>>Rencontre avec Ricardo Darin pour El Chino et Un elefante blanco. La critique de Lola de Sucre
Paris, le 5 février 2012
個中國的故事 par Lola de Sucre
Un couple dans une barque se regarde amoureusement, l’homme s’éloigne un temps de sa fiancée pour aller chercher la bague qu’il veut lui offrir, le ciel, bien que sans nuage, devient menaçant. Une vache en tombe et s’écrase mortellement sur la fiancée...
Stupide fin de vie et étrange début de film : c’est de cette façon pourtant que commence le premier film El chino de l’Argentin Sébastian Borensztein.
Ce début est digne des scènes d’ouverture de la série télévisée Six feet under (créée par Alan Ball, 2001) qui mettaient invariablement en scène des décès aussi anecdotiques qu’absurdes.
A cette scène inaugurale dans laquelle la romance bascule dans l’horreur absurde répond une scène banale. Nous voilà propulsés en Argentine : à Buenos Aires dans la quincaillerie d’un homme qui compte scrupuleusement des clous. Comme il y en a moins que ce qui devrait être, il s’énerve au téléphone et même au-delà une fois l’appareil raccroché.
En quelques minutes, le deuxième personnage est esquissé. L’Argentin Roberto (Ricardo Darin) est un être solitaire et désagréable, enfermé dans une vie faite de petites manies.
Quelle forme prendra la rencontre entre ces deux êtres opposés ?
Dans la vie de Roberto l’Argentin, rien ne se passe et tout semble réglé au millimètre près alors que dans celle de Jun le Chinois (Ignacio Huang), tout n’est que chaos. C’est au cours d’un autre drame, moindre drame mais violent tout de même, qu’il fait irruption dans la vie de Roberto. Ejecté d’un taxi, Roberto lui vient en aide et constate d’emblée son inaptitude à le comprendre et à en être compris. Sur le bras de Jun, une adresse et cette marque sur la peau de l’autre est comme une réminiscence des temps obscurs.
Ainsi il y a d’une part un homme, Roberto, qui a tout, c’est-à-dire : la langue, un toit, un travail et même l’amour qu’il rejette évidemment –celui de Mari (Muriel Santa Ana). De l’autre, Jun, un autre homme, qui n’a rien : ni la langue, ni un toit ni de l’argent, et encore moins l’amour puisqu’il vient de perdre la femme qu’il aime.
Alors que Roberto souffre d’immobilisme narcissique et collectionne les articles narrant des morts incongrues pour se convaincre de l’absurdité de la vie, Jun, tente de se donner une autre chance en cherchant à reconstruire sa vie en Argentine en partant de presque rien.
En résumé : Roberto est un casse pied qui ne connaît pas sa chance !
La conclusion, imparable, est la rédemption de Roberto tandis que l’autre, Jun, poursuivra son parcours semé d’embûches, mais là, le réalisateur ne le suit plus, bien plus intéressé par le devenir de l’Argentin. La vie est injuste, si on ne le savait pas, nous en voilà convaincus…
Dommage que le film se place du point de vue de celui qui a tout, accentué par le fait que celui-ci soit porté par un acteur connu et reconnu, Ricardo Darin (entretien vidéo plus bas).
Une des bonnes idées du film était de ne pas traduire Jun afin que le spectateur se sente tout aussi désemparé que Roberto.
En fin de compte, rien de révolutionnaire dans ce cinéma là, juste des opinions courantes et bien pensantes, rien qui fâche et rien de fâcheux non plus du reste…
Ce film vient pourtant de recevoir le Goya du meilleur film hispano-américain…
Lola de Sucre
El Chino de Sebastián Borensztein avec Ricardo Darin. En salle le 8 février.