est en grande partie pour avoir été peu regardants sur l’origine ou la nationalité de qui pouvait contribuer au progrès du pays. Ainsi, Einstein, juif allemand, Enrico Fermi, Italien, qui ont tous les deux joué un rôle déterminant dans le développement de l’arsenal et de l’industrie nucléaires américains. On peut ajouter à cette liste, Modibo Diarra, le Malien. En politique, on peut citer Henry Kissinger, né en Allemagne ; Zbigniew Brzezinski le Polonais et Madeleine Albright native de la Tchécoslovaquie. Le premier a été sous Nixon le Ministre des Affaires Étrangères le plus influent de la seconde moitié du 20ème siècle. Brzezinski a servi Jimmy Carter comme principal conseiller en sécurité nationale, il a été entre autre l’architecte de la normalisation des relations avec la Chine et des accords de Camp David. Quant à Madame Albright, elle a représenté le régime Clinton et les États-Unis à l’ONU.
La plupart d’entre nous sommes fiers de Michaëlle Jean, qui a été Gouverneur-Général du Canada, donc Chef d’État de ce pays où des milliers de nos compatriotes ont émigré pour des raisons diverses et se sont signalés par leur contribution au développement de leur société d’accueil. Ils on été médecins, savants, enseignants à tous les niveaux et mêmes maires et députés, car jamais le Canada n’a refusé leur apport, au prétexte de leur lieu de naissance. Pour revenir à Madame Jean, dont l’attachement à sa patrie d’origine ne peut être mis en doute, rappelons qu’elle est Haïtienne de sang, Française par le mariage et Canadienne par naturalisation. Dans notre pays toujours singulier, mais de moins en moins beau, elle eût été crucifiée pour cette triple appartenance, si jamais elle avait prétendu postuler la mairie de Jacmel.
Nous nous obstinons, au nom d’un nationalisme viscéral, à priver notre patrie de la compétence et du patriotisme patiemment engrangés dans notre diaspora, mais également de la contribution d’étrangers d’origine, sincèrement attachés à la cause haïtienne. Haro sur qui n’est pas Haïtien de sang ! Pourtant des diplomates et dirigeants d’ONG qui n’ont ni affection ni respect pour nous, dirigent notre vie quotidienne et balisent notre futur, depuis le contenu de nos assiettes jusqu’au budget de l’État et au formatage de notre force publique.
Constitution et Nationalité
La Constitution de 1987 est un tissu d’incohérences et d’incongruités, élaboré par une dictature militaire surtout préoccupée de garantir les privilèges de la soldatesque, quitte à jeter quelques os démocratiques à un peuple assoiffé de changement. Les ambigüités de cette charte, les différences entre ses versions créole et française, sont devenues le fonds de commerce des juristes, constitutionnalistes et autres politologues qui prétendent nous faire la leçon.
Aujourd’hui que nous avons, non pas une mais trois Constitutions (en français non-amendé, en français amendé et en créole intouché), nos experts se déchaînent. Cependant, la vérité est toute simple : la Constitution de 1987, si pointilleuse quant à la nationalité du Président de la République, celle du Premier Ministre, des députés et sénateurs, est muette sur celle des délégués et vice-délégués, des membres de la Cour de Cassation, des commandants-en-chef des FAd’H et de la PNH, du Protecteur du citoyen, et est plutôt vaseuse sur les membres d’ASEC, les maires, le Conseil Électoral Permanent, etc. Quoi d’étonnant que dans un tel marécage, les crocodiles se meuvent avec tant de souplesse.
A la Commission sénatoriale récemment formée, je recommanderais de se concentrer sur la nationalité du Chef de l’État et celle du Premier Ministre, plutôt que de se lancer dans une chasse tout azimut, équivalant de fait à noyer le poisson. Si l’un ou l’autre de ces plus hauts fonctionnaires détenait de fait une autre nationalité, il devrait être condamné, non sur cette base, mais pour avoir délibérément trompé leurs concitoyens.
Le nationalisme est une revendication tonitruante et souvent creuse, le patriotisme un engagement, un don de soi. La nationalité est un héritage, alors qu’une patrie se mérite, c’est une conquête permanente. L’être humain n’est pas ce qu’il naît, mais ce qu’il fait.
Pour ma part, je n’aurais aucun problème à être dirigé par un Chef de l’État serbo-croate, pourvu qu’il ait démontré, hors de tout doute, son engagement pour la démocratie et le progrès en Haïti. Un patriote en somme.
Patrick Elie fut secrétaire d’État à la Sécurité publique (1994-1995) sous Jean-Bertrand Aristide .
Patrick Elie est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.
Port-au-Prince, 23 janvier 2012
Cette lettre ouverte pose très clairement le problème de l’existence d’un État de droit à Haïti alors que la Justice serait bafouée, et que le devoir de mémoire resterait un vain mot.
Des milliers d’Haïtiens ont souffert dans des conditions atroces de la dictature de Jean-Claude Duvalier, les caisses de l’État vidées à son profit. Cet ancien réfugié en France continue d’être libre, et il n’est pas inquiété sur le territoire national. Cherchez l’erreur.
A propos de cette lettre ouverte, il nous a été adressé un autre document qui émane du débat lancé par Leslie Péan dès le ... 10 mars 2010, au moment où la catastrophe était la plus patente, et où la désillusion sur l’avenir politique du pays n’avait pas encore atteint le plus grand nombre. Où en est-on aujourd’hui ? N’y-a-t-il pas quelque chose de prémonitoire dans ce débat ?
Paris, janvier 2012
En cette période très propice au souvenir, nombreux sont ceux qui doivent hésiter entre la volonté de reprendre espoir, et la constatation sans illusion du chemin parcouru. Et bien évidemment, les options risquent d’être fort différentes chez ceux qui sont demeurés au pays et ceux dont l’entendement passe par le filtre d’une vie passée au loin. Dans ces conditions, l’objectivité ne peut rester qu’un grand mot que certains n’hésitent pourtant jamais à revendiquer.
Les témoignages ici sont toujours les bienvenus. En attendant, nous pourrions rappeler, comme une référence plus ou moins bringuebalante, la déclaration de politique générale du Premier Ministre Garry Conille qui date déjà de la fin de l’année précédente. Après, il sera toujours temps de parler, après avoir lu la presse « occidentale » pour essayer de se faire une idée.
On pourra également lire avec avantage l’ouvrage Haïti, réinventer l’avenir qui vient de sortir aux Éditions de la Maison des sciences de l’Homme et aux Éditions de l’Université d’État d’Haïti. Le livre a été édité par Jean-Daniel Rainhorn, avec une préface de Michaëlle Jean et une postface de Michèle Pierre-Louis.
Il s’agit d’un ouvrage scientifique, écrit par des universitaires, des chercheurs, des experts internationaux et des acteurs de la société civile haïtienne, qui est destiné à nourrir le débat sur la reconstruction d’Haïti. Une reconstruction qui deux ans après le tremblement de terre n’a pas encore véritablement commencé.
Cet ouvrage comporte les principales interventions du colloque « Haïti : les lendemains qui tremblent » du 12 janvier 2011 ainsi que des contributions extérieures d’experts n’ayant pas participé au colloque mais dont l’opinion ou le rôle qu’ils jouent dans la reconstruction leur donnent une place importante dans le débat d’aujourd’hui (en particulier, des responsables d’organisations humanitaires et de développement).
Le tremblement de terre du 12 janvier peut-il être l’événement qui va faire émerger une nouvelle énergie collective ? C’est la question essentielle qui est abordée dans cet ouvrage collectif en plus des questions sur les responsabilités humaines avant la catastrophe, le rôle des médias et l’engagement de certains acteurs.
Il souhaite contribuer à une prise de conscience et il a l’ambition de donner aux survivants le courage de ne plus accepter l’inacceptable et l’énergie afin que plus jamais Haïti n’ait à connaître de telles tragédies et se retrouve dans la situation dans laquelle le pays s’était lentement enfoncé.
Sommaire
Michaëlle Jean - Préface
Jean-Daniel Rainhorn - Introduction
Chapitre I : Chronique d’une catastrophe annoncée
S. Castor - Les racines séculaires d’une difficile construction nationale
E. Mathurin - La vulnérabilité sociale en Haïti à la veille du séisme
N. Barrette et L. Daleau - Haïti, également terre de cyclones
J. J. Wagner - Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 : un désastre prévisible
Chapitre II : Raconter et montrer : les médias en question
P. Robert - Témoignage : Comment montrer au reste du monde le séisme et ses conséquences ?
J. M. Saint Fleur - La presse haïtienne face aux victimes du séisme
V. Gorin - Le poids des mots, le choc des photos
A. Robert - Maudite presse
Chapitre III : La scène haïtienne au lendemain du séisme
M. Chauvet - Témoignage : Où en est Haïti un an après le séisme ?
L. Hurbon - Religions, politique et mondialisation en Haïti
J. E. Saint Paul - La société civile à l’épreuve d’une crise humanitaire
J. C. Fignolé - Décentralisation : opportunités, limitations et contraintes
F. Grünewald - L’aide humanitaire en Haïti : quel bilan deux ans après le séisme
P. Salignon - Haïti, République des ONGs : l’empire humanitaire en question
Chapitre IV : Éléments pour une reconstruction/refondation
E. Dorismond - Exister dans les catastrophes : souffrance et identité
P. Chanson - Haïti : le Bon dieu est-il vraiment bon ?
M. Mathieu, R. Jean Jacques et D. Dérivois - Résilience et processus créateurs dynamiques : des outils de reconstruction pour les jeunes Haïtiens
T. Calvot, S. Rizk et N. Herlemont-Zoritchack - Nouveau regard sur le handicap : une belle manière de réinventer l’avenir
C. Hector - Les perspectives de la reconstruction/refondation : rebattre les cartes ?
C. Ridoré - Réconcilier Haïti avec sa diaspora : un préalable à une refondation de la société ?
Chapitre V : Réflexion pour aujourd’hui et demain
P. Desmangles - Témoignage : Réinventer le système de santé
E. Kolo Favoreu - Les acteurs locaux laissés pour compte de la reconstruction ?
J. J. Moisset - L’éducation pour tous : priorité des priorités pour le développement d’Haïti
M. Redon - La question foncière : un aspect de la reconstruction qui ne peut être sous-estimé ?
G. Doré - Créer des emplois et promouvoir de nouveaux métiers
J. J. Moisset - L’éducation pour tous : priorité des priorités
D. Desmangles - Les défis de la diaspora haïtienne de Suisse
M. Pierre Louis - Postface
Décembre 2011
C’est vrai, nous avons pris un sérieux retard avec l’actualité. Pourtant, les informations continuaient d’arriver, et il faut bien reconnaître nos fautes. Essayons donc de reprendre le cours de notre communication.
Avec la collaboration de Harry Joseph de Haïti-Focus
Le Ministre de la Présidence, chargé des Haïtiens vivant à l’étranger, Mr Daniel Supplice, a révélé qu’une demande formelle a été déposée récemment par la France auprès du nouveau gouvernement haïtien pour que les anciens présidents, MM. Jean-Bertrand Aristide et René Préval, soient mis à la disposition de la Justice française. Á en croire le ministre en tournée officielle à l’étranger, la Justice française s’apprête à recevoir leur déposition relative aux actes criminels commis par le puissant chef de gang de Bélékou, Amaral Duclona, sous leur présidence. Amaral a été arrêté le 8 Septembre 2009 au complexe touristique "Casa de Campo" dans La Romana, à l’Est de la République dominicaine où il prenait refuge sous le nom de "Berthone Jolicoeur ". Le fugitif a été détenu pendant plusieurs mois par la Direction Nationale de Contrôle des Drogues (DNCD) avant d’être livré aux autorités françaises pour sa présumée participation à l’enlèvement suivi de l’assassinat, le 31 Mai 2005,du consul honoraire de France, Mr Henri Paul Mourral.
Activement recherché par la police haïtienne pour son implication présumée dans des actes d’enlèvement, de séquestration de personnes et d’assassinats, il a pu éviter les filets des hommes de Mario Andrésol.
Avec la dernière révélation faite par le ministre Daniel Supplice, on s’attend à ce que des hommes trop puissants pour être justiciables en Haïti aillent sur les bords de la Seine pour leur concert lugubre à la plus grande satisfaction des autorités françaises.
15 octobre 2011
La Politique Générale vient d’être approuvée par la Chambre des députés.
Samedi matin à 8h19, après onze heures de discussions intenses, le projet du Dr. Garry Conille a été accepté par 81 députés sur les 88 qui étaient présents lors du vote, et 7 abstentions.
Le Premier Ministre a remercié la Chambre basse en reconnaissant que cette approbation ne constituait pas un blanc-seing pour son gouvernement et lui-même. Il a dit vouloir tenir compte des remarques et recommandations évoquées lors des débats, et il s’est affirmé déterminé à entreprendre aussitôt la lourde tâche qui lui incombait désormais. Comme tous les observateurs de la vie haïtienne, il sait trop bien à quel point le peuple commençait à se lasser d’attendre ce moment enfin favorable.
14 octobre 2011
Ce jeudi 13 octobre 2011, le nouveau Premier Ministre, le Dr. Garry Conille a soumis au Sénat la composition de son Cabinet ministériel et fait lecture de l’énoncé de la Politique Générale du Gouvernement. Après lecture, le nouveau Premier Ministre a fait face aux réactions et répondu aux nombreuses questions et demandes de précisions des sénateurs. Un exercice qui a duré près de 8 heures et s’est s’achevé vers 3h15 du matin par un vote favorable. La séance aura duré au total près de 12 heures.
« ...juste avant de passer au vote, je demande au Premier Secrétaire de donner lecture de l’article 158 de la constitution » a déclaré Jean Rodolphe Joazile, le Président du Sénat.
[article 158] « Le Premier Ministre en accord avec le Président choisit les membres de son Cabinet ministériel et se présente devant le Parlement afin d’obtenir un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale. Le vote a lieu au scrutin public et à la majorité absolue de chacune des deux (2) Chambres. Dans le cas d’un vote de non confiance par l’une des deux (2) Chambres, la procédure recommence. »
Après lecture de l’article 158, le Président du Sénat a procédé au vote :
« ...merci, je rappelle que la majorité absolue au niveau du Sénat de la République est de 16, la déclaration de Politique Générale du Premier Ministre est mise au vote, ceux qui sont pour, levez la main s’il vous plaît. Premier Secrétaire, faites le contrôle pour moi, merci 16 pour ; ceux qui sont contre, levez la main s’il vous plaît, 4 contre ; ceux qui s’abstiennent, levez la main s’il vous plaît, 5 abstentions. La déclaration de Politique Générale du Premier Ministre Garry Conille est adoptée. Merci. »
Le Premier Ministre Conille devra se soumettre au même exercice devant la Chambre des Députés, ce vendredi [sauf report imprévu]. S’il obtient un vote favorable, le nouveau Premier Ministre et son cabinet ministériel pourront enfin, entrer en fonction.
Composition du cabinet ministériel du Gouvernement Martelly-Conille :
http://www.haitilibre.com/article-4017-haiti-politique-composition-du-cabinet-ministeriel-du-gouvernement-martelly-conille.html
28 août 2011
À côté des phénomènes naturels dont les effets sur la sécurité alimentaire peuvent se révéler dramatiques pour les plus démunis, il faut aussi mentionner la situation politique qui ne favorise pas le développement de conditions propices aux investissements et à la création de nouveaux emplois durables. Aucune politique ne peut être définie en vue d’aider les agriculteurs qui ont perdu en grande partie les plantations de printemps.
La récolte du printemps demeure en général faible à travers presque toutes les régions du pays à la suite de la sécheresse enregistrée entre mars et juin. En comparaison des cinq dernières années, cette situation a engendré une faible disponibilité en produits alimentaires locaux dans les zones les plus affectées comme dans les départements du Sud‐est (Côtes de fer, Grand‐Gosier et Anse‐à‐Pitres), du Nord‐Ouest (Baie de Henne, Bombardopolis), du Nord (Bahon, Pignon, et Ranquitte), et du Nord‐Est (Ferrier, Fort Liberté, Terrier‐Rouge, Caracol), particulièrement en août et septembre.
Dans les régions du Sud où les plantations de printemps ont partiellement réussi, les prix des produits alimentaires locaux comme le maïs s’affichent à la baisse. Par exemple, dans la région des Cayes, considérée comme l’une des plus grandes zones productrices du maïs, la marmite de 6 livres est passée de 68 gourdes en juillet à 50 gourdes au début du mois d’août. Le haricot noir a connu une baisse dans la région des Gonaïves, mais il est en hausse dans la région des Cayes et de la Grand‐Anse en raison des semis en cours dans les montagnes humides. Les produits importés comme le riz et le maïs sont à la hausse sur la plupart des marchés. Cette augmentation du prix est due à une transmission du cours des produits sur le marché mondial, ainsi qu’à la baisse du volume importé. Si la tendance du prix du riz se maintient, elle pourra aggraver l’insécurité alimentaire dans le pays au cours des prochains mois dans la mesure où le riz constitue l’aliment de base de la population.
Avec cette augmentation du prix du riz et d’autres produits de base comme le sucre, le pouvoir d’achat des pauvres continuera de diminuer. Selon l’Institut Haïtien de Statistiques et d’Informatiques, le taux d’inflation en glissement annuel s’approche de 10 %. En outre, la monnaie locale, la gourde, se déprécie par rapport au dollar. Ce qui entraînera une appréciation des coûts des produits importés dont les produits alimentaires pour lesquels environ de 50 % des besoins de la population sont importés. Toutefois, on observe une augmentation du montant des transferts de fonds de la diaspora vers le pays. De 80 millions de dollars en juin 2010, le montant est passé à 88 millions en juin 2011, soit une augmentation de 9 %.
Mise à jour des projections de sécurité alimentaire jusqu’à décembre 2011 :
Nord‐Ouest :
Les semis tardifs effectués en juin sont prometteurs dans les communes de la pointe occidentale du département. Les récoltes débuteront vers la mi‐septembre. Du fait de la persistance de la sécheresse au cours des trois dernières saisons et de la perte des cultures, les pauvres resteront en crise (Phase 3) en août et en septembre dans les communes de Baie de Henne et de Bombardopolis. Entre octobre et décembre la situation s’améliorera et les pauvres passeront à la phase 2. Dans la partie orientale du département, la situation est sensiblement meilleure, mais se maintient en‐dessous de la normale.
Nord‐Est :
Si les pluies ont favorisé le développement des cultures dans les montagnes humides, la sécheresse a provoqué leur perte à Ferrié, Fort Liberté (à l’exception de la plaine de Maribaroux), Terrier Rouge, Caracol et Trou‐du‐Nord), prolongeant ainsi la période de jonction, qui prend fin généralement en juin. À partir de juillet, dans la zone de plaine en monoculture, les rizières sont en croissance grâce à la montée du niveau d’eau dans les rivières et les lagons. Les prix sont stables mais plus élevés qu’en juillet 2010. La majorité des pauvres resteront en précarité (Phase 2) en août et septembre. Avec les récoltes attendues des montagnes humides, une légère amélioration de la situation peut s’opérer entre octobre et décembre. La proximité de la République Dominicaine offre des opportunités de travail et des revenus ponctuels lors des jours de marchés [lundi et vendredi] à des milliers de personnes qui traversent la frontière.
Nord :
Presque toute la région du Nord était frappée par la sécheresse qui a retardé les semis du printemps ; ces derniers ont pu être initiés en juin avec l’arrivée des pluies. Les zones réputées arides comme Bahon, Ranquitte et Pignon ont été les plus affectées. Les pauvres se déplacent vers la République Dominicaine ou dans les communes de Quartier Morin et de Limonade à la recherche du travail. Ils sont pour la plupart en crise (Phase 3), mais avec les récoltes du maïs et du sorgho qui s’échelonneront entre fin septembre et octobre, leur situation alimentaire devrait s’améliorer. Ils seront en Phase 2 entre octobre et décembre.
Sud‐Est :
La région du Sud‐Est a également souffert de la sécheresse pendant la période de plantation entre mars et juin. Les pertes du maïs et du haricot sont estimées à environ 50 % dans la plupart des zones de production. Grand‐Gosier, Anse à Pitres et Côtes‐de‐Fer sont les communes les plus touchées. Le haricot est la principale source de revenus pour les agriculteurs d’Anse‐à‐Pitres et de Grand‐Gosier. La perte de cette culture est évaluée à plus de 30 % dans ces deux dernières communes, réduisant l’accès des pauvres aux aliments de base. De plus, la région de Côtes‐de‐Fer a été touchée par la tempête Emilie qui a endommagé les fruits en production (avocats et arbres véritables). Les pauvres de ces communes seront en crise pendant le mois d’août et de septembre, mais pourraient voir leur situation s’améliorer entre octobre et décembre [en l’absence de problèmes climatiques] en faveur des récoltes du haricot et d’autres cultures semées en juillet et août à Belle‐Anse et Anse‐à‐Pitres. Cependant, Côtes‐de‐Fer continuera à être en crise jusqu’à la fin de décembre quand commencera la récolte du sorgho et du pois congo.
HL/ HaïtiLibre / FEWS NET/ CNSA
Port-au-Prince, 23 août 2011
Bulletin spécial # 15 du mardi 23 août 2011
L’œil de l’ouragan Irène de catégorie 2 sur l’échelle Saffir-Simpson se retrouve pour l’instant à plus d’une centaine de kilomètres au nord de la côte nord d’Haïti. Les menaces par rapport aux conditions de tempêtes sont toujours de mise pour toutes les côtes nord d’Haïti.
En effet, à 1 h pm ce mardi 23 août 2011, l’œil de l’ouragan Irène a été localisé à 20.7 degrés de latitude nord et 71.2 degrés de longitude ouest soit 170 km au nord nord-ouest de Ouanaminthe, 140km au nord nord-est du Cap-Haitien et 260km au nord-est de Port-au-Prince. Il se déplace à 17km/h en direction ouest nord-ouest. Les vents max soufflent à 160 km/h avec des rafales bien plus supérieures. Les vents d’ouragan soufflent maintenant dans un rayon de 85 km à partir du centre et les vents de tempêtes sur un rayon de 335 km toujours à partir du centre. La pression centrale mesurée est de 977 hectopascals.
« Irène » peut produire entre 100 à 150 millimètres de pluie en plaine, mais avec des excédents de précipitations sur les terrains montagneux des régions nord et centre d’Haïti aujourd’hui. Une large zone de précipitation se développant au sud de la République Dominicaine pourrait atteindre également la région sud du pays cet après-midi et ce soir.
En conséquence, le SPGRD maintient ce mardi 23 août 2011 le niveau de vigilance rouge du Plan National de Gestion des Risques et des Désastres (PNGRD) ( i.e. risque d’impact d’intensité violent à extrême) face aux menaces persistantes de fortes pluies, de coup de vent, avec risques d’éboulements, de glissement de terrain et d’inondations d’intensité rouge pour tous nos départements notamment le nord-est, le nord, le nord-ouest, le centre, l’ouest et l’Artibonite.
Le CNM de concert avec le SPGRD, la DPC et la SEMANAH interdit les opérations de cabotage sur toute la côte nord d’Haïti jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure de restriction pourrait s’étendre sur les côtes sud et le golfe de la Gonâve si c’est nécessaire.
Le CNM de concert avec le SPGRD, la DPC, l’AAN et l’OFNAC interdit également les vols en provenance et à destination des aéroports du Cap-Haitien, de Port-de-Paix et de Hinche jusqu’à nouvel ordre.
Consignes :
Le SPGRD et la DPC demandent à la population des zones à risques d’inondation, d’éboulements, de glissement de terrain de respecter les consignes suivantes.
* Se tenir à l’écoute des messages météo.
* Mettre hors d’eau tout ce qui peut être endommagé en cas d’inondation.
* Rejoindre votre logement ou les abris sûrs signalés par les autorités locales des comités départementaux.
* Consolider les toitures en tôle et la mise à la terre des tentes dans les camps.
· Se préparer à évacuer si nécessaire les zones exposées aux inondations et glissements de terrain : (plaines inondables, bords de mer, ravines, rivières, flancs des montagnes, etc).
· Ne traverser les rivières en crue sous aucun prétexte.
* De s’abriter en lieux sûrs à l’intérieur des maisons, loin des fenêtres lors des orages violents.
Talot BERTRAND, Ing-Agr.
Chef de Service de Planification et de Mobilisation des Ressources
Direction de la Protection Civile (DPC)
Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT)
(509) 3733-5953 / 3472-6092
Port-au-Prince, 3 août 2011
Port-au-Prince, mardi 2 août 2011- 06h00 –
Le Secrétariat permanent de gestion des risques et des désastres, de concert avec le Centre national de météorologie (CNM), lance, ce mardi matin, l’alerte cyclonique rouge après une légère accélération de la tempête tropicale Emily, née la veille vers 7:00 pm à proximité de l’Arc antillais.
La tempête, dont le centre est situé pour le moment sur la partie est la mer des Caraïbes, à 390 km au sud-est de Porto Rico, se déplace à une vitesse de 26 km/h vers l’ouest et pourrait toucher la République Dominicaine puis Haïti dans les prochaines 24 à 48 heures. Elle fait peser des menaces persistances de fortes pluies, de forts vents avec des risques accrus d’éboulements, de glissements de terrain et d’inondations sur l’ensemble du pays, en raison de l’extrême vulnérabilité de certains départements.
Le Secrétariat permanent de gestion des risques et des désastres (SPGRD) et la Direction de la Protection civile (DPC) ont activé le Centre d’opérations d’urgence national et appellent la population des zones à risques d’inondation, d’éboulement, de glissement de terrain à respecter les consignes suivantes :
Se tenir à l’écoute des messages météo ;
Mettre hors d’eau tout ce qui peut être endommagé en cas d’inondation ;
Consolider les toitures en tôles et les tentes dans les camps (jusqu’à ce mardi après-midi) ;
Constituer les réserves alimentaires ;
Se préparer à évacuer si nécessaire les zones exposées aux inondations et glissements de terrain : plaines inondables, bords de mer, ravines, rivières, flancs des montagnes, etc. ;
Ne traverser les rivières en crue sous aucun prétexte ;
S’abriter en lieu sûr à l’intérieur des maisons, loin des fenêtres lors des orages violents.
Le Système national de gestion des risques et des désastres, avec l’appui des partenaires internationaux, renforce la mobilisation pour accompagner la population haïtienne. Les Coordinations départementales, les comités communaux et locaux, ainsi que les sapeurs-volontaires de la protection civile sont en état d’alerte, alors que le Centre national de météorologie continue à suivre attentivement l’évolution du système cyclonique pour en informer la population.
Pour plus d’information concernant la météo :
www.meteo-haiti.gouv.ht
http://www.meteo-haiti.gouv.ht/vigilance.php
Port-au-Prince, 18 juillet 2011
Hier soir, Lénord Fortuné « Azor », chanteur et tambourineur du groupe Racine Mapou de Azor a rendu l’âme à l’hôpital Bernard Mevs après avoir effectué un spectacle dans le cadre des festivités de la fête de Mont Carmel.
« J’ai le tambour dans l’âme et la musique dans les entrailles » dixit Azor.
Le groupe « Racine Mapou de Azor » était dirigé par Lénord Fortuné « Azor », chanteur et tambourineur qui a appartenu à de nombreuses formations de konpa (dont SS One et Scorpio) ou de folklore (troupe Bakoulou), avant de faire partie du groupe « Racine Kanga de Wawa ». Dans les années 90, porté par le mouvement racine, ce groupe, mené par Jacques Maurice Fortéré, « Wawa » a entrepris de jouer la musique vodou en concert : avec lui, il est passé directement du hounfort (temple vodou) à la scène.
Le succès rencontré par le groupe « Racine Mapou de Azor » signifie la normalisation du vodou, à travers sa musique, sa reconnaissance en tant que culture, et l’acceptation de la part africaine et paysanne de l’identité haïtienne.
Dans cette optique, les membres du groupe, qui reconnaissent tous être des vodouisants pratiquants, s’inscrivent explicitement dans la tradition et l’univers symbolique vodou, auquel le nom du groupe fait référence. Ils aspirent à maintenir le contact avec les racines de la tradition et du sacré, à l’image du mapou, arbre sacré du vodou aux racines imposantes, réputé héberger des esprits.
Musicalement, avec chants et percussions, tambours basses et congas, le groupe « Racine Mapou de Azor » interprète la musique traditionnelle ou racine pure, c’est-à-dire sans arrangement moderne ni instrument électrique. Marquée par le battement inlassable des tambours d’inspiration petro à peine soutenus par une boîte à rythme, la voix puissante d’Azor, au timbre caractéristique des prêtres-vodou, secondée par un chœur de femmes, célèbre les loas vodou , chante l’attachement aux racines ou commente les épisodes de la vie politique et autres querelles artistiques...
Port-au-Prince, 2 juillet 2011
L’Association Haïtienne de Psychologie (AHPsy), a ouvert jeudi son premier congrès scientifique de psychologie sous le Thème « La Santé Mentale en Haïti après le 12 janvier : Traumatismes, Approches et Traitements ».
Cette nouvelle association de psychologues haïtiens s’est proposé « d’ouvrir le débat et la réflexion sur les traumatismes engendrés par le séisme du 12 janvier 2010, dans le souci de contribuer à une meilleure prise en charge psycho-sociologique des Haïtiennes et des Haïtiens », peut-on lire dans le document distribué aux invités et aux participants.
Pendant trois jours, du 30 juin au 2 juillet 2011, des conférenciers venus de France, de Suisse, du Canada-Québec et des États-Unis ont débattu avec leurs collègues haïtiens des sous-thèmes suivants :
* Le Psychologue dans l’Haïti d’Aujourd’hui
* Multidisciplinarité dans les Appuis Psychosociaux en Haïti
* Approches Familiales, Communautaires et Collectives de prise en charge des traumas
* Référents Culturels et Mécanismes de Résilience en Haïti
* Expressions, Verbalisations et Communications comme Thérapies.
Ce congrès scientifique s’est fixé pour objectifs de « réunir les différents professionnels de la santé mentale (Psychologues, Psychiatres, Travailleurs Sociaux, Médecins, Infirmières, Guérisseurs, etc.) pour échanges et discussions » ; de « constituer une véritable plateforme de discussion pour la santé mentale en Haïti par la mise en place d’un réseau de professionnels et d’institutions concernés » et de « mettre à la disposition de la société haïtienne des informations et communications scientifiques sur les psycho traumas. »
Le Bureau Caraïbe de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l’un des partenaires de ce congrès, salue cette initiative et encourage les organisateurs à publier dans les meilleurs délais les actes scientifiques de cette rencontre. « Ces actes de colloque une fois publiés permettront de combler le vide dans le domaine des sciences psychologiques en Haïti et seront, sans aucun doute, utiles aux étudiants, aux universitaires et aux professionnels de la santé », a fait savoir M. Jean Marie Théodat, Directeur du Bureau Caraïbe de l’AUF.
Dans le même ordre d’idée, et pour donner à l’avenir des perspectives plus positives, un master international en psychologie est en cours d’élaboration à la faculté des sciences humaines de l’Université d’État. Il devra desservir pendant les cinq années prochaines plusieurs milliers de personnes traumatisées du séisme et d’autres catastrophes naturelles, mais ausi de l’insécurité et autres phénomènes liés à la violence urbaine.
HL/ HaïtiLibre / AUF
Rediffusion en direct de Port-au-Prince à 10h du matin heure d’Haïti (17h heure de France), sur www.grahn-monde.org
Le Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle (GRAHN) est une organisation mondiale qui regroupe plusieurs centaines de professionnels, d‘experts et de citoyens haïtiens, de l’intérieur et de l’extérieur, ainsi que des amis d’Haïti.
Aujourd’hui, après de nombreux efforts, c’est officiel ! Le GRAHN fait désormais partie intégrante du paysage social haïtien. Pour souligner, l’ancrage du GRAHN en sol haïtien, GRAHN-Haïti invite les Haïtiens de partout et tous ceux qui supportent la cause haïtienne à suivre sur le Web, en direct de Port-au-Prince, la diffusion de son lancement, le 21 juin 2011. Ce sera l’occasion d’en savoir plus au sujet de ce mouvement citoyen, large et inclusif, visant la construction d’une nouvelle société haïtienne d’ici 2030.
Intervenants lors du lancement de GRAHN-Haïti :
1. Samuel Pierre, président de GRAHN-Monde
2. Jean-Vernet Henry, recteur de l’UEH
3. Jacky Lumarque, recteur de l’université Quisqueya
4. Myriam Gousse Larsen, Groupe de lecture du Canapé-Vert
5. Pierre Léger, agronome et industriel
6. Laurence Gauthier Pierre, présidente GRAHN-Haïti & GRAHN-Port-au-Prince
Bonne Réception, with kind regards,
Raymond KERNIZAN
Président de GRAHN-France
E-mail
http://www.haiti-grahn.net
http://www.facebook.com/pages/GRAHN-Monde/125665430829222 ?v=wall
Port-au-Prince, 18 juin 2011
Livre en folie 2011, l’AUF présentera son offre de contenus numériques
À l’occasion des 50 ans de l’Agence universitaire Francophonie (AUF), le Bureau Caraïbe se joint cette année à la 17e édition de Livres en Folie et à la Quinzaine du Livre en Haïti, deux évènements d’envergure internationale qui accueilleront 134 auteurs en signatures, et où plus de 1400 titres seront disponibles.
La journée du 23 juin 2011, à partir de 10h00 du matin au Parc historique de la Canne à Sucre à Tabarre, le Bureau Caraïbe dévoilera à travers un stand mis à sa disposition par les organisateurs de Livres en Folie son offre de contenus numériques Lors de cette journée, l’accent sera mis, entre autres, sur le site internet des Savoirs en partage, la bibliothèque en ligne des savoirs en partage, ScholarVox AUF : plateforme de livres numériques et les publications de l’AUF : revues scientifiques, etc.
En prélude à ce grand événement, le Bureau Caraïbe de l’AUF propose au public toute une série de conférences-débats animées par les écrivains et les universitaires haïtiens. Le 21 juin, de 9h00 à 14h00, aura lieu au Bureau Caraïbe Agence universitaire de la Francophonie (AUF), sis au 51, rue Dufort, Bois Verna, une Journée Portes Ouvertes au CNFP ayant pour thème les ressources bibliographiques en ligne.
Le 22 juin de 10h00 à 13h00 aura lieu une conférence-débat à l’Université Quisqueya, ayant comme thème : Regards croisés sur la Constitution haïtienne : hier, aujourd’hui et demain , avec comme invité Fritz Deshommes, Me Montferrier Dorval (non confirmé), Me Bernard Gousse, la modératrice sera Mirlande Manigat.
Le 22 juin en après-midi seront inaugurés deux espaces numériques PENDHA, Espace Planète Santé - UniQ (6, ave Jean-Paul II, Turgeau) et Espace polyvalent - INUQUA (Blvd15 Octobre, Tabarre 43).
Le 23 juin à partir de 10h00, Exposition des documents numériques de l’AUF au Parc historique de la Canne à Sucre, l’enseignement numérique au service des universités haïtiennes : Bibliothèques numériques de l’AUF, démonstration de visioconférences ; conférence de presse à midi.
Le 27 juin de 9h00 à midi, aura lieu à la Faculté des Sciences - UEH sise 270, Angle Rues Msgr. Guilloux et Joseph Janvier une conférence-débat ayant pour thème : Une île pour deux : Haïti et la République Dominicaine ? ; elle sera animée par Jean Marie Théodat.
Et pour finir le 1er juillet de 9h00 à midi, aura lieu une conférence-débat sur le thème de : Le cercle des romanciers : regards croisés , avec comme invité Gary Victor, Évelyne Trouillot, Kettly Mars et comme modérateurs Darline Alexis et Jean Marie Théodat. Cela ce passera à l’Auditorium Ste Rose de Lima à Lalue.
Lire aussi :
http://www.haitilibre.com/article-3156-haiti-culture-livre-en-folie-2011-une-edition-exceptionnelle.html
HaïtiLibre
Haïti, 18 mai 2011
C’est à l’A